Journée internationale de la Femme : Du Maghreb à l’Occident

[Par Larbi GRAINE, journaliste algérien – larbigra @ gmail . com]

 

Cette année l’ONU célèbre le 8 mars, journée internationale de la femme sous le slogan de « l’égalité pour les femmes, c’est le progrès pour toutes et tous ».  Outre son aspect rituel – rappeler ce que l’Humanité tout entière doit à la  gente féminine- le 8 mars est aussi une halte pour évaluer à l’échelle du monde les progrès et les régressions en la matière. C’est forcément le temps des plaintes et des rapports mondiaux sur la question. Et souvent, ce sont les Etats, investis par leur rôle de mauvais pères qui prennent pour leur grade car la mondialisation n’est pas encore parvenue à imposer le même statut de la femme partout dans le monde.  La femme est plus ou moins libre selon les cultures. A cette occasion, on aime à se référer à diverses agences spécialisées, qu’elles soient des organisations humanitaires ou même des structures de police dont on s’évertue à citer les chiffres relatifs au nombre de femmes violentées par leur mari, de victimes du harcèlement sexuel, des mariages forcés, de mutilation génitale, etc.

Photo prise par le site : http://euro-mediterranee.blogspot.fr/

Photo prise par le site : http://euro-mediterranee.blogspot.fr/

 

La cause des femmes progresse

 

Dérogeons un peu à cette règle pour dire  que, la cause des femmes progresse, et que sous des dehors de reculade, se cachent parfois des percées notables.  D’ailleurs ces statistiques souvent sont rendues publiques afin de mettre au pilori un gouvernement jugé trop répressif envers sa population. L’Egypte par exemple a dégringolé dans le classement en termes de respect des droits des femmes, dès lors qu’on avait compté les femmes qui ont été battues sur la place Tahrir dans ce que les médias appellent le Printemps arabe. Ces statistiques omettent par exemple de faire allusion aux tueries d’hommes comme si les femmes étaient les seules concernées par la violence. Or, c’est connu, il faut du temps pour que le fruit d’une révolution soit cueilli. Retenons plutôt l’appropriation par les femmes égyptiennes de la place publique et des réseaux sociaux. Les organisations humanitaires ne sont pas les seules à manipuler les statistiques. Les gouvernements pour des raisons diamétralement opposées font de même. Ils en usent et abusent pour la consommation interne et aussi pour séduire les instances internationales. Nombre de pays (ils sont parait-il 87 aujourd’hui) ont souscrit au principe des quotas des femmes au niveau du Parlement.  Mais souvent ces pays qui se targuent d’avoir tel pourcentage de personnalités féminines dans leur représentation nationale, ont conservé les mêmes mœurs et coutumes, en se gardant d’apporter tout correctif à la matrice idéologique à l’origine de l’asservissement des femmes. Souvent le Parlement en question ne possède aucun pouvoir législatif. Du fait  d’institutions démocratiques de façade, la femme se retrouve alors prisonnière du même système. L’Algérie illustre bien ce cas.  Quand Abdelaziz Bouteflika projetait de briguer un nouveau mandat, il a engagé une révision constitutionnelle qui introduisait une  disposition faisant obligation de faire représenter les femmes par un  système de quotas qui, à terme parviendrait à la parité hommes-femmes. Or concomitamment à cette mesure qui donnait pleine satisfaction à l’Occident, le pays connaissait une vague d’islamisation sans précédent, car d’un autre côté, le régime était soucieux de satisfaire  l’opinion interne. Il faut dire que les progrès ne découlent presque jamais d’actes volontaristes ou délibérés. C’est l’évolution économique, la diffusion des nouvelles technologies, les progrès de la scolarisation, le salariat qui créent de nouveaux rapports de force dans la société. Un exemple : Vers 2005, le gouvernement algérien avait instruit les banques à l’effet d’accorder des crédits aux  salariés (hommes et femmes) justifiant d’un certain revenu pour l’achat de véhicules. Les femmes dont un nombre impressionnant de jeunes filles ont alors souscrit à cette formule. Quelques temps plus tard on allait assister à un phénomène jamais vu auparavant. Des jeunes filles à bord de leur voiture personnelle viennent klaxonner au bas des immeubles pour prendre leurs copines avant  de partir en promenade et ce, même en fin de journées. Or ce privilège n’était pas longtemps l’apanage des seuls garçons dont les pères tenaient à mettre à leur disposition leur propre voiture.

 

L’islam politique  a des racines plus profondes

 

L’œil occidental a tendance à percevoir l’islamisation de la société maghrébine comme un mouvement religieux stricto sensu alors qu’il plonge ses racines dans un fond socioculturel très ancien qui puise ses valeurs dans le système patriarcal. La féminité au Maghreb est associée du reste à des valeurs ancestrales faisant référence au code de l’honneur et au prestige du lignage.

 

Certes les révolutions et les guerres créent les conditions du dépassement de l’ordre établi. On l’a vu déjà, que ce soit pendant la guerre d’indépendance algérienne ou pendant la seconde guerre mondiale comment les femmes en Europe vont gagner leur liberté en se retrouvant investies par de nouveaux rôles. En Europe, ce mouvement préfigurera d’ailleurs la révolution sexuelle des années 60 qui fera tomber en désuétude le tabou de la virginité qui soit dit en passant est toujours en vigueur sous beaucoup de latitudes, notamment au Maghreb et au Moyen-Orient.

 

Dans ces sociétés qui pourfendent l’individualisme, sont exaltées les valeurs inhérents au  collectif et au communautaire, de sorte que même l’homme est pris dans les rets de l’oppression sociétale. Certes l’homme a tous les pouvoirs, mais il en a moins lorsque par exemple il est célibataire. Le contrôle sexuel étant de mise, les relations hors mariage sont interdites. Il en résulte que l’homme qui demeure dans le célibat, se sentira tout aussi dans la peau d’un être mineur que la femme. S’il possède un chez soi individuel, il devient un danger pour le voisinage qui se croit en devoir de le surveiller. Lorsque parlant de la construction de logements, le chef de l’Etat algérien s’écrie qu’il ne veut plus entendre parler de F1, il ne fait que se ranger à l’avis de la majorité conservatrice pour qui F1 rime avec studio et tout ce que cela peut invoquer comme déviation par rapport à la norme.

 

La femme-démon

 

Lorsque l’on pense femme au Maghreb, on pense diable. Passons sur la filiation biblique avec le péché originel, qui valut à Eve et à Adam d’être chassés du paradis. Du reste la fascination pour la femme démoniaque garde tout son sens au plus fort des soulèvements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. La révolution tunisienne, ce n’est pas uniquement la chute de Ben Ali mais également de son épouse Leila Trabelsi que les chroniques locales ont décrite comme la véritable instigatrice de toutes les conspirations contre le peuple tunisien. Suzanne Moubarak, épouse du raïs égyptien n’a pas échappé au même procès. Femmes manipulatrices, vicieuses et malicieuses, ces reines déchues avaient tenu en laisse leur mari ! Dans la même veine, quoique plus tempérée, les médias français notent « le sens politique » de Carla Bruni  dans l’affaire des extraits choisis des enregistrements de Nicolas Sarkozy. « Sarkozy et Carla Bruni, entre mépris du peuple et vulgarité ? » titre le site d’information le Plus, Le Nouvel observateur.

