T’es mal barré, p’tit frère blanc ! Et nous aussi !

[Par Djamaleddine BENCHENOUF]

 

Oui, t’es vraiment mal barré ! Et nous aussi ! Mais le pire est que tu ne le sais pas toi-même. T’as les yeux sur le guidon, ou plutôt sur l’écran qui te fourgue ton prêt-à-penser, ton prêt-à-bouffer, ton prêt-à-haïr, ce que doit être ta mode, tes idoles, tes émotions, et même tes boucs émissaires, en guise de soupape pour évacuer le trop plein qui pourrait faire péter le carcan où t’as laissé enfermer ton ciboulot.

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Tu es là, la bouche ouverte, le regard hagard, les yeux rivés sur les images qui défilent, à absorber ta grosse portion de tartakon. T’es accroc, tu ne peux plus t’en passer ! T’as besoin de ta dose, que tu achètes sous des emballages divers et variés, télé, radio, journaux, internet. Les emballages foisonnent, ils pullulent, jusque dans ta boîte à lettres, dans ta boite mail, jusque dans tes sms.

 

T’es mal-barré mon gars ! Ta télé, ton téléphone, tes nippes, tes meubles, ta bagnole, et tout ce que tu as payé avec le salaire qu’on te consent, ils sont encore en bon état de fonctionnement, mais on te demande d’en changer, d’en acheter de nouveaux, dont on te dit qu’ils sont meilleurs, plus compétitifs, et tu fais ce qu’on te demande. Tu passes ton temps à courir après l’argent, pour pouvoir satisfaire ces étranges besoins qu’on t’inocule, tu travailles de plus en plus, et même que tu t’endettes, mais tu ne peux pas ne pas exécuter les ordres des magnétiseurs. Et eux, pour parer à toute velléité de ta part, ils font en sorte que tous tes bidules, et tous tes gadgets ne puissent pas fonctionner trop longtemps, même si tu le voulais. Alors ils les produisent de façon à ce qu’ils tombent en panne, et que pour les réparer ça te coûterait plus cher que d’en acheter d’autres tout neufs. Et tu marches ! Et même que tu applaudis à ton Président quand il te harangue de travailler plus pour gagner plus.

 

Tu pourrais travailler moins longtemps, prendre le temps de vraiment vivre, et consommer moins, sans que ça ne te rende moins heureux. Tu laisserais ainsi la place aux cohortes de chômeurs qui ne trouvent pas de boulot, et tu épargnerais un peu cette planète dont nous avons largement entamé le capital naturel. Mais malgré tes études, toute l’info que tu ingurgites par gros paquets, tu ne vois même pas qu’on a pillé les entrailles de la Terre, et pollué son atmosphère. Mais non ! Tu ne vois ni n’entends. Ce n’est pas de ta faute. T’as pas le choix, tu es sous contrôle, et on veut que tu détruises le monde où tu vis. Et tu fais ce qu’on te dit de faire.
T’es mal barré p’tit frère blanc ! Tu n’as besoin que d’une petite quantité de viande, ou même pas du tout, mais on t’en fait bouffer des quantités énormes, venues d’animaux qui sont élevés dans des conditions atroces. On t’empiffre de l’angoisse de pauvres bêtes qui sont bourrées aux hormones et aux antibiotiques, qui sont privées de l’affection et du lait de leurs mères, qu’on fait grossir dans des espaces confinés, où elles pataugent dans leurs excréments, parfois sans jamais voir la lumière du jour.

 

Et tu ne sais même pas ce que cet élevage intensif génère de souffrances. Ni ce que ton MacDo coûte à l’humanité entière. Pour nourrir ces milliards de pauvres bêtes, il faut leur faire consommer 7 kilos de céréales et 16000 litres d’eau pour obtenir un seul kilo de viande. Et tu ne sais pas que c’est autant de céréales et autant d’eau qui auraient pu nourrir et abreuver les milliards d’êtres humains qui crèvent la dalle, et qui crèvent de soif. Juste pour que tu puisses bouffer 100 kg de viande par an.

 

Et tu ne veux même pas savoir ce qu’est la souffrance de la pauvre oie qu’on gave, pour qu’elle te donne ce foie gras dont tu te délectes. Tu ne sais même pas que tu manges le foie d’une bête obèse, qui a souffert toute sa vie, trois fois par jour, pour te donner un organe malade.
Et t’es là, p’tit frère blanc, à courir dans tous les sens, rêvant de posséder mieux que les autres, de consommer mieux que les autres, de pouvoir parader, pétarader, mettre la marque de tes nippes en gros, sur ton dos, pour qu’on sache qui tu es, ce que tu peux te permettre !
Sur l’écran de tes plus beaux rêves, ce ne sont plus que carrosseries rutilantes, Rolex et black-berry. Tu es malheureux de ne pas pouvoir te les offrir. Et quand tu les as, tu les montres, tu les hisses au sommet de tes pathétiques illusions.

 

Ceux qui te formatent, qui modèlent ta matière grise, qui dessinent tes rêves en kit, ont presque fini par se lasser de tant de docilité. Ils ont tout essayé avec toi, et tu marches à tout. Comme un seul homme. Tu ne résistes à rien. Alors eux, pour s’amuser un peu, et varier le plaisir, ils se sont mis à essayer sur toi des trucs complètement hallucinants. Ils ont été au bout du bout de leur imagination la plus débridée, pour espérer te voir enfin te cabrer, un tout petit peu, pas trop, pour pouvoir eux-mêmes retrouver de l’enthousiasme pour ce qu’ils font, et inventer de nouvelles méthodes pour te re-domestiquer, mais peine perdue. Tu gobes tout !
Tu as quand même obéi, comme un vrai zombie, à leurs suggestions les plus hilarantes. Ils t’ont inventé des modes de clowns pour marchés à bestiaux, et tu les as adoptées dans l’enthousiasme le plus délirant. Ils t’ont demandé de porter des pantalons à mi-fesses, des cordes en guise de slip, des chaussures à lacets qui pendent, des casquettes improbables, des couleurs de cheveux fluo, de te faire mettre des seins en silicone, et tu as dépensé tout ce que tu avais pour te mettre aux normes décrétées. Ils n’en sont pas revenus eux-mêmes, de ta fièvre acheteuse, de ta malléabilité.
Ils t’ont demandé de te tatouer, de te mettre des boucles d’oreilles, des anneaux aux naseaux, et même des breloques sur le sexe. Tu l’as fait !

 

Ils t’ont dit de gribouillis que c’étaient des œuvres d’art, et tu t’es extasié. Ils t’ont ordonné de considérer du bruit comme le nec plus ultra de la musique, et tu as obtempéré, d’aller faire du tourisme dans des bateaux-ville, et tu as pris ton appareil photo pour t’immortaliser dans les grandes surfaces de la croisière de masse, pour bétail humain. Ils t’auraient suggéré de balancer ta mère dans la flotte que tu l’aurais fait.

