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Opinion – Procès Gbagbo, sur la route de La Haye

[Par Armand IRE’]

Le 28 janvier 2016, débute enfin le procès de Laurent Gbagbo contre la Cour Pénale Internationale (CPI). Cinq longues années de détention préventive par une cour aux normes occidentales. Accusé de crimes contre l’Humanité, l’ancien président ivoirien à 70 ans passés est désormais perçu comme une icône, victime des grandes puissances qui dirigent le monde. Il est incarcéré depuis le 29 novembre 2011. Ambiance avant joutes.

Laurent Gbagbo (source : lexpress.fr)

Laurent Gbagbo (source : lexpress.fr)

Comme Harouna Traoré jeune burkinabé et porte-parole d’un comité d’organisation du voyage à La Haye le 28 janvier 2016, de nombreux africains et européens feront le déplacement pour ce procès historique. Plusieurs cars et véhicules de particuliers prendront la route de cette ville des Pays-Bas qui a obtenu un véritable bonus de célébrité depuis que la CPI y a implanté ses quartiers et surtout que Laurent Gbagbo y est embastillé.
C’est dans un nouveau bâtiment sorti de terre, signe de la vitalité financière de la CPI, que celui qu’on accuse d’avoir perdu les élections de 2010 et occasionné la guerre dans son pays sera face à des juges et à une équipe de procureurs conduite par Fatou Bensouda l’ex-ministre de la justice du dictateur Yaya Jammeh de la Gambie et actuel procureur de la CPI depuis le départ d’Ocampo l’homme qui voulait la peau de Gbagbo à tout prix. Cette affaire constamment qualifiée de vide par tous les avertis a déjà usé trois juges, qui ont préféré s’en débarrasser, soit en démissionnant ou en passant la main.

Charles Blé Goudé (source : afriqueinside.com)

Charles Blé Goudé (source : afriqueinside.com)

Le 28 janvier 2016, Laurent Gbagbo ne sera pas seul face aux juges. Avec lui, il y aura Charles Blé Goudé ancien leader estudiantin, président de l’alliance des jeunes patriotes ivoiriens, organisation créée pour manifester pacifiquement contre la guerre déclenchée en 2002 par une rébellion tribale . Le crédo de cet homme de 44 ans que la CPI qualifie de criminel contre l’Humanité est la lutte aux mains nues. Ses actions pacifiques ont dérangé ceux qui pensaient faire une bouchée de la gouvernance Gbagbo en créant et parrainant une rébellion venue du nord du pays. Après sa mémorable sortie lors de l’audience de confirmations des charges en son encontre, l’éphémère ministre de Laurent Gbagbo en charge de la jeunesse piaffe et veut dire la vérité au cours de ce procès.
Maître Seri Zokou, avocat au barreau de Bruxelles qui a rejoint l’équipe de défense du jeune leader ivoirien pense que si le « droit est dit, Charles Blé Goudé ne restera pas en prison ». Les lignes bougent donc dans le monde et en Afrique pour que la longue détention de « l’indocile » Laurent Gbagbo se transforme en libération à la suite d’un procès qui fera date. De nombreux chefs d’Etats africains sous la conduite du mozambicain Joaquim Chissano, du sud-africain Thabo Mbéki et du ghanéen Jerry Rawlings ont écrit une longue lettre à la CPI et à plusieurs organisations internationales pour demander la relaxe pure et simple de celui qui pour de nombreuses voix autorisées – ou pas – a gagné les élections dans son pays mais perdu la guerre face à l’ONU et la France de Sarkozy.

 

 

Côte d’Ivoire : Le grand « exorcisme » ?

[Par Armand IRE’]

Judiciairement le compte à rebours démarre sur la vérité de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. Du côté de la Cour Pénale Internationale (CPI), l’autre bras de la justice des vainqueurs et du pouvoir d’Abidjan, les dates se mettent en place pour juger les présumés coupables de la sanglante et brève guerre d’après élection de 2010. Elle est elle-même résultante de la rébellion armée de 2002 et de règles électorales mal ficelées. La justice nationale et internationale réconciliera-t-elle un pays en lambeaux ?

