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A l’Agence France-Presse, la sécurité des reporters au cœur des préoccupations

« Arman Soldin a été tué dans l’est de l’Ukraine le 9 mai dernier, et cela a vraiment été un électrochoc pour l’AFP. (…) Sa mort a fait remonter la question de la sécurité des journalistes dans les débats. »

Avec les guerres qui se multiplient aux quatre coins du globe, les journalistes, envoyés spéciaux et reporters sont de plus en plus menacés. La bande de Gaza et l’Ukraine ont enregistré des dizaines de journalistes tués dans l’exercice de leur fonction, comme le rapporte Reporters sans frontières.

Face à ces dangers, les rédactions tentent « d’armer » leurs journalistes sur les terrains difficiles et complexes. Formations conjointes avec les militaires, système de sécurité intégré dans le téléphone, matériel de protection, soutien psychologiques sont désormais fournis par certains grands médias, qui doivent urgemment s’adapter à ces terrains complexes.

« Professionnaliser la sécurité » au sein des rédactions

Pour l’Œil de la MDJ, le célèbre reporter franco-afghan Mortaza Behboudi était revenu sur ses conditions de travail complexes, ainsi que les moyens mis en place par France Télévisions pour leur protection. Aujourd’hui, c’est au coordinateur de la sécurité de l’Agence France Presse (AFP), Jean-Marc Mojon, de nous parler de son métier et de la sécurité des reporters. Ancien reporter pendant près de vingt ans dans la célèbre agence française, il a lui-même parcouru de nombreuses lignes de front durant sa carrière. Il a lui aussi été confronté aux lacunes des grandes rédactions concernant sa préservation, ce pourquoi il œuvre aujourd’hui pour ses confrères et consœurs aux quatre coins du globe. Entretien.

Image – Alhussein Sano

Montage – Maud Baheng Daizey

DÉO NAMUJIMBO LAURÉAT DE L’ÉDITION 2024 DU PRIX VICTOIRE INGABIRE UMUHOZA : INTERVIEW

Déo Namujimbo, journaliste aux facettes multiples originaire de République Démocratique du Congo, exilé en France, fait partie des lauréats du Prix Victoire Ingabire. Décerné par le Réseau International des Femmes pour la Démocratie et la Paix en hommage à Victoire Ingabire Umuhoza, éminente militante rwandaise pour la démocratie et la paix, ce prix met en lumière le courage et les initiatives exemplaires de Deo Namujimbo ainsi que de ses compagnons lauréats.

À cette occasion, l’écrivain nous accorde une interview exclusive pour revenir sur son engagement et l’obtention de son prix. Il partage avec nous ses réflexions.

Félicitations pour ce Prix Victoire Ingabire, pouvez-vous nous dire ce que cela représente pour vous ?

J’ai remporté plusieurs prix nationaux et internationaux tout au long de ma vie, mais je n’ai aucune difficulté à dire que le prix Victoire Ingabire Umuhoza est pour moi plus important que tous les autres réunis, en ce sens qu’il symbolise ce que j’appelle « mon combat », qui est aussi celui de cette noble dame que personnellement je surnomme la Aung San Suu Kyi de l’Afrique des Grands lacs. Le combat pour la paix, la justice, et le respect de la vie humaine et de la démocratie en Afrique centrale, principalement au Rwanda et en République pseudo démocratique du Congo.

En recevant le Prix Victoire Ingabire, votre engagement pour la liberté de la presse et la défense des droits de l’homme est consacré. Comment envisagez-vous de le poursuivre dans ce domaine ?

Jusqu’à mon dernier jour je poursuivrai mon combat en respectant à la lettre ma devise qui me convainc à continuer ma lutte au péril de ma vie : « Je me bats sans bombes ni fusils. Mes seules armes sont la loi et la justice, la plume et le papier ». Tant que j’aurai de l’encre dans mon stylo je continuerai à écrire, je participerai à tous les débats concernant les malheurs des peuples de mon pays d’origine la RDC et le silence – j’allais dire l’omerta institutionnalisée – qui frappe quiconque, journaliste, écrivain, activiste, qui ose dénoncer la férule subie par ces millions d’êtres humains de la part d’un régime dictatorial et sanguinaire installé et encouragé par les « dirigeants » de ce monde. Mais les Congolais et les réfugiés rwandais sont-ils encore considérés comme des êtres humains, combien pèsent-ils devant les intérêts des États et des multinationales ?

Y a-t-il des projets ou des initiatives futures auxquels vous participez ou que vous envisagez de mettre en œuvre pour soutenir la liberté de la presse et les droits de l’homme ?

Pour le moment je me limite, faute de moyens, à dénoncer à travers mes livres et les conférences-débats auxquelles je suis invité de temps en temps. Je dois ici crier mon découragement et mon désarroi en constatant que la France – et aussi la Belgique – n’est pas le pays de la liberté de presse que je m’étais toujours imaginé. Je ne vous en cite que quelques exemples : lors de la parution de mon livre intitulé La Grande manipulation de Paul Kagame aux éditions Arcane 17 en mai 2023, mon éditrice et moi-même avons pris grand soin d’en envoyer un exemplaire à pratiquement toutes les grandes rédactions régionales et nationales de la presse écrite et de la télévision. Aujourd’hui, près d’une année après, force est de constater que pas une seule ligne n’en a jamais été écrite ou publiée, pas un mot n’en a été dit à la télévision. De même que bien d’autres livres écrits et publiés par des journalistes et écrivains de talent comme les Américains Stephen Smith, et Reed Brody, la Canadienne Judi Rever ou encore la Britannique Michela Wrong et les prêtres belges Serge Desouter et Guy Theunis. Encore moins le professeur Filip Reyntjens… Même pas dans l’Humanité, journal communiste par excellence pour lequel ma co-autrice Françoise Germain Robin a été journaliste et grand reporter pendant 35 ans. Où est donc la liberté de presse quand on a vu il y a deux ans Mme Natacha Polony, directrice de rédaction du magazine Marianne, trainée devant la justice française pour avoir simplement dit dans une émission de radio, je la cite : « Pendant le génocide rwandais, il y avait des salauds dans les deux camps ». En résumé, je me battrai aussi longtemps qu’il le faudra pour rétablir la vérité sur ce sujet et tant qu’on voudra faire croire aux Français et au reste du monde que l’homme qui martyrise des millions de personnes en Afrique centrale est un saint et une victime, alors qu’en vérité c’est le pire meurtrier que le monde ait connu depuis un certain Adolf Hitler.