 

Eux-mêmes, ces gens qui agitent tes ficelles, ne savent plus pourquoi ils font tout ça. Ils ont oublié, puis la machine s’est mise à tourner toute seule, ou presque. Eux-mêmes sont devenus des marionnettistes-automates, dont d’autres marionnettistes tirent les ficelles, dans une chaine infinie de manipulateurs qui manipulent des manipulateurs, qui manipulent des manipulateurs.

 

Ils savent confusément que cela leur donne le pouvoir sur toi, mais à la longue, ils ont acquis le sentiment qu’avoir le pouvoir sur toi, où sur les poulets de batterie qu’ils engraissent pour toi, c’est presque kif-kif.

 

Ils auraient voulu que tu résistes un peu, pour mettre du sel dans la fadeur de leur sale boulot. Mais la dose était trop forte, et il n’est plus possible de la réduire. Tu casserais la baraque. Tu ne te révolteras contre rien, contre aucune injustice, aucune oppression, pas même contre la destruction inexorable de ta propre planète, mais si jamais ils décidaient de te ramener à plus de conscience, parce qu’ils se rendent compte maintenant qu’ils sont allés trop loin, et qu’ils sont en train de scier la branche sur laquelle ils sont eux-mêmes assis, alors là tu te rebifferais.
Tu es devenu un esclave shooté à son propre esclavage. Un esclave accro à ses chaînes. Pas question pour toi de te libérer, ni même de te faire libérer malgré toi. Tu deviendrais incontrôlable. Alors, ils continuent ! Et même qu’ils multiplient ta dose, parce que celle que tu as ne te suffit plus, et parce qu’il faut l’augmenter chaque jour.

 

T’es mal barré p’tit frère blanc ! T’es mal barré ! Et nous aussi ! Et le comble du comble, et que non seulement tu ne mesures pas l’état déplorable où tu as été mis, mais qu’en plus, tu l’ériges en valeur suprême, et tu es révolté, oui, oui, révolté, au plus profond de toi, que les autres peuples n’aient pas pu se hisser au niveau de ta déchéance, à ce que tu crois être des valeurs suprêmes.

 

T’es mal barré, mon gars ! Paumé, halluciné, mais non moins béat d’admiration pour l’image que renvoie de toi-même ton miroir déformé. Tu ne sais même pas que tu n’es plus qu’un mouton carnivore, bouffeur de saloperies innommables, au milieu d’un troupeau qui a perdu le sens même de son humanité, qui a dilapidé l’héritage immémorial que ses ancêtres lui ont si généreusement légué, de valeurs créées de haute lutte, contre la barbarie, les instincts premiers, les penchants malsains. Tu t’es délesté, avec le sentiment que tu t’en es libéré, de ce qui faisait de toi le fruit d’une civilisation.

 

Tu n’as plus que mépris pour le mariage et la famille. Pour toi, il n’y a plus que les péquenots qui se marient, et les bobonnes qui font des gosses. Pourtant, tu es particulièrement indigné que quiconque puisse se poser des questions sur le mariage entre gens d’un même sexe, où l’adoption d’enfants par ces couples.

 

T’es mal barré, p’tit frère blanc ! Et nous aussi ! Tu prétends être un citoyen vigilant, et tu ne vois pas que même ton vote est orienté, qu’on te dit pour qui et pourquoi voter, que ta démocratie n’est qu’une grosse farce enrobée d’oripeaux fallacieux, que c’est l’argent, et seulement l’argent qui sert de trébuchet, pour décider qui sera ton représentant, et qui sera ton dirigeant.
Tu crois qu’ Internet est une libération, un pouvoir qui a échappé à ceux qui l’ont conçu et vulgarisé. Dans le meilleur des cas, quand ta conscience balbutie, et qu’elle parvient à émerger, le temps d’un battement de cils, des couches successives de cendres et de mensonges où elle a été ensevelie, tu crois qu’Internet sera le recours contre l’Empire qui te domine, contre sa presse, ses politiciens et ses banquiers. Peuchère ! Tu ne vois même pas qu’Internet n’a été inventé que pour t’attacher encore plus serré dans la toile où tu as été pris.

 

Maintenant, avec Internet, tout ce que tu émets de pensée, serait-ce un bêlement, est stocké dans l’espace qui t’a été personnellement aménagé. Tout ce qui te concerne, y compris ce que disent les gens de toi, est quelque part, archivé, agencé avec une technique imparable, en attendant d’être utilisé, si le besoin s’en fait sentir.

 

Il ne manque plus que de te marquer, de te mettre une puce électronique sous la peau, ou dans la tête, pour te pister, pour savoir même dans quel état de santé tu te trouves, et ça ne saura tarder. C’est déjà dans les tablettes.

 

Mal barré, p’tit frère blanc ! Mal barré ! Et nous aussi !

 

Tu te prétends humaniste, progressiste, altermondialiste, et tous ces trucs passés de mode, mais tu ne veux même pas entendre parler de ces milliards de gens qui sont marginalisés, dans leurs pauvres pays de là-bas, les noirs, les gris, les basanés, les bridés, les crève-la-dalle !
Tu as bien voulu qu’on te les importe, à un certain moment, pour qu’ils bâtissent ta maison, ton métro, tes routes, pour qu’ils vident tes ordures, faire les sales boulots dont tu ne veux pas.
Quand ils sont arrivés chez toi, tu les as parqués dans des cités à part, tu as mis la misère avec la misère, l’ignorance avec l’ignorance, dans des quartiers qui ne disposent que du minimum de mobiliers et de services urbains. Des quartiers sans boulot, sans considération, que tu fuis comme la peste. Que tu nommes Les Quartiers, ou Les Cités, comme du temps béni des colonies, quand on disait les Villages nègres.

 

Et si d’aventure un de ces esclaves d’esclaves s’aventure dans tes quartiers à toi, tu le toises de haut, comme s’il te polluait l’air que tu respires. Et lui, l’immigré, même s’il a pris ta nationalité, même s’il rase tes murs, même si lui aussi est devenu comme toi, drogué par vos maîtres communs, il se ressent un peu comme un privilégié, quand il pense à ceux de ses frères qu’il a laissé au bled, pourrir sur pied, dans une indicible misère. Sa plus grande joie, et sa seule satisfaction, est quand il rentre une fois l’an, au bled, pour écraser de sa superbe, et de son français à peu près châtié, et tout à fait châtré, ses anciens compatriotes et désormais blédards. Chacun a les indigènes qu’il peut !