Laurent Gbagbo (source : cameroonvoice.com)

Laurent Gbagbo (source : cameroonvoice.com)

A la CPI, en attente de jugement après la confirmation des 4 chefs d’accusation à son encontre après une longue procédure de confirmation des charges (la plus longue de l’histoire de la cour pénale internationale), Laurent Gbagbo sera fixé sur la date exacte du début de son procès à partir du 4 novembre, après la conférence de mise en état. L’ancien président  de la République de Côte d’Ivoire est incarcéré depuis plus de trois ans au pénitencier de Scheveniggen, dans la banlieue de La Haye aux Pays-Bas.

A Abidjan les autorités ivoiriennes ont fixé le procès de 83 anciens proches collaborateurs et partisans de Laurent Gbagbo au 22 novembre 2014. Parmi ces personnalités qui passeront aux Assises, il y a : Simone Gbagbo son épouse, son dernier premier ministre  l’universitaire et économiste Gilbert Aké M’bo, Pascal Affi Nguessan ancien premier ministre et président du FPI, le parti de Laurent Gbagbo, et Aboudrahamane Sangaré ami de combat et intime du reprouvé de Scheveniggen.

L’opposition dénonce un procès politique et accuse Allassane Dramane Ouattara de refuser une véritable compétition électorale lors de la présidentielle de 2015.

Des jurés contestés pour des raisons ethniques

Pascal Affi N’guessan (source : free.niooz.fr)

Pascal Affi N’guessan (source : free.niooz.fr)

Lors d’un point de presse tenu le lundi 20 octobre au siège provisoire de son parti à Abidjan, Pascal Affi N’guessan (qui bénéficie d’une liberté provisoire) a stigmatisé la duplicité du gouvernement. Face aux journalistes, le président du principal parti d’opposition s’est interrogé en ces termes : « ce procès est-il nécessaire ? En quoi contribue t-il à la normalisation, à la paix et à la réconciliation nationale ? Comment le gouvernement peut-il dire, à l’issue du dernier conseil des ministres, qu’il continue de tendre la main à l’opposition et ouvrir en même temps les portes des prisons pour y conduire les opposants et les enfermer à perpétuité ? ». Il aussi dénoncé la mise en place d’un jury ethnique puisque selon lui tous les jurés à ce procès sont « des membres de l’ethnie de l’actuel chef de l’Etat. »

Une réconciliation très incertaine

 Jean-Pierre Bemba (source : jeuneafrique.com)

Jean-Pierre Bemba (source : jeuneafrique.com)

La réconciliation n’est pas pour demain dans un pays qui peine toujours à retrouver sa cohésion suite à une crise politico-militaire aiguë qui perdure depuis 1999 et dont les points principaux sont la rébellion de 2002 et la sanglante crise postélectorale de 2010. A moins que la justice ne réussisse là où la politique a échoué… mais pour cela il aurait fallu tant à la CPI qu’à Abidjan juger les véritables coupables de la crise ivoirienne. Ces procès vont donc s’ouvrir au moment où dans des cercles avisés l’on se demande si la Cour Pénale Internationale donnera l’autorisation à Laurent Gbagbo d’assister aux  obsèques de sa mère décédée 3 jours après son retour d’exil de plus de trois ans du Ghana voisin. Ses partisans qui le réclament aux obsèques soulèvent la « jurisprudence Bemba » du nom de l’homme politique congolais Jean-Pierre Bemba qui avait pu sortir de la CPI pour assister aux obsèques de son père en 2009.

 

La Cour Pénale Internationale : Pourquoi l’Afrique se rebelle ?

cour-pénale-internationale

Par Nguebla MAKAILA

La Cour Pénale Internationale (CPI), juridiction internationale à compétence universelle, fait l’objet de vives critiques. La plupart des dirigeants africains accusent l’institution judiciaire d’être sélective dans sa démarche. Selon eux, elle n’aurait ciblé que des Chefs d’Etats et des leaders du continent noir.