GERMAIN-ROBIN, Françoise, NAMUJIMBO, Déo. La grande manipulation de Paul Kagame, ed. Arcane 17, 2024.

En quoi ce prix raisonne-t-il particulièrement avec la situation actuelle en RDC selon vous ?

Pour moi, ce prix est la reconnaissance qu’il y a encore des personnes qui luttent et risquent leurs vies au quotidien non seulement pour les habitants de la RDC et du Rwanda, mais en général pour l’Afrique et le monde en général. Je résumerai simplement en citant l’exemple du correspondant en RDC de Radio France International, Stanys Bujakera Tshiamala, qui vient d’être libéré de prison après six mois passés à l’ombre pratiquement sans jugement et sans motif sérieux, simplement pour avoir fait son travail d’informer sur l’assassinat du porte-parole d’un opposant au chef de l’Etat…

Pouvez-vous nous faire un bref point de la situation du journalisme en RDC ? Quels sont les principaux moyens de censure des journalistes en RDC ?

Au risque de vous décevoir, je ne crois plus au journalisme en RDC. N’importe qui s’improvise journaliste pour peu qu’il sache écrire et publier quelques lignes pou raconter des blablas sur les réseaux sociaux. Lorsque tous les journaux, les radios et les maisons de télévision appartiennent à des hommes d’affaires, des partis politiques ou des églises vous comprendrez aisément que le journaliste ne peut que répercuter la voix de son maître. Depuis une trentaine d’années tous les bons journalistes sont morts, ont changé de métier ou sont partis vivre en exil.

Les journalistes s’autocensurent-ils ou pourrait-on parler d’un système de journalistes de “garde” qui défendent le gouvernement plutôt que de fournir une information véritable ?

Tout le monde sait exactement ce qui se passe mais n’ose pas en parler, surtout pas les journalistes qui ont intérêt à la fermer de peur de perdre leur boulot, de se retrouver en prison ou au cimetière. Ceux qui tiennent à leur honneur ou à faire du bon travail objectif et professionnel prennent le chemin de l’exil.

Vous soulignez que l’un des plus grands défis pour la République démocratique du Congo est la concentration considérable de richesses, notamment des minerais, sur son territoire. Dans ce contexte, pensez-vous que le pays est toujours en proie à un système de désordre organisé orchestré par des puissances extérieures, ou est-ce que l’arrivée de nouvelles puissances telles que la Russie ou la Chine a modifié cette dynamique ?

En toute honnêteté je ne suis plus au quotidien les réalités économiques de mon pays d’origine. Je ne connais donc pas avec précision l’ampleur de la mainmise de la Chine ou de la Russie par exemple dans l’économie de la RDC. Mais ce que je peux dire sans hésiter et sans peur d’être contredit, c’est que l’Occident a une grande part de responsabilités dans la situation dramatique que traverse cette partie du monde depuis plus d’un quart de siècle. Sinon comment pouvez-vous expliquer que la France, comme elle ne peut plus envoyer des mercenaires en Afrique comme du temps de Bob Denard, utilise aujourd’hui l’armée du Rwanda pour protéger les mines de gaz de Total Energies au Mozambique ? Qui pourrait me dire à quel jeu joue l’Union européenne en offrant régulièrement des dizaines de millions d’euros à l’armée rwandaise tout en condamnant cette même armée de soutenir la rébellion du M23 qui endeuille des millions de familles à l’est du Congo et cause des déplacements de millions d’autres personnes déplacées de leurs maisons et de leurs villages ?

Un seul exemple : il y a 18 mois environ l’on a découvert d’importants gisements de lithium dans les environs du village de Kishishe d’où les rebelles du M23 se sont empressés de faire fuir les habitants. Quelques mois plus tard l’Union européenne signe un contrat avec le Rwanda pour l’exploitation du lithium, en sachant pertinemment que ce pays ne décèle pas un seul gramme de ce minerai dans son sous-sol. Si vous y comprenez quelque chose, je vous envie.

Hormis ce que l’on vient d’évoquer, y a-t-il d’autres obstacles à la démocratie et au respect des droits de l’homme en RDC, et quelles solutions pourraient être envisagées pour les surmonter ?

Il existe en RDC toute une litanie d’obstacles à la démocratie et au respect des droits de l’homme mais ces obstacles sont dus à l’incompétence et à l’avidité des tenants du pouvoir à Kinshasa et dans les provinces. Les autorités politiques, militaires et administratives ne s’occupent que de piller le pays pour leurs propres intérêts, ne s’occupant pas un seul instant des millions d’enfants qui dorment dans la rue, des centaines de milliers d’autres qui n’ont pas les moyens d’aller à l’école.