 

Oui, au fond de lui il voudrait tellement que tu l’adoptes, que tu lui donnes un tout petit chouiya de respect. Il a tout essayé pour faire partie de ta société, pour être accepté, avoir un peu de considération, non pas de la part de tes propres maitres, mais de toi, parce qu’il pensait que lui et toi vous aviez un sort commun d’esclaves. Mais sa couleur de peau, sa religion, son accent, ses coutumes ancestrales, qu’il ne peut pas, du jour au lendemain, jeter par-dessus l’épaule, et surtout le conditionnement que tu as subi, pour l’exclure, le mépriser, et même le haïr, ont creusé un fossé infranchissable entre toi et lui. Au point où il n’a même pas la possibilité d’avoir un boulot comme toi, pour pouvoir, comme toi, entrer dans la logique de consommation de tes maitres et des siens. Il faut bien qu’il y ait des populations pour manger les restes des esclaves, pour recevoir leur aumône, porter leurs fripes, fouiller dans leurs poubelles.

 

Parmi ces damnés de chez Damné, certains ont tout fait pour forcer la chatière, la porte de la niche, resquiller le petit strapontin.

 

Ils ont occidentalisé leurs prénoms, voire même les noms de leurs ancêtres, ils se sont mis à parler votre langue avec leurs propres enfants, à adopter vos mœurs, à célébrer vos fêtes, à vous singer jusque dans vos mimiques, à mépriser leur propre communauté, parce que ça les rassurait, dans leurs efforts pathétiques de vous ressembler. Mais peine perdue. Ils sont restés à l’orée de votre estime, et ils se sont mis en dehors de leur communauté. Le cul sur deux chaises, ils sont là, ne sachant même plus qui ils sont.

 

D’autres, aigris, révoltés, la haine en bandoulière, ont cru ne pouvoir retrouver leur dignité qu’avec leur retour à une identité perdue. Ils ont alors adopté des attitudes ouvertement hostiles. Ils se sont rappelés qu’ils étaient musulmans, et ils ont cru que revenir à leur identité-source, c’était s’accoutrer comme des bédouins, se parfumer d’ambre synthétique, à faire tomber les mouches, c’était de décréter le djihad tous azimuts, entre taf de shit et prédication sur la façon d’entrer ou de sortir des toilettes.

 

Ces gens ont été une aubaine pour vos marionnettistes. Du pain bénit ! Ils ont été les meilleurs atouts, l’argument inespéré, pour attiser votre haine latente contre l’autre, ils ont été les épouvantails idéaux pour agiter les peurs, semer la confusion, entretenir un climat d’angoisse propice au contrôle des masses.

 

Et tu n’as pas d’idée, p’tit frère blanc, et on fait tout pour que tu ne le saches pas, jusqu’à chercher à te faire ingurgiter le concept de colonialisme positif, que si ces gens-là viennent chez toi, de plus en plus nombreux, c’est parce que ton pays a colonisé le leur, qu’il l’a vampirisé, qu’il a réduit ses populations à l’ignorance, à l’hébétude. Il a pompé leurs richesses, sans lesquelles vous n’auriez jamais atteint un tel niveau de prospérité, si tant est que votre succédané de paradis peut être qualifié de prospérité.

 

Et ce que tu feins d’ignorer, p’tit frère blanc, ou qui ne t’intéresse pas, c’est que même après la décolonisation , tes dirigeants ont tout fait, et souvent étouffé des crimes et des carnages, pour placer des despotes à leur solde, à la tête de ces pays, pour continuer à les exploiter, à les vider de leurs richesses. Et non seulement, ils protègent ces tyrans, mais ils vont jusqu’à tout faire pour empêcher que leurs peuples s’en libèrent.

 

Lorsqu’à la suite de circonstances extraordinaires, et tout à fait confidentielles, et pour cause, puisqu’elles cachent de bien sombres desseins, ils jouent aux sauveurs des peuples, en intervenant militairement pour abattre les régimes qu’ils ont eux-mêmes installés, et qui ne sont plus dans leurs bonnes grâces, souvent pour des raisons inavouables, il ne faut surtout pas douter que ce n’est certainement pas pour le bien de ces peuples opprimés qu’ils le font. Ça se saurait !

 

Aujourd’hui, si des milliards de gens du sud ne rêvent que d’émigrer dans vos paradis artificieux, ce n’est pas par plaisir masochiste de s’arracher à leurs familles, à la terre de leurs aïeux, de se jeter sur les routes amères de l’exil, de s’exposer aux brimades, au racisme, à l’exclusion.
C’est juste qu’ils n’ont pas le choix.

 

C’est juste parce qu’ils rêvent de ce qui est vraiment un eldorado pour eux, dans vos pays où les gens mangent à leur faim, où il y a de l’eau qui sort des robinets, où il y a de la lumière quand on appuie sur un bouton, où même les poubelles regorgent de nourriture qu’ils n’imaginaient même pas en rêve.

 

Pourtant, et c’est tout le problème, c’est de leurs malheureux pays, du moins en grosse partie, que vient cette prospérité de cet occident qui les attire comme des phalènes fascinés par la flamme qui leur brulera les ailes.

 

Le processus est enclenché. Il va aller crescendo désormais. Et il sera difficile de le contrôler. Parce que ces milliards de gens qui croupissent dans la misère et l’oppression, dans leur pays respectifs, ne rêvent que de venir dans cet occident de Cocagne. Ils n’ont plus le choix, puisqu’ils meurent de faim, de maladies d’un autre âge, d’une violence barbare. Vous aurez beau tout faire pour les en empêcher, ils déferleront sur vos pays, et rien ne les arrêtera. Parce que dans leur esprit c’est de l’enfer qu’ils vont s’échapper, pour rejoindre l’Eden. Les graves troubles qui menacent d’exploser un peu partout dans ces pays de misère vont accélérer et amplifier les flux migratoires. Bientôt, les clandestins ne se compteront plus.

 

Une solution existe pourtant, P’tit frère blanc, une solution juste, juste humaine. C’est que tes dirigeants et tes garde-chiourmes comprennent enfin que leur penchants esclavagistes vont maintenant se retourner contre eux, après avoir broyés des milliards et des générations entières d’êtres humains.

 

Ils ont pressuré ces pays pendant trop longtemps, ils les ont saignés à blanc.
Le temps est venu de laisser ces peuples profiter de leurs propres richesses, de ne plus soutenir leurs despotes, de ne plus encourager la grande corruption qui y fait rage, de ne plus pomper les cerveaux que ces pays ont formés au prix de grands sacrifices.
Le meilleur moyen, cher frère p’tit blanc, est que nos populations restent chez elles. Que tes dirigeants arrêtent de les exploiter, et d’imposer à leurs têtes vos caporaux, maréchaux de pacotille et autres présidents à vie.

