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Le procureur fait appel, Laurent Gbagbo n’est pas libre

[JUSTICE INTERNATIONALE] oup de tonnerre à la Cour Pénale Internationale – CPI. Malgré leur acquittement, l’ancien Président Ivoirien Laurent Gbagbo et son ministre de la Jeunesse Charles Blé restent pour l’heure en prison. Ils devront encore attendre avant de respirer l’air de la liberté. La cour pénale Internationale ayant suspendu la libération de ces leaders politiques Ivoiriens après un nouvel appel du procureur.

Grands-Lacs : le Burundi et la RD Congo à l’affiche

Les deux annonces, qui ont tout d’un « coup de théâtre », sont faites au Burundi et à la Cour pénale internationale (CPI), aux Pays-Bas. A 24 heures d’intervalle. Il s’agit de la déclaration fracassante du président burundais, Pierre Nkurunziza, qui rejette ses intentions de rester au pouvoir jusqu’en 2034. Puis, de la libération inattendue, par la Cour, du Congolais Jean-Pierre Bemba, ex-vice-président de la RD Congo, ex-seigneur de guerre et un des poids lourds politiques du pays. Quid ?

Jeudi 7 juin, l’annonce par le président burundais, Pierre Nkurunziza, tombe comme un couperet. « Il ne briguera pas un quatrième mandat en 2020 », après avoir remué ciel et terre – dans le sang –  pour faire adopter une révision de la Constitution, en mai, lui permettant de rester au pouvoir jusqu’en 2034. La surprise est telle que beaucoup ont pensé à une « fake news spéciale », concocté et répandu publiquement par le chef d’Etat en personne. Un tel soupçon paraît justifié, tant le président burundais est connu pour son extravagance. Et ses prises de position à l’emporte-pièce.

Vendredi 8 juin, la CPI sort aussi son numéro. Truculent. La Chambre d’appel décide d’acquitter le Congolais Jean-Pierre Bemba. Ex-président de la RD Congo, dans le cadre de l’Accord de Sun City (Afrique du Sud), en 2002. Accusé de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, il a été arrêté en 2008, en Belgique. Et condamné en Première instance, en 2016, à 18 ans de prison. Ces forfaits ont été commis par sa milice en Centrafrique, entre 2002 et 2003. Il aura ainsi passé dix ans derrière les barreaux.

Qu’en penser, au fond, en dépit de tout ?

Depuis que Nkurunziza court vers une présidence à vie, en 2015, le Burundi est au bord du gouffre. De ce fait, une guerre civile, avec des accents génocidaires, serait en préparation, selon l’avis de plusieurs observateurs.

Or, enrayer la cause de cette sombre perspective – et c’est le sens qu’il faut accorder à cette annonce présidentielle – n’est-ce pas une bonne nouvelle ? La RD Congo, qui prépare des élections en décembre prochain, sous la férule d’un dictateur invétéré, est également au bord du gouffre. La libération de Bemba, s’il se jette à l’eau pourrait changer la donne. N’est-ce pas une bonne nouvelle ?

Ni tsunami, ni guerre civile

Bonne nouvelle qui, pour le Burundi, appelle néanmoins une question. L’annonce du président burundais est-elle sincère, étant donné que la parole donnée par les politiques, surtout en Afrique, a rarement valeur de serment ?  Comment ajouter foi à la déclaration d’un Nkurunziza, un illuminé déclaré, qui se croit « l’envoyé de Dieu pour diriger le Burundi, tant qu’il vivra » ? En attendant la vérification du fait, on relève le scepticisme, partout. L’opposition burundaise en exil parle de « trompe-l’œil », tandis que Louis Michel, eurodéputé belge, qui connaît bien la région, invite à une grande prudence.

Bonne nouvelle, sur l’autre versant, en RD Congo ? En tout cas, bonne nouvelle, par rapport aux élections prévues, en décembre prochain. La plupart des Congolais estiment que la libération du « chairman », le surnom de Bemba, est une aubaine pour chasser le président Kabila du pouvoir. A travers les urnes. Par une « victoire claire ».

De fait, contrairement à d’autres prétendants au fauteuil présidentiel, dont la popularité peut être mise à mal par la « machine à voter », cet instrument de fraude électorale, imposée par la dictature, Bemba dispose encore d’un important socle électoral. A la présidentielle de 2006, il avait raflé 42 % des suffrages. Sa force de frappe est tangible et mesurable.

Si, donc, tel est le cas, la perspective d’un tsunami embusqué à l’horizon, en RD Congo, serait étouffée dans l’œuf. « Quand la victoire électorale est claire, la dictature se tait ». On l’a vu dernièrement en Gambie. Yahya Jammeh, un des pires dictateurs africains, avait fini par lâcher prise. Adama Barrow, son successeur démocrate, lui ayant mis la pâtée. Si, donc, l’annonce du président burundais est sincère, la énième guerre civile n’aura pas lieu sur les belles collines du Burundi. Voilà ce dont l’Afrique a besoin : la paix sans laquelle le progrès restera pour longtemps un beau mirage.

Si cela arrivait effectivement, la région de Grands Lacs, comprenant le Burundi, l’Ouganda, la RD Congo et le Rwanda, serait encore à l’affiche. Cette-fois sans nuances. Sans «si».

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France