Réfugiés et Kodiko, vers un nouvel espoir dans le monde professionnel ?

[Par Marie-Angélique INGABIRE]

«Le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin» a dit Voltaire. Et pour John Lennon, le chanteur anglais, «Le travail, c’est la vie, et sans lui il n’y a que peur et insécurité». Autrement, le chômage est source de pas mal de pauvres dans plusieurs pays du monde.
Plusieurs raisons peuvent pousser au chômage. En France comme dans plusieurs pays du monde, la crise mondiale de 2007 en a haussé le taux. Formation, expérience, qualités relationnelles… tels sont des points qui constituent des piliers pour la plupart des profils exigés par des recruteurs.
A part tous ces facteurs, qu’en est-il de la distribution des postes, dans ce monde où le flux migratoire devient de plus en plus considérable? Est-elle équitable entre candidats au même profil dont la différence se base sur le facteur “migration”?

Réfugiée rwandaise, Anne raconte son désarroi face au défi de trouver un travail en France: «Je suis arrivée en France en Janvier 2014, suite au problème d’insécurité à mon égard dans mon pays. Après 16 mois de d’attente comme demandeur d’asile, j’ai obtenu le statut de réfugiée, et donc l’autorisation de travailler. Durant la période d’attente, j’avais demandé et reçu l’attestation de comparabilité de mon diplôme, un BAC+3 en Sciences de l’Education. Espérant reprendre une vie active, je me suis lancée sur le marché du travail, mais à chaque fois que j’envoyais un CV, aucune réponse favorable ne m’était donnée; on me disait que je n’avais pas le profil exigé».
Ancienne journaliste, Anne tente de se trouver un travail y relatif, mais en vain. Malgré toute tentative de refaire son CV, ainsi que de multiples rendez-vous avec le conseiller du Pôle emploi, elle n’arrive pas à élucider le nœud du problème. C’est ainsi qu’elle élargie le champ de recherche, et en Septembre 2016 elle tomba sur une association qui venait de lancer son projet-pilote d’accompagner les réfugiés dans leur intégration professionnelle.

«L’idée de Kodiko est venue car nous avions remarqué que lorsque la personne réfugiée obtient son statut, elle peut effectivement travailler mais ne sait pas comment faire pour chercher du travail» explique Cécile Pierrat Schiever, co-fondatrice de Kodiko

«En effet il n’y a pas d’accompagnement efficace, d’action volontariste de l’Etat pour bien intégrer professionnellement ces personnes et cette recherche est très difficile car elles n’ont pas de réseau, ne parlent souvent pas très bien français ou ne connaissent pas les codes du marché du travail ou de l’entreprise. Ensuite nous voulions un accompagnement personnalisé car les personnes ont toutes des profils très hétérogènes et des besoins différents. Nous voulions impliquer les entreprises car nous voulions que la personne réfugiée accompagnée soit reconnue en tant que professionnel porteur de compétences et d’expériences. Et nous estimions aussi que les entreprises avaient un rôle à jouer dans cette action volontariste».

Kodiko est un mot grec qui signifie “Code” en grec, car l’ambition de l’association est de transférer les codes à la personne réfugiée et de lui permettre de se développer et de devenir autonome sur le marché du travail ; mais c’est aussi pour permettre à la personne salariée qui va l’accompagner de s’ouvrir et d’apprendre de “l’autre”. Au départ, des représentants de deux entreprises, Total et Club Med, ont répondu à l’appel, et tous motivés par la seule volonté d’aider ces hommes et femmes réfugiés à mieux comprendre le monde du travail en France et s’y fixer d’une façon productive.

Membre de la première promotion, Anne a expliqué : «Quand j’ai rejoint Kodiko, mon premier souci était de pouvoir définir mon projet professionnel, ensuite la construction du réseau. Lors de différents ateliers, je me suis rendue compte que j’ai des compétences que je n’arrivais pas à préciser dans mon CV, ceci parce que tout simplement le langage professionnel est différent de celui de mon pays d’origine. Avec mon binôme du Club Med, nous y avons travaillé et c’est ainsi que j’ai découvert différents métiers auxquels je peux postuler ainsi que des formations qui me conviennent».

Sur une durée de 6 mois, chaque réfugié travaille en binôme avec un salarié qui l’accompagne selon ses besoins dans le processus de l’intégration professionnelle. Se fixant des rendez-vous sur le lieu du travail du salarié, ils travaillent sur le projet professionnel, la lettre de motivation, le CV, le réseau professionnel, les techniques de l’entretien, bref, tout ce qui constituait une barrière à la personne réfugiée dans sa compréhension du code du travail.

«Concernant nos défis aujourd’hui: nous voulons offrir un programme efficace qui réponde bien aux attentes des personnes réfugiées car les besoins sont très hétérogènes compte tenu des profils et des cultures extrêmement différents. Nous espérons avoir un impact pour permettre aux bénéficiaires de devenir autonomes et retrouver une identité professionnelle qui leur permet de se reconstruire. C’est seulement de cette manière qu’ils pourront se sentir bien en France et “recommencer” une nouvelle vie», précise Cécile.