Articles

Congo-Brazzaville : les vraies raisons de l’empressement de M. Sassou et Cie de voter nuitamment une loi

La nuit du 24 janvier 2024 a été épouvantable pour des députés congolais, sommés de se présenter au parlement le 25 janvier 2024 à 9h00 pour une réunion extraordinaire curieusement, sans ordre du jour. Tous étaient en vacances quand ils ont été joints par téléphones entre 18 et 22 heures. Nombreux ont cru au guet-apens. Connaissant les pratiques tordues du président Sassou et sa bande de véreux, plusieurs députés ont eu des insomnies jusqu’à l’arrivée au parlement.

A l’Assemblée nationale, les députés ont reçu les documents du projet de loi portant modification de la loi n°39-2023 du 29 décembre 2023 portant la loi de finances pour l’année 2024. L’exposé des motifs dudit projet demandait aux députés de corriger ou réécrire l’article trente sixième, en intégrant « l’émission de bons et d’obligations sur le marché régional ». Cette mention avait été oubliée dans la première version de ladite loi.

Une telle omission avait l’inconvénient de paralyser le ministre des finances dans les négociations des « termes de la dette en vue d’obtenir les différents aménagements possibles (annulation, rééchelonnements, refinancements, reprofilage, etc.) et les appuis budgétaires et tout don, legs et fonds de concours ». Il faut être naïf de croire que le gouvernement et le Parlement puissent commettre une erreur de ce genre car, une démarche similaire a été adoptée dans le bradage de 12 000 hectares aux Rwandais. Admettons que cela soit une erreur, y avait-il péril en la demeure au point de tenir une session extraordinaire avec 2/3 des députés pour analyser les documents et tout valider en une journée ?

Les raisons profondes de ce travail à la hâte

Il y a quelques temps, nous avons alerté que le Congo était sous les projecteurs et ses montages financiers en Europe via la Deutsche Bank, Rothschild et autres devraient échouer parce que suspecté de blanchiment. Malheureusement, peu de gouvernants ont pris ces révélations au sérieux. Pourtant, les interventions des lobbyistes et autorités congolaises à coup de millions d’euros auprès des institutions bancaires européennes, pour l’émission obligataire depuis bientôt une année se sont soldées largement par un échec.

Selon nos informations, la République du Congo espérait obtenir un milliard et demi à trois milliards et demi d’euros d’émission obligataire après les deux dernières revues positives du FMI et nonobstant l’élévation par Standard & Poor’s de la note de B- à B sur le court terme et de CCC+ à C sur le long terme, avec une perspective stable sur la base d’une amélioration notable de sa production pétrolière, le Congo n’a pu obtenir gain de cause sur l’émission obligataire.

Déboutés en Europe et pris de cours par la date butoir de mars pour changer les anciens billets, les mafieux sont obligés de se tourner vers la sous-région où règne l’opacité couplé à la crainte des saisies des avoirs par Hojeij et autres créanciers douteux; d’où la convocation en urgence des députés.

La République du Congo retardait le remplacement intégrale des billets de FCFA dans la CEMAC du fait d’un important stock de billets entre les mains des autorités mafieuses; il s’agirait d’un montant de 750 milliards de FCFA injustifiables. L’émission aurait eu pour but également de blanchir ce stock de vieux billets dans les banques locales : les actuels possesseurs, en les échangeant contre des titres, deviendraient des créanciers officiels et rémunérés de la République du Congo. Ces titres pourraient également être cédés, échangés ou revendus dès lors qu’ils seront côtés dans les bourses internationales…

Dernier intérêt de cette opération, l’argent recueilli devrait permettre une énième restructuration de la dette congolaise. Les créanciers du Congo après décote, échelonnement des règlements, percevront une infime partie de ce qu’il leur est dû ; d’autres créanciers « bidon » de la République seront à 100% gagnants dans cette opération.

Voilà la vraie raison qui taraude les esprits des gouvernants mafieux et incompétents du Congo qui ont peur d’être rattrapés. S’il est vrai que le président de l’assemblée, Isidore Mvouba encourageait la thésaurisation des fonds en reconnaissant à l’époque, « qu’ils cachaient l’argent » mais il sied de dire haut et fort, que les parlementaires qui accompagnent les mafieux sont indirectement complices des malheurs des congolais et de la politique de la terre brûlée que M. Sassou et son gouvernement perpétuent depuis des lustres. Le bilan positif de la gouvernance de certains leaders africains est légion. Même celui des putschistes comme Brice Oligui Nguema révèle qu’on peut mieux faire sans s’endetter.

Les gouvernants doivent savoir qu’ils ne peuvent pas mentir tous les jours à leur peuple. Démosthène, penseur grec du IVe siècle l’avait déjà prévu : « il n’est rien qui vous fasse plus grand tort qu’un homme qui ment. Car, ceux dont la constitution réside dans les paroles, comment peuvent-ils, si les paroles sont mensongères, conduire une politique en toute sûreté ? ».

Jusqu’à quand les Congolais continueront-ils de rester dans une prison à ciel ouvert ou vivre dans la précarité quotidiennement alors que le sous-sol de leur pays est très riche ? Accepteront-ils d’être dirigés par des méchants gouvernants et inconscients et sans cœur ?

En tout cas, l’opprimé ne doit pas s’attendre qu’on l’affranchisse, il doit arracher sa liberté et lutter par tous les moyens pour la conserver. Les ministres de cultes, les jeunes, les enseignants, les professionnels des médias, bref les intellectuels sont appelés à la rescousse de la population.

Ghys Fortune BEMBA DOMBE

Au Bangladesh, des élections législatives sous haute tension 

Dimanche 12 novembre, un ouvrier de la ville de Gazipur est mort de ses blessures après avoir participé à une grande manifestation, violemment réprimée par la police. Il est le quatrième à mourir dans des affrontements en deux semaines, alors que tout un pays s’embrase. Des milliers de manifestants et membres de l’opposition ont été arrêtés en marge des manifestations historiques qui secouent le pays depuis plusieurs mois. Comment cette recrudescence de violences va-t-elle influer sur la tenue des élections législatives, prévues pour janvier 2024 ?

Le 19 novembre, la Cour suprême bangladaise a officiellement interdit au parti islamiste Jamaat-e-Islami de se présenter aux législatives. Il s’agit pourtant de l’un des principaux parti d’opposition. En réponse, de nouvelles grèves générales ont été annoncées dans tout le pays.