 

Au Maghreb la femme ne vaut que par la famille

 

Le chanteur Idir déclame que la femme est une « bombe ». Pour la désamorcer, il faut diluer son individualité, la dissoudre complètement dans la famille. Quand on parle de famille, ça passe mieux  car ça alimente un imaginaire de la procréation, où la femme est parée de ses vertus de mère nourricière dont le destin se confond avec celui de ses enfants et de son époux. Point donc de femmes en dehors de la famille. En Algérie, le ministère chargé de gérer les affaires de la femme est dénommé Ministère de la Solidarité nationale, de la Famille et de la condition de la femme. Au Maroc, son équivalent est dénommé Ministère de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du développement social. Mais celui de Tunisie se mêle de sport ! Il est dénommé Ministère de la Jeunesse, du Sport, de la Femme et de la Famille. Signe tout de même que le pays de Habib Bourguiba a une longueur d’avance sur ses voisins, un secrétariat d’Etat chargé de la Femme et de la Famille a été nouvellement crée. En France c’est plus simple : le département ministériel chargé de la même fonction s’appelle Ministère des droits des Femmes.  La détentrice du portefeuille, Mme Najat Vallaud Belkacem, également porte-parole du gouvernement, passe pour être la ministre la plus populaire du gouvernement français.

 

Le voile, c’est la voile

 

Vu du dehors les régimes politiques du Tiers-monde paraissent être les principaux obstacles à  l’émancipation des femmes alors que les choses ne sont pas aussi simples. Les pesanteurs culturelles sont telles que les Etats sont obligés d’en tenir compte. Les polices politiques s’y maintiennent d’autant plus durablement qu’elles ont développé la capacité de compréhension du système patriarcal dans lequel elles se positionnent en tant que tutrices veillant au bien être général. Ces polices y trouvent donc un terreau fertile  pour exercer la tutelle sur des populations qu’elles jugent immatures pour prendre leur destin en main.

 

L’œil occidental du reste ne distingue guère le foulard kabyle ou la capuche oranaise du hidjab. Tout est amalgamé sous un générique exotique. Si les femmes conduisent et vont au travail et se marient  elles le font selon des critères relationnels très anciens. Le voile traditionnel, aujourd’hui quasi abandonné au profit du hidjab, était jadis porté par les citadines et était la marque de l’aristocratie. Toute femme habitant la campagne devait arborer le voile en venant en ville. On le constate aujourd’hui, le hidjab est devenu l’habit qui permet à la femme maghrébine d’aborder la modernité. (Encore qu’il faille faire une autre lecture du voile dans les diasporas).

 

Or cette fameuse preuve de religiosité qu’est le voile pour les Occidentaux (pourtant métaphore de l’hymen et de la chasteté. Passons sur ses ramifications chrétiennes) ; est devenu au Maghreb, l’alpha et l’oméga d’une évolution inéluctable qui se fait tout de même en sourdine. Tout y est permis pourvu qu’on mette le voile (la voile ?).

 

 

 

 

2013, retour sur une année qui a rendue la RCA tristement célèbre…

[Par Johnny BISSAKONOU – johnnybissakonou @ gmail . com]

 

La Centrafrique est devenue célèbre en 2013. Et pour cause, le monde est féru de scènes d’horreurs, et les centrafricains ont su leur en servir à profusion.

 

Pendant que tous se délectent des images apocalyptiques en provenance de la Centrafrique et que les Centrafricains se demandent comment ils ont pu en arriver là ?

 

Photo prise du site : www.comboniani.org

 

 

Je vous propose un retour sur les évènements majeurs qui ont marqué 2013, l’année pendant laquelle la RCA a connu sa plus grande popularité dans les médias internationaux :

 

Commençons par la nuit du 31 Décembre au 1er Janvier 2013, la pire Saint-Sylvestre jamais vécu par les centrafricains. Le pouvoir est dans la rue, des jeunes soudoyés par un régime devenu très impopulaire et impuissant face à l’avancée de la rébellion Seleka font la police. Ils érigent des barrières toutes les 20 mètres sur l’ensemble des grandes artères de la capitale. Les rebelles sont à la porte de Bangui et toute la capitale vit dans la psychose de leur arrivée. Ces jeunes délinquants, chanvreurs,  armés par la COCORA « la Coalition Contre les Rebellions Armés » de Lévy Yakété et par la COAC (Coordination des Actions Citoyennes » de Steve YAmbété faisaient la loi. Ils avaient carte blanche, arrêtaient qui ils voulaient : Officiers de l’armée, Ministre, femmes enceinte. Ce sont les mêmes jeunes qui ont caillassé l’ambassade de France le 26 Décembre 2012 pour montrer la colère du clan Bozize face au silence de la France devant l’avancée des rebelles …

 

Le 02 Janvier 2013, Bouffée d’oxygène. Les rebelles de la Seleka annoncent la suspension de leur marche sur Bangui et l’envoi d’une délégation aux pourparlers de paix à Libreville.

 

Le 11 Janvier 2013, les pourparlers de paix aboutissent à la signature des fameux accords de Libreville (il y’en a eu plusieurs).  Ces accords donnent sa part de gâteau à chacun et les grands bébés centrafricains reviennent à Bangui. Leur feuille route : La cessation des hostilités, le maintien de Bozizie au poste de Président, la formation d’un gouvernement de transition avec un Premier Ministre issu de l’opposition démocratique (sic !), des postes Ministériels stratégiques à la Coalition Seleka (dont celui du Ministre de la Défense jusqu’alors poste de Bozize et son fils Francis), l’organisation des élections législatives dans un délais de douze mois pour palier au problème de cette assemblée nationale monocolore dans laquelle on retrouve pêle-mêle les oncles, les enfants et concubines de Bozize. Le retrait de toutes les forces militaires étrangères de la Centrafrique à l’exception des forces de la FOMAC. (Reference faite aux forces Sud-Africaines qui protègent le pouvoir de Bozize). Voilà qui est parfait !

 

17 Janvier 2013, Bozize organise une réunion au palais de la renaissance avec toutes les entités ayant prit part aux pourparlers de Libreville ainsi qu’avec les autres partis politiques. Des chefs de partis politiques comme Boukanga ont vivement critiqué ces accords et demandent à Bozize de faire ce qu’il veut. A la suite de la réunion, Nicolas Tchangaï est nommé Premier Ministre.

 

15 Mars 2013, Bozize célèbre en grandes pompes au Stade 20.000 place les festivités marquant sa prise de pouvoir par les armes en Mars 2003. à l’occasion des représentants de la jeunesse, des musiciens, des associations prononcent des discours de soutien à l’homme fort de Bangui.

 

Le 17 Mars 2013, la Seleka lance un ultimatum de 72 heures au Président Bozize pour la mise en application complète des accords de Libreville qui prévoient entre-autre le départ des forces Sud-Africaine, la libération de tous les prisonniers politiques, et la levée de toutes les barrières dans la ville de Bangui. Une mission de médiation conduite à Sibut pour calmer le jeu tourne à la séquestration, ou du moins à quelque-chose du genre. Les éléments de la Seleka retiennent cinq Ministres de la délégation à Sibut, il s’agit tout simplement de ministres Seleka : Christophe Gazam-Betty, ministre de la Communication, Michel Djotodjia, vice Premier-ministre, ministre de la défense, Mohamed Daffahne, ministres des Eaux et forêts, Amalas Amias Aroune, ministre du commerce et Herbert Djono Ahaba, ministre de la recherche minière. Une simple stratégie pour ne pas les exposer aux représailles lors de ce qui va suivre.

