Qui a peur des élections… en République Démocratique du Congo ?

C’est pourquoi on empêche ce Fayulu-là de parler, à travers son porte-voix ? On a peur de lui ou quoi ?“, m’a demandé mon petit-fils, âgé de 7 ans, en regardant la télévision. Devant mon silence, il a pris l’initiative de répondre lui-même à sa question : “C’est Kabila qui a donc peur…“. Vérité limpide d’enfant !

Mais, à cette question, on trouve également plusieurs réponses d’adulte. Les unes réfléchies, les autres autant absurdes que téméraires. Nous avons choisi un échantillon pour chaque catégorie.

Dans la première, l’hebdomadaire Jeune Afrique, devant le succès inattendu de ce candidat surgi des fonts baptismaux de Genève (JA n° 3022, du 9 au 15 décembre), dit ceci : “Martin Fayulu, c’est homme que personne n’a vu venir et qui déjoue tous les pronostics” (nous l’avons déjà dit dans notre article publié sur la Toile, mardi 11 décembre, sous le titre : “RD Congo : le réel et la fin du flou artistique“).

Dans la seconde, le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, déclare : “Fayulu a été mis sur orbite par les forces obscures pour empêcher la RD Congo de réaliser le grand objectif d’organiser les élections apaisées, le 23 décembre 2018. Et le gouvernement se fait fort de ne pas donner à Fayulu l’occasion de ne pas faire capoter cette mission” (propos rapportés, le 12 décembre 2018, par Clémentine Pawlotsky, cités dans son site par JA).

C’est là, manifestement, un aveu de banditisme d’Etat et d’assassinat, puisqu il y a eu effusion de sang à Lubumbashi ainsi qu’à Kalemie.

“Un vote plutôt ‘global’”

Ce qui surprend, depuis que cette campagne a débuté, c’est le fait que le candidat Fayulu occupe le haut du pavé. Sans concurrence. Et, de ce fait, il est suivi avec attention par beaucoup de médias. Pour commenter ses succès fulgurants.

Pourquoi ne parle-t-on pas, avec la même intensité, de la tournée du candidat Shadary, dauphin du président Kabila, ou du couple Tshisekedi-Kamerhe, dissidents de l’opposition à Genève ? Les médias se confinant, à leur sujet, à ne donner que de l’information brute. La question et son commentaire sont pertinents.

La réponse est classique. Les communicateurs disent : “Si un chien mord un homme, cela n’intéresse personne. Si, en revanche, un homme mord un chien, cela devient intéressant. Et, la presse s’en empare“. Fayulu est à classer, ici, dans ce deuxième cas de figure. Bousculer, à ce point, tous les pronostics, relève du romanesque. C’est donc intéressant !

L’envolée de Fayulu renverse également, en partie, la logique du politologue Kabamba, professeur des universités, en Belgique, qui établit que le “vote en RD Congo est communautaire“. En cela, l’éminent enseignant n’a pas tenu compte du principe selon lequel les “sociétés évoluent“. A travers les vicissitudes du quotidien troublées du Congolais, des décennies durant, celui-ci a fini par évoluer mentalement. C’est le propre de tous les descendants du Sapiens. Dans la campagne en cours, il se propose de “voter global“.

Le Congolais lui-même, sans doute, se surprend non seulement à ovationner Fayulu, mais surtout à lui faire confiance. A Kalemie, par exemple, contrée entièrement swahiliphone, on a chanté : “Tutamchagua Fayulu“. “On votera pour Fayulu”, en français. Inimaginable, il y a quelques années qu’un homme venu de la lointaine province de Bandundu (sud-ouest) puisse, à ce degré, conquérir le cœur d’un Mutabwa de Kalemie, pêcheur xénophobe sur le lac Tanganika (est).

“Vox populi, vox Dei”

Suffisant pour que la panique s’installe dans le camp présidentiel. Où, apparemment, règne un calme olympien. Dimanche, 9 décembre, le président Kabila s’est même donné le luxe d’accorder une interview ronflante à plusieurs médias anglophones, dans laquelle il affirmait sont intention de se représenter, en 2023 (nous l’avons aussi dit dans l’article mentionné ci-dessus).

Un faux-semblant ! Sinon, on aurait laissé le candidat de la coalition “Lamuka” passer tranquillement son chemin. Après les exploits réalisés, en deux temps trois mouvements, à Beni, Goma, Kisangani et Bunia, le pouvoir a décidé de briser cette “machine à gagner“.