Des milliers d’arrestations de civils et politiciens durant de violents affrontements 

Nous avions évoqué dans un précédent article la régression des libertés civiles au Bangladesh, avec le journaliste Jamil Ahmed. Il était revenu sur le mouvement protestataire du Parti National du Bangladesh, ou BNP, contre le gouvernement actuel de la Ligue Awami. 

Aujourd’hui, la classe dirigeante du Bangladesh (composée du président Mohammad Shahabuddin et de la Première ministre Sheikh Hasina, tous deux membres de la Ligue Awami) jouit d’un pouvoir reclus et dictatorial qui ressemble beaucoup à celui de la Corée du Nord. Comme elle, la famille dirigeante de notre pays veut obliger chaque citoyen à faire preuve d’une loyauté totale envers le pouvoir”, avait-il expliqué dans sa tribune. Créée en 1949 et au pouvoir depuis 2009, la Ligue Awami n’a cessé de brimer les libertés civiles et fondamentales de la population, qui a vu sa coupe déborder. 

Fondée en 1949, la Ligue Awami est un parti politique bangladais qui joué un rôle prépondérant dans l’indépendance du Bangladesh en 1971. Au pouvoir jusqu’en 1975, elle a été évincée du pouvoir par un coup d’Etat militaire. Mais à la fin des années 1980, la Ligue s’allie avec d’autres partis (notamment le BNP, le Bangladesh National Party) de l’opposition du pouvoir en place jusqu’à la démission du président, le général Ershad en 1990. Depuis, la Ligue n’a cessé d’être en concurrence dans les urnes avec le BNP, jusqu’à s’imposer aux élections en 2008, 2014 et 2018. Aujourd’hui, la Ligue a le plus de sièges au Parlement et domine la vie politique du pays.

Entamées l’année dernière du fait de l’instabilité économique, les manifestations antigouvernementales n’ont cessé de s’étendre depuis, de même que la réponse policière. Effondrement de la monnaie nationale, salaires extrêmement bas des 4 millions d’ouvriers et ouvrières textiles du pays, inflation et accusations de corruption dans les plus hautes sphères politiques… Le cocktail ne pouvait qu’être explosif.  

La Première ministre Sheikh Hasina au Girl Summit 2014.

Lorsque le principal parti d’opposition BNP annonce publiquement boycotter les futures élections, il est alors suivi par des milliers d’électeurs. En jeu, le poste de Premier ministre, occupé depuis 15 ans par Sheikh Hasina, fille du premier président du Bangladesh. Les citoyens demandent aujourd’hui sa démission en vue des élections. Mais dès les premières mobilisations, les policiers n’ont pas hésité à ouvrir le feu sur les civils, résultant en la mort de plusieurs d’entre eux et des blessures pour des centaines d’autres. 

Le signal d’alarme a beau avoir été tiré ces dernières semaines par de nombreuses associations, le gouvernement ne semble pas adopter des directives plus douces envers ses opposants.

Les homicides, les arrestations et la répression à répétition au Bangladesh ont des répercussions absolument terribles sur les droits humains, qui se matérialisent avant, pendant et après les élections”, a déploré Amnesty International dans son communiqué du 30 octobre. “Une fois encore, Amnesty exhorte les autorités bangladaises à cesser de réprimer les manifestant·e·s et à remplir leur obligation de faciliter les rassemblements pacifiques.” L’ONG a par ailleurs documenté les violences policières le mois dernier, notamment celles exercées sur le chef du BNP, Gayeshwar Chandra Roy.

L’opposition en berne : diviser pour mieux régner avant janvier 

Le 28 octobre 2023, le Parti Nationaliste du Bangladesh (BNP) a organisé un gigantesque rallye à Naya Paltan (quartier de la capitale Dhaka), devant leur bureau central. Le parti exigeait la démission du gouvernement de la Ligue Awami, et la mise en place d’un gouvernement intérimaire non partisan. “Il est à noter que le rassemblement pour le développement et la paix a été organisé par le parti au pouvoir, la Ligue Awami, pour contrer ce premier rassemblement”, dénote Jamil Ahmed. “Des milliers de militants de différentes régions du pays sont néanmoins venus à Dacca, capitale du Bangladesh, pour assurer le succès de la manifestation du BNP.”

Mais sur instruction du gouvernement, des contrôles de police ont été instaurés à l’entrée de la ville, tandis que les officiers ont procédé aux multiples arrestations de dirigeants et militants. Leurs voitures et téléphones ont également été fouillés. “Même la veille du rassemblement, la circulation des voitures et des bateaux a été interrompue sur ordre du gouvernement”, témoigne Jamil. Entre 100 et 150 000 personnes se sont rassemblées au rassemblement du BNP le 28 octobre, malgré les dispositifs policiers.

Aux alentours de midi, des charges policières ont déclenché des affrontements à l’intersection du quartier de Kakrail, du côté ouest du rassemblement pacifique. Les dirigeants du BNP et des ONG ont tenté de s’y opposer, en vain. « Vers 14 heures, la police et les hommes de la Ligue Awami ont attaqué et atteint la partie principale du rassemblement. À ce moment-là, la police a coupé l’électricité, l’Internet et les microphones, ce qui a entraîné l’arrêt complet du rassemblement », assure le journaliste bangladais.

La cheffe de l’opposition enfermée chez elle

« Les dirigeants et les militants du BNP ont tenté de se sauver de cette attaque barbare. Mais en raison de l’utilisation de gaz lacrymogènes, de grenades assourdissantes et de balles en caoutchouc par la police, un travailleur de Jubadal a été tué sur place et environ 3 000 militants ont été blessés. Il convient de noter qu’environ 28 journalistes ont été blessés. » La police a arrêté plus de 2 000 militants ce jour-là. 

Le secrétaire général du BNP, Mirza Fakhrul Islam Alamgir, a annoncé le programme suivant immédiat et les dirigeants du BNP ont quitté la zone d’assemblée et se sont enfuis. Le bureau central du BNP est fermé en raison de la présence de la police. 

« Selon les dernières informations, un total de 5 284 dirigeants et activistes du BNP et des organisations ont été arrêtés depuis le 28 octobre », relate Jamil Ahmed. « Parmi eux, le secrétaire général du BNP Mirza Fakhrul Islam Alamgir, le membre du comité permanent Mirza Abbas, Amir Khosru Mahmud, Shamsuzzaman Dudu, Selina et de nombreux autres dirigeants du BNP. Au total, 122 affaires ont été enregistrées, plus de 3 498 personnes ont été blessées et 10 personnes, dont un journaliste, ont été tuées. » 

Le secrétaire général Mirza Fakhrul Islam Alamgir est désormais accusé du meurtre d’un policier avec 164 autres membres du BNP, décédé lors des mobilisations du à Dacca. Ils encourent la peine capitale, c’est-à-dire la mort. Depuis, le BNP affirme qu’environ 1 200 de ses partisans ont été arrêtés depuis le 21 octobre.