 

20 Mars 2013 : La seleka annonce reprendre les hostilités à la suite de l’expiration de l’ultimatum,

 

24 Mars 2013 : La seleka prend le contrôle de la capitale centrafricaine à la suite d’une offensive éclair. Devant sa puissance de feu, Bozize qui participe au combat, fuit au Cameroun et déclarera plus tard qu’il avait vu des forces spéciales tchadiennes participer à l’offensive sur Bangui.

 

25 Mars 2013 : L’Union Africaine suspend la RCA comme Etat membre, et la France condamne le coup-d ‘état.

 

31 Mars 2013 : Formation du Gouvernement avec maintien de Nicolas Tchangaï comme premier Ministre et Djotodja ministre de la Défense (il nous réitère le scenario Bozize)

 

Le 14 Avril 2013, la seleka encercle Boy-rabe, pille, vole, viole. Devant l’ampleur des exactions, le gouvernement parle de désarmement des fanatiques de Bozize. Ce genre d’excursions meurtrières dans certains quartiers et villages devient régulier.

 

Le 30 Avril 2013, Le Ministre de la Justice Arsene Sendé  instruit le procureur Général de la cour d’Appel de Bangui d’ouvrir une procédure judiciaire sur les crimes et autres exactions commis sous le régime de l’ancien Président François Bozize…( no comment !)

 

19 Juillet 2013 : Devant la détérioration de la situation et l’incapacité de la FOMAC à désarmer et cantonner les nouveaux maîtres de Bangui qui s’illustrent en veritables desperados et commettent des exactions tous les jours, l’Union Africaine annonce l’envoi de 3600 hommes pour pacifier le pays.

 

27 Août 2013, Des civils fuyant les exactions de la coalition Seleka, prennent d’assaut le tarmac de l’aéroport Bangui M’poko qui est sous la protection des forces françaises. Ils sont restés près de 4 jours bloquant le trafic aérien.

 

14 Septembre, devant la gravité des crimes commis par la coalition Seleka et les multiples condamnations des ONG des droits de l’homme. Michel Djotodja annonce la dissolution de la coalition seleka,

 

05 Decembre 2013 ; une attaque des anti-balaka dans la matinée fait une cinquantaine de tués parmi la seleka et des civils musulmans. Les représailles de la Seleka est sanglante, des milliers de mort sont dénombrés parmi la population civile non-musulmane. Le Conseil de Sécurité selon la résolution 2127 donne un mandat de Six mois aux troupes françaises pour rétablir la sécurité sur l’ensemble du territoire centrafricain.

 

Le 06 Décembre, lancement de l’opération Sangaris « nom de code de la mission des troupes française en Centrafrique ».

 

2013 est tout simplement une année à placer en tête de liste dans les annales des périodes sombres de la République centrafricaine.  Là encore nous ne sommes pas allés dans les détails.  Ce pays peine toujours à voir le bout du tunnel. Selon la maxime « à quelque-chose malheur est bon »…Mais que peut-il y avoir de bon dans tout cela ? Peut-être le fait que tout le monde où presque est maintenant au courant que la Centrafrique n’est pas une région d’Afrique mais  bien un pays. Plus besoin d’évoquer Jean Bedel Bokassa le dernier empereur africain pour que les gens voient de quel pays il s’agit.

 

 

 

La leçon de courage de Michel Thierry Atangana : « La foi m’a permis de tenir », affirme l’ex prisonnier

[René DASSIE]

renedassie@sfr.fr

Lors de sa première sortie officielle samedi 1er mars au siège de Sos Racisme à Paris, Michel Thierry Atangana a fait part de la force de conviction qui lui a permis de survivre dans des conditions extrêmes pendant ses dix-sept ans de prison. Il a aussi insisté sur son innocence et rendu un hommage appuyé à Pius Njawé, l’ancien patron du quotidien Le Messager  qui fut le premier journaliste camerounais à s’engager en faveur de sa libération.

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« J’ai passé dix-sept ans avec une pointe d’oppression qui s’appellent le silence. Le code de détention qui était le mien m’interdisait de dire un seul mot à l’extérieur, sauf devant les juges. Et j’ai tellement parlé devant les juges et je n’ai pas tellement été entendu. Aujourd’hui je me retrouve avec des juges, mais vraiment de bons juges, ceux qui acceptent de m’entendre et de ne pas m’appliquer la présomption de culpabilité avec laquelle j’ai vécu pendant 17 ans. Dans mon affaire, la présomption d’innocence n’a jamais existé ».

 

Au siège de Sos Racisme sur la rue de Flandre dans le 19 e arrondissement de paris ce soir du samedi 1er mars , les premiers mots de Michel Thierry Atangana mettent un terme à la joyeuse agitation qui a suivi son arrivée. L’ancien prisonnier veut dire dans quel état d’esprit il a vécu ses dix-sept années de détention, mais surtout rendre hommage à ceux qui l’ont accompagné dans son combat.  Avant de prendre le micro devant le logo géant de l’association, la célèbre paume de main jaune portant l’inscription« Touche pas à mon pote », sous le crépitement des appareils photos,  M. Atangana a fait le tour de la cinquantaine de personnes, parents, soutiens et associatifs venues l’accueillir. Il a touché et embrasser la plupart de ses hôtes, un peu comme si le contact humain lui permettait de vérifier  qu’il ne rêvait pas, qu’il était bien vivant, et libre. Le choix de Sos Racisme comme premier lieu de prise de parole en public depuis son arrivée en France une semaine plus tôt s’est imposé tout seul, eu égard à l’implication de l’association dans sa libération.

Chemise clair et pull noir col en v, Michel parait récupérer rapidement. On reconnait à peine l’homme dont on avait, il y a à peine dix jours, que quelques photos décrivant sa détresse dans une cellule de sous-sol  humide et aveugle, si étroite qu’il ne pouvait y étendre les deux bras à l’horizontale. En l’examinant, les médecins militaires se sont d’ailleurs montrés surpris. « A l’hôpital des armées, un médecin s’est tourné vers moi et m’a dit, « dis-moi comment tu as fait pour survivre…. Il faut l’enseigner aux militaires qui demain iront en guerre ! Expliquez-nous comment on peut avoir vécu dans ces conditions et être debout aujourd’hui », rapporte-t-il.

 

La force de la foi

 

Avec Amanda Njawé, femme noire avec chaine en or

Avec Amanda Njawé, femme noire avec chaine en or

Michel Thierry Atangana explique qu’il a tiré de sa foi chrétienne le courage nécessaire pour faire face aux épreuves qu’il a subies. Catholique pratiquant, il revenait d’ailleurs de la messe lorsqu’il fût interpellé par la police camerounaise en avril 1997. En prison, il continuera à prier, à se rapprocher de Dieu. Il peut ainsi résister à toutes sortes de tentations, notamment la trahison, lorsqu’on lui proposera de dénoncer , en échange de sa propre liberté, son compagnon d’infortune, l’ancien ministre Titus Edzoa condamné pour les mêmes faits et aux mêmes peines que lui. Il refusera.

