Affaire Michel Thierry Atangana : Paul Biya cède face à la pression internationale

Par René DASSIE

Emprisonné depuis 17 ans au Cameroun pour des détournements de deniers qu’il a toujours contestés, le Français Michel Thierry Atangana va pouvoir être libéré, à la faveur d’une remise de peine décidé par Paul Biya, le président camerounais, suite aux pressions internationales (pour en savoir en plus, cliquez ici : « Affaire Michel Thierry Atangana : Paul Biya fait-il marcher François Hollande ?  »).

michel atangana 1La plupart des observateurs en conviennent : le décret signé mardi par Paul Biya « portant commutations et remise de peines au bénéfice de personnes condamnées et détenues pour infractions diverses » vise expressément Michel Thierry Atangana, même s’il ne désigne pas nommément prisonnier . Le premier des cinq articles du texte de trois pages indique en effet qu’une remise totale de peine est accordée aux personnes condamnées pour détournement de deniers publics, et qui auraient déjà passé plus de dix ans en prison.

Michel Thierry Atangana a été condamné pour la première fois à 15 ans de prison en 1997. Officiellement pour détournement de fonds publics. Alors qu’il avait entièrement purgé cette peine, il a été rejugé pour les mêmes faits en 2012, et a écopé d’une nouvelle condamnation à 20 ans, augmentée d’une contrainte par corps de 5 ans. Son compagnon d’infortune, l’ancien ministre Titus Edzoa, a subi le même traitement judiciaire.

Pour le ministre camerounais de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, le décret pris par le président, à la veille de la célébration du cinquantenaire de la réunification du Cameroun, traduit l’esprit de « tolérance et de pardon » de Paul Biya. Une analyse qu’on ne partage pas à Paris. « Il y a tout un habillage autour de ce décret, mais c’est bien Atangana qu’on libère à travers ce texte », a réagi Me Dominique Tricaud, un des avocats français de Michel Thierry Atangana.

Pressions

Ces derniers semaines en effet, la pression s’est accru sur Paul Biya. Dans un rapport publié début février, le groupe de travail de l’ONU sur la détention constate le caractère arbitraire de la détention de M. Atangana : « Toutes les instances judiciaires intervenues dans sa très longue privation de liberté ont manqué d’impartialité et il a été jugé deux fois pour les mêmes faits », écrivent les experts onusiens. Les Nations unies réclament par conséquent sa «  libération immédiate » et conseillent à l’État camerounais de lui verser une « indemnisation réparatrice des préjudices causés ».

L’intervention de l’ONU qui aurait crée un vent de panique à Yaoundé, est venu renforcer d’intenses tractations diplomatiques, à la fois officielles et souterraines, engagées par François Hollande, dès son arrivée à l’Élisée. Alors que ses prédécesseurs, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy avaient fait peu de cas de la situation du Français d’origine camerounaise, le nouveau président va prendre son dossier en main. Au prisonnier, il écrit une lettre, dans laquelle il lui fait part de sa sollicitude. Lors d’une interview sur France 24 et TV5, il juge « inadmissible », sa longue détention. Mais surtout, il interpelle directement et régulièrement Paul Biya qu’il invite à trouver une issue rapide à l’affaire, de sorte que le président camerounais finit par lui promettre qu’il gracierait Michel Thierry Atangana. Et lorsque Paul Biya traîne des pieds, François Hollande reprend sa plume, pour lui rappeler sa promesse.

Pendant ce temps, sur le terrain en France, le comité de soutien à Michel Thierry Atangana, présidé par Dominique Sopo, ancien président de SOS Racisme multiplie les actions dans les médias et dans la rue. Les Parisiens se familiarisent avec le visage et l’histoire de M. Atangana, à travers des campagnes régulières de tractage, d’affichage et de manifestations publiques.

Toutes choses qui auront pour effet, d’écorner l’image de Paul Biya, réputé très discret et peu connu du public français, en dépit de ses plus de 30 ans de règne sans partage sur le Cameroun.

