L’art n’est pas seulement chez les iraniens

[Par Sadegh HAMZEH]

 

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Annabelle Richard

« L’art est seulement chez les iraniens ». Si vous voyagez en Iran et que vous parlez aux iraniens à propos de l’art vous entendrez certainement cette phrase de Ferdowsi, le grand poète iranien.

 

Cette phrase, comme pour la plupart des iraniens, provoquait en moi un fort enthousiasme, mais aujourd’hui, ayant fuit l’Iran pour me réfugier en France, j’ai pu comparer la place de l’art iranien avec l’art d’autres pays, et en particulier l’art en France.

 

Installé à Paris, j’ai été frappé par le sentiment de vivre au milieu de l’art. Architecture, peinture, théâtre, musique, poésie, littérature, danse, cuisine, paysage, l’art en France est partout, dans chaque recoin du pays.

 

Pour rencontrer l’art il n’est pas nécessaire de visiter les grands musées parisiens comme le Louvre, il suffit de marcher dans les rues de Paris pour découvrir le plus beau musée du monde. Les discutions à la française sont également une des beautés caractéristiques de la France. Lorsque je parle avec un français,j’ai l’impression d’assister à un théâtre contemporain. La manière avec laquelle les français s’expriment est unique. Pour communiquer leurs sentiments, ils utilisent les mains et les expressions du visage de telle façon que l’interlocuteur peut comprendre l’idée générale même s’il ne parle pas français. Une autre beauté caractéristique de la France qu’on ne peut ignorer est ses cafés. L’émulation des rencontres et des discutions entre les gens, les tables installées sur les trottoirs, les terrasses pleines à craquer au moindre rayon de soleil m’émerveillent et me fascinent.

 

Il y a quelques jours, je suis allé dans un charmant salon de thé de la banlieue ouest de Paris où j’ai découvert l’intervention d’une jeune artiste qui était par chance présente sur les lieux. Etant touché par la singularité et à la sensibilité de son travail, j’ai profité de l’occasion pour lui poser quelques questions.

 

Pouvez-vous vous présenter ?

 

Je m’appelle Annabelle Richard, après un Master en Arts plastiques et Sciences de l’art j’ai obtenu l’agrégation d’arts plastiques qui m’a permis d’enseigner depuis maintenant 3 ans tout en développant ma pratique artistique.

 

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre exposition ?

 

Cette exposition est très importante pour moi car c’est la première fois que je montre mon travail hors de mon atelier ou de la fac. Je l’ai conçue spécifiquement pour ce lieu singulier qu’est le Dinette Café. Cette charmante petite maison transformée en salon de thé, à deux pas de la gare, laissait déjà entrevoir une certaine fantaisie dans sa cuisine et dans sa décoration avec des théières transformées en lampes et des assiettes qui semblaient s’envoler dans les escaliers. J’ai eu envie d’y ajouter ma petite touche personnelle afin de révéler au mieux l’esprit poétique du lieu.

 

Vous utilisez de manière récurrente certains éléments comme la couleur rose, le riz ou les œufs, pourquoi, qu’est-ce que cela signifie ?

 

Le rose est effectivement une couleur très importante dans mon travail. A l’origine c’est d’abord la couleur du papier toilette rose qui, une fois mouillé, se transforme en une matière très séduisante par sa couleur vive et sa texture charnelle. A travers mon travail je questionne la vie, sesorigines et ses mécanismes. Mon observation détaillée de la nature m’a également amenée à voir des correspondances entre le monde animal et végétal. La rencontre du grain de riz et de l’œuf intervient donc comme une évidence dans mon travail. L’exposition, telle qu’elle est conçue, peut être envisagée comme une célébration allégorique du printemps.

 

Vous avez intitulée une de vos installations La Rosière, pourquoi avoir choisi ce même nom pour l’exposition ?

 

L’idée du titre de l’exposition m’est venue par hasard, en cherchant un mot dans le dictionnaire des synonymes. J’y ai lu « rosière : vierge. » Ce titre m’a semblé parfaitement adapté au lieu et à mon travail. Le coté désuet, le rose, l’idée de fête, de célébration, de mariage dont la rosière est chargée, et surtout la question de la vertu, de la bonne moralité, et de la virginité m’a semblée correspondre parfaitement à mon projet printanier. La bonbonnière ne renferme pas toujours les roudoudous que l’on attend. La boucle était bouclée lorsque le drapé extérieur qui devait être une simple parure est devenu la vulve géante mais dissimulée de notre petite Rosière.

 

Quels sont les artistes qui vous ont inspirés ?

 

Pour l’exposition j’ai dressé une liste non exhaustive de tous les artistes qui peuvent être mis en relation avec mon travail. Je retiens prioritairement Fragonard pour ses scènes très érotiques et son tableau Le Verrou pour avoir dissimulé des sexes dans ses drapés, Meret Oppenheim pour ses détournements surréalistes d’objets, et bien sûr celle que je considère comme ma grand-mère spirituelle, Louise Bourgeois.