Il y a quatre ans, alors qu’il abordait sa treizième année de détention, le journaliste Bosco Tchoubet, patron de la radio TBC à Yaoundé relevait et saluait cette attitude immuable. Michel Thierry Atangana explique d’ailleurs qu’il était prêt à donner sa vie . « Il faut réaliser que la mort est possible pour la défense de ses idées. Quand on a une conviction, il faut accepter de la garder de la préserver, de la nourrir même s’il faut en mourir. J’étais prêt à mourir. Je vous le dis sincèrement », assure-t-il.

Il est alors d’autant plus déterminé, qu’il sait n’avoir rien à se reprocher, en dépit des contre-vérités savamment distillées par les autorités camerounaises sur sa nationalité et sur sa fortune supposée.  « Les rumeurs ont couru mais je n’ai jamais triché sur ma nationalité française. Je suis arrivé au Cameroun avec l’intention d’investir et j’ai obtenu pour cela une carte de séjour. Il s’agissait de doter le pays en  infrastructures structurelles et de créer des emplois. Le combat que vous avez soutenu, il faut le redire, est un combat noble et juste», lance-t-il à l’endroit de ses soutiens. Et d’ajouter, au sujet de la fortune qu’on lui a prêtée : « J’ai subi sept commissions rogatoires, c’est-à-dire qu’on vérifie ma vie dans le monde entier. Un jour, un militaire m’a dit à la fin d’un long interrogatoire que j’étais selon lui le seul homme apte à exercer la charge d’homme d’Etat, parce que de toutes les personnes qu’il avait interrogées,  j’étais le seul propre. Un ministre [camerounais] a écrit dans un journal que j’étais devenu fonctionnaire. Ce n’est pas vrai. Je suis resté dans le cadre de mes activités privées. Je n’ai pas trahi la France. Je n’ai pas trahi mes idéaux, je suis resté fidèle», jure-t-il.

 

Le soutien inattendu de Pius Njawé

Avec Etienne et Éric ses deux fils

Avec Etienne et Éric ses deux fils

 

On lit dans la Bible qu’avec la foi, on peut soulever des montagnes. Le Ciel semble avoir fini par entendre les prières de M. Atangana et à provoquer un renversement de situation en sa faveur. Plusieurs personnalités vont travailler bénévolement pour lui. Elles créeront une synergie qui conduira à sa libération.

Parmi elles, Pius Njawé, le défunt patron du quotidien camerounais Le Messager. Chrétien lui aussi, il publie, dans les dernières années de sa vie, des maximes religieuses en première page de son journal. Mais surtout, c’est un homme qui a voué sa vie au combat contre l’injustice. M. Njawé qui comme tout Camerounais n’a pas échappé à la propagande officielle qui a rendu illisible l’affaire Atangana décide de voir clair dans son dossier.  Après un long travail d’investigation, sa conclusion est sans appel : « Michel Thierry Atangana est victime d’un règlement de comptes politiques. Son cas démontre à suffire, l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire par le pouvoir en place », déclare-t-il à ses confères. Il fait de la libération de M. Atangana une priorité. Pour rencontrer celui-ci à qui la presse n’a pratiquement pas accès, M. Njawé fera usage d’une fausse identité, pour déjouer l’attention des gendarmes qui le gardent. «Quand Pius décide de débarquer au SED avec sa casquette, tournant le dos aux militaires, il s’assied à côté de moi et m’écoute, après avoir été abreuvé de mensonges pendant tant d’années, sachant aussi que tous les journalistes m’avaient tourné le dos, parce que pendant 28 mois je ne sortais de ma cellule qu’une heure par jour, j’étais enfermé 23 heures sur 24 », se rappelle ému,  Michel Thierry Atangana. «  Si je souhaite laisser une trace sur terre, c’est d’avoir participé à la libération d’un innocent », lui promet le patron du Messager.

Pius Njawé met en place en place au Cameroun le premier comité de soutien au prisonnier, à partir de l’année 2009 et en prend à la direction. Deux fois par semaine, il tient une chronique sur l’affaire dans son journal et entame une tournée de sensibilisation. « C’est lui qui ramène la vérité dans cette affaire », reconnait aujourd’hui Marc Ndzouba, l’actuel président du comité camerounais de soutien à Michel Thierry Atangana. En juin 2010, avant de se rendre aux Etats-Unis où il trouvera la mort dans un accident de la circulation, Pius Njawé s’arrête à Paris, le temps d’une conférence de presse consacrée à l’affaire Atangana, au Centre d’accueil de la presse étrangère de Radio France. « Il s’est battu pour moi. [Grâce à lui], une génération de lycéens camerounais et africains a commencé à s’intéresser à mon affaire. J’ai aussi commencé à voir des foules s’organiser pour venir à mon procès », témoigne M. Atangana. Après le décès de Pius Njawé, un autre journaliste du Messager, le pasteur Robert Ngono Ebodé prendra le relai au comité de soutien. Il décèdera huit mois plus tard, d’une crise cardiaque.

 

Comité français de soutien

 

De plus en plus sensibilisée, la France s’implique peu à peu dans la libération du prisonnier. Ce mouvement prend de l’ampleur après l’élection présidentielle de 2012 et l’arrivée au pouvoir de François Hollande. Fortement ému par le sort de M. Atangana, le nouveau président, François Hollande s’engage en faveur de sa libération. Un comité de soutien voit le jour à Paris, piloté par Dominique Sopo, l’ancien président de SOS Racisme et Ibrahim Boubakar Keita, vice-président de cette association et président de BDM TV. La famille française de M. Atangana n’est pas en reste. C’est non sans appréhension que Michel Thierry Atangana du fond de sa cellule, découvre ses deux enfants dans les médias audiovisuels. L’aîné avait cinq ans au moment de leur séparation. Il est désormais un jeune adulte. « Quand je vois ce qu’Éric a fait… Parfois quand il parlait à la radio, je ne voulais pas l’écouter ; j’avais peur de le voir à la télévision. Un jour j’ai eu le courage, il était avec Dominique Sopo chez Paul Amar, j’étais tellement étonné de penser que j’étais son père», avoue-t-il. Et de poursuivre : « C’est terrible de voir son fils et d’être étonné d’en être le père. Éric a entrainé et encouragé Etienne son petit frère, ils ont encouragé leur mère, cela m’a permis d’avoir ce soutien, cette affection, qui n’a pas de prix ».

Témoin lui aussi de la ténacité de son client, l’avocat Dominique Tricaud qui défend bénévolement Michel Thierry Atangana depuis des années,  multiplie les initiatives. C’est lui qui saisit le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU. Dans un avis publié en février, cet organisme ajoute la voie des Nations Unies aux demandes de libération du prisonnier qui pleuvent sur le Cameroun. « Me Tricaud a pris des risques, il ne m’a jamais rien demandé. Aucune note de frais. Je voudrais qu’il sache qu’il n’a pas eu tort de me faire confiance. Me Tricaud n’a pas placé sa confiance dans le néant. Sa cause est noble et juste», commente M. Atangana.