Au point qu’un adage courant dit que tous les fonctionnaires congolais souffrent du SIDA : le Salaire Impayé Depuis des Années, pendant que le président de la République, les ministres, les officiers supérieurs, les députés et en général tous les « représentants » du peuple sont millionnaires, certains milliardaires, et se prélassent dans les plus luxueux palaces du monde. Comme on ne peut pas construire assez de prisons, la seule solution serait de construire un grand mur autour de la présidence de la République, du Sénat, de l’Assemblée nationale et de l’Etat-Major général de l’armée. Mais qui pour les remplacer ? C’est là la grande question. Je vous remercie.

Par Valentin Koprowski

‘Let all obstacles be removed in the way of women’s empowerment in Bangladesh’

Empowerment of women will be ensured only when women are independent and dignified at every stage of life. Empowering women is not possible in a day. Real development of women will not be possible if the ideas developed in the society are not completely resisted. The position of women in the society of Bangladesh has not yet been established. Women are not valued anywhere. It’s not possible to get rid of this problem if the negative mentality is not removed.

“All the great creations in the world are eternally good, half made by women and half made by men”

Women are still neglected in the family. Discrimination against a girl child starts after she is born. If there is such discrimination against women in the family, it’s difficult to bring real respect for women outside the home. As a result, respect for women should be created from the family. Equal importance should be given to the mental development of boys and girls in the family. One should refrain from misbehaving with the girl child considering her as a deposit of the next house. Family is the first step to ensure women’s empowerment. Therefore, equality, freedom, freedom of expression should be developed within the family first.

Women have right to independent life, every person is individual. Our family, society does not allow women to live freely, even if they don’t impose barriers on men to live independently. Even women are not taught that they can live independently. She had to walk on someone’s shoulders since childhood. Today’s women are becoming aware of their rights. As a result, the more advanced women are in expressing their opinions, the more freely and safely they can live their lives, the smoother the empowerment of women will be. So we stop wearing shackles on women’s feet to awaken women’s power.

Respect for women should be developed in the family and society. Remember, women are not a commodity. Even today it is heard from all corners of the society that you are a woman, so this work can never be done by you. This misconception needs to be changed. Women should be made aware of why they can’t. If a man can do anything, why not a woman?

Education is the biggest obstacle in the path of women’s empowerment in Bangladesh. Women lag behind men in education. Especially in rural areas. Child marriage has not been completely stopped yet. Child marriage must be stopped if women are to be empowered. 100% female education should be ensured. Napoleon said, “Give me a good mother, I will give you a good nation!” Therefore, women’s education must be ensured to free the future of the nation. Empowerment of women will increase if education is ensured.

In addition to women’s education, women-friendly working environment should be developed to strengthen women’s empowerment. The unemployed are a burden to society. As a result, in addition to women’s education, attention should be paid so that they do not face any problem in entering the world of work.

Religion and politics against women

Another major obstacle in the path of women’s empowerment is economic poverty. Even today, women are not given much importance in the family and society if women are not financially prosperous. No matter how much work a woman does at home, our society does not accept it within the context. As a result, women should be made economically independent so that their work can be appreciated and their respect can increase. There is no substitute for education to become economically prosperous.

Another big obstacle in the path of women’s empowerment is religious bigotry. Many fundamentalist groups believe that it is a grave sin for a woman to go outside the house. As a result, women are confined in the house and empowerment is not possible.

Some of the other obstacles in the way of women’s empowerment are: imbalanced power structure, continuation of social traditions, gender segregation, mentality of slavery to men, lack of democracy and stable political environment, non-attachment of civil society.

To ensure women’s empowerment, protection and rights must be ensured through legislation. In 1975, the women’s conference in Mexico was the main comment on the policy of protecting women’s rights, which was the empowerment of women. Currently, women are becoming more aware, but they are not able to play any effective role in the country’s economy due to lack of proper working environment and security. As a result, to ensure the empowerment of women, a safe environment must be created for women.

Although some steps have been taken to empower women, they are still tortured, kidnapped and trafficked, raped, murdered for dowry, molested, attacked with acid. And these crimes have become common everyday occurrences.

More than 50 women disappears each month in Bangladesh

© Mika Baumeister
© Mika Baumeister

According to human rights organization ‘Ain O Salish Kendra’ [Law and Justice Center in English] (ASK), A total of 573 women were victims of single and gang rape in 2023. 33 women were killed after rape and five people committed suicide after rape. Besides, 129 women were victims of rape attempts in 2023. Three of them were killed after attempted rape and three committed suicide due to attempted rape.

At least 142 women have been victims of sexual harassment. Among them 12 women committed suicide. 122 men were tortured and harassed while protesting these incidents. And 4 women and 4 men were killed while protesting.

In the domestic violence and dowry section of the report, a total of 507 women were victims of domestic violence this year. Out of which 292 women died and 142 women committed suicide.

This calculation is found in another statistic of ‘ASK’. The organization says that from 2017 to July 2022, a total of 3,376 women were killed or forced to commit suicide. By year, 597 women in 2017, 528 in 2018, 587 in 2019, 661 in 2020, 684 in 2021 and 319 women in the first seven months of 2022 have experienced this extreme event. That means more than 50 women are missing on an average per month. Where there are more murders than suicides.

According to other statistics of ‘ASK’, 251 women were victims of domestic abuse in the year 2022 (July-December) across the country. Out of which 152 women died due to torture and 55 women committed suicide. 5 women were victims of acid throwing.

A beautiful and healthy nation is formed by the combined efforts of men and women. The patriarchal mentality must be avoided. It should be recognized from the heart that women are an important part of the society. Men are not co-competitors of women. As a result, to ensure women’s empowerment, both men and women must be respected.

