Retour sur les Solidays 2017 : La solidarité française s’est exprimée

[Par Mortaza BEHBOUDI]

Avant l’été pendant 3 jours à Paris à l’hippodrome de Longchamp, a été organisée la 19 ème édition SOLIDAYS 2017 avec des milliers des participants et des amoureux de la musique. Retour sur cet événement destiné à mobiliser l’opinion alors que la lutte contre le Sida est loin d’avoir encore atteint ses objectifs d’éradication totale.

Rien qu’en France, comme le signale Sida Info Service, le nombre de personnes ayant découvert leur séropositivité a été de 5 925 en 2015, ce qui est encore beaucoup et ne tient pas compte de ceux qui ne sont sont pas fait dépister.
« Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) restent le groupe le plus touché par l’épidémie. Ils représentent 43 % des découvertes de séropositivité. Environ 2 600 HSH ont découvert leur séropositivité en 2015. Les hétérosexuels nés à l’étranger représentent 38 % des découvertes de séropositivité, les hétérosexuels nés en France : 16 %. L’Île-de-France reste la région la plus touchée par la découverte de sérologies positives en métropole. Hors métropole, c’est la Guyane qui est la plus touchée ».

C’est pourquoi le sujet reste d’actualité et que toutes les initiatives sont les bienvenues. Dans ce contexte, ainsi que le rappelle notamment Wikipedia, le festival Solidays est une manifestation de lutte contre le sida organisée par Solidarité sida. Elle a lieu chaque année depuis 1999, sur l’hippodrome de Longchamp à Paris et qui rassemble plus de 150 artistes et près de 200 000 festivaliers. Les bénéfices du festival sont reversés à des associations de lutte contre le sida, à des programmes de prévention et d’aide d’urgence aux malades.

Au programme de cet événement majeur, cette année :

– Des artistes connus et internationaux venus de partout comme Gaël Faye, L.E.J, Imany, Georgio, Ibrahim Maalouf, Mac Miller, etc.
– Un village solidaire avec des associations qui aident des gens en difficultés, des réfugies, des mineurs isolés et des SDF.

Globalement, cette année, ce festival a pris des couleurs de Printemps Solidaire avec une grande campagne en faveur de la solidarité internationale et un appel au président de la République française.

« Grâce au stand Printemps Solidaire, aux nombreuses prises de parole sur scène pour sensibiliser les festivaliers et aux bénévoles qui ont vaillamment sillonné les pelouses de Longchamp pour faire signer un appel au plus grand nombre, la campagne a récolté près de 90 000 signatures » indique l’équipe de Solidays.

C’est la première fois que j’ai vu un grand festival de la musique de cette sorte depuis longtemps… dans une très belle ambiance solidaire destinée à « défendre le principe d’une France ouverte sur le monde et sur les autres, une France qui tient ses promesses face aux inégalités et à la détresse humaine».

Voici mes photos :

Roland Garros 2017 : Le tennis n’a pas de frontières

Je joue au tennis depuis l’adolescence, à Kaboul, en Afghanistan. Mais, aujourd’hui, je vis en France et c’est le grand événement sportif du printemps,  Roland Garros 2017, qui commence  à Paris.

La nouvelle édition du tournoi de Roland Garros s’ouvre à Paris, le 28 mai 2017 ©Mortaza BEHBOUDI

L’équipe de tennis junior d’Afghanistan, à Kaboul, 2014 ©Fédération Afghane de Tennis

Malgré une arrivée en France tumultueuse, je n’ai pas oublié ma raquette de tennis, véritable  partie de

mon cœur. Le sport en Afghanistan et le tennis surtout, n’est pas très développé et peu de gens pratiquent le tennis régulièrement. Mais on était une vingtaine de personnes, répartie sur 2 terrains, au sein de la Fédération Afghane de Tennis à Kaboul.

 

Comme d’habitude, le tournoi de Roland Garros se dispute sur les terrains en plein air et, cette fois-ci, en plein soleil, à Paris (pour le moment).

C’est la 116ème édition du « French Open » organisée par la Fédération Française de Tennis et la deuxième étape du Grand Schlem de l’année.

La Journée des enfants le 27 mai 2017 ouvre la compétition dans la bonne humeur – avec Marie-Jo PÉREC et Novak DJOKOVIC ©Mortaza BEHBOUDI

La compétition a lieu au Stade Roland Garros du 28 mai au 11 juin 2017 après une semaine de

qualifications du 22 au 27 mai 2017. Les matches se déclinent en simple, double et double mixte. Les joueurs juniors et handisport sont aussi présents en simple et double.

 

 

Mais cette année apporte d’ores et déjà son lot de surprises. Pour la première fois dans l’histoire du tournoi, les deux vainqueurs de l’Open d’Australie 2017, à savoir Serena Williams et Roger Federer, se sont retirés de la course avant le début de la compétition.

Le tournoi sera joué sur les terrains d’argile et se déroulera sur une série de 22 courts, y compris les trois principaux, Court de Philippe Chatrier, Suzanne Lenglen et le Court N° 1.

Le président de la Fédération Française de Tennis, Bernard GIUDICELLI, la ministre des Sports, Laura FLESSEL, et de l’ancien champion de tennis, président-fondateur de l’association Fête le Mur, Yannick NOAH ©Mortaza BEHBOUDI

Le 27 mai 2017, Yannick Noah, figure du tennis internationalement reconnue, a signé une convention qui unit désormais son association « Fête le Mur », militante pour un tennis qui lutte contre les inégalités sociales, le Ministère des Sports et la Fédération Française de Tennis. Durant la conférence de presse, l’ancien joueur, actuel entraîneur de l’équipe de France pour la Coupe Davis, a affirmé la nécessité « d’aller chercher les joueurs de demain dans les quartiers populaires, de démocratiser ce sport auprès des enfants d’où qu’ils viennent, afin de dynamiser la compétition en France.»