Aujourd’hui, Michel Thierry Atangana entend reconstruire sa vie, être utile à son prochain.« J’ai quitté mes enfants, ils étaient enfants. Ils ont perdu un père. A mon retour j’ai trouvé des adultes et ils ont retrouvé un grand-père avec les cheveux blancs. Mais ce qui importe c’est l’amour qui nous lie » « Je suis debout, fier de vivre, j’aime la vie. Je veux vivre. Je n’ai jamais eu l’intention de me suicider. Lorsque j’étais encore en prison, j’avais appris que les lycées se suicidaient. Passez le message, s’il vous plait.Aucune cause ne justifie le suicide. Battons-nous, restons debout, quitte à y laisser nos vie, mais sans nous la retirer nous-mêmes. Les hommes qui s’engagent autour de nous sont des hommes courageux. Soyons dignes de ce courage », lance-t-il à l’endroit des jeunes de France. Un pays duquel, dit-il, il ne faut jamais désespérer.

 

Réactions

Avec Sacha Reingewirtz

Avec Sacha Reingewirtz

Dominique Sopo président du Comité de soutient

C’est un beau combat qui se finit de façon très heureuse. Le fait que nous ayons pu récupérer Michel est aussi dû à sa force morale et c’est finalement un bel espoir pour tous ceux qui souffrent aujourd’hui dans des conditions d’injustice comme il a pu souffrir. Cet exemples de ténacité, d’opiniâtreté, d’envie que justice que soit faite, il faut aussi dire merci à Michel parce que c’est grâce à des exemples comme le sien que d’autres personnes tiennent et ne désespèrent pas. il y a aussi l’avenir. Nous serons toujours là pour faire en sorte que Michel soit innocenté, même si personne aujourd’hui ne doute plus de son innocence après qu’il ait été sali pendant des années, c’est quelque chose de très dur sur le plan moral. On l’a accusé d’avoir voulu faire des coups d’Etat, d’avoir volé de l’argent, je ne sais quoi d’autre. Plus personne aujourd’hui ne peut plus croire à de telles fariboles, mais ce serait bien que ce soit officiel.

Sacha Reingewirtz Président de l’Union des étudiants juifs de France ( UEJF)

«  Il y a tellement de joie et d’espoir qui se dégage que j’en perds mes mots…..En tout cas, il y a un proverbe dans la tradition juive qui dit que « qui sauve une vie sauve le monde ». La libération de M. Atangana c’est vraiment un espoir pour les gens qui se battent pour la démocratie et la liberté. Les dirigeants et militants de SOS Racisme qui ont participé ont prouvé toute leur efficacité dans les combats qui sont menés en France, mais aussi de par le monde »

Sonia Aïchi, Présidente Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL)

C’est une énorme fierté, un honneur extrême d’avoir participé à ce combat. Aujourd’hui Michel Atangana c’est pour les lycées, tous les jeunes, le combat à part entière, c’est croire à la liberté, c’est croire en des valeurs que nous portons depuis très très longtemps et on est vraiment content qu’il soit là aujourd’hui.

Marc Nzouba, Comité de soutien, Cameroun

Michel Thierry Atangana a permis que beaucoup de Camerounais soient libres.  Des milliers de camerounais. Il a surtout permis de comprendre qu’un homme peut se battre pendant des années et réussir son combat contre un régime, le régime du Cameroun, le régime de Paul Biya qui a fini par plier. Et aujourd’hui, c’est une fierté, c’est également une leçon à la jeunesse : on, peut résister contre l’injustice. C’est d’ailleurs la première partie du combat. Voilà un homme qui débarque en Afrique pour aller développer un pays, celui qui l’a fait naitre. Malheureusement, la machine a failli l’écraser. Il y a laissé dix-sept ans de sa vie et aujourd’hui il est libre. Les jeunes doivent le prendre en exemple. Le combat de SOS racisme a fait naitre une branche de SOS racisme au Cameroun. Il est l’un des promoteurs et le président délégué. Avec son concours, cette entité deviendra comme celle de la France. Elle finira par être une entité africaine.

Ibrahim Boubakar Keita Porte-parole du comité de soutien en France

C’est une fierté extraordinaire pour chaque militant de SOS racisme dont nous célébrons cette année le trentième anniversaire, d’avoir contribué à la libération de Michel. SOS racisme ce n’est pas seulement la lutte contre les discrimination, le combat pour l’égalité, c’est aussi le mieux-vivre ensemble, les droits de l’homme.

 

Maladie du Président Bouteflika : La faiseuse de reines, le FLN et les autres

[Par Larbi Graïne, journaliste algérien]
larbigra @ gmail . com

 

La maladie du président Abdelaziz Bouteflika a dominé l’actualité politique en Algérie tout au long de 2013. Devenue star politique, l’infirmité du chef de l’Etat devait très vite faire écran au scandale de corruption qui éclaboussa son gouvernement, et à l’attaque du site gazier de Tinguentourine, suite à l’enlisement du conflit touareg aux frontières sud de l’Algérie. A la tête du pays depuis 1999, Bouteflika briguera-t-il un 4e mandat ?

Président Abdelaziz Bouteflika / Par lefigaro.fr - Crédits Photo : -AFP

Le Président Abdelaziz Bouteflika / Par lefigaro.fr – Crédits Photo : -AFP

Telle est la question qui ne cessait d’alimenter les colonnes des journaux. Les experts en communication du régime ont tout fait pour soigner l’image du Président malade. Les rumeurs le donnant pour mort au moment où il était soigné à l’hôpital du Val-de-Grâce en France, ont contraint les décideurs algériens de mettre le chef de l’Etat sous les projecteurs des caméras de télévision. Soigneusement filtrées, les images qui ont été prises ont fait le tour du monde. Elles montrent pourtant un homme profondément hagard et affaibli. Bouteflika apparait en robe de chambre affalé sur un fauteuil en compagnie du Premier ministre Abdelmalek Sellal, et du chef d’Etat-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah. On est le 12 juin 2013 et le Président n’avait plus remis les pieds dans son palais d’El-Mouradia depuis 47 jours. Ses médecins évoquent dans un premier temps l’AIT (accident ischémique transitoire), en d’autres termes une attaque cérébrale légère avant de se raviser en pointant un mal plus grave : l’AVC ou accident vasculaire cérébral. Bouteflika ne regagnera le pays que le 16 juillet 2013 après 80 jours mais pour apparaitre de nouveau sur les écrans assis sur un fauteuil roulant, le visage livide et les yeux perdus. Sitôt arrivé au pays, l’on annonce que le Président va poursuivre une période de convalescence. Or il ne restait à Bouteflika moins d’une année pour terminer son mandat qui expire en avril 2014. Mais au vu de son état de santé qui ne cessait de se dégrader et dont tout le monde pouvait se rendre compte au fil d’apparitions aussi parcimonieuses qu’épisodiques à la télévision d’Etat, on commençait alors à émettre de sérieux doutes quant aux capacités de Bouteflika à gouverner le pays. Des voix se sont même élevées pour réclamer une élection présidentielle anticipée. Mais c’était sans compter sur les consignes que le pouvoir réel a fait passer au gouvernement en place.