If we can create a society without discrimination, women will have more opportunities to engage in the welfare of the country. Women’s education, freedom of expression, work should be respected. Women’s work should be given due recognition. Women should not be looked down upon.

All adverse political, social, family, economic and legal environments should be made favorable. Women should be aware of the need to remove all obstacles in the way of women empowerment. They should get their rights.

Jamil Ahmed

SÉNÉGAL : UN PAYS AU BORD DU CHAOS

Armés de cailloux et de gourdins, des jeunes gens courent dans tous les sens, d’autres attisent le feu sur les chaussées, des coups de fusils qui tentent de les disperser. Telle est l’atmosphère qui prévaut sous le ciel de Dakar depuis le 10 février dernier. Mais que se passe-t-il exactement au pays de Cheick Anta Diop ?

C’est l’annonce de Macky Sall qui a mis le feu aux poudres. En effet, président sortant, ce dernier a unilatéralement décidé de prolonger son mandat en repoussant la date des élections présidentielles prévues le 25 février 2024. En guise de réponse, la jeunesse sénégalaise a décidé de protester par des marches pacifiques. Mais elle s’est aussitôt vue en train de faire face aux forces de l’ordre qui ont été mobilisées pour empêcher tout débordement.

Contexte

Arrivé au pouvoir en 2012, le président Macky Sall, comme la plupart des dirigeants africains, avait promis monts et merveilles, pendant sa campagne électorale, à la jeunesse sénégalaise en proie à une vie meilleure. Une jeunesse amèrement frappée par la misère et le chômage comme dans tout le continent. Mais après deux mandats à la tête de l’État, aucune de ses promesses ne s’est réalisée.

Comble d’étonnement et de frustration pour la population, les principaux opposants sont plutôt arrêtés et traînés devant les tribunaux avec des motifs le plus souvent imaginaires. Karim Wade, le fils de l’ancien président, Abdoulaye Wade et le maire de Dakar, Khalifa Sall, les deux principaux opposants, sont les premières victimes de cette justice à tête chercheuse. C’est d’ailleurs ce qui avait poussé celui-là même que Macky Sall avait remplacé à la tête de l’État à lancer un boycott général contre toute élection dans le pays après la victoire du camp présidentiel aux élections législatives de 2017 qui avaient été sévèrement contestées par l’opposition.

Mais la population va véritablement se réveiller après la dernière condamnation d’Ousmane Sonko, un jeune opposant adulé par tous. Ce dernier a été condamné en juin dernier pour débauche de mineure. Une condamnation que dénonçait un de ses avocats, Massokhna Kane, comme « une opération de liquidation politique d’un adversaire avec un chronogramme où on compte les jours pour dire que telle personne ne participera pas à l’élection présidentielle », ainsi rapporte TV5 Monde le 5 janvier dernier.

Coup d’État constitutionnel

Pour beaucoup de jeunes sénégalais, l’annonce de la date du 5 février par le président de la République a été perçue comme un coup d’État constitutionnel. C’est ce qui les a d’ailleurs poussé à inonder les rues de la capitale. Ainsi peut-on lire sur France Info dans un article du 5 février 2024 : « J’ai voté pour lui et soit il nous tue, soit il nous emprisonne, regrette un troisième qui l’assure : On reste ici. Il y aura une élection le 25 février ! ». Mais après plusieurs marches qui ont occasionné des dizaines de morts, Macky Sall a saisi l’Assemblée nationale afin de corroborer sa décision de repousser la tenue des élections présidentielles.

Mais le conseil constitutionnel a pris une décision très importante pour empêcher le pays de sombrer dans une guerre civile. Cette haute juridiction a exigé la tenue des élections présidentielles avant la fin de l’expiration du mandat présidentiel prévue le 2 avril prochain. « La fixation de la date du scrutin au-delà de le durée du mandat du président de la République en exercice est contraire à la Constitution », a précisé le conseil constitutionnel comme l’explique le journal Le Monde le 6 mars 2024. Depuis cette annonce, la jeunesse s’est calmée et attend d’aller aux urnes afin d’élire leur président.

Grégoire Blaise Essono

R.D. CONGO. Des millions de morts, des centaines de milliers de femmes violées. S’achemine-t-on vers un génocide ?

En ébullition depuis 1997, année de départ du pouvoir de Mobutou Sese Seko, ancien président ayant dirigé le pays d’une main de fer pendant 32 ans, le Congo a, tour à tour, connu plusieurs guerres causées par des groupes rebelles qui sévissent dans l’est du territoire notamment dans la région du Kivu. D’après le journaliste et politologue Charles Onana qui parle d’holocauste, ces guerres ont causé déjà plus de 10 millions de morts et plus de 500 000 femmes violées.

Très déçu de la situation chaotique de leur pays vers la fin du règne de Mobutou, Laurent Désiré Kabila avait suscité beaucoup d’espoir chez les Congolais. Vieux routier de la rébellion et de l’agitation politique, il était arrivé à la tête de l’État porté par une coalition de groupes rebelles en provenance des pays voisins : Rwanda et Ouganda. Mais après quatre années de pouvoir secouées par d’intenses massacres dans l’est du pays, causés par ses propres groupes rebelles qui s’y étaient recroquevillés, il mourrait assassiné par un de ses aides de camp. Son fils, Joseph Kabila, général d’armée, lui succédait automatiquement.