Autre restriction inédite de liberté, l’assignation à résidence de Khaleda Zia, dirigeante du BNP et ancienne Première ministre du Bangladesh. Jugée comme une rivale sérieuse de Sheikh Hasina, Khaleda Zia a interdiction de se faire soigner à l’étranger depuis le début du mois d’octobre, malgré sa mauvaise condition de santé et les recommandations des médecins. Emprisonnée en 2008 pour corruption, elle se dit cible politique du gouvernement actuel.

Dans ce climat, comment assurer une bonne tenue des élections ? Une question à laquelle le gouvernement ne s’embarrasse pas à répondre.  Le 8 novembre, Mohammed Anisur Rahman, commissaire aux élections bangladaises, a assuré que ces dernières se tiendraient bel et bien à la date prévue.

Nous n’avons pas d’autre choix que de tenir l’élection d’ici le 28 janvier 2024, selon la Constitution. Nous sommes tous prêts à annoncer le calendrier des élections avant le 15 novembre”, a-t-il avancé dans un communiqué. Des élections sous haute tension donc, et qui ont de fortes chances de faire basculer la vie politique du pays.

Crédits photos : Russell Watkin, OHCHR

Jamil Ahmed, Maud Baheng Daizey

TRIBUNE. Au Bangladesh, une liberté réduite pour les partis d’opposition 

A moins de quatre mois des élections législatives bangladaises, l’étau se resserre autour des partis d’opposition. Pourtant, la démocratie est une pratique ouverte. Grâce à elle, la liberté individuelle des personnes s’épanouit. La démocratie ne se développe pas à travers des chaînes. 

Il n’y a pas d’alternative au système démocratique pour le développement de l’État, de la société et de l’esprit individuel. La démocratie signifie que les citoyens de l’État peuvent s’exprimer et mener leurs activités sans crainte, sans activités qui ne portent pas atteinte à l’indépendance et à la souveraineté de l’État.  

Le gouvernement et les forces de l’État ne pourront pas créer d’obstacles aux réunions et aux rassemblements. À l’instar d’autres pays démocratiques dans le monde, la Constitution du Bangladesh garantit également ce droit au peuple. 

Par exemple, l’article 37 de la Constitution de notre pays stipule clairement que « tout citoyen a le droit de se réunir pacifiquement et sans armes et de participer à des réunions et des processions publiques, sous réserve des restrictions raisonnables imposées par la loi dans l’intérêt de l’ordre public ou de la santé publique. » Un droit que le gouvernement bafoue régulièrement.

Aujourd’hui, la classe dirigeante du Bangladesh (composée du président Mohammad Shahabuddin et de la Première ministre Sheikh Hasina, tous deux membres de la Ligue Awami) jouit d’un pouvoir reclus et dictatorial qui ressemble beaucoup à celui de la Corée du Nord. 

Comme la Corée du Nord, la famille dirigeante de notre pays veut obliger chaque citoyen à faire preuve d’une loyauté totale envers le dirigeant au pouvoir. Au contraire, le gouvernement ne tarde pas à mettre des bâtons dans les roues de la loi sur les TIC, les Technologies de l’Information et de la Communication.

 

Fondée en 1949, la Ligue Awami est un parti politique bangladais qui joué un rôle prépondérant dans l’indépendance du Bangladesh en 1971. Au pouvoir jusqu’en 1975, elle a été évincée du pouvoir par un coup d’Etat militaire. Mais à la fin des années 1980, la Ligue s’allie avec d’autres partis (notamment le BNP, le Bangladesh National Party) de l’opposition du pouvoir en place jusqu’à la démission du président, le général Ershad en 1990.

Depuis, la Ligue n’a cessé d’être en concurrence dans les urnes avec le BNP, jusqu’à s’imposer aux élections en 2008, 2014 et 2018. Aujourd’hui, la Ligue a le plus de sièges au Parlement et domine la vie politique du pays.

Plus de 500 arrestations politiques

Dans un communiqué de presse envoyé aux médias le 14 novembre 2022, l’organisation de défense des droits humains Ain O Salish Kendra (ASK, ou le Centre de droit et de justice en anglais) a déclaré que le droit de réunion pacifique et d’association est reconnu dans la Constitution du Bangladesh (article 37). Ce droit est également inscrit dans divers instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). 

Mais cela n’empêche pas les autorités et la police bangladaises de ruser pour empêcher ou interrompre les rassemblements. Dernier évènement en date, l’alerte à la bombe du 8 novembre 2022. La police avais mis en scène un drame à la bombe, car une bombe a été trouvée dans le bureau du BNP. Mais des journalistes avaient vu des images de vidéosurveillance montrant la scène de la police transportant la bombe dans un sac blanc.

Ce n’est pas le comportement d’un État démocratique civilisé. Cependant, sous prétexte d’empêcher le BNP de tenir un rassemblement à Nayapaltan, capitale régionale de Dhaka, la police a bloqué la route pendant quatre jours et a créé elle-même des souffrances publiques.

En effet, le parti d’opposition BNP voulait organiser un rassemblement à Nayapaltan, le gouvernement lui a laissé la localisation du mémorial de Suhrawardy Udyan pour le 10 décembre 2022. Le gouvernement a assorti de 26 conditions à la tenue du rassemblement, telle que : mise en place de caméra haute résolution pour l’occasion, interdiction des micros et projecteurs, interdiction des caricatures et des discours anti-étatiques… Des conditions qui ne sont en aucun cas applicables à une assemblée démocratique.

Ce jour-là, les dirigeants du parti se sont réunis au bureau du parti avant le rassemblement. Cela fait partie des pratiques démocratiques d’un parti. Mais le gouvernement a créé un environnement anarchique avec les forces de police de l’État. Il a tué une personne par des tirs aveugles, tiré et blessé de nombreux militants et arrêté environ 500 militants qu’il a envoyés en prison et qu’il a maintenus en prison en déposant de fausses plaintes contre eux.

En outre, le secrétaire général du parti, Mirza Fakhrul Islam Alamgir, et le membre du comité permanent, Mirza Abbas, ont été arrêtés et maintenus en prison. De plus, des émeutes ont eu lieu dans les bureaux du parti.