Le tennis et en général le sport ne doivent pas être à destination uniquement des élites, mais ouvert sur la société toute entière, seul gage d’une réussite sportive, sociale et pariant sur l’intégration que ce soit en France …. Ou en Afghanistan d’ailleurs !

 

La semaine de Roland Garros vu par Mortaza BEHBOUDI 

[UPDATE] Lundi 29.05.2017 

A 16h, 1er match (Simple Messieurs | 1er Tour) entre un français et un belge au  tournoi de Roland Garros.

Pendant ce match les fans étaient plus chauds que les joueurs !

Le résultat :
Richard Gasquet (FR) – Winner 6/3/6/6 vs Arthur De Greef (BLG) 2/6/1/3

Le tennisman tricoloreRichard GASQUET a fait son entrée dans la compétition le lundi 29 mai 2017 ©Mortaza BEHBOUDI

Richard GASQUET (fr) affronte Arthur DE GREEF (blg) le lundi 29 mai 2017 ©Mortaza BEHBOUDI

Richard GASQUET (fr) affronte Arthur DE GREEF (blg) le lundi 29 mai 2017 ©Mortaza BEHBOUDI

À Maxime :  N’embrassez pas un journaliste si vous ne voulez pas sortir du tournoi.

Maxime Hamou (FR) après ses victoires pendant les qualifications a perdu son 1er match le lundi 29 mai contre Pablo Cuevas (URG) ici le résultat : M. Hamou 3/2/4  – Pablo Cuevas 6/6/6

La Fédération Française de Tennis a réagi au geste polémique du joueur français : « La direction du tournoi a décidé de retirer l’accréditation de Maxime Hamou à la suite de son comportement répréhensible avec une journaliste, hier, lundi 29 mai! »

[UPDATE] Mardi 30 mai 2017

À Andrey  Kuznetsov : Vous devriez être sérieux avec un homme britannique !

Andy  Murray (GBR) 6/4/6/6

Andrey  Kuznetsov (Russe) 4/6/2/0

Andy MURRAY réussit son entrée dans le tournoi ©Mortaza BEHBOUDI

Kei Nishikori parle mieux japonais qu’anglais mais son talent est universel. Bravo ! 

Thanasi Kokkinakis (Australie)   6/1/4/4

Kei Nishikori  (Japon)   4/6/6/6

Kei NISHIKORI donne une interview après sa victoire © Mortaza BEHBOUDI

À Gaël Monfils : Well done man !

Gael Monfils (FRA) 6/7/6

Dustin Brown (GER)   4/5/0               

Vitalité, rapidité et fairplay : la définition de la beauté du tennis © Mortaza BEHBOUDI

 

 

Maroc : Dégradation de l’état de santé d’un activiste détenu dans la prison de Kénitra

[Par Samad AIT AICHA]

Près de trois mois après  son arrestation, l’état de santé de l’activiste, membre du Mouvement 20 février à Casablanca, Rabii Houmazen (29 ans) s’aggrave des suites de la grève de la faim que le prisonnier a tenue durant 10 jours. Le jeune activiste du M20F, version marocaine des révoltes des printemps démocratiques survenues dans les pays arabes, est condamné à dix mois de prison ferme et à une amende de 6200 dirhams (environ 600 euros).

Portrait de l’activiste Rabii HOUMAZEN emprisonné depuis trois mois par les autorités marocaines ©A.MOUKTAFI

Selon un communiqué de sa famille publié sur les réseaux sociaux il y a quelque jours,  l’activiste du Mouvement 20 Février et étudiant Rabii Houmazen a eu des problèmes respiratoires  et a connu une «dégradation de l’état de santé suite à des infections pulmonaires  après une grève de la faim de 10 jours. Pourtant, les autorités ont refusé de le soigner» ajoute le communiqué.

Dès qu’il a eu la possibilité de le faire depuis la prison, Rabii a confirmé avoir «entamé une grève de la faim de dix jours à partir du 23 mars pour protester contre l’injustice, contre l’interdiction de poursuivre mes études en philosophie derrière les barreaux, contre la répression, pour mon identité politique et ma libération immédiate».

Pour le comité de soutien, la lutte pour la fin de son emprisonnement continue. «On va continuer à combattre pour la liberté de l’étudiant marocain Rabii Houmazen qui risque de ne pas pouvoir poursuivre ses études derrière les barreaux, ainsi qu’à défendre son identité politique, à travers plusieurs actions de protestation et de mobilisation qu’on organisera» nous a confirmé Marwa Khouya, coordinatrice du comité.

Depuis l’arrestation de Rabii Houmazen alias “Sakhet”, le 19 février 2017, une levée de boucliers a eu lieu dans toutes les sphères activistes marocaines. En effet, une campagne de solidarité a aussitôt été lancée sur les réseaux sociaux, appelant  la libération immédiate  de “Sakhet”, comme le souligne un communiqué de l’Association Article 19.

Affiche de soutien à Rabii HOUMAZEN, diffusée sur les réseau sociaux par l’association Article 19 @Article 19

«Rabii est incarcéré dans des conditions inhumaines, privé de denrées alimentaires et de produits de base. Tout cela se déroule dans le cadre d’un procès qui, le moins que l’on puisse dire, est loin de répondre à des normes justes et/ou démocratiques», ajoute comité de soutien à Rabii.