Paul Biya a donc cédé à la pression, et Michel Thierry Atangana devrait pouvoir respirer l’air de la liberté, après avoir passé plus de 17 ans dans un réduit aveugle de 7m², niché au sous-sol d’un immeuble du ministère de la Défense à Yaoundé. Toutefois, ses soutiens restent prudents. «  Tant que Michel Thierry Atangana n’aura pas quitté sa cellule, nous resterons extrêmement vigilants. Il faut qu’il y ait une décision formelle qui soit prise par le ministre de la Justice. Il y a aussi les délais pour la levée d’écrou, elle peut être extrêmement rapide comme elle peut prendre quelques heures ou quelques jours », a indiqué Dominique Sopo, sur RFI. Pour sa part, Me Dominique Tricaud prépare déjà le combat qui suivra sa libération. « Nous allons maintenant veiller à son indemnisation et à la prise de sanctions contre ceux qui sont responsables de sa détention », a-t-il indiqué. M. Atangana serait détenteur vis-à-vis du gouvernement camerounais d’une créance évaluée à 338 milliards de Francs CFA, c’est à dire plusieurs centaines de millions d’euros.

Affaire Michel Thierry Atangana : Paul Biya fait-il marcher François Hollande ?

Par René DASSIE

Le président camerounais a promis à son homologue français qu’il ferait libérer Michel Thierry Atangana (pour en savoir en plus, cliquez ici : « Michel Thierry Atangana : un homme détruit pour rien »), citoyen français emprisonné depuis 17 ans au Cameroun officiellement pour détournement de fonds, sur la base d’un dossier vide. Mais il traîne des pieds, et laisse la situation du détenu désormais gravement malade se détériorer davantage. L’Onu a demandé au gouvernement camerounais de le libérer et de réparer les préjudices qu’il a subis.

michel atangana 2La scène se déroule le 31 janvier 2013 à Paris. Paul Biya, le président camerounais, sort d’une audience avec son homologue français, François Hollande, et fait face à la presse, sur le perron de l’Elysée. Un journaliste lui demande : « Michel Thierry Atangana, puisque vous parlez des droits de l’Homme est considéré comme un otage dans votre pays. Allez-vous bientôt ordonner sa libération ? ». Après une brève hésitation, Paul Biya répond : « (…) Son affaire est en instance. Il a fait appel et il a saisi également la Cour suprême. Nous attendons la décision de la Cour suprême pour voir ce qu’il y a lieu de faire. Notre souci c’est qu’il y ait le maximum de gens libres, mais je ne veux pas contrarier les décisions de justice».
Dans cette réponse, Paul Biya reprend, dans un langage plutôt diplomatique, une promesse qu’il a faite à François Hollande, un peu plus tôt, lors de leur entrevue. Pour la deuxième fois en effet, le président français l’a interpellé au sujet du Français Michel Thierry Atangana, qui entame alors sa seizième année de détention dans une cellule du ministère de la Défense à Yaoundé. La première fois c’était un peu de plus de trois mois plus tôt, en marge du sommet de la Francophonie, à Kinshasa, en République démocratique du Congo. Selon La Lettre du Continent, un confidentiel très introduit dans les chancelleries africaines, François Hollande avait alors longuement évoqué la situation du prisonnier, avec Paul Biya. Celui-ci n’avait pas réagi. Le président camerounais, visiblement surpris par la question, s’était contenté d’écouter son homologue français.