Le 29 juillet 2023, le BNP a organisé un programme de sit-in dans différentes localités de Dhaka, où des affrontements avec la police ont eu lieu à certains endroits. Près de 800 personnes ont été arrêtées, membres du BNP et civils confondus. 

Auparavant, il y a eu des incidents de blocage de certaines villes pour des rassemblements en appelant à une grève des transports publics sur les instructions du gouvernement pour empêcher le rassemblement de personnes dans les rassemblements départementaux du BNP.  

Il est triste mais vrai qu’au Bangladesh, l’exercice de ce droit est de plus en plus limité. Les partis politiques ou les citoyens ordinaires doivent faire face à diverses difficultés. Les allégations de violation de ces droits, d’attaque, d’incitation à la violence, de harcèlement et d’arrestation de diverses manières à l’encontre de la police et de l’administration, des travailleurs ou des partisans des partis gouvernementaux s’intensifient. 

L’Occident aux côtés des manifestants bangladais

Selon Asker, l’article 144 du code de procédure pénale a été invoqué 945 fois dans différentes régions du pays au cours du siècle dernier. Il permet à des magistrats d’interdire certaines actions aux citoyens pour protéger la Nation, comme les emprisonner par précaution ou interdire les réunions publiques de plus de quatre citoyens.

Les diplomates étrangers à Dhaka sont également catégoriques sur le droit de réunion pacifique. Le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de réunion, Clément Voule, a exprimé son inquiétude quant à la situation politique actuelle au Bangladesh. Il a déclaré que depuis juillet 2022, les attaques et l’usage de la force meurtrière contre les manifestations pacifiques au Bangladesh ont fait des morts.

J’observe attentivement les événements au Bangladesh. Les autorités bangladaises doivent garantir le droit de réunion pacifique. Dans le même temps, il convient d’éviter le recours à une force excessive contre les manifestants.

Gwyn Lewis, coordinateur résident des Nations unies à Dhaka, a exhorté le Bangladesh à respecter ses engagements envers les Nations unies en tant qu’État membre de l’organisation, en lui rappelant son engagement en faveur de la liberté d’expression, de la liberté des médias et de la liberté de réunion pacifique.

De son côté, l’ambassadeur des États-Unis à Dacca, Peter Haas, s’est dit préoccupé par les morts et les blessés survenus lors du rassemblement du BNP à Nayapaltan. Il a appelé tout le monde à respecter l’État de droit et à s’abstenir de toute violence, de tout harcèlement et de toute intimidation.

À l’occasion de la Journée internationale des droits de l’Homme le 10 décembre, les 15 missions diplomatiques de Dhaka ont insisté sur le droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Il s’agit des missions de l’Union européenne, du Canada, de l’Australie, du Royaume-Uni, des États-Unis, de l’Allemagne, de l’Italie, du Japon, de la Suède et de la Suisse.

Le porte-parole du département d’État américain, Ned Price, s’est dit préoccupé par la répression des rassemblements pacifiques des partis d’opposition au Bangladesh. « Nous appelons tous les partis politiques à respecter l’État de droit et à s’abstenir de toute violence, de tout harcèlement et de toute intimidation. »

Nous pouvons donc dire que pour développer la démocratie, les gens doivent être impliqués. Dans un État démocratique, le pouvoir de décision appartient uniquement au peuple. En contournant le peuple, en le trompant, en supprimant sa voix libre, en renforçant les piliers de la dictature par l’emprisonnement, la tyrannie, l’oppression et la torture, on détruit les piliers de la démocratie. 

Elle détruit les fondements de l’égalité, de la liberté et des droits constitutionnels. Mais le principal slogan d’un État démocratique est d’établir des libertés civiles. C’était la principale motivation de notre guerre de libération. Mais aujourd’hui, les citoyens de ce pays sont à mille lieues de cette motivation.

Crédits photo : ©AFP – JIBON AHMED, Ligue Awami.

Jamil Ahmed

RD Congo : Tshisekedi met les gants contre l’Eglise Catholique

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France

Le sens du mot « démocratie » est galvaudé, en RD Congo. Et à qui mieux mieux. Tiré dans tous les côtés, selon les intérêts des uns et des autres. Un jour, on a entendu Mobutu dire, très sérieux : « Moi aussi, je suis un démocrate ». Alors que sa dictature était au zénith : tout ayant été mis sous le contrôle du MPR, parti unique.

Le président Tshisekedi vient de lui emboîter le pas, le 25 juin, dans la province du Kasaï-Oriental, son fief. Il y était invité pour participer à la célébration du jubilé d’argent de l’évêque de Mbuji-Mayi, chef-lieu de cette province. Il en a profité pour répondre à la critique de la Conférence épiscopale nationale du Congo « CENCO », formulée sur la situation générale chaotique du pays. Dans sa défense, et après avoir déversé sa bile sur l’Eglise catholique, le chef de l’Etat a conclu, pince-sans-rire : « Démocrate, je suis, démocrate, je resterai… ».

Dans quel sens le fut Mobutu, dans quel sens l’est le dirigeant actuel de la RD Congo ? On ne peut pas se proclamer démocrate dans la tricherie, la corruption, le vol, le mensonge, la répression du peuple pour ses droits, etc. Au-delà de son sens classique, la démocratie est une vertu, entourée d’une constellation de qualités. Quand on y échappe, on est tout simplement « dictateur ».

Quid ? A l’issue de sa 60e Assemblée plénière ordinaire, le 23 juin, à Lubumbashi, province du Haut-Katanga, la CENCO dresse un sévère réquisitoire du régime en place. Dans son rapport, elle épingle la mauvaise gouvernance, sur fond de tribalisme béat ; les comportements dictatoriaux, dont les arrestations arbitraires, l’instrumentalisation de la justice et autres méfaits ; l’insécurité récurrente dans l’est du pays, dont une partie est occupée militairement ; la misère extrême du peuple ; le climat tendu, etc. Ajoutons qu’au plan économique, les choses vont également mal, quand la monnaie se déprécie de 1,1 %, en moyenne hebdomadaire, depuis le début de cette année.

Un langage de guerre

En conclusion, l’Eglise catholique, par le biais de la CENCO, appelle à la responsabilité de tout le monde. Au régime en place, de faire en sorte que les élections prévues, en décembre prochain, soient crédibles et au peuple de « se réveiller de son sommeil », afin de ne plus se laisser berner par ses fossoyeurs.

