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« Irak, destruction d’une nation », un autre documentaire à vision orientaliste?

France 5 a diffusé sa série documentaire « Irak, destruction d’une nation», réalisée par le journaliste Jean-Pierre Canet. En quatre parties, le documentaire aborde l’histoire de la question irakienne en mettant en relation l’Occident et l’Orient.

A travers les témoignages d’irakiens, le film montre clairement l’étendue de la dévastation causée par les groupes extrémistes. Le journaliste pointe aussi courageusement du doigt les erreurs des politiciens occidentaux et leur rôle dans la destruction de l’Irak. Autant de raisons qui me poussent à être reconnaissant envers le réalisateur et toute l’équipe.

Mais je ne peux m’empêcher de faire quelques critiques, à cause notamment de sa vision orientaliste. Cette approche divise le Moyen-Orient en ethnies et sectes. Et c’est sur cette base que s’est construite une politique coloniale et postcoloniale.

Cette vision minimise les erreurs de l’Occident à travers l’histoire. Car si on explique les guerres et les conflits en prenant seulement en compte la religion, on en oublie les raisons politiques et on atténue la responsabilité de l’Occident.

Dans le premier épisode, le journaliste montre une photo du président irakien Saddam Hussein entouré de ses hommes. Le narrateur les présente ainsi : «Tous sont sunnites, à l’exception de Tarek Aziz, le chrétien.» C’est faux. Les baasistes à affiliation chiite ont toujours été présents dans le cercle proche de Saddam. Ils ont exercé dans les ministères, les appareils sécuritaires et militaires de son régime. J’ai pu en compter au moins seize, qui figuraient sur la liste des cinquante-cinq personnes recherchées par Washington avant l’invasion de l’Irak.  Il y a d’autres noms chiites comme Abdul Wahid Shannan, l’ancien chef d’état-major de l’armée irakienne, et Saadoun Hammadi, qui a occupé les postes de ministre des Affaires étrangères et de Premier ministre. Jusqu’aux dernier procès de Saddam, on trouve d’autres noms chiites, l’un d’eux est Awad Al-Bander qui a été exécuté.

Cette représentation sunnite du régime de Saddam Hussein trouve peut-être un écho dans la révolte qu’ont connu les gouvernorats du Sud après la libération du Koweït. Un mouvement qui été présenté comme une révolte chiite par les médias occidentaux et ses analystes, et promue comme telle par les partis religieux chiites.

Cependant, la réalité est différente, car les sunnites des gouvernorats du sud ont participé à ce soulèvement, après son déclenchement à Bassorah (qui comprend le pourcentage le plus élevé de sunnites parmi d’autres villes et gouvernorats du sud). Un soldat revenu du Koweït avait ouvert le feu sur une statue de Saddam en l’insultant.

Par la suite, d’autres provinces du Sud se sont également soulevées. Et ces mouvements ont été réprimés par un homme politique chiite, Muhammad al-Zubaidi.

A contrario, certaines provinces irakiennes comprenant des quartiers chiites très peuplés n’ont pas participé à ce soulèvement. C’est le cas de la capitale  Bagdad.

Bien sûr, Saddam Hussein n’était pas Mustafa Kemal Atatürk [fondateur et premier président de la Turquie entre 1923 et 1938 (lire son portrait dans L’oeil)], car il a fait passer son intérêt personnel avant les intérêts de son pays et sa laïcité. C’est le cas notamment avec l’embargo imposé à l’Irak, lorsqu’il a lancé la soi-disant «campagne pour la foi» (al-hamla al-wataniyya al-imaniyya) qui comprenait l’interdiction de consommer de l’alcool et autres décisions réactionnaires.

En réalité, Saddam Hussein n’était pas un sectaire sunnite. Il a exécuté des salafistes (le groupe de Faiz Al-Zaidi) qui ont attaqué des manifestants chiites, et il a visité les sanctuaires chiites sacrés à Najaf et Karbala.

Dans la troisième partie du documentaire, on entend dire également qu’«officiellement, le parti Baas compte deux millions de membres. La plupart sont sunnites, comme Saddam.» La plupart en effet, mais pas tous. S’il y a un homme politique qui a participé à la création du parti Baas en Irak c’est bien Fouad al-Rikabi, qui est chiite. Et puis n’oublions pas que le premier bastion du parti en Irak est la ville de Nassiriya, qui est à majorité chiite.