Promesse de grâce présidentielle

Un silence dans lequel il ne prospère pas à Paris. Paul Biya réagi face à l’insistance de François Hollande. Mieux, il lui fait la promesse de libérer Michel Thierry Atangana, quelle que soit la décision de la plus haute juridiction du Cameroun devant laquelle le prisonnier a introduit un recours, dans l’espoir de voir annuler ses condamnations. Traduction : le prisonnier sera gracié par le président, si la justice ne le libère pas.
L’obstination du président français à évoquer l’affaire à chaque rencontre avec son homologue camerounais traduit sa forte préoccupation au sujet du cas de M. Atangana. Depuis 1997, ce Français d’origine camerounaise est enfermé dans un réduit aveugle et humide de 7m², au sous-sol d’un bâtiment du secrétariat à la Défense de Yaoundé. Des conditions de détention inhumaines, qui lui ont valu d’être moralement brisé et physiquement handicapé : il souffre désormais d’une paralysie partielle de son corps. Marié à une Française et naturalisé en 1988, il n’a pas vu grandir ses deux enfants, dont le plus âgé avait 5 ans, au moment de son arrestation. Pourtant, il est innocent. Son crime c’est de s’être retrouvé au mauvais endroit au moment. Il est victime d’un règlement de compte politique. Il a été cité contre son plein gré, comme directeur de campagne de Titus Edzoa, un ministre dissident du gouvernement de Paul Biya, qui, après sa démission, avait décidé d’affronter celui-ci dans une élection présidentielle.
Accusés de détournement de denier publics, les deux hommes ont été condamnés à 15 ans de prison, à l’issue d’un procès expéditif. Sans la moindre preuve. En 2012, après qu’ils ont eu entièrement purgé leur première peine, ils ont été rejugés pour les mêmes faits, et ont écopé d’une nouvelle condamnation à 20 ans de prison, augmentée de 5 ans de contrainte par corps. Si rien n’est fait, Michel Thierry Atangana qui avait 32 ans au moment de son arrestation pourrait rester en prison jusqu’à l’âge de 72 ans. Pendant leurs mandats respectifs, les présidents Chirac et Sarkozy ont fait le choix d’ignorer sa lente agonie. François Hollande qui a jugé sa situation inadmissible est le premier chef d’Etat français à se pencher sur sa situation.
Mi-octobre 2013, au terme d’une audience éclair, la Cour suprême du Cameroun rejette le pourvoi en cassation de Michel Thierry Atangana. Cette décision ouvre la voie à la grâce présidentielle promise par Paul Biya. Confiants, des diplomates français estiment même que le président camerounais annoncerait la bonne nouvelle à la fin de l’année, ou juste après.

Yaoundé bombe le torse

Cependant, les semaines passent, et ils commencent à déchanter, un an après la promesse du président camerounais. A Yaoundé, c’est silence radio. François Hollande aurait même adressé un nouveau courrier à Paul Biya pour lui rappeler sa promesse, sans que celui-ci ne s’empresse de réagir. Le gouvernement socialiste que l’on dit peu initié aux mœurs politiques compliqués d’Afrique tropicales commence peu à peu à comprendre qu’à Paris et à Yaoundé, la notion de temps, le sens de l’honneur et du respect des engagements pris ne s’apprécient pas de la même façon.
De leur côté, les avocats de Michel Thierry Atangana qui visent un effacement des condamnations de leur client ont adressé au président camerounais une demande de grâce amnistiante. Ils attendent toujours sa réponse.
Il est vrai que dans cette affaire, la diplomatie française a souvent donné des signaux contradictoires. On a ainsi vu fin décembre dernier, Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, tout sourire, congratulant Paul Biya, à Yaoundé. Sans un mot sur le cas Michel Thierry Atangana. Un silence injuste, pour les proches de prisonnier. Selon eux, s’il est vrai que l’occasion, la libération du prêtre français Georges Vandenbeusch, ancien otage de la secte islamiste Boko Haram au Cameroun se prêtait davantage aux réjouissances qu’à autre chose, il n’est pas moins vrai que la situation de tout autre otage mérite le même traitement, que son ravisseur soit un groupe terroriste ou un Etat en indélicatesse avec les droits de l’homme.