Pour le régime, c’est une provocation gratuite, puisque l’Eglise a quitté l’Evangile, son rôle, pour se mêler de la politique. Et le président de la République de se rependre en invective. Il voit, de prime abord, dans la démarche de cette institution « une grave dérive, qui risquerait de diviser le pays ». Puis, se posant en garant de la République, il avertit : « Je ne reculerai pas devant les menaces, les intimidations de tout genre ; je m’attaquerai sans hésitations, sans remords, à tout ce qui mettrait en danger la stabilité de notre pays ».

C’est un langage de guerre, et l’allusion clairement faite à l’égard de l’Eglise catholique. Personne n’est assez dupe pour ne pas le comprendre.

Rien d’étonnant. De Mobutu à Kabila fils, en passant par Kabila père, l’Eglise romaine au Congo a toujours été accusée d’immixtion dans les affaires de l’Etat. En réalité, sa faute a été et reste celle de vouloir rappeler aux dirigeants politiques les vertus de la démocratie. Pour le bonheur du peuple et le progrès du pays. En fait, « l’Eglise est société », comme les Cathos aiment le dire. Dans les Actes des Apôtres, l’évangéliste Luc le souligne, en indiquant à Théophile, un disciple, que le premier geste de Jésus était social. Il le dit en ces termes : « Théophile, j’ai parlé, dans mon premier livre, de tout ce que Jésus a commencé à ‘faire’ et à enseigner, dès le commencement ». (Act. 1 -1).

« Faire avant d’enseigner ». Il est donc du devoir de l’Eglise de faire, autrement dit, de se mêler de la politique, quand celle-ci se fourvoie, au mépris absolu des intérêts du peuple, de la société. Quand on remonte l’histoire, on constate que le haro de l’Eglise romaine au Congo, en direction des gouvernants irresponsables est une constance. Conduisant, parfois, à un bras de fer sanglant : des chrétiens contestataires, sont impitoyablement tués, par les forces de sécurité. Mobutu et Kabila l’ont fait, ils n’ont pas vaincu. Et le « vae victus », le chant latin à la fois de victoire et de moquerie, c’est au peuple qu’il revient.

Caractéristiques des dictateurs

Or, c’est comme si cette leçon de l’Histoire n’a pas été comprise, puisque la mise en garde « indirecte » du chef de l’Etat à l’égard de l’Eglise n’annonce pas moins l’éventualité d’une nouvelle confrontation. Le ciel gris, empreint de mensonges et de toutes sortes de prétentions, couvre ces jours-ci la RD Congo. Il ne diffère pas de celui qui fut à l’origine des orages du temps de Mobutu et de Kabila. De ces prétentions, Tshisekedi s’en est appropriée une que nous entendons sortir souvent de la bouche de tous les dictateurs : « Je n’ai aucune leçon à recevoir, en matière de démocratie ».

Propos frasque, contredisant le célèbre « Ce que je sais, c’est que je ne sais rien », de Socrate, ne manque pas d’étonner. En cela, Tshisekedi s’oppose également à Kant, cet autre grand philosophe, sur le principe de « hétéronomie ». Celle-ci est l’ensemble des lois ou règles bénéfiques que nous recevons de l’extérieur, d’autrui, face aux désirs illimités de l’homme. C’est le contraire de « l’autonomie », qui, elle, laisse tout faire. La Grèce antique a aussi exploité ce thème, à travers le « complexe de Thétis ».

Dans notre contexte, ce propos est intéressant. En effet, il nous renseigne quand une personne est persuadée d’être suffisamment érudite, pour se passer des leçons d’autrui, il y a lieu de douter de ce qu’elle connaît réellement. C’est d’ailleurs là l’une des caractéristiques des dictateurs avérés. Ils pensent avoir raison en tout.

Vu ce qui précède, le bras de fer entre le président Tshisekedi et l’Eglise catholique est inévitable. L’un est déterminé à garder le pouvoir, à travers un deuxième mandat, à tout prix, tandis que l’autre (Eglise), en sentinelle, veuille au grain. En plus de pointer que le processus électoral est « mal engagé », elle a appelé le peuple à ouvrir l’œil… et le bon. Et le peuple connaît la voix du berger…

S’il y a bagarre, l’enjeu, comme on le voit bien, c’est la « démocratie ». Et, d’ores et déjà, on peut se prononcer sur le statut des belligérants. Qui est démocrate et qui ne l’est pas !

ALGÉRIE. Djamel Bensmaïl ou le Alain de Monéys algérien

Au XIXe, un village de France a connu un événement similaire à celui que vient de secouer la localité kabyle de Larbâa Nath Irathen en Algérie. A 150 ans d’intervalle, Alain De Monéys et Djamel Bensmail ont en commun d’avoir été lynchés à mort par des foules. Et d’être innocents. Mise en perspective.

En cette journée du 16 août 1870, beaucoup de monde est venu assister à la foire annuelle aux bestiaux du paisible village de Hautefaye en Dordogne. L’atmosphère chaude et lourde pèse sur les esprits. Un mois plus tôt la France avait déclaré la guerre à la Prusse, ce qui lui avait valu des pertes humaines non négligeables.  Alors que la foule grouillait dans la foire comme une fourmilière, soudain un cri se fit entendre : « Attrapez-le, c’est un Prussien ! » Le doigt accusateur pointe le jeune Alain de Monéys, noble et grand propriétaire terrien, venu comme tout le monde faire son marché. Le jeune homme proteste et affronte les insultes. Mais, très rapidement, les premiers coups pleuvent. Les chroniqueurs rapportent en détail comment le persécuté tombe à terre avant de se relever et de chanceler puis de tenter de fuir. Le désir ardent de la foule de participer à ce châtiment collectif et la crainte de voir sa proie lui échapper, exacerbent sa férocité et son hostilité jusqu’au paroxysme. Reconnu comme Prussien,  Alain de Monéys représente aux yeux des gens présents l’homme porteur de menaces pour la sécurité de la France. Il doit périr de la manière la plus abjecte comme le clame ouvertement un de ces quidams qui prend une part active  à cette kermesse punitive qui, plus est, suivie par le reste de la population. 