Avant même d’annoncer le jugement et de prononcer son emprisonnement, un  rapport rédigé par  le comité de soutien dénonçait «la présidence judiciaire [qui] a refusé de discuter la tenue d’un procès pour expliciter ou rendre nul l’objet de l’arrestation de Rabii Houmazen, dans une atmosphère d’oppression et d’humiliation. De fait, le juge a donc expulsé Rabii Houmazen de la salle de l’audience ainsi que ses amis et famille qui le soutenaient pendant l’audience au tribunal de première instance, et a annoncé la condamnation sans appel du prévenu concerné. Condamnant ainsi Rabii Houmazen à dix mois de prison ferme et au paiement d’une amende de 6200 dirhams, par contumace, sans possibilités de recours».

Après  sa participation à une manifestation contre l’accaparement des terres collectives par la société Al Omrane à Sidi Taybi Rabat – village entre Rabat et Kénitra, où de nombreux citoyens sont sous le joug d’une véritable mafia immobilière qui menace de les expulser de leur maison à tout moment-, Rabii Houmazen a été arrêté à son retour à Kénitra et a découvert qu’il était poursuivi par les autorités pour avoir participé à une précédente manifestation, celle des enseignants stagiaires à Kénitra en date du 15 mars 2016. Le rapport du comité de soutien détaille : « De bonne heure, alors qu’il transportait les banderoles préparées pour la commémoration du Mouvement du 20 Février à Rabat et Casablanca, Rabii a été victime d’un accident ambigu, suivi de son arrestation pure et simple.»

De violents échanges avaient opposé les manifestants professeurs stagiaires aux forces de l’ordre à Kénitra, fin février 2016 ©France24/Youtube :

Sa famille organisera une manifestation le samedi 22 Avril 2017 devant le Parlement, à Rabat, pour exiger sa libération immédiate et la fin des arrestations arbitraires prononcées contre des militants politiques par les autorités marocaines.

 

RDC : Entre les deux camps, à qui la faute ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Le train de la transition, pour atteindre le cap des élections prévues fin 2017, est toujours hors des rails. Et pour cause. Plus par la persistance des manœuvres dilatoires entretenues par le camp présidentiel que la réalité des ambitions marquée par les leaders de l’opposition. Au point que la communauté internationale et nombre d’observateurs commencent à y voir déjà un « jeu puéril » de mauvais goût.

Rat-race (Course au pouvoir), Chéri CHERIN, 2007 ©horvath.members.1012.at

En témoigne la nomination, à la hussarde, de Bruno Tshibala, le 8 avril, au poste de Premier ministre. En dehors de l’esprit et de la lettre des accords de la Saint Sylvestre (31 décembre 2016). Ainsi, aussitôt nommé, aussitôt contesté. Nommé, puisque étant radié du Rassemblement (coalition de l’opposition), celui-ci constituait pour le régime en place une nouvelle occasion de « diviser pour régner ». Il en était d’ailleurs ainsi de la nomination, en novembre 2016, de Samy Badibanga – encore un autre exclu de l’opposition.

Puéril ! Puisque la manœuvre est cousue de fil blanc ! L’Union européenne, la France et la Belgique ont ouvertement parlé de « manœuvres politiques dangereuses », avec à la clé des menaces. L’Eglise Catholique n’a pas été en reste. Par le biais du cardinal Laurent Monsengwo, archevêque de Kinshasa, celui-ci a comparé la classe politique de son pays à Judas Iscariote. Quant à la nouvelle administration des Etats-Unis, qualifiée, à tort, d’indifférente face à la politique africaine, elle s’est montrée plutôt plus musclée. Nikki Aley, sa représente à l’Onu, a accusé crûment le régime de Kinshasa d’être « corrompu ».

Suffisant pour démontrer que le chemin emprunté par le président Kabila et sa cour mène inexorablement à la catastrophe. Laquelle mettra toute la région de l’Afrique centrale à feu et à sang.

« Kabila voudrait succéder à Kabila »

Quels sont les signes tangibles que laisse apparaître le régime de Kinshasa sur cette responsabilité prévisible ? L’opposition n’aura-t-elle pas sa part à assumer ?

La problématique est simple, car l’opposition, en tant que partie plaignante, ne peut constituer en aucun cas un obstacle à sa propre démarche, qu’elle croit liée à la défense d’une cause juste. A moins de réfléchir à rebours pour voir autrement les choses.

Manifestation de l’opposition à Joseph Kabila le 31 juillet 2016, à Kinshasa.                       ©Eduardo SOTERAS/AFP

Après seize ans de pouvoir détenu par le président Kabila, dont l’exercice de deux mandats de cinq ans chacun (émaillés par ailleurs d’élections floues), et en vertu de la Constitution qui l’interdit de briguer un troisième mandat, c’est l’opposition qui s’est, du coup, placé du « côté du bon droit ». Se serait-elle résolue, du jour au lendemain, à ne plus atteindre son objectif ? Que nenni.

Si l’opposition n’est pas un obstacle, selon la force de l’argumentation qui précède, la faute incomberait donc à l’autre partie, qui cherche visiblement à se maintenir au pouvoir. Contre vents et marées.

On y voit, d’abord, son souci à recourir à la notion de « consensus ». Or, on ne peut s’appuyer sur cette notion que lorsqu’il y a un différend entre protagonistes. En tout état de cause, il n’y en a pas un, en l’espèce, si ce n’est le fait qui relève de la Constitution obligeant le président Kabila à céder le pouvoir et à organiser, pour ce faire, des élections dans le délai prescrit par les accords de la Saint Sylvestre. Il s’agit là, dans les deux cas, « de la Loi et de sa force ». Face auxquelles on ne peut faire de la résistance.