 

Mais cela ne suffira pas ! Tes dirigeants ont profondément dévasté ces pays, mis à mal leurs équilibres vitaux. Ils leur ont maintenu trop longtemps la tête sous l’eau. Ils ne pourront pas s’en sortir tout seuls .
Il faudra les aider, construire avec eux des relations fraternelles, de peuples à peuples.

 

Le temps est peut-être venu, p’tit frère blanc, que non seulement tu secoues tes propres chaînes, mais aussi que tu demandes à tes dirigeants d’arrêter de nous pomper le sang, s’ils ne veulent pas que nous déferlions sur vos terres. Elle est bien gentille la Marine, d’agiter le bonnet phrygien, et de hurler haro sur le baudet, de nous tomber dessus à couilles rabattues, de chercher à tous nous bouter hors de ses terres. Mais qu’elle commence à regarder le passé de son pays dans les yeux, à faire la part des choses, à mesurer tout le mal qui nous a été fait, et si elle est douée de la plus petite conscience, à réfléchir aux moyens de réparer ce qui a fait de nous des mendiants qui toquent à la porte de ceux qui ne veulent pas de nous, après avoir construit leur maison avec nos deniers et notre sang.

 

Tes dirigeants, p’tit frère blanc, sont la cause première et essentielle de l’état dans lequel ces pays du sud se débattent.

 

En Algérie, aujourd’hui même, Hollande, Ayrault et Cie, en plus des nombreux requins qui fraient dans les eaux troubles du régime, sont partie prenante, voire complices, dans une farce de quatrième mandat pour un mourant, parce que non seulement son clan arrange leurs affaires, mais qu’en plus il sait glisser de belles enveloppes dans certaines poches.
A cause de cette grosse arnaque, où la France officielle joue un rôle très pesant, voire décisif, l’Algérie pourrait entrer dans une spirale de violence que je n’ose même pas imaginer. Une tragédie qui pourrait coûter très cher au peuple algérien, et pousser un grand nombre de gens à traverser la méditerranée.

 

Auquel cas, nous serions tous mal barrés ! Toi, comme nous !

 

J’espère que cette longue lettre que je te fais t’aura un peu sorti des vapes subliminales où tes garde-chiourmes t’enfoncent chaque jour, mais si ce n’est pas le cas, c’est que tu es vraiment mal barré frère p’tit blanc. Et nous aussi ! Nous surtout !

 

 

Tous les chemins mènent à la prison !

[Par Rebin RAHMANI]
 
Traduit de l’anglais vers le français par : Saida Huseynova et Françoise Serrero
 

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Kulbar


 
Durant l’été 2002, pendant mes vacances universitaires, j’étais à la recherche d’un emploi pour vivre. Mais dans cette petite ville, du Kurdistan, il n’y avait pas d’autre emploi que de travailler comme « courrier de frontière » : Kulbar (mot persan pour désigner celui qui transporte des boîtes sur son dos jusqu’à la frontière), ou comme commerçant : Kasebkar (celui qui reçoit des produits à la frontière, les charge dans le camion puis les amène au centre des villes pour les vendre).
 
Avec plusieurs amis, tous les soirs, à 23h00, nous montions à Kamyaran dans un camion, pour nous rendre à la frontière de l’Iran avec l’Irak, à Marivan.
A 03h00, à l’entrée de Marivan, nous prenions livraison des boîtes de thé produites à étranger, des courriers qui les apportaient sur leurs épaules de la frontière, et nous les mettions dans le camion. Puis, nous retournions à Kamyaran.
 
Nous étions cinq en charge de soixante boîtes de thé. Deux d’entre nous devaient charger les boîtes de thé dans le camion et rester sur le toit tout au long du voyage, ce qui était très dangereux. Nos cœurs battaient vite de peur de rencontrer la police ! Si nous étions arrêtés, il nous faudrait fuir à tout prix, car la seule chose qui nous attendait était l’arrestation, la prison et des amendes.
 
Nous avons évité les embuscades et les balles de la police plusieurs fois. Chaque jour, nos vies étaient mises en danger afin de gagner assez pour acheter de la nourriture.
Chaque fois, comme si on allait à un champ de bataille, nous n’étions pas sûrs de pouvoir rentrer à la maison. Trois mois ont passé comme ça…
 
Un jour, à l’entrée de la ville de la Kermashan, j’ai été arrêté avec trois compagnons à bord d’un camion et accusé de transporter soixante-cinq boîtes de thé de contrebande. Nous avons passé un certain temps dans la prison Awa Dizel de Kermashan et avons finalement été relaxés par le juge après avoir payé les amendes.
 
Quatre ans ont passé et je me suis retrouvé à la prison de Awa Dizel une fois de plus, cette fois-ci pour mes activités politiques.
 
Il semble que dans mon pays, tous les chemins pour gagner sa vie et pour obtenir l’égalité des droits et la justice sociale mènent à la prison.
 
L’existence d’un commerce et de passeurs transfrontaliers est un problème dont les causes sont économiques, politiques et sociales. Malheureusement, sous prétexte de lutter contre les importations illégales, la République islamique d’Iran a adopté la solution de l’élimination physique au lieu de trouver les racines et de créer des emplois. Pendant des années, la méthode dure et inappropriée de la confrontation violente a conduit la police locale à assassiner des dizaines de jeunes et de chefs de familles et à rendre une partie de la population invalide.
 
Aujourd’hui dans la région, des milliers de familles perdent le sommeil chaque fois que le chef de famille va au travail, craignant d’apprendre son assassinat par la police, sa mort dans l’explosion de mines terrestres, par noyade dans une rivière ou à cause du froid pendant les nuits glaciales du Kurdistan.
 
Personne ne nie l’énorme dommage financier qu’inflige la contrebande à l ‘économie du pays, mais connaissant les maladies sociales que sont le chômage et la pauvreté, les autorités de la République islamique d’Iran se sont-elles jamais posé la question de savoir pourquoi certains choisissent un métier si dangereux pour nourrir leurs enfants affamés ?
Devrait-on vraiment mourir pour cela ?
 
 

8 Mars : Un quart d’heure de faiblesse pendant lequel j’ai failli haïr les femmes

[Par Johnny BISSAKONOU – johnnybissakonou @ gmail . com]

 

En général la date du 8 Mars ne me dit rien.  Est-il important de consacrer une journée à la femme ? Bof, si cela les amuse de se prendre pour le nombril du monde…Du moment qu’elles célèbrent cette journée entre elles,  de quoi je me mêle ? Il existe bien une journée internationale de l’homme mais qui passe quasiment inaperçue. Cependant, les récents évènements que j’ai vécu m’ont poussé à réfléchir plus longuement à cette question.