Si l’avion de Fayulu a été empêché d’atterrir à Kindu, province du Maniema et fief du candidat Shadary (pour éviter l’humiliation à ce dernier, avance-t-on), le déplacement à Lubumbashi et Kalemie du “soldat du peuple” (sobriquet de Fyulu) a vu l’interférence des forces de sécurité. Elles ont tiré à balle réelle, tuant au total 5 personnes dans ces deux villes.

Qui a, finalement, peur entre ceux qui refusent la “machine à voter“, sujette à caution, et ceux qui brisent la “machine à gagner“, approuvée publiquement par le peuple ? “Vox populi, vox Dei”, disaient les Romains.

Le gouvernement de Kinshasa ne le comprendra jamais. De fait, si la dictature corrompt, la dictature absolue corrompt absolument. Kabila fait partie de cette race.

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GUINEE CONAKRY – La liberté de la presse attaquée

Pour avoir diffusé les opérations de dépouillement de vote en direct (dans un contexte de fraude massive), la Haute Autorité de la Communication a suspendu le site d’information Guinéematin.com pour un mois. C’est une décision lue dimanche soir sur les ondes des médias d’État. Le fondateur du site, dans une interview accordée à l’émission les grandes gueules ce matin de mardi 20 octobre, indique que la décision ne lui a même pas été notifiée !

C’est par les réseaux sociaux que j’ai appris la suspension de mon site alors que mes reporters étaient encore sur le terrain. J’ai demandé à Ahamed, un ami qui est commissaire de la HAC, quelle loi interdisait à mon média de diffuser sur notre page Facebook en direct le dépouillement des bulletins de vote ? Personne n’a su me donner la réponse ! Mon avocat m’indique que la loi n’interdit pas au site de diffuser en direct le dépouillement.” 

Plus grave, cette décision émane d’un ancien journaliste chevronné devenu président de la HAC, Boubacar Yacine Diallo. Il est le fondateur de la radio horizon FM et il fut le président de l’urtelgui, l’union des radios et télévisions guinéenne. Puis il a bénéficié d’un décret présidentiel le nommant président de la HAC.

Et c’est un effet de mode qui se diffuse en Guinée Conakry. Avant 2020, ce poste de la HAC était un poste électif, donc soumis à un eélection. Dorénavant c’est un poste attribué par le pouvoir. Le pouvoir exécutif s’empare de toutes les instances électives en transformant les modes de désignations par décrets. Ce qui permet à l’exécutif de décider à la place du peuple.

Alors que la Guinée Conakry a reculé de trois points sur le baromètre de la liberté de la presse l’année dernière, passant de la la place 107 à 110, les médias privés continuent d’être la cible du pouvoir exécutif de Conakry. Aujourd’hui, c’est au tour du fondateur du site guinéemat.com de faire l’objet d’un acharnement de la part de l’État. Qui sera le prochain victime de l’injustice médiatique ?

Nous profitons de cette tribune pour saluer et encourager nos confrères de Guinée Matin. Informer les citoyens en ces lendemains d’élection contribuent à la démocratie.

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GUINEE CONAKRY – Au lendemain des élections présidentielles, le chaos

Ils avaient 13, 14 et 18 ans. Tués par balle alors qu’il fêtait la supposée victoire de leur candidat à la présidentielle, l’armée n’a pas fait dans la demi-mesure. Ces règlements de comptes ne sont pas isolés. Tout porte à croire que des fraudes ont eu lieu un peu partout en Guinée lors de cette élection qualifiée d’illégale, puisque le Président sortant a modifié la Constitution unilatéralement pour se présenter à un 3ème mandat. 

Le 18 octobre 2020, l’élection présidentielle a tourné à la fraude électorale à ciel ouvert. Des preuves vidéos confirment ces soupçons. 

Se faire élire par des armes, plutôt que par des urnes 

Dans les fiefs du parti au pouvoir, notamment à Kankan, des militants épaulés par les forces de sécurité ont fraudé sans vergogne pour espérer faire gagner l’élection. Une première vidéo montre un agent de sécurité prendre plusieurs bulletins de vote pour les remettre à une seule personne qui part s’isoler pour voter. Tout porte à croire que cet électeur y va pour ajouter illégalement des votes au candidat Président Alpha Condé dans son fief à Kankan. 

