RD Congo: le cardinal, le Nobel et le peuple
/dans Afrique, Tribune Libre /par Jean-Jules Lema LanduQue faut-il en penser ? En moins de deux ans consécutifs, deux événements d’une portée internationale ont marqué la RD Congo d’une pierre blanche ! Le 10 décembre 2018, le médecin gynécologue Denis Mukwege recevait le prix Nobel de la paix, à Oslo, en Norvège. Un an après, le 5 octobre 2019, son concitoyen Monseigneur Fridolin Ambongo venait d’être créé cardinal par le pape François, à Rome.
Au-delà de l’honneur et du prestige que constituent ces deux actualités pour le pays ainsi que pour le peuple congolais tout entier, il y a une signification, un symbole. Or, un “symbole n’est jamais banal, anodin”, croit Christine Taubira, ancienne ministre française, dans son ouvrage «Murmures à la jeunesse».
Pour les chrétiens, Jésus le dit autrement, et même avec un pied de nez, à l’endroit des Pharisiens et des Sadducéens, qui le pressaient d’opérer un miracle: “Le soir, vous dites : il fera beau, car le ciel et rouge ; et le matin : il y aura de l’orage, car le ciel est d’un rouge sombre. Vous savez discerner l’aspect du ciel et vous ne pouvez discernez les signes des temps.” (Mt 16 : 2-4).
Ici, les signes des temps ne sont pas au ciel, mais plutôt à travers des faits, des événements que les Congolais vivent. Lui, Jésus, était un signe des temps pour le salut de l’humanité. Qu’en est-il pour la RD Congo ?
Un vrai combattant
Répondre à cette question, c’est remonter l’histoire du pays, depuis l’acquisition de son indépendance. Et même aller au-delà. C’est, en somme, montrer combien le peuple congolais a souffert, dans sa chair et dans son âme. Aussi bien de la colonisation que des régimes dictatoriaux qui se sont succédés, pendant près de six décennies.
A Oslo, le prix Nobel de la paix, le Dr Mukwege, qui est en même temps pasteur au sein d’une grande communauté chrétienne évangélique, à Bukavu, a en fait un sinistre état des lieux. Il était au bord des larmes. Quant au cardinal Ambongo, sa lutte contre la dictature ne date pas d’hier.
Impavide, il a affronté le régime dictatorial de Mobutu, alors qu’il n’était encore qu’un étudiant en philosophie, tout comme il l’a fait, prêtre, contre celui de Kabila. C’est donc un vrai “combattant”.
Est-ce un hasard que les deux hommes de Dieu se retrouvent ainsi élevés au pinacle, presque en même temps, l’un prêtre, tout court, et l’autre pasteur-médecin ? Deux hommes de Dieu, l’un catholique, l’autre protestant ? Deux hommes de Dieu ayant presque le même âge, 58 ans pour le cardinal et 64 ans pour le médecin ? Deux hommes de Dieu ayant la même passion pour les droits de l’homme ?
Au fait, le cardinal a défendu sa thèse de doctorat, à Rome, intitulée : “L’habilitation de l’humain, base du développement vrai au Zaïre”. C’est tout dire.
Le sens de cette série des coïncidences est facile à décrypter. C’est un message, pour demander à la classe politique de comprendre que le mal qu’ils continuent d’infliger au peuple congolais est profond. A bien regarder, c’est même un message empreint d’ironie, comme celui que Jésus avait adressé aux Pharisiens. Sa teneur peut être comprise en ces termes : “Comment ne comprenez-vous pas que vous avez un des plus beaux et des plus riches pays au monde, pour que personne ne puisse y mourir de faim?”
Fin du cauchemar congolais
A cette question, il y a déjà eu plusieurs concertations de haut niveau. Et, même une “Conférence nationale, dite souveraine”, en vue de mettre le pays sur la voie du progrès. Bernique ! Insensible, la classe politique s’était enfermée dans son orgueil lucratif, à travers la concussion, le clientélisme et autres méfaits. Au grand dam du peuple. La République Démocratique du Congo, aujourd’hui, n’existe plus que de nom. Un pays, exsangue, non gouverné et peuplé des faméliques sans espoir.
Puisqu’il y a un temps pour tout, il n’est pas aberrant de penser que les coïncidences évoquées plus haut constituent l’annonce de la fin du cauchemar congolais. Le cardinal et le Nobel sont comme le symbole de la libération, parce qu’ils endossent l’habit de nouveaux leaders, les vrais, dont le peuple était longtemps privé. Ils peuvent donc le convoquer, et celui-ci les suivra. Non dans la violence, mais à travers la force de la démocratie, selon le principe qui veut que “le pouvoir émane du peuple.”