Une détention arbitraire selon l’Onu

Car pour ces proches du prisonnier qui ont créé un comité pour le soutenir, le mot « otage » utilisé par un journaliste face à Paul Biya sur le perron du palais présidentiel français correspond bien au statut de Michel Thierry Atangana. L’Organisation des Nations unies ne dit d’ailleurs pas autre chose. A la suite du gouvernement américain qui a inscrit cet homme aujourd’hui âgé de 48 ans dans sa liste de détenus politiques, l’Onu vient en effet de constater l’imposture de sa détention et d’exiger sa libération. Après enquête, et face au silence des autorités de Yaoundé qui ne lui ont pas répondu dans les délais, le Haut-commissariat aux droits de l’Homme de l’Onu a en effet émis un avis qui « recommande au gouvernement camerounais de procéder à la libération immédiate de M. Atangana». Le document invite également le gouvernement camerounais à lui verser « une indemnisation réparatrice des préjudices causés par la privation de liberté dont il est l’objet depuis le 12 mai 1997, son incarcération dans des conditions inhumaines et son jugement deux fois pour les mêmes faits ».
De quoi conforter le président François Hollande, dans ses efforts en vue de rétablir la liberté et la dignité de son concitoyen. A Paris, Me Éric Dupond-Moretti, un ténor du barreau français désormais engagé dans la défense de Michel Thierry Atangana a laissé entendre qu’il solliciterait une audience auprès de Paul Biya pour mieux lui expliquer les contours de l’affaire. Dans le même temps, le comité français de soutien au prisonnier, piloté par Dominique Sopo, l’ancien président de SOS racisme et Ibrahim Boubakar Keita, Président de la chaine de télévision BDM (Porte-Parole) prépare, en lien avec Amnesty International, de nouvelles actions en faveur de la libération de Michel Thierry Atangana.

Michel Thierry Atangana : un homme détruit pour rien

Par René DASSIE

michel atangana 1Jeune et brillant ingénieur financier, Michel Thierry Atangana, né au Cameroun, est devenu Français par naturalisation, en 1988. En 1994, il est envoyé au Cameroun, pour représenter les intérêts de grands groupes français, comme Jean Lefebvre, en activité dans le secteur routier de pays.
Comme la loi camerounaise ne reconnait pas la double nationalité, les autorités de Yaoundé lui délivrent un titre de séjour. Ses performances lui valent d’être désigné pour conduire la restructuration de la dette de certaines multinationales comme Nestlé et Phillips, dont les créances, évaluées à plusieurs milliards de Francs CFA, la monnaie locale, sont en souffrance dans ce pays d’Afrique centrale.
Parallèlement, Paul Biya, le président du cru, le nomme, par décret, président du Comité de pilotage et de suivi des projets routiers (COPISUR). Sa mission ? Trouver des partenaires internationaux, capable de mettre sur la table les quelques 332 milliards de Francs CFA qui manque à l’Etat, pour financer ce projet ambitieux dédié au désenclavement des trois provinces du sud du pays. La tâche est d’autant plus ardue que le Cameroun, mauvais payeur, a perdu toute crédibilité, auprès des bailleurs de fonds internationaux.
Cependant, le jeune expert financier s’y lance avec passion. Ses efforts sont en train d’aboutir avec l’engagement à ses côtés des entreprises comme Pecten, la Banque BNP, La Lyonnaise des eaux. C’est alors qu’un événement imprévu se produit au Cameroun. Début 1997, un proche du président Biya du nom de Titus Edzoa, qui a été à la fois ministre, médecin personnel et confident du chef d’Etat démissionne avec fracas et annonce qu’il se présentera à la présidentielle contre lui. Des rumeurs démenties longtemps après présentent Michel Thierry Atangana comme celui qui sera son directeur de campagne. Les deux hommes se sont connus lorsque, Secrétaire général de la présidence, Titus Edzoa était l’interlocuteur du gouvernement camerounais auprès du COPISUR que dirigeait Michel Thierry Atangana.
Paul Biya décide de sévir contre son ministre devenu opposant et commence par frapper autour de lui. Michel Thierry Atangana est arrêté en mai 1997 et placé pendant 52 jours en garde à vue. Dans un premier temps, on l’accuse de grand banditisme. Puis cette infraction, jugée grossière, est requalifiée en détournement de deniers publics. Titus Edzoa est arrêté à son tour. Au terme d’un procès expéditif et sans la présence de leurs avocats, les deux hommes sont nuitamment condamnés à 15 ans de prison.
En 2008, défiant les ordres de sa chancellerie, un magistrat courageux prononce un non-lieu total en faveur de Michel Thierry Atangana. L’Etat fait appel et réussit à infirmer cette décision historique.
Le gouvernement entame alors un nouveau procès, exactement pour les mêmes faits. Les deux accusés suivront péniblement cette deuxième procédure, fait d’audiences perlées, espacées de plusieurs semaines, qui durera trois ans. Entre-temps, la Commission nationale anti-corruption (CONAC), un organisme mis en place par Paul Biya pour traquer les détourneurs de fonds publics constate que Michel Thierry Atangana n’est coupable d’aucune maladresse financière. Rien n’y fait. La justice camerounaise poursuit son cours, et s’arrange pour que son jugement coïncide avec la fin de la première peine prononcée 15 ans plus tôt. En 2012, Michel Thierry Atangana et Titus Edzoa écopent d’une nouvelle condamnation à 20 ans de prison augmentée de 5 ans de contrainte par corps. Selon les observateurs, ce jugement vient clôturer une énorme parodie de justice au cours de laquelle les magistrats en mission commandée, auront malmené les principes les plus élémentaires de la procédure pénale. On raconte que le ministre camerounais de la Justice, Laurent Esso, pilote à distance le procès. Certains juges sont exclus de la collégialité à la fin des débats et remplacés par des collègues plus conciliants, en dépit d’une interdiction formelle de la loi camerounaise. D’autres subissent des menaces de mort. Tentant de lire un verdict qui lui a été dictée sous la contrainte, un magistrat étouffe et subi une extinction de voix. Des mallettes bourrées de billets circulent. Elles ont pour effet de fluidifier les rapports entre les juges et leur ministère de tutelle. Mi-octobre 2013, la peine est rendue définitive par la Cour suprême du Cameroun, qui, au terme d’une audience éclair, rejette, le pourvoi en cassation de M. Atangana.