Par ailleurs, si le combattant sunnite Sebaaoui, interviewé dans le film, affirme que certains parents affilient leurs enfants au parti Baas à leur insu afin de les protéger, alors il est naturel que des chiites rejoignent le parti.

Et le régime, s’il est sunnite comme le prétend le journaliste, ne cherche pas à son tour à les rejeter mais plutôt à garantir leur loyauté.

En outre, nous ne pouvons pas considérer l’expulsion des sunnites de l’État, après le renversement du régime de Saddam, comme une conséquence de l’expulsion des baasistes. Dans ce cas, Paul Bremer, alors gouverneur civil de l’Irak, a joué un rôle considérable en demandant à une commission politique et non une commission judiciaire indépendante d’éradiquer le Bass.

Bremer, qui a participé à ce  documentaire, incarne véritablement cette vision orientaliste et ses répercussions au Moyen-Orient. “Lorsque nous avons renversé le régime de Saddam Hussein, nous avons également renversé avec lui mille ans d’autoritarisme sunnite en Mésopotamie“, a-il déclaré, en mai 2019, à la chaîne Al-Jazeera. Ce n’est pas entièrement vrai, car la dynastie chiite des Hamdanides a régné sur un territoire qui s’étend de la côte syrienne au Kurdistan irakien, les Bouyides de l’Irak et l’ouest de l’Iran, et les Safavides ont partagé l’Irak avec l’Empire ottoman et ont occupé Bagdad deux fois (20 ans puis 15 ans).

Et qu’en est-il de la République d’Irak qui a commencé avec le président Abdel Karim Kassem (1958-1963)? Il n’y a pas de domination sunnite pendant cette période. La “ville de la révolution” (Madinat Al Thaoura) établie à Bagdad, était dirigée par la communiste Mme Naziha al-Dulaimi [1959-1960) et des personnes à revenus modestes venant des provinces chiites du Sud y résidaient. Bagdad est devenue une ville moderne et comprend la plus grande communauté chiite (Sadr City).

Raafat Al-Ghanem, journaliste syrien

Irak, destruction d’une nation

Episode 1 – L’Allié

Aux premiers jours de 1980, Saddam Hussein, alors perçu comme un moderniste par les nations occidentales, s’engage dans une guerre totale contre son voisin iranien. L’Europe et les États-Unis voient le Raïs comme un bouclier contre l’obscurantisme islamiste des Mollahs. Pour empêcher leur victoire, tout est permis à l’Irak, y compris l’utilisation d’armes chimiques fournies par plusieurs entreprises occidentales. Le président américain Ronald Reagan enclenche même une coopération militaire avec Bagdad qui s’avérera décisive. La guerre s’achève sur une victoire à la Pyrrhus après huit ans de conflit… Saddam, déjà rongé par son égo, s’imagine protégé par Washington, Londres et Paris. Il se trompe.

Episode 2 – L’Adversaire 

Persuadé que les grandes puissances le laisseront faire, Saddam Hussein envahit le Koweït le 2 août 1990. Américains, anglais et français s’accordent pour punir l’Irak, sans vraiment chercher de solution diplomatique. La guerre du Golfe (janvier – février 1991) est aussi rapide que dévastatrice : les Irakiens sous un déluge de feu voient leurs infrastructures rasées. 100 000 soldats et au moins 60 000 civils meurent. S’ensuit un embargo long de douze ans,  qui va faire payer au peuple irakien la mégalomanie de son président. Des centaines de milliers d’enfants périssent de malnutrition, la société irakienne régresse alors que commence une islamisation rampante de la jeunesse. Loin de l’avoir fait tomber, l’embargo renforce le régime de Saddam Hussein.

Episode 3 – Le Condamné

Pour une partie de la classe politique américaine, faire chuter le dictateur irakien est une obsession. Les attentats du 11 septembre leur offrent une opportunité unique d’y parvenir. Pour justifier la guerre à venir, Washington ment et accuse Saddam Hussein de posséder des armes de destruction massive et d’avoir soutenu les terroristes d’Al Qaïda responsables du 11-Septembre. Après une guerre éclair, la Maison Blanche administre le pays dans l’improvisation. Le chaos s’installe. D’un statut de libérateurs, les soldats américains deviennent des envahisseurs aux yeux des Irakiens. La société irakienne cède à la violence interconfessionnelle : Sunnites et chiites irakiens s’affrontent dans une guerre inédite.