Et puis, que vaut la notion de consensus, sinon « un bon moyen de chantage sentimental exercé sur les opposants », comme le souligne le dictionnaire Vocabulaire politique (Presses universitaires de France) ?

Chantage ? C’est-ce que le camp présidentiel a tenté d’utiliser, subrepticement, aussi bien lors du dialogue emmené par Edem Kodjo, médiateur désigné par l’Union africaine (février – novembre 2016), que des pourparlers organisés sous les auspices des évêques catholiques (décembre 2016 – mars 2017).

On y voit, ensuite, comme signe incontestable de torpillage ou d’attentisme suspect, le silence du pouvoir sur le nom de l’éventuel dauphin du président Kabila. Si élections il y aura, fin 2017 ou un peu plus tard, quelle est la personne qui y portera les couleurs du parti du président sortant ? Silence radio, qui ne signifie rien de moins que « Kabila voudrait succéder à Kabila ». C’est aussi clair que de l’eau de roche.

Syndrome de Peter Pan

Sans titre n°4, Moridja KITENGE, 2015 @moridjakitenge.com

La conclusion, après cette démonstration, coule de source. Le pouvoir de Kinshasa est responsable de

cette impasse politique. « Responsable et coupable », à l’inverse de la fameuse formule de Mme Dufoix : « Responsable mais pas coupable ».

Quant à l’opposition, son fardeau est léger. Si des ambitions s’y expriment, cela va soi. Rares, en effet, sont des cas où dans un groupement politique les gens détestent de sortir du lot pour occuper la place de leader. Mais si ces ambitions sont exploitées par le camp adverse pour diviser, on est plus dans le schéma classique de faire de la politique. Dans ce cas, on verse proprement dans le machiavélisme, faisant de la partie qui « subit », c’est-à-dire l’opposition, une victime. Celle-ci est donc « non coupable ».

En attendant, c’est l’impasse. Et le peuple congolais continue de trinquer. Contrairement à ce qu’écrit François Soudan, le directeur de la rédaction de Jeune Afrique (n° 2935-2936, du 9 au 22 avril 2017), à propos de la classe politique congolaise : « En termes de psychologie, le phénomène porte un nom : le syndrome de Stockholm, l’amour du prisonnier pour son geôlier », je parlerai, pour ma part, du syndrome de Peter Pan. Ce mal qui fait qu’un adulte se prenne toujours pour un enfant et se comporte comme tel. Voici l’image minable que donne la classe politique congolaise !

Maroc : rapprochement entre chrétiens et musulmans

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Depuis quelques années, l’aspiration est dans l’air. Elle n’est pas nourrie de chimères, mais elle est plutôt justifiée par des actes concrets. Même si ce rapprochement dont on parle ne pourrait être circonscrit que dans la compréhension stricte du mot « tolérance ». La surprise est que cette réalité est en train de prendre son élan sur les terres mêmes de l’islam. En l’occurrence, au Maroc.

Coucher de soleil et deux religions (Beyrouth, Liban) ©Gustavo THOMAS

C’est, sans conteste, un thème de satisfaction, en général, pour les fidèles des deux bords ! Qui, dans le meilleur des cas, se sont toujours regardés en chiens de faïence, au pire, entretués sans concessions. A cet égard, les cas de l’Egypte et du Nigeria sont emblématiques en Afrique. L’Egypte, où Daesh vient encore de frapper durement, dimanche 9 avril, les chrétiens coptes.

Depuis des siècles, le drame dure. Érasme dans « Du libre arbitre », Voltaire dans « L’Affaire Calas », Samuel Huntington, récemment, dans « Le choc des civilisations » – et d’autres – ont décrit le phénomène et appelé à la tolérance. Sans succès. Que faire ?

Le Maroc, sous l’égide du roi Mohammed VI, s’est proposé d’explorer d’autres voies, qui reposent sur du « concret », aux dépens des approches purement philosophiques. Dont le résultat ressemble au feu d’épines. Des cendres desquelles resurgit, avec virulence, la haine des religions. Aujourd’hui, les bouddhistes ne sont plus hors de question. En Afghanistan, ils sont dans le viseur des talibans.

De fait, l’atmosphère générale qui prévaut, un peu partout, n’est pas loin de la psychose, en lien avec la prédiction de Samuel Huntington : « Un choc ». Les récents événements de Londres, Moscou, Stockholm… le rappellent bien.

Dans cette perspective, l’initiative du souverain chérifien est louable. Elle vise un double objectif :

1)  affermissement, par les imams, de la connaissance doctrinale du Coran et autres textes relevant de la tradition, mais aussi opportunité pour leur faire saisir la notion de tolérance sur le socle de la sociabilité ;

2)  mise en œuvre du rapprochement, pratique, entre chrétiens et musulmans, à travers une structure permanente. S’organisent à cet endroit, surtout, des rencontres pour des échanges conviviaux.

En somme, une sorte de curetage, autant en surface qu’à l’intérieur de la plaie gangrenée !

Logo de l’Institut Al Mowafaqa, inauguré en 2014

Pour le premier cas, il s’agit de l’Institut Mohamed-VI, créé en 2013, qui héberge aujourd’hui quelque 800 étudiants, arabes et subsahariens confondus. Depuis, celui-ci est sur la brèche, car la première promotion, pour un cycle d’études de trois ans, a vu sortir ses tout premiers lauréats. La seconde démarche concerne l’Institut Al Mowafaqa, créé en 2014. Cette école, qui forme spécialement au dialogue interreligieux, dispense aussi de la théologie chrétienne. Elle reçoit en majorité des étudiants subsahariens.