Mais après 17 ans de règne, pendant lesquels il avait réussi à briguer au forceps deux mandats politiques de cinq ans, il était toujours incapable de mettre fin aux massacres des populations dans l’est du territoire. Ainsi fut-t-il contraint, par une sorte de compromis électoral avec les partis politiques, notamment avec l’Union pour la Démocratie et le progrès Social (UDS), de rendre le pouvoir aux civils après une élection qui portait au sommet de l’État Félix Tshisekedi. Malgré l’arrivée de ce dernier aux Affaires en 2018, les Congolais n’ont toujours pas fini de compter, en masse, leurs morts au Kivu.

Installation des groupes rebelles dans l’est du pays

Situé au cœur du continent, le Zaïre avait souvent été l’objet d’attaques extérieures par des groupes rebelles lumumbistes taxés de communistes. Ces groupes avaient trouvé refuge dans la frontière est du pays. Car ils avaient la possibilité de s’y ravitailler en armes et en munitions grâce au pillage des ressources minières, très prisées pour les grandes compagnies industrielles, qui regorgent dans cette zone. Mobutou réussissait toujours à les repousser avec l’aide des mercenaires venus de l’Occident.

Mais lâché par ses paires à la fin de la bipolarisation du monde, son armée s’était affaiblie en un temps record rendant ainsi les frontières du pays poreuses. C’était donc presque sans effusion de sang que le lumumbiste Laurent Désiré Kabila avait réussi à s’emparer du pouvoir. « La chute du maréchal Mobutu a lieu le 16 mai 1997. Ce jour-là, le Zaïre tourne la page du « Léopard ». Le lendemain, le 17, les troupes de l’AFDL entrent victorieuses dans Kinshasa, sans aucune résistance des Forces armées zaïroises. ».

Ainsi peut-on lire sur le site de Rfi dans un article paru en 2017 au sujet de l’ancien président zaïrois. Une fois à la tête de l’État, le nouvel homme fort rebaptisait le territoire République Démocratique du Congo, ancien nom du pays lors de son accession à l’indépendance en 1960.

Mais l’affection que lui vouaient les anciens zaïrois étaient retombée lorsque ses rebelles, faisant dorénavant partie de l’armée nationale, pour la plupart des non Congolais, avaient commencé des exactions de tout genre sur le peuple. C’est ainsi qu’il fut obligé de se séparer d’eux pour ne pas perdre la confiance et le soutien de ses concitoyens. Très mécontents de cette décision de leur ancien acolyte, les rebelles avaient replié dans l’est du pays, où ils allaient tenter plusieurs assauts afin de le renverser.

Notons que si les rebelles ont toujours choisi cette zone, outre ses richesses, c’est parce qu’elle est très difficile à contrôler, sans aides extérieures, par un État du tiers monde. On se souvient très bien que c’est à partir de cette même zone que Laurent Désiré Kabila, toujours porté par une coalition de groupes rebelles, dirigée par l’illustre Che Guevara, avait envahi, en 1967, les 3/4 du Zaïre avant d’être repoussé par Mobutou.

Des massacres à grande échelle

Première guerre du Congo

Depuis 1996, le Congo a connu trois grandes guerres. La première, encore appelée « guerre de libération », est celle qui emmène Laurent Désiré Kabila au pouvoir. Elle se déroule de fin 1996 à mai 1997. Elle fut, on peut dire, pacifique car l’armée de l’ancien président, étant déjà défectueuse, les militaires avaient préféré de se rendre plutôt que de résister et se faire saigner inutilement.

Selon le journaliste François Soudan, le général Mahelé, alors chef d’état-major du Zaïre, aurait donné le plan des positions des militaires zaïrois aux rebelles lors de la bataille de Kenge, dernier bastion de la résistance avant d’entrer dans la capitale politique Kinshasa. Cet affrontement avait fait 250 morts entre militaires et rebelles. C’était d’ailleurs le deuxième affrontement entre les deux camps après la bataille de Lemara qui avait, des mois plutôt, causé 39 morts toujours entre militaires et rebelles.

Au total, les pertes en vies humaines, lors de la première guerre du Congo, peuvent être estimées à 289 morts. Mais selon certains rapports des missions de l’ONU au Congo, encore non officiel, plus de 200.000 réfugiés hutus auraient disparu lors des attaques des rebelles à l’est du pays. Ceci est d’ailleurs soutenu par les écrivains Marc Le Pape et Jean-Hervé Bradol dans leur livre « Les disparus du Congo-Zaïre 1996-1997 ». La question des massacres de réfugiés rwandais hutus en République démocratique du Congo. Charles Onana en parle aussi sans oublier l’article de l’écrivain belge David Van Reybrouck, « Congo, une histoire ».

Deuxième guerre du Congo

Le 02 août 1998, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), soutenu par le Rwanda et l’Ouganda, lançait les attaques à l’est du pays. Très rapidement, ce mouvement mettait la main sur les ressources minières et s’installait à Goma. Après avoir pris le contrôle des villes de Bukavu et Uvira, ces rebelles prenaient la direction de Kinshasa. Quelques semaines leur avaient suffi pour se retrouver aux portes de la cité capitale. Malgré le soutien des milices Maï-Maï et des forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), mouvement rebelle hutu, hostile aux gouvernements rwandais et burundais, Laurent Désiré Kabila ne parvint pas à contrer les rebelles du RCD. C’est ainsi qu’il fut obligé de lancer un appel de détresse international.