 

Le FLN repêché pour jouer le baroudeur

 

Le Front de libération nationale (FLN) qui n’est pas un parti politique dans le vrai sens du terme mais un appareil inféodé au chef de l’Etat, lequel en est le président d’honneur dans un faux sursaut d’orgueil s’est ressaisi à la fin août 2013 en mettant fin à la crise de succession des chefs en élisant à sa tête par un tour de passe-passe dont lui seul a le secret, Amar Saadani, ex président de la chambre basse du parlement algérien. L’homme est réputé pour être un exécutant fidèle du plan de qui il reçoit ses ordres. Miné par une crise depuis l’avènement du multipartisme en 1989, le FLN s’est vu désigner ses secrétaires généraux et imprimer sa ligne de conduite par les pouvoirs successifs. Seul Abdelhamid Mehri bien que désigné par le Président Chadli Bendjedid a osé en son temps défier les généraux de l’armée en arrimant son parti à l’opposition. Mais Saadani se distingue par ses attaques- les premières du genre de la part d’un apparatchik dans les annales politiques algériennes- contre les services secrets, le fameux redoutable DRS, Département du renseignement et de la sécurité, dont le chef, le général Mohamed Lamine Mediène, alias Toufik était considéré jusqu’à récemment comme le véritable maître de l’Algérie. Faisant écho à Saadani, alors que Bouteflika, très fragilisé devenait de plus en plus invisible, le gouvernement annonce la restructuration des services du renseignement, lequel voit plusieurs de ses directions passer sous le contrôle de l’Etat-major. Dans le même temps des proches collaborateurs de Toufik sont limogés. Ce qui passait aux yeux de beaucoup comme un duel entre Bouteflika et Toufik n’a été que très rarement analysé sous l’angle de la reprise en main par l’Etat-major de l’armée des prérogatives qu’il avait perdues au moment où, en 1991, l’Algérie basculait dans la guerre civile. Le DRS, en fait, devait faire les frais de son incompétence à protéger un site aussi stratégique que celui de Tinguentourine où l’Algérie y avait laissé des plumes au niveau international.
Tout compte fait c’est un président fantomatique qui aborde l’année 2014, s’adressant aux Algériens par voie de communiqués, Bouteflika évite de plus en plus de se montrer à la télévision car on le dit incapable de parler, le moindre effort pouvant lui coûter ses dernières forces. Si la presse internationale relève le caractère spectral du candidat Bouteflika, c’est que quelque part l’image du malade hospitalisé s’est surimprimée sur le portrait officiel. Suprême ironie, la présidence se fendra d’un communiqué informant que le président sortant sera candidat à sa propre succession à la présidentielle du 17 avril prochain.

 

Un candidat en cache un autre

 

Si le DRS a été en principe rappelé à l’ordre il n’en demeure pas moins qu’on continue à user de ses méthodes. On peut du reste se demander si ce qui est en train de se profiler à travers la prochaine élection n’est pas une grosse manœuvre de manipulation de l’opinion visant à faire accroire que Bouteflika est réellement le favori alors qu’en réalité, il ne fait que de la figuration ? Le sociologue Lahouari Addi a montré une piste intéressante en évoquant la possibilité qu’Ali Benflis, ancien chef de gouvernement et candidat malheureux à la présidentielle de 2004 soit le véritable candidat de l’armée et que Bouteflika ne soit qu’un lièvre. Ayant à l’esprit la grosse campagne d’intoxication d’officines occultes qui lors de l’élection présidentielle de 2004 qui a permis au président sortant de briguer son second mandat, avaient savamment distillé des informations faisant état de la défaite de Bouteflika face à Benflis. A l’époque, des hommes politiques et des journalistes de renom avaient mordu à l’hameçon. Ces rumeurs devenaient d’autant plus vraisemblables qu’elles étaient relayées par des opposants. Animant un meeting dans une salle d’Oran, fief de Bouteflika, Saïd Sadi, alors président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et candidat à la présidentielle, s’est écrié sûr de lui « Je vous le dit Bouteflika ne passera pas ! ». On susurrait que Benflis avait le soutien du Général Mohamed Lamari alors chef d’Etat-major de l’armée. Au-delà de ce que ces faits peuvent suggérer comme proximité pouvant exister entre officines et « démocrates », cela peut éclairer l’attitude de Mouloud Hamrouche, ancien chef de gouvernement sous Chadli, qui aujourd’hui se refuse à descendre dans l’arène. Hamrouche qui ne s’est jamais laissé compter par la propagande des officines occultes, a conscience que les jeux sont déjà faits.

 

Qui de Bouteflika ou de Benflis sera élu ?

 

Grabataire bientôt de 77 ans, Bouteflika, issu de l’Ouest, est un candidat impossible, le quatrième mandat n’est qu’une chimère et l’armée le sait. Si en dépit de cela Bouteflika est réélu, c’est qu’on sait que ce n’est pas lui qui va gouverner le pays. Une révision de la constitution devrait doter l’Exécutif du poste de vice-président. On ne sera pas alors tenus d’organiser une nouvelle élection si le chef de l’Etat réélu viendrait à passer à trépas. Quant à Benflis, bientôt 70 ans issu de l’Est, dans la région de Batna d’où sont originaires les gradés de l’armée, il est réputé être une personnalité « molle ». Ce « fils de famille » qui fut, outre chef de gouvernement (limogé par Bouteflika en 2003), secrétaire général du FLN (démissionné par la Présidence), directeur de campagne électorale du candidat Abdelaziz Bouteflika, directeur de Cabinet de la Présidence, on pourrait se demander pourquoi il se présente à ces élections après tant de déconvenues. L’homme a observé le silence depuis 10 ans n’osant émettre aucune critique. Certainement, s’il figure parmi la liste des candidats à la magistrature suprême, c’est qu’on lui a demandé de le faire. Mais de quelque côté que penchera la balance, le président qui sortira des urnes, ne bénéficiera que d’un fragile consensus. Les généraux paraissent avoir paré au plus pressé, et jamais leur choix, n’a été aussi incertain. L’armée qu’on dit faiseuse de rois, n’est-elle pas en train de se muter en faiseuse de reines ?

 

 

A Paris, Michel Thierry Atangana remercie François Hollande et toute la France

L’ex-prisonnier a salué l’engagement du président français pour sa libération

 

Par René DASSIE [renedassie @ sfr . fr ]

 

Libéré lundi à la faveur d’une grâce présidentielle, Michel Thierry Atangana est arrivé vendredi tôt le matin à l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle. Il a remercié la France et notamment le président François Hollande, pour la mobilisation qui a conduit à sa libération, après dix-sept de détention à Yaoundé, la capitale camerounaise, pour des détournements de fonds qu’il a toujours niés. Il souhaite désormais tourner la page et reconstruire sa vie de famille.

 

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« Pour l’instant Je suis extrêmement usé mentalement, moralement. Le choc est un choc que vous ne pouvez pas imaginer. Ce n’était pas dix-sept ans dans une prison. C’était dix-sept ans dans une cellule en isolement. Pour l’instant, il faut d’abord que je retrouve intérieurement les codes de la société française que je partage totalement, pour m’exprimer de manière libre .» Il est environ 7h30 ce vendredi, lorsque Michel Thierry Atangana prononce ses premières paroles d’homme libre de retour chez lui. Nous sommes dans le pavillon des réceptions de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulles.