Catherine Samba-Panza (Photo de www.terrafemina.com)

Catherine Samba-Panza (Photo de www.terrafemina.com)

 

 

Il m’est même arrivé de haïr les femmes parce qu’elles ont le droit de pleurer, et le droit d’être faible. Moi je ne le peux pas, parce que chez moi un homme, un vrai circoncis n’affiche pas sa faiblesse devant les gens. Quand mon oncle me racontait au téléphone l’assassinat de mon petit-frère, j’ai eu un moment de faiblesse…Quelques secondes de sanglots qui ont suspendu son récit. Je n’ai pas eu droit à cette consolation qu’une de mes sœurs aurait eue. Il m’a reprit sévèrement : « Mo yeke ouali ? ….» Je traduis presque mot à mot : « T’es une femme ou quoi ? Arrêtes de sangloter dans mes oreilles, ce sont des hommes comme toi qui nous ont fait ça, nous irons à Bouca leur montrer notre virilité »…Il me demandait de payer son transport jusqu’au village, de payer des féticheurs pour régler leur compte aux assassins…

 
Une femme aurait eu raison de fuir et se réfugier en France si elle était dans mon cas. Mais comment un homme au-lieu de rester se battre a choisi de fuir comme un lâche? Quand je discute avec certains compatriotes, c’est à-peine s’ils me traitent de poltron, parce qu’eux sont restés et affrontent la mort…Chez moi un homme, un vrai ne recule jamais devant le danger. L’homme est celui qui défend sa maison face à l’ennemi, c’est encore celui qui peut fièrement brandir son coutelât ou sa machette et être aux premières loges lorsqu’il y a du danger.

 
Il y a cette tradition, je crois qu’elle existe partout même en France, qui veut à ce que l’homme soit l’être fort. C’est la femme qui a droit à la faiblesse, aux sentiments. La femme c’est le sexe faible…Moi je suis un homme, pleurer ne m’est pas permit.

 
Quand j’étais petit, pendant les grandes vacances grand-père nous réveillait à l’aube pour aller aux champs. Malheur à moi si je n’étais pas debout au premier appel de mon nom. L’homme ne dort pas comme les femmes. Au moindre bruit, l’homme doit pouvoir du plus profond de son sommeil demander qui va là ? Pauvre homme, la privilégiée, le bourreau c’est la femme ai-je pensé…

 
Alors je me suis permit de rêver, je me suis vu en patriarche établissant les règles de fonctionnement de la société que j’ai créé. Je me suis fait un film pour me consoler et me satisfaire de mon sort…Pourquoi être triste ? Je suis un homme et l’homme est le chef de la femme. L’homme est le chef du foyer c’est lui qui crie sur la femme il a toujours le dernier mot.

 
Je suis fier d’être un homme car c’est le garçon qui a le droit d’aller à l’école. La place de la fille est au foyer aux côtés de sa mère pour apprendre à devenir une bonne ménagère et à s’occuper d’un mari. A l’école, c’est le garçon qui est censé avancer de part ses propres efforts et la fille ne peut réussir que moyennant quelque chose…

 
Dans l’administration, une femme même si elle a le profile adéquat ne peut occuper un poste administratif réservé à la junte masculine. L’homme c’est le PDG, et la femme sa secrétaire. Si cette dernière est docile, soumise pourquoi pas une promotion ? (Canapé bien-sûr)…En un mot l’homme est un dieu c’est lui qui commande et c’est lui qui donne : Des coups à la femme battue, la femme violée l’est par l’homme, la femme réduite en esclave, celle qui n’a pas le droit d’avoir un point de vue, la moins que rien. J’ai aussi eu une pensée pour la femme qui souffre les douleurs de l’enfantement, après avoir porté une grossesse pendant neuf mois. J’ai pensé à celle qui allaite et éduque, celle qui nourrit les enfants et qui ne dort pas quand le bébé tombe malade. J’ai pensé à ma mère, à celles qui donnent la vie, j’ai pensé à mes sœurs…Quand j’ai pensé à toutes ces femmes, j’ai eu honte de moi, honte d’avoir pensé toutes ces choses. Heureusement qu’on est au 21e siècle et que plus personne (?)  n’a ce genres de pensée…

 
Et quand je pense à mon pays, je suis plutôt content qu’une femme soit à la tête de l’Etat Centrafricain comme Présidente de la transition.

 
Septième chef de l’Etat depuis l’indépendance de la RCA, Madame Catherine Samba Panza est la 3e femme Présidente en Afrique, après  Joyce Banda au Malawi et Elen Johnson Sirleaf au Liberia.  La première Cheffe d’Etat en Afrique francophone. Elle n’a pas été élue à l’issue d’une élection normale dira t-on. Mais tous les centrafricains sont unanimes sur la volonté de rupture. Les hommes politiques centrafricains, tous sans exception ont mis le pays dans cet état grabataire. Peut-être qu’une femme réussira là où ils ont tous échoué et montré leur limites.

 
Sur ce, je souhaite bonne fête du 8 Mars à toutes les femmes du monde et en particulier à toutes les femmes de Centrafrique. Que les femmes apportent la paix dans le pays, dans les foyers et dans les cœurs.

 
 

Journée internationale de la Femme : Du Maghreb à l’Occident

[Par Larbi GRAINE, journaliste algérien – larbigra @ gmail . com]

 

Cette année l’ONU célèbre le 8 mars, journée internationale de la femme sous le slogan de « l’égalité pour les femmes, c’est le progrès pour toutes et tous ».  Outre son aspect rituel – rappeler ce que l’Humanité tout entière doit à la  gente féminine- le 8 mars est aussi une halte pour évaluer à l’échelle du monde les progrès et les régressions en la matière. C’est forcément le temps des plaintes et des rapports mondiaux sur la question. Et souvent, ce sont les Etats, investis par leur rôle de mauvais pères qui prennent pour leur grade car la mondialisation n’est pas encore parvenue à imposer le même statut de la femme partout dans le monde.  La femme est plus ou moins libre selon les cultures. A cette occasion, on aime à se référer à diverses agences spécialisées, qu’elles soient des organisations humanitaires ou même des structures de police dont on s’évertue à citer les chiffres relatifs au nombre de femmes violentées par leur mari, de victimes du harcèlement sexuel, des mariages forcés, de mutilation génitale, etc.