Les premiers à répondre furent les membres de la Communauté de développement de l’Afrique australe en abrégé SADC en anglais. La Namibie, le Zimbabwe et l’Angola vinrent donc soutenir les armées de la RDC. Plus tard, ils furent rejoints par le Soudan, le Tchad et la Libye. Nous sommes donc de plain-pied dans la deuxième guerre du Congo encore appelée « la grande guerre africaine » ou la « première guerre mondiale africaine ». Après d’âpres affrontements sur plusieurs années, entre les alliés et les groupes rebelles qui en faisaient déjà une trentaine, particulièrement soutenus par le Rwanda et l’Ouganda, un cessez-le-feu fut signé sous la supervision de l’ONU le 31 décembre à Gbadolite.

Le 30 juin 2003, un gouvernement de transition, entérinant officiellement la fin de la deuxième guerre du Congo, est formé. Cette guerre, selon le rapport de l’International Rescue Committee, aurait causé plus de 4,5 millions de morts avec des millions de déplacés et de réfugiés.

La guerre du Kivu

Après la formation du gouvernement de transition en 2003, l’armée congolaise fut reformée et rebaptisée sous le nom de Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC).

Plusieurs leaders des différents groupes rebelles y furent intégrés. Parmi eux, se trouvait Laurent Nkunda, le leader du Congrès nationale pour la défense du peuple (CNDP). Il intégrait la nouvelle armée comme colonel. Quelques mois plus tard, il devint général. En 2004, alors que les FARDC menaient des offensives contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), ce dernier décida de démissionner de l’armée pour entrer au maquis. En mai 2004, il lançait les hostilités contre les FARDC avec pour prétexte de prévenir un génocide. C’est le début de la guerre du Kivu qui ne connaîtra jamais un terme. Ce sera plutôt un conflit entrecoupé d’intermèdes qui se déroule jusqu’à ce jour dans le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et l’Ituri. Si Wikipédia parle de 11 873 morts, notons qu’aucune source n’a encore donné le chiffre exact des dommages humains causés par cette interminable guerre.

Des viols systématiques

Le viol est une autre arme de guerre que les groupes rebelles utilisent pendant leurs multiples attaques. Depuis plus de 20 ans que l’est de la République démocratique du Congo est en ébullition, la journaliste Anne Guion, dans son article « Guerre du Kivu : des chrétiens au chevet des femmes violées », publié le 27 novembre 2012 dans l’hebdomadaire La vie, parle de plus de 500.000 femmes violées. Outre les stigmatisations que sont victimes les enfants issus de ces viols, l’autre conséquence de cette barbarie réside dans les mutilations génitales que les rebelles pratiquent sur la plupart des femmes violées. Surnommé « l’homme qui répare les femmes », le gynécologue Denis Mukwege, qui vit au quotidien ces horreurs, a décidé depuis 2012 de les faire connaître à la communauté internationale. Cet engagement lui a d’ailleurs valu la distinction du prix Nobel de la paix en 2018.

Un génocide en prélude à la création de la République des volcans

Pour le journaliste et politologue Charles Onana, derrière ces massacres, ces viols et ces mutilations génitales, se cache un projet fortement mûri depuis des années. Spécialiste de la région des grands lacs, il explique, au micro d’André Bercoff sur Sud Radio, qu’il s’agit de la théorie du grand remplacement. Exterminer les populations de cette partie du Congo pour les remplacer par des Tutsis afin de créer un État dénommé la République des volcans est l’objectif que poursuivent les présidents Rwandais, Burundais et Ougandais car ce sont eux qui soutiennent les différents groupes rebelles qui y sèment la terreur. Une thèse de génocide soutenue par l’Organisation des Nations unies dans le Projet Mapping qui avait documenté les différents massacres qui s’étaient déroulés entre 1993 et 2003. Ceci avait alors suscité les colères des présidents mis en cause qui continuent de réfuter, avec la dernière goutte d’énergie, ce rapport.

Grégoire Blaise Essono

Congo : Scandales à la présidence, au palais de justice, dans les écoles et…

La République se délite. La semaine qui vient de s’achever révèle un grand nombre de dysfonctionnements dans l’appareil administratif, sécuritaire, éducatif, judiciaire, religieux et diplomatique. Les antivaleurs et les scandales de tout ordre ont phagocyté les bonnes mœurs au point de penser à un malaise généralisé.

Décryptage

Le président de la République du Congo, a eu une intense activité et beaucoup voyagé en 187 heures. Il s’est d’abord rendu en Italie. Après, il est revenu à Brazzaville où il a été très mobile avant de s’envoler pour Boundji via Olombo-Oyo. 39 heures après, il a rejoint Brazzaville. Aussitôt rentré, il s’est mis à réviser le discours qu’il devait prononcer le 5 février 2024 à la réunion du haut sommet sur la Libye à Kintélé. Dans le hall de la salle de réunion, il a trébuché.

Selon certaines indiscrétions, il aurait fait un malaise à sa résidence et aurait divagué à la manière de Joe Biden. Les réseaux sociaux se sont délectés des faits en allant dans tous les sens. L’incertitude s’est muée en inquiétude. La santé du chef de l’État est glosée dans tous les milieux. Simple rumeur ou vérité. Les communicateurs de la République sont silencieux comme des carpes.

Les populations ont besoin d’être rassurées pour tordre le cou à tous les quolibets qui alimentent la toile. Peut-on se permettre de dire que dans « cent grammes de rumeur, il y a au moins dix grammes de vérité » ? Cela semble se vérifier car, quelques heures plus tard, Brazzaville a été plongée dans le noir jusqu’au départ de Denis Sassou Nguesso comme à l’époque où il partait se faire soigner en Espagne.

M. Sassou qui prend le temps de se reposer, se faire masser et se doper des médicaments après une intense activité, s’est curieusement envolé pour Dubaï le 7 février 2024 d’où il rentre bredouille – sans avoir signé d’accord ni ramené des fonds – dans sa gibecière. Pourquoi l’a-t-on donc mis précipitamment dans l’avion ?