En résumé, il y a, dans l’air, une sorte de prémonition sur un face à face inévitable entre Kabila et les nouveaux leaders du peuple. Cela se décèle dans leurs déclarations respectives. Confinées à la vérité près de l’engagement que les deux camps vont certainement prendre.
Alignement des planètes
Pour Kabila, son départ du pouvoir n’est pas envisageable. Il l’a dit à Windhoek, en Namibie, le 17 août 2017, dans le cadre du 38e sommet des chefs d’Etat de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC): “Comme je déteste les adieux, je préfère ne pas vous dire adieu, mais vous dire à bientôt.”
Autrement dit, le «raïs» voulait assurer ses homologues chefs d’Etat, avec ironie, “qu’ils n’avaient pas à regretter, puisqu’il resterait chef de l’Etat. Et donc ils vont se revoir”.
C’est-ce qui se passe pour le moment : Kabila est toujours là, à la manœuvre. Continuant à mener à la baguette toute la classe politique et, par ricochet, à narguer le peuple meurtri. Pour le cardinal, le langage est ferme, de celui qui s’apprête à entrer dans l’arène.
Voici la teneur de sa déclaration, telle que l’a rapportée le site de l’hebdomadaire Jeune Afrique, dans ses informations du 14 février 2018, à son sacre comme archevêque: “Je suis évêque depuis treize ans et je suis resté égal à moi-même. J’espère que mes nouvelles fonctions ne vont pas changer mon caractère.“
Autrement dit, le caractère du combattant de la démocratie. A tout prendre, le docteur-pasteur n’est pas loin de cette approche. Ne sont-ils pas sortis du même moule, les deux?
Le «raïs» s’attendait-il à un tel alignement des planètes, en faveur du peuple? Berk! Il se dit un soldat, qui n’a peur de rien. Il va donc rester droit dans ses bottes et braver tous les vents, afin de “reprendre constitutionnellement” son fauteuil. Mais, le peuple dit, de son côté, qu’il n’a pas encore épuisé son carquois. Batailles en perspective donc, avant les échéances électorales prévues en 2023!
Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France
France – Afrique : va-t-on vers une mauvaise rupture ?30/08/2023 - 12:35
La Françafrique s’effrite alors que les coups d’Etats se multiplient sur le continent. Comment la France va-t-elle gérer son divorce ?
RD Congo : Tshisekedi met les gants contre l’Eglise Catholique05/07/2023 - 8:52
Les tensions entre l’Eglise catholique et le président de la RDC s’aggravent quant à l’élection présidentielle, prévue pour décembre 2023.
La poursuite des restrictions contre la liberté en Tunisie : arrestation de deux étudiants pour une chanson satirique12/06/2023 - 1:27
Mardi 16 mai 2023, les autorités ont arrêté deux étudiants tunisiens, après la publication sur les réseaux sociaux d’une chanson satirique.
AFRIQUE : la Turquie est-elle une amie de poids ?12/06/2023 - 9:29
La victoire d’Erdogan a passionné le continent, le pays étant une plaque tournante entre l’Occident, l’Afrique, le Proche-Orient et l’Asie.
GUINEA. THE PRESS AGAINST THE MILITARY JUNTA10/06/2023 - 9:53
Journalist, TV host, producer and director of institutional documentaries and fiction, Alhussein Sano is a Guinean intellectual. He entered the media world with the creation of his production agency MAXI PLUS in 1995, and can look back on 28 years of journalistic experience. Now a member of the Maison des Journalistes, Alhussein discusses the weakening […]
CHOKRI CHIHI, journaliste exilé : “En Tunisie, c’est un cauchemar”08/06/2023 - 9:26
Né à Tunis (Tunisie) le 29 avril 1983, Chokri Chihi grandit avec ses quatre frères au sein d’une famille modeste. S’il suit un master en droit international privé en 2006 à la faculté de Tunis, le journalisme apparaît rapidement comme une évidence pour Chokri : “Depuis petit, je suis bavard, je parle beaucoup, je participe […]
Au Burkina Faso, le gouvernement tenterait-il de faire taire les médias français ? 10/05/2023 - 9:47
Désinformation, menaces et propagande politique rythment la vie des médias français au Burkina depuis le coup d’Etat d’Ibrahim Traoré en 2022.
Sénégal : tentation du « 3e mandat » en embuscade ?27/04/2023 - 11:28
A dix mois de la présidentielle, la tension se cristallise autour de la question ayant trait au « troisième mandat » du président Macky Sall.
FRANCE – AFRIQUE : LA VALEUR DE LA PAROLE DONNEE27/03/2023 - 8:24
Du 1er au 4 mars, Emmanuel Macron s’est rendu en Afrique centrale, où il devait présenter la « nouvelle politique africaine » de la France.