Côté critiques, celles-ci sont venues du Sénat français, qui considère « cette formation inadaptée au contexte hexagonal ».

A notre humble avis, nous pensons que l’expérience marocaine a quelque chose de consistant plutôt que le recours aux solutions de circonstance, sinon éphémères.

Puissent se consolider les jalons posés, dans ce sens, à Kremlin-Bicêtre, commune du Val-de-Marne, où chrétiens, Juifs, bouddhistes et musulmans coexistent pacifiquement. Et où « une mosquée est en construction, juste à côté de la synagogue. Un symbole fort », selon Ouest-France, du 24 février 2017.

A gauche, la mosquée provisoire, au fond à droite, le mur de la synagogue du Kremlin-Bicêtre ©StreetPress

« Je redécouvre la fierté d’être journaliste. »

[Par Elyse NGABIRE]

Du 14 au 16 mars, Ouest fraternité, une association créée par des salariés du grand quotidien français Ouest-France m’avait invitée à la découverte du travail des confrères et à témoigner auprès de 300 élèves du Lycée Saint Vincent, à Rennes. C’était dans le cadre du partenariat né en 2017 entre la Maison des Journalistes et cette association.

Elyse Ngabire devant le siège de Ouest-France à Rennes
© Ouest-France

Des occasions pareilles n’arrivent pas tous les jours. Depuis mon arrivée en France, le 20 septembre 2015, je ne me suis jamais sentie aussi journaliste que ce jour où j’ai été accueillie au siège d’Ouest-France. Deux ans presque que je n’ai pas participé à une conférence de rédaction. Et cela me manquait beaucoup. Et le mardi, 14 mars 2017, une partie de ma soif a été assouvie.

Il est 9h40 min quand  j’arrive  dans la  ZI de Chantepie, 10 rue Breil, à Rennes. Je suis très impressionnée par ce grand bâtiment qui  abrite depuis août 1972 le siège de ce grand quotidien de l’ouest de la France et qui porte ce nom géographique : Ouest-France. L’insigne rouge où on peut lire en grands caractères Ouest-France attire mon attention avant de passer les marches vers l’intérieur.
Accompagnée de Karin Cherloneix, journaliste à la rédaction locale de Ouest- France Saint Malo et également présidente de l’association France fraternité, nous nous retrouvons au premier étage où nous sommes accueillis par une file de journalistes venus se servir un café. En cette fin d’hiver, les températures avaient baissé (8° le matin et 15° l’après-midi) mais un café chaud vaut la peine parfois pour  recharger les batteries. Karin Cherloneix en profite pour saluer des collègues qu’elle rencontre au distributeur et qu’elle n’avait pas revus depuis quelques mois, une brève présentation du nouveau visage à côté d’elle et c’était parti. Entre professionnels, ça va vite !

Juste le temps de relire des papiers à livrer d’urgence et Christelle Guibert, journaliste au service Monde, en charge ce jour de notre visite, nous rejoint au comptoir installé tout près du distributeur. Egalement membre d’Ouest fraternité, Christelle Guibert se dit ravie de cette visite et de ce partenariat avec la Maison des Journalistes et nous invite à la suivre. Nous traversons le grand hall aménagé en compartiments où chaque service a son propre espace.

Elyse Ngabire accueillie au service Monde du journal
© Ouest-France

Charité bien ordonné commence par soi-même, dit-on. Je suis bien évidemment accueillie au service Monde dont Christelle  fait partie. A notre arrivée, l’équipe s’apprête à commencer sa première réunion matinale. C’est  un plaisir de rencontrer Bruno Ripoche, le chef de service, Patrick Angevin, Cécile Réto et Philippe Chapleau qui forment une très bonne équipe. Tour de table sur l’édition de la matinée pour voir ensemble le travail abattu la veille : une autocritique constructive qui permet d’améliorer dans l’avenir.

Après, c’est la présentation des sujets à faire d’ici ce soir pour le lendemain. Chacun connaît son rôle et les articles ont été minutieusement préparés qu’on ne perd pas de temps à orienter tel ou tel autre sujet. Ils anticipent sur des faits soit pour constituer un stock ou pour devancer d’autres médias concurrentiels qui ne manquent pas à Rennes. Nous étions dans la semaine du 13 mars et le premier anniversaire (22 mars) des attentats en Belgique approchait. Cécile Réto qui devrait se rendre le week-end dans la capitale belge en profite pour proposer un avant-papier.

Des journalistes très informés

« Un bon journaliste doit être bien informé, doit lire beaucoup. Nous ne pouvons pas prétendre informer les autres lorsque nous-mêmes, nous ne le sommes pas », conseille toujours Antoine Kaburahe, directeur  des publications au sein du Groupe de presse Iwacu pour lequel je travaillais au Burundi et avec lequel je garde des liens professionnels privilégiés. Devant chaque journaliste du Service Monde, une pile d’ouvrages et de temps en temps, un journaliste est sérieusement occupé par la lecture.

La première réunion de service a eu lieu un peu tard à 10h, parce qu’ils nous attendaient. Vers 11h20, la réunion des chefs de service est convoquée à côté, juste pour voir ce que chaque service a prévu pour l’édition du lendemain.