Episode 4 – Le Fantôme

En 2007, en pleine guerre civile, le fantôme de Saddam Hussein, exécuté un an plus tôt pour crime contre l’humanité, plane sur l’Irak. Le Raïs était un dictateur, mais il avait réussi à tenir le peuple irakien composé de Sunnites, de Chiites et de minorités ethniques et religieuses. Les Américains, eux, sont dépassés par la violence qui déchire le pays où le terrorisme islamiste prospère. A coups de millions de dollars, les USA financent les tribus sunnites pour combattre Al Qaïda en Irak et soutenir le nouveau régime. Mais Barack Obama décide le retrait des troupes américaines d’Irak en 2011 et laisse ainsi le champ libre au voisin iranien qui impose son influence. Une seconde guerre civile éclate entre les chiites soutenus par l’Iran et les sunnites dont beaucoup rejoignent à nouveau les rangs d’Al Qaïda en Irak, rebaptisé « Etat Islamique en Irak et au Levant » : Daesh. De l’État irakien, il ne reste alors plus grand chose.

 

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“Rendez-vous européen” avec un journaliste irakien

PORTRAIT.  Journaliste irakien exilé en France, son enquête sur les crimes d’honneur a remporté le prix Nirij (Network of Iraqi Reporters for Investigative Journalism) en 2018. Habillé avec élégance, portant une courte barbe soigneusement taillée, Ahmed Hassan affiche une timidité enfantine qui se dissipe rapidement au fil de notre rencontre. Portrait de ce journaliste, également résident de la Maison des journalistes (MDJ).

Ahmed avait 13 ans lorsque la guerre d’Irak éclata en 2003. D’une voix à peine audible, il raconte cette période dramatique et traumatisante durant laquelle il a perdu plusieurs proches. “J’étais terrorisé de voir les chars et les militaires américains occuper des rues devenues désertes. Avant, il y avait une agitation quotidienne des gens sortant des souks…” Cependant, ces temps de guerre n’évoquent pas que de tristes souvenirs à Ahmed. Il dit avoir vécu une enfance aussi heureuse que celles des autres enfants. “Unis, nous avons pu en tant que famille dépasser tous les obstacles. Mes parents ont bien pris soin de nous. On se réunissait le soir et on discutait. Mon père nous racontait des histoires, dont certaines inventées par lui-même. Il n’y avait ni radio ni télévision, car l’électricité avait été coupée. Tout avait été détruit. On entendait juste les tirs, les cris et les pleurs.

     Ahmed est né à Al-Rusafa, l’un des plus vieux quartiers de Bagdad. Situé au cœur de la ville, ses places publiques abritent de superbes monuments. Dès son adolescence, il participe aux diverses manifestations et aux activités politiques. “J’ignorais complètement leurs objectifs (rires) et mon père me demandait continuellement de faire attention.” Afin d’approfondir ses connaissances, Ahmed intègre en 2008 la faculté de sciences politiques de Bagdad. “C’est là où ma vie a changé”, dit-il dans un demi-sourire. “Ça commence par une histoire d’amour avec une jeune fille chrétienne très cultivée. C’est elle qui m’a encouragé à faire du journalisme. D’ailleurs, mon premier article, je l’ai écrit avec elle. ‘Les jeunes d’Irak ont besoin de la vie’, tel était son titre. Les jeunes souffraient énormément à cette époque. Ils ne pouvaient même pas se promener dans les jardins ou au bord du fleuve Dijla. Ils avaient peur des extrémistes et des milices.” 

 

Cet article a été le début de sa carrière, durant laquelle Ahmed a collaboré avec huit journaux plus ou moins indépendants. Mais il n’était pas au bout de ses peines. “J’ai rencontré des difficultés dans les salles de rédaction. On nous demandait alors de nous plier aux pressions des partis politiques et des financiers. J’ai toujours refusé”, lâche-t-il avec beaucoup de fierté. “Ces institutions diffusaient un discours haineux contre certaines composantes du peuple irakien. Pour elles, le terrorisme était sunnite, et les milices qui tuent et volent étaient chiites… En réalité, sunnites comme chiites souffrent des milices et du terrorisme. Aucun des deux ne représente la volonté du peuple irakien, pas plus que le gouvernement parachuté par les forces américaines. Ici, je ne souhaite exprimer aucune sympathie avec le régime de Saddam Hussein, qui était pire pour le peuple irakien, d’autant qu’à son époque il n’y avait même pas de journalisme.