EXCLUSIF. La fin de la guerre au Tigré annonce-t-elle le retour de la liberté de la presse ?24/01/2023 - 9:24
Après deux ans de guerre entre le gouvernement éthiopien et le TPLF, le retour de la presse est-il envisageable dans la région du Tigré ?
Guerre en Ukraine : l’Afrique prise en étau entre l’Occident et Moscou ?10/04/2022 - 1:23
Par Jean-Jules Lema Landu ” La guerre en Ukraine place l’Afrique dans une position inconfortable.” Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France Il y a, d’abord, les anciens pays d’Europe occidentale. Après la séquence historique de colonisation, ils sont restés liés à leurs anciennes colonies. Y avait-il moyen de faire autrement, pour les Africains, […]
RD CONGO : LA FEMME, LE SEXE ET LE PRÉSIDENT29/09/2021 - 10:42
Le titre est-il outré ? Rien de scandaleux quand on sait que la plupart des présidents au monde sont des « sex-symbols ». Quand on compare « L’Affaire Denise/Gisèle », les deux femmes du président Tshisekedi entrées en guerre, à d’autres aventures amoureuses que cachent des palais présidentiels, celle-ci n’a rien de plus piquant, en […]
ALGÉRIE. Djamel Bensmaïl ou le Alain de Monéys algérien22/09/2021 - 2:47
Au XIXe, un village de France a connu un événement similaire à celui que vient de secouer la localité kabyle de Larbâa Nath Irathen en Algérie. A 150 ans d’intervalle, Alain De Monéys et Djamel Bensmail ont en commun d’avoir été lynchés à mort par des foules. Et d’être innocents. Mise en perspective. En cette […]
MONTPELLIER. UN SOMMET FRANCE-AFRIQUE AVEC LES JEUNES. UNE PREMIÈRE.22/09/2021 - 1:09
L’information diffusée sur l’antenne de RFI mardi 14 septembre, au sujet de la tenue du sommet France-Afrique à Montpellier, le 9 octobre prochain, a laissé la plupart des Africains perplexes. Et pour cause. La rencontre ne mettra face au président français que les sociétés civiles, les jeunes. C’est une première. Exit donc les vieux présidents, […]
LA RD CONGO ET LES MARCHANDS DE RÊVES20/09/2021 - 2:04
Parole d’or ? On ne se gratte pas l’occiput, pour en connaître le sens. Celui-ci coule de source : c’est une parole de sagesse (cependant, différente de celle que donne la Bible, pour les chrétiens) ; elle est éclatante comme si elle était faite d’or. Or, l’or a de la valeur, laquelle, une fois prêtée […]
GUINÉE. Mamadou Bah : “Alpha Condé est tombé dans ses propres pièges”16/09/2021 - 5:16
Journaliste guinéen réfugié en France, Mamadou Bah décrypte pour “L’oeil” la situation politique dans son pays suite au coup d’Etat militaire mené par le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya. D’autres articles
RD CONGO. DE MOÏSE TSHOMBE À MOÏSE KATUMBI ?06/09/2021 - 2:06
Qu’on le veuille ou non, on est déjà en face du bégaiement de l’Histoire. Certes, à des nuances près. De Moïse Tshombe à Moïse Katumbi – 59 ans après -, il ne reste plus qu’un petit pas à sauter par ce dernier, pour se voir placé sur la ligne de départ de la présidentielle, en […]
TUNISIE. Les plaies de la liberté de la presse ravivées par le président Kaïs Saïed03/09/2021 - 1:50
L’expulsion des journalistes d’Al Jazeera Tunis, le 26 juillet 2021, a soulevé de multiples questions en Tunisie après la prise des pleins pouvoirs du président Kaïs Saïed. Un mois après ces évènements, les acteurs de la société civile s’inquiètent pour la liberté de la presse.
TOGO. La presse sous l’oppression incessante du pouvoir01/09/2021 - 10:47
Au Togo, les journalistes font face à une répression quotidienne malgré un semblant d’ouverture du Président Faure Gnassingbé. Pegasus constitue le dernier outil de surveillance utilisé par les autorités politiques togolaises. La liste des cibles potentielles du logiciel espion Pegasus, dévoilée lors de l’enquête menée par Forbidden Stories, recense 300 numéros de togolais·es. La majorité […]
Maroc. La surveillance des journalistes n’a pas attendu Pegasus (ENQUÊTE)01/09/2021 - 8:23
L’enquête de Forbidden Stories a mis au jour en juillet 2021 l’usage intensif du logiciel israélien Pegasus pour venir à bout de la presse indépendante au Maroc. Mais depuis des décennies, des journalistes marocains subissent surveillance et harcèlement, grâce notamment à des logiciels fournis par des sociétés italiennes et françaises.