Photo prise par le site : http://euro-mediterranee.blogspot.fr/

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La cause des femmes progresse

 

Dérogeons un peu à cette règle pour dire  que, la cause des femmes progresse, et que sous des dehors de reculade, se cachent parfois des percées notables.  D’ailleurs ces statistiques souvent sont rendues publiques afin de mettre au pilori un gouvernement jugé trop répressif envers sa population. L’Egypte par exemple a dégringolé dans le classement en termes de respect des droits des femmes, dès lors qu’on avait compté les femmes qui ont été battues sur la place Tahrir dans ce que les médias appellent le Printemps arabe. Ces statistiques omettent par exemple de faire allusion aux tueries d’hommes comme si les femmes étaient les seules concernées par la violence. Or, c’est connu, il faut du temps pour que le fruit d’une révolution soit cueilli. Retenons plutôt l’appropriation par les femmes égyptiennes de la place publique et des réseaux sociaux. Les organisations humanitaires ne sont pas les seules à manipuler les statistiques. Les gouvernements pour des raisons diamétralement opposées font de même. Ils en usent et abusent pour la consommation interne et aussi pour séduire les instances internationales. Nombre de pays (ils sont parait-il 87 aujourd’hui) ont souscrit au principe des quotas des femmes au niveau du Parlement.  Mais souvent ces pays qui se targuent d’avoir tel pourcentage de personnalités féminines dans leur représentation nationale, ont conservé les mêmes mœurs et coutumes, en se gardant d’apporter tout correctif à la matrice idéologique à l’origine de l’asservissement des femmes. Souvent le Parlement en question ne possède aucun pouvoir législatif. Du fait  d’institutions démocratiques de façade, la femme se retrouve alors prisonnière du même système. L’Algérie illustre bien ce cas.  Quand Abdelaziz Bouteflika projetait de briguer un nouveau mandat, il a engagé une révision constitutionnelle qui introduisait une  disposition faisant obligation de faire représenter les femmes par un  système de quotas qui, à terme parviendrait à la parité hommes-femmes. Or concomitamment à cette mesure qui donnait pleine satisfaction à l’Occident, le pays connaissait une vague d’islamisation sans précédent, car d’un autre côté, le régime était soucieux de satisfaire  l’opinion interne. Il faut dire que les progrès ne découlent presque jamais d’actes volontaristes ou délibérés. C’est l’évolution économique, la diffusion des nouvelles technologies, les progrès de la scolarisation, le salariat qui créent de nouveaux rapports de force dans la société. Un exemple : Vers 2005, le gouvernement algérien avait instruit les banques à l’effet d’accorder des crédits aux  salariés (hommes et femmes) justifiant d’un certain revenu pour l’achat de véhicules. Les femmes dont un nombre impressionnant de jeunes filles ont alors souscrit à cette formule. Quelques temps plus tard on allait assister à un phénomène jamais vu auparavant. Des jeunes filles à bord de leur voiture personnelle viennent klaxonner au bas des immeubles pour prendre leurs copines avant  de partir en promenade et ce, même en fin de journées. Or ce privilège n’était pas longtemps l’apanage des seuls garçons dont les pères tenaient à mettre à leur disposition leur propre voiture.

 

L’islam politique  a des racines plus profondes

 

L’œil occidental a tendance à percevoir l’islamisation de la société maghrébine comme un mouvement religieux stricto sensu alors qu’il plonge ses racines dans un fond socioculturel très ancien qui puise ses valeurs dans le système patriarcal. La féminité au Maghreb est associée du reste à des valeurs ancestrales faisant référence au code de l’honneur et au prestige du lignage.

 

Certes les révolutions et les guerres créent les conditions du dépassement de l’ordre établi. On l’a vu déjà, que ce soit pendant la guerre d’indépendance algérienne ou pendant la seconde guerre mondiale comment les femmes en Europe vont gagner leur liberté en se retrouvant investies par de nouveaux rôles. En Europe, ce mouvement préfigurera d’ailleurs la révolution sexuelle des années 60 qui fera tomber en désuétude le tabou de la virginité qui soit dit en passant est toujours en vigueur sous beaucoup de latitudes, notamment au Maghreb et au Moyen-Orient.

 

Dans ces sociétés qui pourfendent l’individualisme, sont exaltées les valeurs inhérents au  collectif et au communautaire, de sorte que même l’homme est pris dans les rets de l’oppression sociétale. Certes l’homme a tous les pouvoirs, mais il en a moins lorsque par exemple il est célibataire. Le contrôle sexuel étant de mise, les relations hors mariage sont interdites. Il en résulte que l’homme qui demeure dans le célibat, se sentira tout aussi dans la peau d’un être mineur que la femme. S’il possède un chez soi individuel, il devient un danger pour le voisinage qui se croit en devoir de le surveiller. Lorsque parlant de la construction de logements, le chef de l’Etat algérien s’écrie qu’il ne veut plus entendre parler de F1, il ne fait que se ranger à l’avis de la majorité conservatrice pour qui F1 rime avec studio et tout ce que cela peut invoquer comme déviation par rapport à la norme.

 

La femme-démon

 

Lorsque l’on pense femme au Maghreb, on pense diable. Passons sur la filiation biblique avec le péché originel, qui valut à Eve et à Adam d’être chassés du paradis. Du reste la fascination pour la femme démoniaque garde tout son sens au plus fort des soulèvements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. La révolution tunisienne, ce n’est pas uniquement la chute de Ben Ali mais également de son épouse Leila Trabelsi que les chroniques locales ont décrite comme la véritable instigatrice de toutes les conspirations contre le peuple tunisien. Suzanne Moubarak, épouse du raïs égyptien n’a pas échappé au même procès. Femmes manipulatrices, vicieuses et malicieuses, ces reines déchues avaient tenu en laisse leur mari ! Dans la même veine, quoique plus tempérée, les médias français notent « le sens politique » de Carla Bruni  dans l’affaire des extraits choisis des enregistrements de Nicolas Sarkozy. « Sarkozy et Carla Bruni, entre mépris du peuple et vulgarité ? » titre le site d’information le Plus, Le Nouvel observateur.

 

Au Maghreb la femme ne vaut que par la famille

 

Le chanteur Idir déclame que la femme est une « bombe ». Pour la désamorcer, il faut diluer son individualité, la dissoudre complètement dans la famille. Quand on parle de famille, ça passe mieux  car ça alimente un imaginaire de la procréation, où la femme est parée de ses vertus de mère nourricière dont le destin se confond avec celui de ses enfants et de son époux. Point donc de femmes en dehors de la famille. En Algérie, le ministère chargé de gérer les affaires de la femme est dénommé Ministère de la Solidarité nationale, de la Famille et de la condition de la femme. Au Maroc, son équivalent est dénommé Ministère de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du développement social. Mais celui de Tunisie se mêle de sport ! Il est dénommé Ministère de la Jeunesse, du Sport, de la Femme et de la Famille. Signe tout de même que le pays de Habib Bourguiba a une longueur d’avance sur ses voisins, un secrétariat d’Etat chargé de la Femme et de la Famille a été nouvellement crée. En France c’est plus simple : le département ministériel chargé de la même fonction s’appelle Ministère des droits des Femmes.  La détentrice du portefeuille, Mme Najat Vallaud Belkacem, également porte-parole du gouvernement, passe pour être la ministre la plus populaire du gouvernement français.