 

Veste sombre et chemise blanche, les traits tirés, marqué par sa longue détention, l’ingénieur financier de 49 ans, qui est sorti de prison lundi suite à un décret signé une semaine plus tôt par le président Paul Biya a dû céder à l’insistance des journalistes, pour s’exprimer. Il voulait prendre quelques jours pour se reposer et se soigner, avant de parler à la presse. Il hésite, visiblement un peu perdu, cherche ses mots. Ce qui ne l’empêche pas d’exprimer sa gratitude envers le président François Hollande. « Ce qu’a fait le président François Hollande, c’est un effort d’une haute grandeur sur le plan humain. Je dois simplement dire merci ce matin. Merci toute la France, merci à mon pays. Je suis content de revoir mes enfants, de revivre ».

 

Une heure plus tôt lorsqu’il est arrivé, aucune caméra n’a filmé sa descente d’avion, Paris ne souhaitant pas froissé davantage Yaoundé, en laissant croire qu’il s’agit de la libération d’un otage. Un véhicule officiel est cependant venu chercher l’ex-prisonnier et sa suite, certains de ses avocats et soutiens camerounais. Direction le pavillon des réceptions où a été prévu une conférence de presse. Il y a là des officiels, notamment Hélène Conway-Mouret, la ministre des Français de l’étranger et Jean-Yves Leconte, le sénateur représentant les Français établis hors de France. Il y a aussi des membres du comité qui l’a soutenu en France, dont son président Dominique Sopo et son Porte-parole Ibrahim Boubakar Keita, par ailleurs président de BDM TV. Mais il y a surtout son fils Éric, âgé de vingt-deux ans, qui a ému la France lors de ses interventions dans les médias audio-visuels.

 

Éric Atangana se jette dans les bras de son père et l’étreint longuement. Il ne peut retenir ses larmes. Il avait cinq ans lorsqu’il l’a vu pour la dernière fois, avant son départ pour le Cameroun, où il passera dix-sept ans en détention. Le jeune adulte n’a désormais qu’une idée en tête : rattraper le temps perdu, reconstruire une relation père-fils qui a été brutalement interrompu. Éric Pleure, mais il pleure de joie. « Le simple fait de le toucher, c’est indescriptible. Je suis tellement heureux de le voir, heureux pour mon petit frère qui avait un an quand il a disparu, heureux de voir ma mère heureuse, et toute la famille. C’est un grand soulagement, énormément d’émotion pour tout ce qui s’est passé. » Et d’ajouter : « C’est un combat très dur qui se termine aujourd’hui. Je suis heureux d’avoir vécu ce combat et d’avoir réussi à faire sortir mon père de prison. Je suis tellement fier de mon père. On va prendre le temps de réapprendre à se connaitre et de reconstruire cette relation père- fils. le projet c’est juste qu’il aille bien dans un premier temps. Il va prendre ses soins médicaux. »

 

Apaisement entre Paris et Yaoundé

 

Dans son intervention, Dominique Sopo revient sur les dures conditions de détention de Michel Thierry Atangana qui ont altéré son état de santé. Il rappelle que sa mère est « morte de chagrin », pendant sa détention. L’ancien président de SOS Racisme salue vivement l’engagement personnel de François Hollande qui a appelé Paul Biya plusieurs fois. Il souligne aussi le rôle de l’Onu, qui a récemment demandé au gouvernement camerounais de libéré M. Atangana. Pour sa part, cet homme qui goûte ses premiers jours de liberté veut désormais tourner la page de sa mésaventure tropicale. Il l’a souligné lors de sa brève intervention. « Je prends ma libération comme un espace édifiant qui permettrait de consolider ce qui est nécessaire pour que les relations lointaines, ancestrales entre la France et le Cameroun continue à porter des fruits. C’est pourquoi nous allons œuvrer à notre petit niveau pour que le dialogue entre les président François Hollande et Paul Biya continue à porter des fruits pour le bien des peuples français et camerounais », déclare-t-il. Le sénateur Jean-Yves Leconte abonde dans le même sens, en soulignant l’importance des relations entre les deux pays. Cependant, il plaide la cause de l’avocate Lydienne Yen Eyoum, une autre Française d’origine camerounaise emprisonnée depuis quatre ans sans jugement à Yaoundé, pour des faits de détournement de deniers publics qu’elle nie farouchement.

 

« Lors de mon passage à Yaoundé, j’ai constaté la situation de Mme Eyoum qui attend son jugement depuis des années dans ses conditions très difficiles qui atteignent à sa dignité. C’est une Française. J’espère que dans la foulée de la prise de conscience du président Biya sur la situation de Michel Thierry Atangana, l’innocence de Mme Eyoum va être établie et sa libération va être faite très rapidement », laisse-t-il entendre, avant de conclure. « Ce serait le parachèvement de cette belle séquence pour laquelle aujourd’hui nous partageons notre joie ». pour sa part, Me Dominique Tricot, un des avocats français de Michel Thierry Atangana insiste sur la réparation par le gouvernement camerounais, du préjudice que son client a subi.

 

Une séance de débriefing à huis clos avec les officiels suit la conférence de presse. Puis Michel Thierry Atangana quitte l’aéroport pour se rendre à l’hôpital du Val-de-Grâce pour des examens. Son fils dont il n’a pas lâché la main depuis leurs retrouvailles l’accompagne.

 

 

L’ONG Pélican sort du trou les jeunes du Cavally

Après la crise armée en Côte d’Ivoire, la population est dans la pauvreté la plus totale.
Lui offrir le minimum vital est le pari que Pélican est entrain de réussir.

Par Pierre TOH (zahokoui @ gmail . com)

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L’ONG PELICAN-Côte d’Ivoire a été créée le 27 septembre 2010 sous le n° 1949 / PA / SG / D1 par un groupe de personnes partageant une vision humanitaire commune suite à la pauvreté galopante qui engendre des conséquences fâcheuses pour de nombreuses familles vivant dans un dénuement total notamment dans la Région du Cavally à l’ouest du pays où elle est basée. Elle est symbolisée par un oiseau dont elle porte le nom, caractérisé par l’attention particulière qu’il accorde à sa progéniture. Avec pour objectif d’aider les populations à s’adapter aux modifications de la société et améliorer leurs conditions d’existence, le cadre de vie des populations, renforcer la protection du couple mère/enfant et de la famille, réinsérer les populations défavorisées dans la vie civile, prévenir toutes sortes de marginalisation chez les jeunes, assurer la prise en charge des personnes vulnérables, faire le suivi et l’évaluation des projets, prévenir les conflits inter communautaires et tout ce qui concourt au bien-être de l’humanité.

Dotée d’une équipe expérimentée, l’ONG Pélican relève tous les défis qui s’opposent à l’épanouissement de l’être humain, grâce à l’apport des sponsors, des partenaires, des bailleurs de fonds, des bonnes volontés, aux activités génératrices de revenus, de ses représentants d’ici et d’ailleurs, d’information, de sensibilisation sur certains fléaux, aux collectes de fond. Elle réunit les moyens nécessaires lui permettant d’atteindre ses objectifs et élargir son champs d’actions.
La création de l’ONG Pélican est partie d’un constat fait par Père Léopold, curé de la paroisse catholique de Bloléquin.

