Du 3 avril au 2 novembre 2025, à Paris, l’Institut du monde arabe accueille l’exposition “Les trésors sauvés de Gaza, 5000 ans d’histoire”. Ce 25 juin 2025, la Maison des journalistes s’est rendue à l’Institut du monde arabe, à Paris, afin de visiter l’exposition “Les trésors sauvés de Gaza”. Elle montre que préserver et exposer, c’est résister à l’effacement de l’histoire.
Retour sur un moment plein de découvertes.
[Par Coraline Pillard, publié le 02/07/2025]

Contexte politique et géographie
Trônant au centre de la salle, une mosaïque d’influence byzantine témoigne des riches échanges culturels ayant façonné l’histoire de Gaza. Petit rectangle de terre bordé par l’Israël au nord et à l’est, l’Egypte au sud et la mer Méditerranée à l’ouest, Gaza connaît une histoire mouvementée. Cette bande étroite, large de 6 à 12 kilomètres et longue de 41 kilomètres, abrite environ 2 millions de Palestiniens et est l’une des régions les plus densément peuplée au monde. Contrairement à une idée commune, Gaza n’est pas un état. Il s’agit, en réalité, de l’une des deux régions que comptent les territoires palestiniens, avec la Cisjordanie. Les deux tiers de ces habitants ont le statut de réfugié, signifiant qu’un grand nombre d’entre eux ont dû quitter leur pays afin d’échapper à des persécutions.
Aussi loin que l’on se souvienne, les tensions entre la Palestine et Israël ont toujours existé. Lors de la création de l’Etat d’Israël, des milliers de Palestiniens furent contraints d’abandonner leur pays. Cet évènement est connu sous le nom de Nakba, catastrophe en arabe, et n’a fait qu’exacerber le conflit en créant un sentiment d’injustice chez les Palestiniens. Afin de résoudre ce conflit entre les deux Etats, les accords d’Oslo sont signés en 1993. Ils définissent trois zones de souveraineté sur les territoires palestiniens. La zone A, sous contrôle Palestinien; la zone B sous contrôle civil palestinien, mais dont Israël assure conjointement la sécurité intérieure; et la zone C sous contrôle israélien qui englobe les colonies juives.
Suite aux élections législatives de 2006 et à la victoire du Hamas, ce dernier arrive au pouvoir. En 2007, il prend le contrôle total de Gaza, par la force, ce qui conduit à un isolement politique. Les territoires palestiniens ne sont plus sous le contrôle de la même autorité. La Cisjordanie est sous la gouvernance du Fatah, et Gaza, sous la domination du Hamas. Un isolement diplomatique relatif se manifeste également : Israël cesse de verser les droits de douane et l’Europe stoppe leurs aides financières.
L’attaque du 7 octobre 2023 ne fait qu’accentuer le conflit actuel entre Israël et la Palestine. Des dizaines de personnes furent enlevées, y compris des femmes et des enfants. Des tirs de roquette ont été lancés depuis Gaza. De nombreuses vidéos ont notamment circulé, montrant l’ampleur de cet événement tragique d’une extrême violence.
Ce contexte politique rend ainsi impossible toute stabilité et renforce les difficultés économiques et sociales.
« Les trésors sauvés de Gaza – 5000 ans d’histoire », à l’Institut du monde arabe

Sur France24, Jack Lang, président de l’institut du monde arabe, s’est exprimé sur cette manifestation. “Gaza, ce n’est pas seulement ce champ de ruine, qui malheureusement, jour après jour progresse. Ce n’est pas seulement cette prison à ciel ouvert. C’est aussi des êtres humains, des femmes, des enfants, qui portent en eux une histoire”, explique-t-il avec entrain.
Mise en place en 4 mois et demi, l’exposition devait être consacrée à la cité plurimillénaire de Byblos, au Liban. Cependant, suite aux bombardements, à Beyrouth, la décision a été prise de l’annuler, la sécurité ne pouvant plus être garantie. Ainsi, elle se porta donc sur Gaza, avec l’aide du musée d’art et d’histoire de Genève, en Suisse, et le soutien de l’Autorité palestinienne. La collection présentée n’était pas inconnue à l’Institut du monde arabe, puisque le patrimoine archéologique de Gaza avait déjà été exposé en 2000. Il s’agit vraiment d’une réponse culturelle et patrimoniale.
Le choix des œuvres s’est ainsi fait depuis un corpus beaucoup plus large. Ces 529 chefs-d’œuvre ont connu une histoire malheureuse. Restés bloqués durant 17 ans au Port-Franc de Genève, seul un peu plus d’une centaine ont réussi à être sorti. Cela témoigne de l’ampleur exceptionnelle du site, qui s’étend sur plus de 12 hectares. Ces vestiges marquant le paysage sont également le quotidien des habitants de Gaza. Les régions en guerre sont les régions les plus vulnérables car elles disparaissent plus facilement. C’est donc l’exil forcé de ces oeuvres qui les protégera.


Véritable percée dans l’histoire de Gaza, cette exposition témoigne d’une traversée des civilisations. Avant d’être une région, Gaza était un royaume, objet de convoitise. Sculptures, marbres, vestiges architecturaux, mais aussi verres et céramiques issus de différentes régions, notamment d’Afrique du Nord : tout témoigne ici d’un véritable carrefour de civilisations. De nombreuses cultures ont laissé leur influence sur Gaza, comme par exemple les civilisations grecque, égyptienne ou encore romaine. Cela explique que les gazaouis aient adopté leurs croyances. Nous découvrons également des inscriptions, reflets d’un dédale de langue. A côté de cela, nous trouvons aussi la “nouvelle archéologie”, permettant des reconstitutions 3D d’anciens sites, aujourd’hui disparus. L’exposition propose notamment une section dédiée à des photographies, illustrant l’évolution de Gaza à travers le temps, avant et après les destructions du conflit.
La commissaire en charge de l’exposition, Elodie Bouffard, rapporte également que cette programmation culturelle est l’occasion de mettre en avant des initiatives françaises, telles que Sawa Sawa et Pause, ainsi que de montrer la coopération universitaire et artistique. Cela permet à des chercheurs, des universitaires ou encore des artistes, ne pouvant plus exercer leur métier à cause des guerres, d’être accueillis par des universités ou des centres de recherches français.
Cette exposition nous rappelle l’importance de ne pas oublier Gaza, de garder en mémoire les souffrances et les espoirs de ceux qui vivent dans l’ombre de ce conflit.
À lire aussi : Assises de Tours. Des journalistes à la rencontre de lycéens