Les poursuites judiciaires en série par la Cour Pénale Internationale des dirigeants africains, ont provoqué la colère de ces derniers qui ont exprimé le sentiment d’être visés et accusent la dite institution de faire une sélection dans sa quête de justice.

L’Afrique est-elle visée ?

L’Union Africaine, institution panafricaine, a été saisie par plusieurs pays dont l’Afrique du Sud d’où est issue Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, ancienne ministre de l’intécadrerieur dans son pays.

Elle est aujourd’hui à la tête de la Commission de l’U.A. L’Afrique du Sud est devenue pour des Chefs d’Etats africains un lieu qui encourage l’impunité institutionnelle. Ils sont nombreux à posséder des investissements mobiliers et immobiliers et à thésauriser dans les banques sud-africaines les détournements financiers de leurs pays d’origine au profit de leurs intérêts personnels. L’’article 16 du statut de Rome qui a créé la CPI est désormais utilisé comme prétexte pour des pays du continent. Oui, certains ont saisi le Conseil de sécurité en vue d’imposer à cette dite CPI la suspension de toute enquête ou poursuite pour une durée d’un an, renouvelable de facto indéfiniment chaque année. Ainsi, à l’issue d’une réunion tenue le 11 octobre 2013, des ministres des Affaires étrangères de l’Union africaine avaient demandé à l’ONU la suspension des procédures de la CPI contre les dirigeants en exercice.

La Société civile africaine n’adhère pas à la démarche de l’Union africaine

La démarche de l’Union Africaine introduite auprès du Conseil de Sécurité de l’ONU, pour exiger la suspension des poursuites à l’encontre des dirigeants africains, pose problème aux organisations de la société civile sur le continent. Pour celles-ci, l’Union africaine cherche à travers un argument fallacieux à protéger les dictateurs qui essaiment l’Afrique et répriment leurs populations. Par un communiqué de presse, la Ligue Sénégalaise des Droits de l’Homme (LSDH), Human Rights Human et la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO) ont pour leur part demandé à l’ONU de ne pas céder à la volonté des Chefs d’Etats.

Société civile et populations la main dans la main contre l’Union africaine

L’Union africaine ne peut décider à la place des africains eux-mêmes, souvent victimes de leurs dirigeants devenus des bourreaux. Les populations africaines ne sont pas solidaires de leur institution continentale. Elles les considèrent comme une union entre les Chefs d’Etats, constitués en syndicat. Dans un document rendu public, le 18 novembre 2013, à Johanesbourg (Afrique du sud), plusieurs organisations africaines et internationales ont soutenu que : « les gouvernements africains doivent rejeter l’idée selon laquelle, ils doivent bénéficier d’une immunité spéciale vis-à-vis de la Cour Pénale Internationale (CPI). »

Cette déclaration unanime des ONG africaines, confirme l’inquiétude de nombreux citoyens – ennes sur le continent. Ils pensent que les dirigeants africains réclament ce retrait pour se protéger et se soustraire des poursuites internationales qui seront enclenchées contre eux, une fois déchus du pouvoir. L’Afrique reste-t-elle alors le nid des violences politiques, des répressions généralisées, des violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales ? Demeure-t-elle synonyme de mal gouvernance politique et économique ainsi que de gabegie des ressources des pays des responsables politiques et administratifs ?

Les efforts de la CPI pour traduire en justice les dirigeants des grandes puissances occidentales, supposés capables, s’avèrent minimes, au regard de notre liste. Toutefois, si on prend le cas de la France, d’anciens présidents, à savoir Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, ont été entendus par la justice de leur pays d’origine sur leur responsabilité de gestion gouvernementale, lorsqu’ils étaient en exercice. La situation de sous-développement dont est plongée l’Afrique, depuis des décennies, trouve ses origines dans l’impunité et l’injustice sociale. Pour que l’Afrique devienne un continent émergent, il lui faut sans complaisance une justice pour tous qui n’épargne personne.