Au même moment, le Congo s’est agité : les élèves du lycée 5 février ont tenté une révolution, le ministre d’Edgard Nguesso, Léon Juste Ibombo a enfoncé le clou en semant la zizanie auprès du peuple. De son côté, le général Ndenguet a conféré avec les évêques du Congo. Au palais de justice, on est passé à un pas d’un affrontement entre gendarmes et policiers, entre les soutiens de JDO et ceux de Christel Denis Sassou Nguesso

La rencontre du général Ndenguet et les Évêques et différents scandales

La retrouvaille des évêques du Congo à la résidence privée d’Obouya du général Ndenguet située à 620 kilomètres de Brazzaville et sur son invitation, participe, sans nul doute, du fervent désir de demander l’intercession des hommes d’église pour M. Sassou, la paix du Congo et bien sûr pour ledit général.

La santé et la paix n’ont pas de prix, dira-t-on ; il faut faire feu de tout bois. La énième remise du Congo aux mains de Dieu s’affiche sur le catalogue de toutes les demandes formulées à ce jour auprès du Tout-Puissant. Les gouvernants ont-ils seulement compris la valeur du pardon et de la rémission des péchés ? Revenons sur le droit chemin pour mériter le pardon de l’Immanence.

Le congolais reproche aux évêques de l’Eglise catholique du Congo de ne pas décliner l’invitation d’un officier-général, directeur général de la Police depuis 27 ans cité dans plusieurs assassinats. L’Église devient-elle complice de la dictature ou corrompue ? 

Mais entre-temps, le général Ndenguet, n’a pas vu venir l’humiliation que devait connaître son rejeton, madame Sarah Pereira, qui, respectueuse des textes réglementant la procédure de radiation et de déclaration d’une entreprise, s’est vue confrontée à l’arbitraire et à l’abus de pouvoir, du greffier Endzena Okali Gédéon Perphyte qui serait influencé par le colonel – président du tribunal de commerce de Brazzaville (TCB) Bossouba. Mme Pereira et sa collaboratrice, depuis trois semaines, se sont rendues plusieurs fois au TCB dans l’espoir de récupérer les documents leur permettant d’engager les activités commerciales.

Malgré qu’elle s’est acquittée des droits y afférant et mouillé aussi la barbe pour obtenir ce précieux sésame, le TCB l’a menée en bateau jusqu’à la date du 8 février 2024 où, lasse d’attendre, a fait vertement valoir ses droits, ce qui a abouti à une dispute. Sur instruction du colonel-président qui demandait de stopper le vacarme au sein du Palais de justice, le greffier à son tour a transmis le message aux gendarmes qui ont brutalisé et soulevé madame Sarah Pereira jusqu’à la placer en garde à vue au poste de gendarmerie du palais de justice de Brazzaville.

Après des coups de fil auprès du colonel-major Olangué de la gendarmerie et à la direction de la police, des dizaines de gendarmes et des policiers ont débarqué au palais pour libérer Sarah Pereira et cueillir les gendarmes qui avaient placé la dame. A son tour, le procureur de la République adjoint (PRA) Mbongo, ordonne la libération de Sarah Pereira et refuse de livrer les gendarmes. Fâché, le capitaine de l’escadron insulte le PRA.

Par solidarité, les magistrats et les greffiers qui ont assisté à la scène, veulent partir en grève si ce capitaine n’est pas sanctionné. Le ver est dans le fruit. Selon certaines indiscrétions, cette affaire n’est qu’une guerre larvée des clans nordistes dont Sarah Pereira ne serait qu’une victime collatérale et devait être le dindon de la farce d’un noyau Mbochi pressé de succéder à Denis Sassou Nguesso. Un scandale de plus dans l’espace judiciaire où le greffier, malgré le serment de confidentialité, s’est permis de filmer et poster une vidéo sur les réseaux sociaux. 

De même, il est triste pour ce capitaine de désobéir aux ordres du PRA sous prétexte, qu’au cours du réveillon d’armes, le commandant en chef aurait demandé de ne « serrer » les fesses que devant leur chef hiérarchique. Bref, tous ses problèmes ne seraient pas arrivés si le dossier avait été traité dans les délais.

À peine M. Sassou s’est ouvert aux jeunes dans son adresse à la nation que ceux-ci ont vite fait de s’abreuver à la mare de l’incivisme. L’école congolaise est véritablement au creux de la vague. Les symboles sacrés de la République viennent d’être profanés dans l’espace éducatif. Sacrilège ! Le drapeau, incarnation de l’identité, la fierté et la dignité de la nation, a été souillé par ceux-là même que le pouvoir a fabriqués et mis dans la rue pour tuer, violer et agresser les paisibles populations. Les bébés noirs ont été recrutés et continuent de l’être parmi les jeunes, scolarisés et rebuts du système éducatif. Ils ont l’onction de leurs parrains dont le désir de traumatiser les citoyens est organique.

Le premier ministre Anatole Collinet Makosso a convoqué une réunion le 9 février en rapport avec la situation qui s’est produite au Lycée du 5 février, mais il n’a pas, à tort, cru utile d’associer les gestionnaires des forces de sécurité. Cela est-il révélateur du malaise et de l’impuissance du Premier ministre à faire des injonctions à ceux qui doivent assurer l’ordre et la discipline ?

Pire, il n’a pas pu rappeler à l’ordre Léon Juste Ibombo qui confond les missions du régulateur avec celles du ministre jusqu’à semer la confusion. Comment un ministre peut-il publier la note n°0212/MPTE-CAB/24 de baisse des tarifs internet et des communications alors qu’aucun tarif n’a été modifié jusqu’à ce jour ?