 

Le voile, c’est la voile

 

Vu du dehors les régimes politiques du Tiers-monde paraissent être les principaux obstacles à  l’émancipation des femmes alors que les choses ne sont pas aussi simples. Les pesanteurs culturelles sont telles que les Etats sont obligés d’en tenir compte. Les polices politiques s’y maintiennent d’autant plus durablement qu’elles ont développé la capacité de compréhension du système patriarcal dans lequel elles se positionnent en tant que tutrices veillant au bien être général. Ces polices y trouvent donc un terreau fertile  pour exercer la tutelle sur des populations qu’elles jugent immatures pour prendre leur destin en main.

 

L’œil occidental du reste ne distingue guère le foulard kabyle ou la capuche oranaise du hidjab. Tout est amalgamé sous un générique exotique. Si les femmes conduisent et vont au travail et se marient  elles le font selon des critères relationnels très anciens. Le voile traditionnel, aujourd’hui quasi abandonné au profit du hidjab, était jadis porté par les citadines et était la marque de l’aristocratie. Toute femme habitant la campagne devait arborer le voile en venant en ville. On le constate aujourd’hui, le hidjab est devenu l’habit qui permet à la femme maghrébine d’aborder la modernité. (Encore qu’il faille faire une autre lecture du voile dans les diasporas).

 

Or cette fameuse preuve de religiosité qu’est le voile pour les Occidentaux (pourtant métaphore de l’hymen et de la chasteté. Passons sur ses ramifications chrétiennes) ; est devenu au Maghreb, l’alpha et l’oméga d’une évolution inéluctable qui se fait tout de même en sourdine. Tout y est permis pourvu qu’on mette le voile (la voile ?).

 

 

 

 

La démocratie dans le monde est-elle en recul?

Par Nahed BADAWIA (nahedbada @ gmail . com)

Avec l’aide du professeur de français de la Maison des journalistes, Guillaume Tournier.

 

La démocratie dans le monde est-elle en recul? De nos jours, est-ce que la volonté d’un peuple d’avoir la démocratie suffit pour réussir? Le résultat actuel de la révolution syrienne tend à prouver que non, et nous conduit vers notre question principale: Est-ce que la démocratie, maintenant, dans le monde se porte bien ?

 

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En effet, chaque pays est sous l’influence de la communauté internationale. Et les institutions internationales ce qu’on appelle la communauté internationale, ne sont pas démocrates. Car elles convenaient pour gérer la guerre froide. Et elles sont les enfants de la deuxième guerre mondiale et ont été fondées par les cinq vainqueurs, qui se sont donné le droit de véto. Celui de la Russie est toujours utilisé contre la volonté de la majorité des états membres de l’ONU quand ils veulent soutenir la révolution Syrienne. C’est pourquoi le rôle de communauté internationale peut être soit un soutien soit un obstacle, dépend la volonté d’un de ces cinq pays “Vétoieux”.

 

Par ailleurs, le monde témoigne d’un changement radical dans les dernières décennies. Celui dont parle le politologue français Bertrand Badie dans son livre le “retournement du monde”. Il observe que “les identités sont de plus en plus culturelles et de moins en moins universelles”. Or comme la démocratie et la liberté sont des valeurs universelles, elles sont, de fait, en recul.

 

Mais je pense, au contraire, que les valeurs universelles de liberté et la démocratie ont diffusé et traversé les frontières européennes. Elles sont sorties du monopole de l’Occident. Parce que L’ère de l’information, Internet et satellite transforme monde en un espace commun et ouvert. Mais ce processus est plus rapide que celui des transformations culturelles qui sont toujours caractérisés par une lente. En témoignent les réactions conservatrices et réactionnaires de certains groupes dans tous les pays. Et c’est pourquoi l’extrémisme prévaut partout. On assiste ainsi à un retour aux valeurs anciennes,(prémoderne), à une croissance de l’extrême droite en Europe et une montée de l’extrémisme islamiste dans d’autres pays. Les deux dernières tendances expriment la peur de l’ouverture aux autres, considérée comme une invasion culturelle. Mais le changement viendra et ces groupes adapteront avec les valeurs de diversité et avec le monde ouvert et coloré.

 

La révolution syrienne a reflété la volonté de l’homme du peuple d’embrasser les valeurs démocratiques de la modernité Alors que ces valeurs étaient jusque-là réservées aux élites politiques et culturelles. Profitant de la méfiance de certains à l’égard des porteurs de ces valeurs modernes, le régime syrien les a décrits comme terroristes et extrémistes islamistes dès le premier cri de liberté des millions de jeunes qui aspirent à une société libre et démocratique et juste. Cela afin de convaincre le monde de le soutenir quand il massacre son peuple.

 

En fait le combat pour la démocratie et la liberté doit continuer partout et toujours. Et les Syrien luttent, en ce moment, pour la démocratie pas seulement en Syrie. Ils se battent pour renouveler et relancer la démocratie internationale parce qu’ils ont révélé l’incapacité du monde actuel d’agir pour défendre ses acquis humains et démocrates.

 

A l’heure des diasporas / L’exil serait-il en crise ?

Par Larbi GRAINE, journaliste algérien.
La notion d’exil est-elle en crise ? Dans un contexte de mondialisation économique et culturelle, caractérisé par la prolifération de diasporas dans des métropoles gigantesques, peut-on être sûrs que les populations de métèques qui y vivent se sentiraient dépaysées et mal dans leur peau et souffriraient du calvaire du « vivre-séparés » ? Les étrangers qui viennent s’installer durablement dans un pays qu’ils ont peu ou prou connu éprouveront-ils le sentiment d’exil de la même façon nonobstant leur différence de race, de culture et de religion ? Peut-on supposer que l’éloignement géographique par rapport au pays d’origine soit à la base du sentiment ineffable d’étrangeté dont souffre l’exilé ?