Alain de Monéys qui sait qu’il va mourir demande aux gens qui l’assaillent de le fusiller. Mais il essuie un refus catégorique. Accéder à cette doléance équivaudrait à abréger les souffrances du supplicié et à empêcher ceux qui se prennent pour des justiciers d’assouvir leur vengeance contre la Prusse qui a tué beaucoup de Français. Ce serait également priver les gens du plaisir qu’ils éprouvent (l’espace d’un instant) à exercer le pouvoir absolu des maîtres ayant droit de vie ou de mort sur leurs sujets. Aussi, use-t-on fièrement de coups de poings, d’aiguillons et de pieux pour l’élimination du « Prussien ». Ces personnes qui ne savent pas encore qu’elles sont des assassins, ressentent une joie jubilatoire à l’idée de défendre la France et son Empereur. Piétiné, Monéys qui traîne une « tête comme un globe de sang » succombe sous les coups de ses assassins.  Alors qu’il gît inerte, la foule continue de le battre. Le « Prussien » est certes mort, mais il faut maintenant détruire son corps pour que l’anéantissement soit total et pour qu’il ne puisse jamais reposer en paix. Un ennemi  ne mérite pas de vivre, encore moins d’avoir une sépulture. Le cadavre est tantôt traîné sur le dos, tantôt  face contre le sol, la tête ricochant sur le chemin.  La mort physique est ainsi redoublée d’une mort symbolique dont la cristallisation induit la destruction intégrale ou partielle du corps. Aucun souvenir de l’être exécré ne devrait subsister parmi les vivants. La dévastation des traits de la victime, les offenses et les supplices qu’on lui fait subir, valent déchéance de son humanité. Ainsi, on jette le cadavre sur les pierres comme s’il s’agissait d’une bête inanimée n’inspirant plus aucune compassion. Aussi, une dizaine de personnes déclenchent-elles le massacre ultime. Après avoir amassé du papier et de la paille, elles en font un bûcher sur lequel elles placent la dépouille de Monéys. On se presse alors pour attiser le feu. Nombreux sont les gens qui prennent plaisir à remuer les restes carbonisés de la victime. Certains même s’amusent à en extraire des tisons pour allumer leur cigarette. On se gausse du reste « d’avoir fait griller un fameux cochon ». Ce crime commis par ceux qui pensent agir en justiciers, est conçu comme un juste châtiment. Les meurtriers agissant en toute conscience, pensant bien faire. Exultant de joie, ils sont persuadés de leur bonne action en faveur de la France et de l’Empereur en danger. Cette mise à mort publique, bien assumée, est mue en réalité, principalement par des ressorts politiques et non pas psychologiques ou pathologiques, comme on aurait tendance à le croire.  A peine quelques heures après ce forfait, les gendarmes arrivent pour mener l’enquête.  Quand il fut établi qu’Alain de Monéys était un Français et qu’il n’avait aucun lien avec la Prusse, on arrêta les meurtriers qui furent, après leur emprisonnement, condamnés à la peine capitale et guillotinés. 

Le lecteur averti saura que l’histoire dont je viens de rappeler les péripéties vient d’être revécue en Kabylie, presque dans les mêmes termes. Le crime de Hautefaye entre en résonance avec celui de Larbaâ Nath Irathen survenu le 11 août 2021. Cela soit dit en passant, le hasard a voulu que les deux forfaits, séparés par un siècle et demi d’intervalle, se fussent déroulés au mois d’août. Au-delà de la différence de culture et d’époque qui eût pu constituer une barrière, ces crimes survenus respectivement en Dordogne et en Kabylie, présentent des traits communs.  Les spécialistes de la foule ont, du reste déterminé des lois régissant les comportements collectifs. Gustave Le Bon,  cerne bien la question lorsqu’il affirme que la foule criminelle se forme généralement sur la base d’une suggestion puissante. Les personnes qui se mettent à tuer sont convaincues, explique-t-il, qu’elles ont obéi à un devoir, c’est tout le contraire du criminel ordinaire qui agit de son propre gré.   

En Kabylie, en proie à de gigantesques incendies, tous les éléments concouraient pour accréditer l’idée que les feux ont été causés par des actes volontaires. La communication du gouvernement, fort anxiogène, avait du reste distillé l’information selon laquelle les incendies sont d’origine criminelle. De ce fait, conditionnée, la population n’attendait que de lyncher les pyromanes au cas où elle parviendrait à mettre la main dessus.  La puissante suggestion dont parle Le Bon est donc actée. Elle est même accentuée par le comportement de la police qui embarque à bord de l’un de ses fourgons un jeune homme originaire de Meliana, ville située hors de la Kabylie. Si la police l’a arrêté, c’est qu’il a été pris en flagrant délit. En tous les cas, la nouvelle se propage comme une traînée de poudre, « on a attrapé un pyromane !»  La personne qui va incarner le rôle de Monéys est désormais Djamel Bensmaïl, un hirakiste, de surcroît artiste, qui s’était porté volontaire pour aider à éteindre les feux.  Certes, comparaison n’est pas raison, mais il est intéressant de retrouver dans l’événement récent ce que le passé lui a déjà réservé. Mon propos n’est pas d’affirmer que l’histoire est répétitive, mais d’en souligner les écarts. Ce qui différencie le crime de Larbâa Nath Irathen de celui de Hautefaye, réside dans son caractère préfabriqué : Djamel Bensmaïl fut livré à la foule par la police. Ce dernier se serait, d’après des sources policières, mis sous la protection d’une patrouille de police après qu’il a été accusé par certains villageois de pyromanie. Embarqué, Djamel est emmené au commissariat de police dont le siège jouxte la place où s’est amassée une foule nombreuse, qui plus est, chauffée à blanc par  la chaleur des incendies et les informations que font circuler les autorités à ce sujet.  Au lieu d’éviter tout ce qui peut nuire à la sécurité de leur protégé, les policiers garent leur véhicule au milieu de l’attroupement. Ils ne s’avisent pas d’user au préalable de leurs talkies-walkies pour s’enquérir de l’unité de police la plus susceptible d’accueillir Djamel dans les meilleures conditions possibles. Ainsi, sitôt le véhicule immobilisé parmi la multitude, il est pris d’assaut par des gens déchaînés. C’est à ce niveau qu’interviennent les smartphones inconnus du temps de Monéys. Car les vidéos postées sur les réseaux sociaux fournissent les détails de la molestation.  Après que les agents de police ont cédé, Djamel est frappé et battu jusque même à l’intérieur du véhicule de police. La victime est ensuite poussée vers la sortie où elle est rouée de coups répétés et nourris. Ballotté entre de nombreuses mains, son corps meurtri est traîné sur la place avant d’être brûlé. 