Selon l’homme de Dieu qui vit dans cette localité depuis une décennie, avec la jeune fille collégienne ou lycéenne nouvellement affectée, le risque d’échec scolaire est très élevée et fréquent à cause du manque de moyens de subsistance. Proie facile, elle est exposée aux grossesses précoces. Pour réduire ce risque, depuis 2010, L’ONG PELICAN-CI a ouvert une pension dénommée CASE FAMILIALE GRAND MAMAN au sein de laquelle 10 jeunes filles reçoivent le minimum vital pour continuer leurs études en toute tranquillité. Elles y résident avec un personnel qui s’occupe d’elles. L’organisation pilote le projet sur fonds propres mais aussi au soutien de la coopérative sociale basée à Lodi en Italie.
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Après la longue crise sociopolitique et armée depuis 2002 et celle découlant de l’élection présidentielle de 2010, Bloléquin, ville située à l’ouest de la Côte d’Ivoire a été s2rieusement affectée par celle-ci. La plupart des jeunes ayant manié les armes, sont désœuvrés, oisifs, considérés comme catégorie sociale à haut risque et dangereuse pour la société dans laquelle ils vivent. Pour leur assurer un avenir meilleur, L’ONG Pélican a entrepris de les « re-socialiser ». Ainsi elle a bénéficié d’un financement de la part du NRC (Norwegian Refugees Council) pour la mise en œuvre du projet YEP (Young Education Pack) qui est un package pour l’éducation des jeunes de 15 à 25 ans, filles et garçons. Ce package contient des cours d’alphabétisation et l’apprentissage d’un métier au choix. Les filles mères laissent leur bébé à la garderie du centre YEP où 4 baby-sitters s’occupent d’eux. C’est au total 30 volontaires qui travaillent sur le projet YEP.

A la fin de la formation qui dure 10 mois, les apprenants sont installés. Ceux qui veulent poursuivre leur formation reçoivent des bourses de perfectionnement. Ainsi 200 jeunes sont formés et installés en agropastoral, coiffure, couture, maçonnerie, maroquinerie, mécanique moto et fabrication de savon. Satisfait des travaux de Bloléquin, le bailleur a confié à l’ONG Pélican un autre projet YEP mais cette fois-ci à Toulépleu une ville située à la frontière du Liberia. Mme Innocente DOUE, Présidente de l’ONG Pélican jointe au téléphone depuis Bloléquin, a déclaré être satisfaite de l’avancement des projets de la Case Familiale Grand-Maman et YEP, par la même occasion elle remercie le Grand Groupe Bolloré pour le don fait à son organisation. Aussi, a-t-elle soutenu : « l’ONG Pélican ajoute quelque chose à l’humanité en sortant du trou les jeunes de la région du Cavally à l’ouest de la Côte d’Ivoire ».

A l’heure des diasporas / L’exil serait-il en crise ?

Par Larbi GRAINE, journaliste algérien.
La notion d’exil est-elle en crise ? Dans un contexte de mondialisation économique et culturelle, caractérisé par la prolifération de diasporas dans des métropoles gigantesques, peut-on être sûrs que les populations de métèques qui y vivent se sentiraient dépaysées et mal dans leur peau et souffriraient du calvaire du « vivre-séparés » ? Les étrangers qui viennent s’installer durablement dans un pays qu’ils ont peu ou prou connu éprouveront-ils le sentiment d’exil de la même façon nonobstant leur différence de race, de culture et de religion ? Peut-on supposer que l’éloignement géographique par rapport au pays d’origine soit à la base du sentiment ineffable d’étrangeté dont souffre l’exilé ?

Originaire d’Algérie, l’auteur de ces lignes, va tenter de répondre à ce pack de questions, tout en interrogeant les migrations contemporaines à partir de sa propre subjectivité (qui soit dit en passant, comme a dit le philosophe) permet de reconnaître les objets. Puisqu’il me faut parler de la France afin de permettre à l’exilé que je suis censé être de scruter les réalités françaises, c’est-à-dire aborder toutes choses qui m’éloigneraient de mon pays, qui m’exileraient encore davantage en me projetant loin de mon territoire habituel, c’est ce qui fait de moi du reste un journaliste d’un pays tiers, un apatride dont on espère qu’il va jeter un regard neuf sur des choses archaïques et peut-être passées de mode. La chose n’est pas sans rappeler l’exotisme qui jadis se pratiquait sur les contrées de l’ailleurs, dans cet orient lumineux que Flaubert avait cru déceler aux portes mêmes de la province. On se délecte bien du français de l’étranger, sa langue est d’autant plus attrayante qu’elle est habitée par des sonorités et des réminiscences de la langue première.Algérien, je vais dire aux Français dont des millions sont d’origine algérienne comment je les perçois. Et d’ailleurs comment prendre le fait que ce plat berbère qu’est le couscous soit devenu celui que préfèrent les Français ? Saviez vous qu’il est plus facile de manger un couscous dans les restaurants de Paris que dans ceux d’Alger ? Saviez-vous que l’exilé, algérien de surcroît, ne peut retenir de la France que ce qu’elle a d’Algérie en elle ? Barbès explose au rythme des victoires de l’équipe d’Algérie, ce qui nous donne parfois l’impression que c’est la France qui s’exile sur ses propres terres. On le constate bien les Algériens installés en France, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, s’y comportent comme s’ils étaient chez eux. La même observation vaut pour les ressortissants de l’Afrique subsaharienne, relevant des anciennes colonies françaises. On le voit le poids de l’histoire y est prépondérant. Réfugié à Paris, un confrère syrien qui a fui la guerre civile qui déchire son pays souligne qu’il éprouve un sentiment d’exil encore plus profond que celui que ressentiraient « les Arabes d’Algérie, du Maroc ou de Tunisie » arguant qu’en France il n’a pas eu le loisir de rencontrer beaucoup d’Arabes du Moyen-Orient.
De tradition arabo-berbère et fortement présents en France, les Maghrébins en général et les Algériens en particulier seraient-ils plus proches des Français ? A vrai dire, les Français ont leurs Arabes depuis longtemps. Dans l’hexagone aujourd’hui on entend parler le kabyle et l’arabe d’Algérie à chaque coin de rue. En plus des places fortes tenues par les Maghrébins, la France abrite une floraison de sociétés diasporiques. L’agglomération parisienne en est la plus parfaite illustration, Italiens, Noirs Africains, Chinois, Turcs, Indiens et j’en oublie se disputent son sol. Mais s’il n’y a point de Syriens à l’horizon, les traces du pays perdu seront plus difficiles à retrouver. L’exilé s’attellera à les chercher, et la vision qu’il aura de son pays d’accueil en sera profondément marquée. A la quête du pays qu’il vient de quitter, il est sans cesse rappelé à la dure réalité de sa condition. Tout aussi exilé qu’il le fut chez lui, il l’est tout autant sur sa terre d’adoption. N’ayant jamais été prophète en son pays, il ne saurait devenir le messie chez les autres. Vivant un double exil, il atterrit (quand il a la chance d ‘appartenir à une forte communauté expatriée), dans une diaspora, substitut de la société d’origine, laquelle va en quelque sorte le travailler au corps, le malaxant ne serait-ce que parce qu’il va pouvoir continuer à faire usage de sa langue maternelle. Certes, la vie en diaspora peut atténuer le sentiment de l’exil mais elle ne peut empêcher le désarroi découlant de la coupure d’avec la terre d’origine – devenant par la force des choses la terre promise.