Originaire d’Algérie, l’auteur de ces lignes, va tenter de répondre à ce pack de questions, tout en interrogeant les migrations contemporaines à partir de sa propre subjectivité (qui soit dit en passant, comme a dit le philosophe) permet de reconnaître les objets. Puisqu’il me faut parler de la France afin de permettre à l’exilé que je suis censé être de scruter les réalités françaises, c’est-à-dire aborder toutes choses qui m’éloigneraient de mon pays, qui m’exileraient encore davantage en me projetant loin de mon territoire habituel, c’est ce qui fait de moi du reste un journaliste d’un pays tiers, un apatride dont on espère qu’il va jeter un regard neuf sur des choses archaïques et peut-être passées de mode. La chose n’est pas sans rappeler l’exotisme qui jadis se pratiquait sur les contrées de l’ailleurs, dans cet orient lumineux que Flaubert avait cru déceler aux portes mêmes de la province. On se délecte bien du français de l’étranger, sa langue est d’autant plus attrayante qu’elle est habitée par des sonorités et des réminiscences de la langue première.Algérien, je vais dire aux Français dont des millions sont d’origine algérienne comment je les perçois. Et d’ailleurs comment prendre le fait que ce plat berbère qu’est le couscous soit devenu celui que préfèrent les Français ? Saviez vous qu’il est plus facile de manger un couscous dans les restaurants de Paris que dans ceux d’Alger ? Saviez-vous que l’exilé, algérien de surcroît, ne peut retenir de la France que ce qu’elle a d’Algérie en elle ? Barbès explose au rythme des victoires de l’équipe d’Algérie, ce qui nous donne parfois l’impression que c’est la France qui s’exile sur ses propres terres. On le constate bien les Algériens installés en France, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, s’y comportent comme s’ils étaient chez eux. La même observation vaut pour les ressortissants de l’Afrique subsaharienne, relevant des anciennes colonies françaises. On le voit le poids de l’histoire y est prépondérant. Réfugié à Paris, un confrère syrien qui a fui la guerre civile qui déchire son pays souligne qu’il éprouve un sentiment d’exil encore plus profond que celui que ressentiraient « les Arabes d’Algérie, du Maroc ou de Tunisie » arguant qu’en France il n’a pas eu le loisir de rencontrer beaucoup d’Arabes du Moyen-Orient.
De tradition arabo-berbère et fortement présents en France, les Maghrébins en général et les Algériens en particulier seraient-ils plus proches des Français ? A vrai dire, les Français ont leurs Arabes depuis longtemps. Dans l’hexagone aujourd’hui on entend parler le kabyle et l’arabe d’Algérie à chaque coin de rue. En plus des places fortes tenues par les Maghrébins, la France abrite une floraison de sociétés diasporiques. L’agglomération parisienne en est la plus parfaite illustration, Italiens, Noirs Africains, Chinois, Turcs, Indiens et j’en oublie se disputent son sol. Mais s’il n’y a point de Syriens à l’horizon, les traces du pays perdu seront plus difficiles à retrouver. L’exilé s’attellera à les chercher, et la vision qu’il aura de son pays d’accueil en sera profondément marquée. A la quête du pays qu’il vient de quitter, il est sans cesse rappelé à la dure réalité de sa condition. Tout aussi exilé qu’il le fut chez lui, il l’est tout autant sur sa terre d’adoption. N’ayant jamais été prophète en son pays, il ne saurait devenir le messie chez les autres. Vivant un double exil, il atterrit (quand il a la chance d ‘appartenir à une forte communauté expatriée), dans une diaspora, substitut de la société d’origine, laquelle va en quelque sorte le travailler au corps, le malaxant ne serait-ce que parce qu’il va pouvoir continuer à faire usage de sa langue maternelle. Certes, la vie en diaspora peut atténuer le sentiment de l’exil mais elle ne peut empêcher le désarroi découlant de la coupure d’avec la terre d’origine – devenant par la force des choses la terre promise. 

 

Regards étranges et étrangers !

photo impression de jean - credits paris.site-touristique-com

Credits : paris.site-touristique-com

Par Jean MATI

Depuis des siècles, la désignation « étranger » porte une connotation négative. Les regards portés sur eux (sur nous) concrétisent cette pensée. C’est comme ce jour où je suis arrivé à Paris. A première vue, la ville Lumière ressemble aux petits dessins d’un livre. J’écarquillais les yeux devant la splendeur de la capitale. 

Les constructions urbanistiques sont très différentes de nos grandes métropoles africaines. Sur le continent noir, l’étranger est ce villageois qui vient pour la première fois en ville où tous les citadins ne veulent pas lui tenir compagnie. Ses agissements peuvent  agacer à cause de son incivilité. Oui, Paris s’avère tout de même très différent.

Il y a un fourmillement d’informations, de communication même, surtout non verbales telles que les affiches d’indications, le code de la route, ou encore les panneaux publicitaires. En revanche, d’autres soucis, d’ordre technique, se posent : par exemple la manipulation des machines sophistiquées comme celle de l’achat de titre de transport. En Afrique, nous avons l’habitude d’avoir des contacts d’homme à homme, et non d’homme à machine. Alors le premier jour, la tâche n’était pas facile. Un véritable baptême de feu.

La rencontre des cultures dans la ville Lumière

Le continent noir comporte beaucoup d’espaces. Parfois pour rien. S’étendent d’immenses terrains alors que les populations y meurent de faim. Ici, les gens se battent pour la bonne gestion du territoire. Une volonté d’ordre se ressent. Les rues et quartiers parisiens sont bien tracés, sans doute taillés sur mesure. C’est un décor paradisiaque, en tout cas entre les longues avenues se croisant aux Champs-Élysées et toutes ces lumières qui éclairent la ville. Une luminosité pareille redonne la joie de vivre. J’y ai également découvert la Tour Eiffel. Haute de 324 mètres, cette tour de fer puddlé représente le symbole de toute une ville. La capitale française est une véritable odyssée  de toutes les cultures du monde. On découvre la multiculturalité de tous les horizons  dans les transports (métro, bus et train). Les riverains se lancent des regards parfois étranges. Mais au-delà de tout ça, il y a le respect mutuel. C’est la classe ! En RD Congo, à Kinshasa, les gens se piétinent et s’échangent des mots parfois violents pour une place dans un combi (bus local).

Loin de la chaleur de l’Afrique

Les gens d’ici sont très réservés. Ils s’ouvrent difficilement vers les autres. Ce n’est pas le froid qui en est la principale cause. C’est une question identitaire ou culturelle. En outre, cette problématique peut se révéler toutefois très complexe. Par ailleurs, la ville de Paris est aussi la tombe des tous les acheteurs et vendeurs d’illusion. A côté des belles constructions modernes, se présente un décor plus triste, celui des mendiants. Ils racontent leur histoire dans le métro en espérant récolter quelques pièces. Les âmes charitables n’hésitent pas à glisser un peu de monnaie aux gens qui font la manche. Quelle tristesse ! Certains dorment dans la rue même en plein hiver. Les gens d’ici les appellent les SDF (Sans domicile Fixe). C’est tellement horrible. Le froid d’ici me paraît insoutenable. Si en Afrique la chaleur est au rendez-vous, les populations n’en profitent pourtant pas. Crises et guerres font leur quotidien.