L’assassinat de Djamel Bensmaïl marque ainsi le passage de la foule intelligente à la foule meurtrière. Tout se passe comme si le crime de Larbâa Nath Irathen survenait pour gommer d’un trait les foules intelligentes et pacifiques du Hirak qui n’avaient eu de cesse, depuis maintenant presque trois ans ,d’ébranler les assises du régime. En outre, sur un registre plus sécuritaire, les services algériens chargés de l’ordre public semblent ignorer les enjeux criminologiques dès lors qu’ils se permettent de faire l’économie d’une anticipation des conséquences qui découleraient du fait de livrer en pâture à la foule une personne qu’ils sont censés protéger.  Pourtant, l’histoire de Monéys, et il en existe probablement d’autres, fait partie d’un corpus de criminologie devenu classique. N’empêche, si l’on veut voir par une sorte de grossissement comment prend fin l’histoire de Djamel en comparaison à celle de Monéys, le moins que l’on puisse dire est qu’elle s’achève en queue de poisson. Les assassins de Djamel dit la version officielle ne seraient pas les véritables assassins. La main qui les a armés, serait celle du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), lequel aurait été appuyé par le Maroc et Israël ! Ainsi, même la guerre avec l’ennemi trahit-elle un aspect fictif puisque le Maroc et Israël réunis ne font pas la Prusse. Il est évident qu’au moment des faits, l’Algérie ne faisait pas la guerre au Maroc, pas plus que le MAK ne prenait les armes contre lui-même.     

Larbi Graïne https://i0.wp.com/www.oeil-maisondesjournalistes.fr/wp-content/uploads/2021/02/logo-rond-twitter.png?resize=36%2C36&ssl=1

Journaliste algérien établi en France

D’autres articles 

MAGHREB. Élan putschiste tunisien et islamisme

Le président tunisien, Kaïs Saïed, semble avoir usé de procédés algériens, quand il dut annoncer, au soir du 25 juillet passé, le gel des activités de l’Assemblée des représentants du peuple durant 30 jours, la levée de l’immunité de tous les députés et le limogeage du chef du Gouvernement, Hichem Mechichi.

« Les mesures du 25 juillet » est l’euphémisme qu’ont préféré utiliser certains titres de la presse tunisienne pour qualifier ce putsch contre la constitution du pays. Tout dans cette mise en scène qui a entouré l’intervention présidentielle, rappelle la déloyauté et les tonalités autoritaires dont le régime algérien s’est fait une spécialité. Grandiloquence dans le propos, habits de scène faits de casques et de bottes avec à la clé l’engagement à respecter la constitution…

Pourtant, Kaïs n’est pas Bouteflika. Il en est même l’antithèse. Le premier a été élu et le second a été coopté par l’armée. N’empêche, les différences entre les deux personnages sont encore plus importantes que les similitudes. 

Quant à la comparaison des régimes des deux pays respectifs, il est à se demander, au-delà de l’apparente césure entre un système formaté par une révolution populaire et un système militariste rigide, s’ils n’ont pas en commun de subir, malgré tout, le diktat de l’État profond. Qu’on se souvienne des circonstances dans lesquelles l’actuel locataire du palais de Carthage fut élu. Toujours est-il, quand on voit comment la démocratie est malmenée sur les terres mêmes qui l’ont vue naître et grandir, il est permis de se dire que la démocratie nord-africaine, à peu près la seule dans la région qui ait pu atteindre un tel niveau, est, peut-être, en train d’imiter les défauts de ses devancières occidentales, étant donné qu’il est plus facile de mimer les travers que les qualités. En cette époque d’incertitude perpétuelle, jamais la criminalisation de la protestation politique et son corollaire, la surveillance intégrale des citoyens, n’ont trouvé meilleur alibi que le terrorisme. Avec l’affaire Pegasus, on se surprend à penser que finalement, si petit que puisse être un pays, si misérable que puisse être son économie, il est susceptible de développer un gigantisme ombrageux et monstrueux pour peu qu’il ait assez d’argent pour acquérir les nouvelles technologies de dernier cri .

Mais que sait-on réellement de l’activisme souterrain des grandes puissances ? La digression étant faite, revenons à la Tunisie. Mais il y a plus à dire sur la régression de l’islamisme que ce qui peut se dire de la violation par Kaïs Saïed de la constitution. L’argument massue en faveur de la politique du coup de pied dans la fourmilière, est celui qui consiste à mettre en avant le devoir moral de combattre la corruption. Eh quoi ? L’éradication de la gabegie, des malversations, du népotisme et l’instauration de la justice sociale, n’étaient-elles pas la raison d’être du parti islamiste Ennahdha? Les islamistes des places de Tunis, Alger et Rabat qui se prenaient pour le centre du monde, sont désormais rappelés à leur condition de mortels. Leur parcours n’est pas sans rappeler celui des communistes. Comme quoi, les utopistes, qu’ils soient laïques ou religieux, deviennent des gens des plus ordinaires dès lors qu’ils se diluent dans la nomenklatura. Il ne subsiste de leur ancienne vie que des signes qui font ambiance, le voile pour les uns, le foulard rouge pour les autres. Même s’il survit socialement, l’islamisme a cessé pourtant d’être un projet d’État. Il se réinvente en dehors de ses circuits traditionnels en investissant de plus en plus des individualités qui expriment des opinions divergentes, se conformant ainsi à une certaine vision « démocratique », disons plurielle de la société. Les réseaux sociaux, du reste, relaient ces voix multiples. Cette évolution confirme, si besoin est, que l’islamisme, pris dans son acception pragmatique (loin de ses penchants consuméristes), est une stratégie d’appropriation de la modernité. C’est pourquoi, l’élan putschiste tunisien me paraît d’autant plus injustifié qu’il vise un mouvement rongé par la déliquescence et condamné à la chute. 

Larbi Graïne https://i0.wp.com/www.oeil-maisondesjournalistes.fr/wp-content/uploads/2021/02/logo-rond-twitter.png?resize=36%2C36&ssl=1

Journaliste algérien établi en France

D’autres articles 

Législatives en Algérie : Abdelkader et le degré zéro de la politique

Les lendemains de la débâcle électorale du 12 juin passé sont cruels pour les généraux algériens. Le désaveu populaire envers le régime militaire est on ne peut plus éloquent.

Même le rafistolage des chiffres n’a pu cacher le fait que les « vainqueurs » des législatives (le Front de libération national – FLN, islamistes-maison et le Rassemblement national démocratique RND réunis) sont d’un poids politique infiniment infinitésimal, et pour tout dire : nul. C’est cette nullité paroxystique que le chef de l’État entend assumer. Ainsi, d’une manière officielle, Monsieur Abdelmadjid Tebboune a fait savoir, le jour même de la tenue du scrutin que le taux de participation ne l’intéressait pas. Autrement dit, les élections seront validées dussent-elles provoquer des fous rires. Un simple calcul basé sur les résultats définitifs publiés dans le Journal officiel, donne les pourcentages suivants : Le FLN qui soi-disant a remporté les élections, n’a pu décrocher que 1.18% des voix, les islamistes du Mouvement de la société pour la paix (HMS), 0.85% et le Rassemblement national démocratique (RND), 0.81 %.