Ibombo voulait-il pousser subtilement des gens au soulèvement ou régler simplement des comptes au directeur général Louis Marc Sakala de l’Agence des Régulations des Postes et Communications Électroniques ? Autant de questions que nous développerons dans nos prochaines livraisons.

La situation est très confuse et volatile au Congo. Il n’est pas exclu qu’avec le malaise généralisé que le pays implose demain.

Ghys Fortune BEMBA DOMBE

« Vivants » : dans les coulisses du journalisme d’investigation

Mardi 30 janvier, l’Œil de la Maison des journalistes a pu assister en avant-première à la projection du l’œuvre cinématographique « Vivants », réalisée par Alix Delaporte. Fiction éclairant sur les difficiles conditions de travail des reporters, et présentée hors compétition à la 80e Mostra de Venise, « Vivants » sort en salle ce mercredi 14 février.

Entre paralysie budgétaire pour les reportages, ambiance familiale d’une petite équipe soudée, et frénésie de la passion du terrain, Alix Delaporte dépeint le quotidien de grands reporters d’aujourd’hui, désormais prisonniers de la course à l’information.

« L’international, tout le monde s’en fout »

En quelques lignes, le synopsis du film donne le ton : le grand reportage est abandonné par les médias français, qui selon eux « n’est plus assez rentable », car le public n’est plus au rendez-vous. « L’international, tout le monde s’en fout, les Français veulent rêver », rabâche-t-on aux oreilles de l’équipe. 

Pourtant, dans la réalité et selon le baromètre 2023 sur la confiance des Français dans les médias par « La Croix », 76 % des Français sondés disent suivre l’actualité « avec un grand intérêt ». Un des plus forts taux depuis 1987, et qui n’atteignait que les 62% en 2022. Et s’il y a une véritable « lassitude informationnelle », n’en demeure pas moins que les Français seraient enclins à de nouveaux reportages sur l’étranger. 

Toutefois habitués au grand reportage et à la guerre, l’équipe peine à se retrouver dans les sujets qu’on lui impose. Certains rêvent de retourner au front, d’autres de retrouver un sens à leur profession, mais tous ont envie de rester. Malversations financières, défilé de mode ou encore enquête sur la maltraitance animale, les journalistes ne se refusent rien et s’attaquent à tous les sujets, avec une voracité maîtrisée : le spectateur peut suivre leurs multiples aventures sans pour autant perdre le fil.

« T’as un gilet pare-balles chez toi ? »

« Le métier n’est pas menacé par les journalistes, mais par les financiers qui prennent le pouvoir dans les rédactions et pour qui les reporters de terrain deviennent un luxe inutile », avait confié la réalisatrice Alix Delaporte lors d’une interview le 19 janvier dernier. Un point de vue parfaitement visible tout au long de son œuvre, où l’équipe se confronte régulièrement aux décisions de la chaîne. Lorsque cette dernière leur propose enfin de couvrir un sujet international sur un conflit à Bangui, c’est sous l’égide de l’armée, au grand dam des reporters. L’armée limitera leurs déplacements et leur travail, mais la chaîne ne leur laisse pas le choix sans pour autant les accompagner dans leur préparation pour le front : celui qui possède un gilet pare-balles pourra partir, mais il n’est jamais question d’achat de matériel. 

Les journalistes se retrouvent alors à lister les personnes qui ont un équipement de protection personnel, quelques heures avant le départ. Finalement, Damien (interprété par Vincent Elbaz), grand reporter qui n’a pas la langue dans sa poche et seul à être équipé, reviendra de Bangui blessé après avoir été pris dans une fusillade.

Une situation qui se retrouve malheureusement dans la profession, où de nombreux journalistes tirent la sonnette d’alarme, à l’instar de l’ancien résident de la MDJ et reporter Mortaza Behboudi

Malgré les obstacles et les délais presque intenables, les reporters mènent leur barque et demeurent animés d’une véritable passion pour leur métier. Un vent d’optimisme guide les troupes et le film, qui n’hésite pas à casser les stéréotypes du métier. Il est par exemple dit que les grandes rédactions sont inaccessibles aux journalistes non diplômés d’une école reconnue, mais Gabrielle tente sa chance et intègre l’équipe par sa débrouillardise, sans avoir fait d’école. Une fraîcheur dans la réalisation nourrie par l’amour du reportage, que le spectateur peut clairement ressentir. 

Alix Delaporte, ancienne JRI aujourd’hui réalisatrice

Ayant fait ses armes comme camerawoman pour la boîte de production CAPA, Alix n’a pas tourné en terrain inconnu. Elle tenait à raconter cette histoire et s’est nourrie de celles d’autres journalistes qu’elle a interrogés, afin de gagner en crédibilité et réalisme. 

« Je ne peux pas prendre la parole sur des sujets d’actualité, ça n’est ni dans mes compétences, ni dans ma fonction. En revanche, je peux interroger le spectateur sur la nécessité de préserver la fonction du journaliste, à savoir la recherche de la vérité. Et pour l’obtenir, il faut aller sur le terrain et parfois se mettre en danger », avait-elle confié en interview.

Réalisatrice de quatre longs et courts-métrages, récompensée par un Lion d’Or en 2006 pour « Comment on freine dans une descente », Alix Delaporte signe donc son troisième film avec intensité. Avec Alice Isaaz, Roschdy Zem, Vincent Elbaz, Pascale Arbillot. Distribué par Pyramide Films. 

Maud Baheng Daizey