Une deuxième vidéo montre un membre du bureau de vote confortablement assis. Il coche plusieurs bulletins de vote désignant Alpha Condé. On entend des personnes autour du fraudeur lui dire de faire vite car un délégué arrive. L’ensemble se passe en langue malinké. Découvrez cette vidéo en cliquant sur ce lien

Autres méthodes utilisées pour faire gagner le candidat, enregistré un nombre de votant supérieur au nombre d’inscrits dans un bureau de vote, malgré la présence de la Cedeao (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) et de l’Union Africaine présentes pour surveiller le bon déroulement du scrutin. En lieu et place du terrain, les surveillants des élections préfèrent se prélasser dans le luxueux confort de leur hôtel. Ils dressent leurs oreilles afin d’écouter les déclarations fallacieuses des Présidents en place qui légitiment les dictatures en Afrique au détriment de l’intelligence des peuples africains qui restent dominés par l’illettrisme. Il s’agit de Cellou Dalein Diallo. 

Selon le site Tribune Ouest, bien introduit en Guinée, et qui a pu prendre connaissance des premières estimations à la sortie des urnes, Alpha Condé aurait perdu le vote des Malinkés en Haute-Guinée, son fief historique, ainsi que celui des Soussous en Basse-Guinée. 

Cedeao et Union africaine: des organisations qui ont pour but de conforter les dictateurs en place grâce aux fraudes lors des élections démocratiques 

Pour se maintenir au pouvoir, le Président en place et candidat Alpha Condé n’a d’autre choix que d’utiliser la fraude. Avec ses acolytes de la Cedeao, il sait que la CENI (Commission électorale nationale indépendante) va valider les résultats. En Afrique, les immenses défaites stratégiques peuvent être sans conséquence. Par exemple, c’est bien la Cedeao et l’Union Africaine qui se pavanait au Mali, faisant croire que le Président élu était légitime, qu’il n’y avait pas eu aucune fraude. Quelques jours après ces élections, l’ampleur de la fraude ne faisait aucun doute. Le peuple malien décidant sans aide de renverser l’usurpateur avec l’aide de l’armée. 

Ces deux instances sont là pour légitimer aux yeux du monde les élections organisées par des dictatures. Elles permettent la mise en place des basses besognes du pouvoir qui se servent de la démocratie comme d’un jouet. Le mois prochain, ce sera au tour de la Côte d’Ivoire d’aller voter pour leur président. 

C’est à nouveau la Cedeo qui encadrera ces élections. Prenant goût aux jeux de pouvoir, ils n’hésitent pas à intervenir dans le processus des élections pour soutenir le dictateur en place ! Non seulement, la Cedeao condamne sans réserve l’opposition ivoirienne à bout de nerf et proche de la désobéissance civile depuis qu’ils ont appelé, ce qui est leur droit, au boycott de l’élection présidentielle. Fait aggravant, l’Union Africaine et la Cedeo ne se sont pas gênées par la violation constitutionnelle qui comme en Guinée Conakry a été transformé pour permettre un troisième mandat au dictateur en place, en l’occurrence Alssane Ouattara. 

En Guinée Conakry, on compte les morts 

En Guinée Conakry, l’opposant charismatique Cellou Dalein partant de son expérience, s’est auto-déclaré vainqueur de l’élection. Il s’est basé sur les procès-verbaux à la sortie des urnes. La liesse populaire s’est alors emparée de Conakry, les rues se sont remplies et la ferveur était à la hauteur de l’attente d’une fin de règne souhaité par la population. Ces scènes ont également eu lieu en Guinée forestière, en Moyenne et en Basse Guinée. 

À Conakry, les forces de sécurité à la botte du pouvoir, ont tué dans la soirée du 19 octobre 2020 trois jeunes élèves selon un communiqué du parti UFDG de Cellou Dalein Diallo. Il s’agit de Thierno Nassirou Sylla, 13 ans, Mamadou Saîdou Diallo, 14 ans et Abdoulaye Diombo Diallo, 18 ans. 

Que s’est passera-t-il dans les prochains jours en guinée ? La CENI confirmera-t-elle les résultats des urnes ? Ou cautionnera-t-elle les fraudes en proclamant le candidat du RPG illégal ? Le chaos menace la Guinée Conakry.

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