Bienvenu dans le monde à l’envers ! On a un pouvoir schizophrène qui, lui-même, met à nu la démocratie de façade. C’est la folie du pouvoir, une maladie dont seul Tebboune serait, dit-on, atteint. Dans un pamphlet publié sur sa page Facebook, Noureddine Boukrouh, ex ministre de Bouteflika a suggéré que le chef de l’État devrait être interné dans un asile psychiatrique. Sous le titre « Ce fou de Tebboune », le post a terriblement fait sensation sur les réseaux sociaux.

Connu pour être proche des services de renseignements-aile de l’ex DRS [Département du renseignement et de la sécurité], cet ex ministre n’a pas été inquiété alors que des activistes du Hirak ont été jetés en prison pour moins que rien. Mon propos n’est pas de souhaiter la prison aux politiques ou d’exiger des sanctions à leur encontre, ce serait une atteinte à la liberté d’expression. Toujours est-il que ce n’est pas Boukrouh qui va être emprisonné mais Nordine Aït Hamouda. Tout porte à croire que l’opération a été montée dans le cadre d’une guerre des services. Aït Hamouda aurait été attiré sur le plateau de Hayat TV dans un guet-apens. Ex député, Aït Hamouda est le fils du colonel Amirouche, maquisard kabyle tué par l’armée française, célèbre dans toute l’Algérie. Les hirakistes, des quatre coins du pays se réclament d’ailleurs de lui. L’un de leur slogan est « Nous sommes les enfants d’Amirouche, nous ne ferons pas marche arrière ». Acquis aux idées d’un courant berbériste non consensuel, on aurait fait dire, haut et fort, à Aït Hamouda, ce qu’on pressentait qu’il serait capable de dire dans un débat à forte portée idéologique : l’Histoire en l’occurrence. C’est, du reste, avec fougue qu’il dénonça comme « traîtres » Houari Boumediene, ancien chef de l’État, Messali Hadj, le père du nationalisme algérien et l’émir Abdelkader, icône de la résistance algérienne à l’occupation française lors de ses débuts. Toutes ces personnalités vitupérées par Aït Hamouda appartiennent au courant arabo-islamiste. Arrêté et mis sous mandat de dépôt, le fils du colonel Amirouche est accusé d’ « atteinte aux symboles de l’État et de la révolution », « atteinte à un ancien président de la République », « atteinte à l’unité nationale », « incitation à la haine et discrimination raciale ». Toutes les voix sensées ont appelé à la libération de l’ex député arguant que l’affaire devrait être recadrée par les historiens. Oubliés donc les projectiles tirés sur Tebboune. Ainsi, ce dernier est gommé par un ancien chef d’État. A défaut de débattre des problèmes du présent, les Algériens sont ainsi conviés à s’occuper du passé.Il est utile de souligner que ce n’est pas la première fois qu’une personnalité historique est la cible de calomnies. Sous Bouteflika, Messali Hadj a été également dénoncé comme « traître » par un ex chef d’un parti berbériste. Plus près de nous, en 2020, c’est Abane Ramdane, un des principaux dirigeants du FLN historique, qui a fait l’objet d’une accusation de traîtrise de la part d’un fonctionnaire arabophone exerçant au niveau de l’administration de la wilaya (département) de M’sila. En outre, de son vivant, Ben Bella avait estimé que le congrès de la Soummam, qui devait organiser la révolution algérienne et dont Abane fut l’architecte, avait été une « trahison ». Dirigeant d’origine kabyle, partisan de l’éviction des militaires de la scène politique, Abane a été également célébré par les hirakistes qui se sont reconnus dans son combat.

Le débat sur l’histoire : un débat culturel

Force est de constater que ce débat sur l’Histoire renvoie à un conflit culturel dont les protagonistes ne sont autres que les élites politiques arabistes et berbéristes. Chacun de ces deux camps voit dans l’histoire de l’Algérie une histoire habitée par une succession de traîtres quoique différents selon que l’on se situe d’un côté ou de l’autre. Aussi, depuis la présence romaine, la figure de la traîtrise est toujours liée à un ancien colonisateur. c’est pourquoi d’aucuns diront que l’aguellid (roi) Massinissa fut le « chien » de Rome. L’historien et anthropologue Alain Mahé a bien cerné le problème lorsqu’il écrit que « la singularité de ces affrontements culturels [entre militants arabistes et militants berbéristes] réside dans le fait que les militants d’une cause ne parviennent à flétrir la cause adverse qu’en faisant intervenir un élément tiers, en l’occurrence un conquérant ou un colonisateur. [1]». Le discours historique des berbéristes « conduit implicitement à l’équation : arabe = colonisé, mais il en va de même dans les représentations qu’entretiennent les populations arabophones sur l’identité berbère.[2] » Mais ces derniers propos sont à relativiser vu que le Hirak qui est lui même un phénomène culturel, a fait évoluer les choses.

Un déluge de répression

Tout ce tintamarre fait autour de l’émir Abdelkader survient sur fond d’un déluge de répression visant les marches, les partis, les associations, les militants du Hirak, du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) et les autonomistes. L’Algérie n’est pas loin d’atteindre 400 prisonniers politiques. Même Fethi Gheras, chef de file du MDS, héritier du communisme algérien, s’est vu arrêté à son domicile. Cette opération spectaculaire vise à semer la terreur dans la population. Ce n’est pas que le multipartisme soit menacé, c’est qu’il n’existe pas. Mêmes divisés en pro et anti-Tebboune, les généraux algériens, semblent penser qu’ils sont en mesure de réduire le Hirak et neutraliser le MAK en Kabylie, et ce, peut-être en favorisant les autonomistes avant de se retourner contre eux. L’accusation de terrorisme qui vise le mouvement indépendantiste ne peut s’expliquer pour le moment que de cette façon.

[1] Alain Mahé, Histoire de la Grande Kabylie, XIXe-XXe siècles. Anthropologie historique du lien social dans les communautés villageoises, Bouchene, Paris, 2001, pp. 478-479.

[2] Ibid.

Larbi Graïne https://i0.wp.com/www.oeil-maisondesjournalistes.fr/wp-content/uploads/2021/02/logo-rond-twitter.png?resize=36%2C36&ssl=1

Journaliste algérien établi en France

D’autres articles