     C’est cette absence d’un journalisme indépendant et professionnel qui a poussé la nouvelle génération à se lancer dans des aventures professionnelles numériques. C’est le cas d’Al Alam Al Jadid – Le Nouveau Monde –, fondé en 2013 et dirigé par Ahmed Hassan. Le journal espérait contourner l’emprise économique et éditoriale des partis politiques sur les médias. “Depuis 2003, les gouvernements successifs ne cessent de faire l’éloge d’un prétendu paysage médiatique libre et ouvert à une opinion critique. Ceci est un mensonge auquel bien des démocraties ont malheureusement adhéré, probablement pour des raisons économiques.” Pour appuyer ses propos, Ahmed Hassan évoque un rapport de l’association de défense de la liberté de la presse en Irak – dont il est l’un des fondateurs–, qui relate les violations ayant ciblé des journalistes entre 2010 et 2020. En l’espace de dix ans, au moins 90 journalistes ont été assassinés et 350 ont été la cible d’agressions ou de tentatives d’assassinat par des groupes armés affiliés au pouvoir. “Nous n’avons pas vu la justice ou le gouvernement bouger pour punir les responsables de ces crimes. C’est l’impunité totale”, s’indigne Ahmed. 

À ce climat d’insécurité pour les journalistes viennent s’ajouter des problèmes hérités de la dictature. “Les autorités continuent à appliquer des lois qui datent de l’époque de Saddam Hussein. Les symboles de l’État – président, président du parlement, Premier ministre, etc. – sont intouchables”, estime Ahmed.

L’exil en France

Ahmed a commencé à réfléchir à l’idée de quitter le pays après l’assassinat de plusieurs amis et collègues journalistes. Mais c’est lorsqu’il a vu son nom figurer sur une liste des prochaines cibles qu’il a pris sa décision. Il n’a alors pas beaucoup hésité sur la destination. “La France est un état laïc; et puis j’aime cet équilibre entre le socialisme et le capitalisme. Je m’intéresse à la sociologie française depuis mes études à l’université et je pense que j’aurai plus de chances de réussir professionnellement dans une ville comme Paris.” Arrivé en France en septembre 2020, Ahmed envisage de reprendre ses études en master puis doctorat de sociologie politique.

Souvenir

     Ahmed hésite un peu avant de nous montrer un objet auquel il est attaché. “Toutes les affaires auxquelles je tenais sont restées à Bagdad. Ma bibliothèque, mon bureau, et bien sûr ma maison”. Il jette un regard sur sa montre numérique et enchaîne : “S’il y a un objet précieux que j’ai apporté avec moi, c’est cette montre. Je l’ai achetée à Bagdad un mois avant de venir en France. Elle contient un agenda qui m’aide beaucoup dans mon travail de journaliste. J’avais un problème avec l’exactitude avant de posséder cette montre. Mes amis ajoutaient toujours deux heures aux rendez-vous qu’ils me donnaient (rires).”  Mais ces retards n’étaient pas le fait seulement de ses oublis : “ Bagdad est connue pour la piètre qualité de ses transports publics, ainsi que ses embouteillages dus à l’état des routes, aux travaux interminables et aux checkpoints. Il est difficile d’honorer plus de deux rendez-vous par jour. Même les étrangers sont conscients de cela, c’est pourquoi ils ne s’installent pas loin de Karrada, où se concentrent les médias. À Bagdad on vous demande souvent de préciser ‘rendez-vous européen ou irakien?’.” Pour l’heure, ses rendez-vous sont parisiens, mais pourra-t-il un jour retourner à Bagdad et y exercer librement son métier ?  

 

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Lorsque des irakiens demandent au Pape de revenir en Irak

Fresque murale du pape François sur un mur d'une église à Bagdad

Jeunes élèves en primaire, nous avons vécu plusieurs visites d’inspection de la part de superviseurs pédagogiques venus du ministère de l’Éducation. Au moins une semaine avant chacune de ces visites, l’administration de l’école se mettait (enfin) au travail : réparations, nettoyages, peintures, décoration, etc. Administration, enseignants et élèves, tout le monde participait à ces chantiers. L’essentiel est que l’école apparaisse le “jour J” en bon état aux yeux du ministère; l’administration de l’école ne se souciant guère de ses élèves ni de ses enseignants.