J’aurais aimé participer à d’autres réunions de service à l’instar du service politique, ma spécialité. Toutefois, le temps pressait. Il fallait que je visite également le service web. Ce service, dont la plupart des journalistes sont de la jeune génération, est tellement avancé dans les nouvelles techniques de l’information et de la communication. Ses gestionnaires savent les articles les plus lus afin d’orienter les journalistes sur les sujets que le public souhaite. « Une fois que l’on est conscient que  nous n’écrivons pas pour nous-même, il est très important de travailler en tenant compte du nombre de visiteurs chaque jour ainsi que des sujets qui attirent l’attention des lecteurs pour les fidéliser », explique Caroline Tortellier, l’adjointe du responsable web. Des sujets aussi diversifiés sur le site qu’on ne retrouve pas forcément dans la version papier.

Après, j’ai visité le service Culture et Dimanche Ouest-France. J’ai trouvé, à ma plus grande surprise, des journalistes très occupés alors qu’ils sont plus sollicités pour alimenter à presque 100% l’édition du dimanche. Occupés mais aussi compatissants et attentifs aux difficultés que rencontrent des journalistes étrangers qui débarquent en France en matière d’emploi. Ainsi, certains me passent leurs cartes de visite et me proposent parfois des piges sur des évènements intéressants à Paris.

Le soutien, c’est aussi celui de François-Xavier Lefranc, rédacteur en chef du journal, qui apprécie le partenariat entre Ouest fraternité et la Maison des Journalistes. Il se dit prêt à soutenir cette initiative qui vise entre autres, la réinsertion professionnelle des journalistes de la MDJ.

A la locale de Rennes,  le départ d’Eric à la retraite ne l’empêche de présenter ses derniers papiers

Contrairement à Chantepie, au siège, où sont concentrés les journalistes des pages générales, la locale de Rennes est  également siège départemental. Une dizaine de journalistes occupent le premier étage rue du Pré-Botté.

Mercredi, 15 mars, à 10h. Vincent Jarnigon, chef de la rédaction, nous accueille et nous invite à participer à la réunion de rédaction qu’il anime. Aucune gêne, plutôt un très grand plaisir de ma part de découvrir comment ça se passe ailleurs. J’ai pris ma place entre confrères le tout naturellement et simplement du monde, comme si j’étais dans ma rédaction au Burundi.

Bref commentaire sur l’édition du matin et tour à tour, l’équipe passe à la présentation des articles de la prochaine. La réunion ne dure pas longtemps, environ 45 minutes, puisque chacun a minutieusement préparé ses sujets.

Quelques minutes auprès du responsable du journal en ligne pour voir aussi comment ça fonctionne avant d’aller nous entretenir avec Stéphane Vernay, directeur départemental d’Ille-et-Vilaine.  Journaliste également, il nous raconte l’évolution de ce grand quotidien de toute la France, des origines en passant par les différentes guerres que la France a connues ainsi que l’impact qu’elles ont eu sur le quotidien. Histoire très intéressante qui nous a permis de comprendre les différents grands moments du journal.

A 15h, c’est la visite dans la salle de montage du journal. Là, le travail est également impressionnant et sérieux. Des papiers tombent de tous les contibuteurs locaux et chaque journaliste s’occupe de la relecture et de la mise en page des articles.

Un coordonnateur est en communication permanente avec Chantepie pour leur indiquer où en est le travail. J’ai eu le plaisir de corriger quelques articles des collègues : réduire, voire changer les titres pour qu’ils soient informatifs et accrocheurs, de revoir les formulations parce que les phrases sont alambiquées et font perdre le sens, etc. Cet exercice me manquait aussi. Ça m’a rappelé la rigueur que j’imposais à mes collègues quand j’étais cheffe d’édition.

Visite nocturne aux rotatives

Visite des rotatives du journal
© Ouest-France

Une équipe d’une vingtaine de visiteurs conduite par Nicolas Carnec, chef de rédaction à Saint- Malo, est en train de visiter la locale de Rennes pour voir comment les papiers sont mis en page. Nous restons avec eux  jusqu’aux environs de 22h30 avant de continuer notre visite à Chantepie. Nous y sommes accueillis pour assister au travail d’impression des journaux. Des machines très modernes, flambant neuves en remplacement des anciens modèles, tournent sans arrêt. Elles ont été lancées et tournent depuis peu avant notre arrivée sur les lieux.

Après ¾ d’heures, des couleurs rouge, noire, bleu, jaune, etc. éblouissantes  attirent notre attention : les premiers exemplaires sont déjà là. Des camions attendent dehors. Selon le guide, on privilégie l’impression des éditions des coins reculés pour éviter des problèmes avec les abonnés. Et chaque matin, ces derniers ont droit dans leur boîte à un exemplaire.

Trois jours riches

Les trois jours à Rennes ont été doublement bénéfiques pour moi. Du point de vue professionnel, j’aurai retenu la rigueur dans l’écriture, le respect de la deadline, la rapidité, la concurrence par l’occupation de tout le terrain médiatique, etc.

Du point de vue technique, j’ai constaté que depuis la conférence de rédaction lors de la présentation et le choix des sujets, jusqu’à l’impression et à la livraison des journaux, c’est un vrai travail d’équipe, tels des maillons d’une même chaîne.

Du pain ou des balles : un dilemme mortel au Kurdistan iranien

[Par Rebin Rahmani, Directeur de la section Europe, Réseau des Droits Humains kurdes, traduit du persan au français par Nujin]

Il faisait nuit noire. Un convoi de kolbers circulait tant bien que mal sur un chemin  accidenté non loin de l’avant-poste frontalier de Ouraman séparant le Kurdistan iranien du Kurdistan irakien. L’officier posté dans cet endroit reculé remarque la présence du convoi de travailleurs nomades kurdes.