Eh bien, il semble que la règle soit toujours appliquée et à plus grande échelle; à l’échelle de tout un pays ! Depuis que la date de la visite du pape François en Irak a été annoncée (5 au 8 mars dernier), le gouvernement et ses cadres ont entamé des travaux dans toutes les zones concernées par la visite. Du jour au lendemain, les Irakiens découvrent des rues nettoyées, des routes goudronnées, des pavés lavés et des murs décorés. Quel miracle! Exactement comme à l’école primaire. 

Stupéfaits, les citoyens irakiens se sont activés sur les réseaux sociaux pour demander, non sans humour, au Pape de reporter sa visite de quelques jours et de programmer d’autres régions reculées. Ils espèrent que les travaux continuent et s’élargissent à d’autres zones pauvres. La “bienfaisance du Pape”, ont commenté certains internautes, pour qualifier cette retombée collatérale.

Quelques travaux entrepris à Bagdad avant la visite du Pape, crédit : Mohammed Adel

Les Irakiens souffrent du manque de services les plus élémentaires, de la détérioration des infrastructures, sans parler des pannes d’électricité constantes.

Les chantiers réussis pour accueillir le Pape nous apprennent deux choses : le gouvernement est capable de réformer et nos institutions peuvent fonctionner. Ils ne le font pas pour leur peuple car il faut pour cela un Pape et les caméras d’une centaine de journalistes venus du monde entier.

Le premier jour de sa visite, le pape a prié à la cathédrale Notre-Dame de l’Intercession de Bagdad (l’église a été la cible d’un attentat terroriste en 2010 faisant une cinquantaine de morts) avant de continuer son programme de visite dense.

C’est la première fois qu’un Pape se rend en Irak. En 2000, le projet de visite de Jean-Paul II a été avorté à cause de l’échec des négociations avec l’ancien président Saddam Hussein. En 2019, l’actuel président irakien Barham Salih avait invité le pape François à se rendre en Irak, mais le voyage avait été reporté à cause de la propagation de la pandémie de Covid-19 en Italie. 

Le pape François semble bien suivre ce qui se passe en Irak, en particulier les manifestations, comme le soulèvement d’octobre 2019 dont il a condamné les meurtres de manifestants. Il est vrai que le soulèvement d’octobre a été écrasé, mais la mèche brûle toujours. En effet, quelques jours avant la visite du Pape, des manifestations ont eu lieu dans la ville de Nasiriyah.

«Que se taisent les armes!» avait martelé le Pape dans son premier discours en Irak, en appelant à «lutter contre la plaie de la corruption, les abus de pouvoir et l’illégalité» et à «édifier la justice, faire grandir l’honnêteté, la transparence et renforcer les institutions.» 


« Que se taisent les armes! Que la diffusion en soit limitée, ici et partout ! Que cessent les intérêts partisans, ces intérêts extérieurs qui se désintéressent de la population locale. Que l’on donne la parole aux bâtisseurs, aux artisans de paix ; aux petits, aux pauvres, aux personnes simples qui veulent vivre, travailler, prier en paix ! Assez de violences, d’extrémismes, de factions, d’intolérances ! Qu’on laisse de la place à tous les citoyens qui veulent construire ensemble ce pays dans le dialogue, dans une confrontation franche et sincère, constructive ; à celui qui s’engage pour la réconciliation et qui, pour le bien commun, est prêt à mettre de côté ses intérêts particuliers.» Extrait du discours du Pape.


Mais j’ai eu raison de comparer la visite du Pape à celle d’un superviseur pédagogique. Une fois la visite terminée, le pays reprend son visage familier. Au moins 8 personnes ont été blessées suite à l’explosion d’une grenade dans un sac de poubelles à Bagdad. Que s’est-il passé d’autre? Beaucoup, mais le tout peut se résumer par la fameuse photo d’un camion transportant l’énorme générateur électrique qui a servi pour éclairer le temple de Ziggurat d’Ur, qui a de nouveau sombré dans le noir, pendant la visite du Pape et qui a fait le tour des réseaux sociaux et a suscité les moqueries des internautes. Le Pape reviendra-t-il un jour? C’est en tout cas ce que souhaitent beaucoup d’Irakiens.

Hassanein Khazaal  

Journaliste et réalisateur irakien, ancien résident de la MDJ

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