Un convoi de travailleurs nomades kurdes brave les obstacles naturels pour atteindre sa destination @nrttv.com

A l’aide de la lampe torche qui éclaire sa guérite, il se saisit de son arme de service, se précipite dehors et ouvre le feu, sans sommation aucune, sur le convoi. Un premier kolber blessé s’effondre. Plusieurs chevaux sont mortellement touchés. Mohamad, un jeune kolber, fermait le convoi sur son cheval. Contrairement à ses camarades qui déguerpissent aux premiers coups de feux, ce dernier se range sur le bas côté de la route avec son cheval. Soudain, la lampe torche de l’officier se braque sur lui. Des cris retentissent dans la nuit. “Mohamad cours, ça va mal finir, tu vas te faire descendre.”

Mais Mohamad ne l’entend pas ainsi. “Ce cheval et ces marchandises durement chargées au péril de ma vie sont tout ce que je possède. Je préfère mourir avec plutôt que d’y renoncer. “

L’histoire se finit bien. Le soldat pris de pitié en entendant ces mots renonce à faire une seconde fois usage de son arme.

Ce soir là, Mohamad et son cheval, échapperont à la mort.

Cette histoire ne constitue qu’une histoire parmi les dizaines de récits souvent tragiques que m’ont raconté des kolbers rescapés, des proches de kolbers et des témoins, lorsque l’année passée, je me suis rendu au Kurdistan irakien près de la frontière iranienne afin de tourner un documentaire sur ces vies brisées. 

Le Kurdistan est l’une des régions les plus pauvres d’Iran. Le régime a volontairement delaissé cette région en y investissant beaucoup moins qu’ailleurs et en faisant son possible pour freiner son développement et empêcher l’agriculture, l’industrie et l’entrepreneuriat d’y prospérer. Résultat : le taux de chômage y est le plus élevé d’Iran. 

Aujourd’hui, la question des kolbers est devenue l’une des principales préoccupations des activistes Kurdes. 

Alors que ce problème pourrait être réglé presque complètement grâce à des efforts de l’Etat pour améliorer la situation économique du Kurdistan, c’est le chemin inverse que semble emprunter le gouvernement.

En août 2016, Saeed Ahsan Alavi, député de Sanandaj (capitale de la province iranienne du Kurdistan), confirmait officiellement ce qui était jusqu’alors une institution de tous les Kurdes : «La province du Kurdistan se classe au 29ème rang (sur 31) pour ce qui est du revenu annuel médian de ses habitants. Ce n’est guère mieux pour ce qui est du revenu généré par l’industrie puisque le Kurdistan se classe au 24ème rang national. Quant au chômage, malgré le manque de statistiques fiables, on peut estimer qu’il tourne autour de 25 %.»

Une étude concernant l’année civile iranienne 1395 (Mars 2016 à Mars 2017), les ménages les plus pauvres d’Iran vivent dans la province d’Ilam (revenu annuel médian par ménage estimé à 4950€) suivi par la province du Kurdistan avec un revenu annuel médian par ménage de 5035€.

Les statistiques fournies par les appareils officiels de la République Islamique confirment le taux de chômage endémique et la misère dramatique dans laquelle vivent les populations de ces régions. On comprend bien dans ces conditions que, se tourner vers l’activité de transport illégal de marchandises n’est pas un choix du cœur mais plutôt la dernière option de survie.

Les pentes escarpées n’épargnent pas les kolbers et leurs bêtes @Rebin RAHMANI

Les autorités iraniennes justifient leur brutalité à l’égard des kolbers par la lutte contre la contrebande de marchandises. Pourtant, à l’heure actuelle, la majorité des marchandises de contrebande entrant sur le territoire iranien, n’entrent pas par le biais des kolbers kurdes, mais via des mafias liées au régime qui font entrer des articles illicites via les grands ports du sud du pays. D’après le directeur de l’instance en charge de la lutte contre le trafic de marchandises, 50 à 60% des marchandises de contrebande entrent sur le sol iranien via ces groupes criminels. Des propos confirmés par un haut responsable du gouvernorat régional du Kurdistan qui estime à 3% seulement la part annuelle de marchandises de contrebande entrant via la frontière irakienne. Ces statistiques n’ont toutefois rien changé au sort tragique des kolbers qui continuent de tomber presque quotidiennement sous les balles des forces armées iraniennes.

Entre mars 2016 et février 2017, les meurtres de sang froid de kolbers par des militaires iraniens ont augmenté de façon significative en même temps que les protestations de la société civile kurde. Au point d’inquiéter le régime. Ce dernier a donc décidé de prendre les devants et de réglementer cette activité en instaurant ce qu’il a appellé des “frontières légales”. Concrètement, cela signifie que des postes frontaliers sont désormais ouverts et permettent de passer “légalement ” du côté irakien. Les kolbers se sont vus délivrer une sorte de “carte d’identification de kolber” qui lui permettent d’exercer légalement cette activité mais sous conditions. À certaines périodes de l’année, avec des intervalles fixés par le Ministère de l’intérieur, les kolbers sont autorisés à franchir la frontière afin d’aller chercher des marchandises “autorisées” côté irakien afin de les revendre côté iranien. Grosso modo, chaque kolber doté de cette fameuse carte, est autorisé à faire entrer tous les six mois l’équivalent de 370€ de marchandises. Sachant que ces biens sont récupérées au passage par un intermédiaire qui ira ensuite les revendre (et qui donc se rémunère au passage), au final, le revenu mensuel d’un kolber tourne autour de 80€. Loin très loin en deçà du seuil de pauvreté fixé par le gouvernement lui-même.

Mais au fait, qui sont exactement les kolbers et les kassebkars kurdes ?

Un kolber s’harnache pour porter sa charge @Iran Wire

Le mot “kolber” est un mot valise kurde formé des mots “koul” et “bar” signifiant respectivement “dos” et “transport”. Les kolbers sont de jeunes hommes kurdes très pauvres qui pour subsister, traversent la dangereuse frontière irano-irakienne, pour aller récupérer côté irakien des marchandises telles que des cigarettes, des téléphones portables, des tissus, des produits pour la maison, du thé et plus rarement (même si cela existe) des boissons alcoolisées (strictement interdites en Iran). Ils chargent ensuite ces marchandises sur leur propre dos ou sur leurs mulets et retraversent la frontière pour revenir côté iranien en empruntant des chemins montagneux dangereux et escarpés. 

Ces marchandises sont destinées à être vendues à prix d’or dans les centres commerciaux huppés de Téhéran. Les kolbers qui ont récupéré ces marchandises au péril de leur vies, ne touchent qu’un maigre pécule pour cette dangereuse traversée. 

Quant aux “kassebkars” (difficilement traduisible), ils récupèrent les marchandises que les kolbers sont allés chercher et se chargent de parcourir le pays de ville en ville afin de trouver acquéreur.

Leur salaire n’est guère plus mirobolant.

Les kolbers et kassebkars kurdes sont âgés de 13 à 70 ans. Parmi eux, des jeunes hommes n’ayant qu’une instruction primaire et des diplômés de l’enseignement supérieur qui faute d’emplois “normaux” à pourvoir, se sont tournés vers cette activité. 

Ces dernières années, les activistes kurdes se sont mis à recenser ces meurtres afin d’alerter l’opinion publique sur cette question. 

Ce travail minutieux a permis d’attester qu’au cours des quatre dernières années, au moins 224 kolbers et kassebkars ont été abbatus de sang froid par les forces armées iraniennes et 203 ont été blessés. 

Par ailleurs, 44 ont perdu la vie suite à divers accidents tels que chutes dans la montagne , noyades, hypothermie ou ensevelis dans des avalanches.

Rien dans les textes de lois ni dans le Code Pénal Iranien ne justifient cette brutalité étatique ce qui n’empêche pas les meurtres de kolbers d’être quasi journaliers. Le “Code de conduite des forces armées iraniennes” est pourtant formel. Dans son article 3, il stipule qu’en cas de rencontre avec un individu considéré comme “dangeureux”, la première étape est un avertissement verbal à adresser au suspect, puis un tir de sommation en l’air et enfin dans le cas où l’individu refuse de se rendre, il est autorisé d’ouvrir sur le feu sur lui vers la partie inférieure au bassin, dans les jambes par exemple. Les militaires sont autorisés à tirer dans la partie supérieure au bassin du suspect, uniquement si celui ci représente un danger réel ou imminent. Dans la mesure ou les kolbers ne sont jamais armés et ne représentent aucune menace, il est absolument illégal de faire usage d’une arme à feu contre eux.

Les militants des droits humains kurdes insistent sur ce dernier point et sur le fait que ces meurtres ont lieu quotidiennement et systématiquement. Ils rejettent en bloc la version des autorités iraniennes  comme quoi ces meurtres ne seraient que des actes isolés de certains militaires aux frontières. 

D’autre part, chaque fois qu’un kolber blessé pendant son travail ou la famille d’une victime tombée sous les balles des militaires, cherche à obtenir réparation pour ses droits bafoués, ils se heurtent à une machine juridique froide et inhumaine et à un système qui protège inconditionnellement son armée.

Jusqu’à présent, aucune plainte des familles de victimes n’a abouti à la condamnation d’un militaire responsable de la mort d’un travailleur nomade kurde.

Dans le meilleur des cas, un kolber ayant été blessé ou bien la famille d’un défunt, obtiennent le versement d’une compensation financière. Il est même arrivé que des militaires ayant du sang sur les mains réussissent à échapper au versement de cette compensation.

Non seulement les plaintes des victimes n’ont pas permis d’aboutir à des condamnations ni de limiter ces actes de cruauté, mais bien souvent les courageuses familles qui osent porter ces affaires devant les tribunaux sont victimes de harcèlement et d’intimidation de la part des autorités qui parviennent à les contraindre à renoncer à leur compensation financière en leur faisant signer un document de renoncement.

Ainsi on peut dire que les militaires considèrent qu’ils peuvent abattre des kolbers sans crainte de poursuites judiciaires. Bien souvent, cela ne nuit même pas à leur évolution de carrière.

Enfin, il faut parler du devenir de ces familles qui perdent le “gagne pain” de la famille, qui plus est, dans les conditions les plus atroces qui soient. Bien souvent, les autorités n’acceptent de remettre le cadavre du défunt à sa famille qu’à la condition expresse que celle-ci renonce à porter plainte. À notre connaissance, il n’existe qu’un seul cas où la famille d’une victime a pu contraindre les autorités à lui verser la compensation dûe.

Lorsque le père de famille est tué, la responsabilité de faire subsister la famille revient à ses fils ou à un jeune homme de la famille.

De jeunes hommes qui espéraient un autre avenir se voient obligés de quitter l’école du jour au lendemain et de se lancer dans la périlleuse vie de kolber afin de faire subsister leur famille.

La jeunesse kurde est hélas la principale victime des politiques socio-économiques, sociétales et culturelles du régime au Kurdistan iranien.

un convoi de kolbers sur les pentes enneigées entre l’Iran et l’Irak @kurdpa.net