Makaila Nguebla, une aura révolutionnaire !

Makaila Nguebla

Makaila Nguebla

[Par Jean MATI]

Accueilli à la Maison des Journalistes à Paris, le blogueur tchadien, Makaila Nguebla a finalement obtenu son statut de réfugié en France. Au terme d’un long feuilleton diplomatique, la reconnaissance par la République française de la protection internationale pour Makaila est un triomphe de la liberté d’expression et des droits de l’homme dans le monde. Retour sur le parcours d’un combattant de la plume.

Le jeune journaliste tchadien a été expulsé de deux pays africains : le Sénégal et la Tunisie. Il aura fallu attendre la France, un pays européen pour lui venir à la rescousse. En Afrique, il est extrêmement rare qu’un homme ou une femme devienne célèbre pour avoir été expulsé d’un pays. Mais dans un contexte aussi politisé que celui de l’ « Affaire Makaila Nguebla », l’occasion faisait sans doute le larron. Dès les premiers faits établis, on a imaginé une vieille histoire rocambolesque racontée par les sages conteurs africains sur un arbre qui cache toute une forêt. Officiellement, il a été expulsé du Sénégal vers la Guinée Conakry, en raison d’un séjour illégal mais cela ressemble fort à un simple prétexte. Les raisons évoquées par les autorités sénégalaises n’ont pas été convaincantes. Mais au-delà de cela, on pouvait bien penser que leurs motivations étaient ailleurs. Qui était derrière cette démarche ? Pourquoi Makaila Nguebla faisait-il peur ?

Pleins feux sur Makaila Nguebla

Né le 31 décembre 1970 à Ndjamena, la capitale tchadienne, Makaila Nguebla est issu d’une famille modeste. Ses noms ont une signification plus particulière. D’abord Makaila est un nom arabe d’origine africanisée, c’est-à-dire Mikail qui veut dire l’ange de la pluie ou des verdures. Nguebla, ensuite, veut dire la famille élargie.

A l’âge de 9 ans, Makaila perd son père. Élevé par sa mère, Makaila fréquente l’école Bololo à Ndjamena , le collège d’enseignement général N° 2 et le lycée technique commercial d’où il sort plus tard avec un Bac. Avec ses 1,72 m et 70 Kg, Makaila aurait pu faire un bon sportif, mais son intérêt pour le journalisme le pousse à créer son blog. En 2000 , il suit une formation à l’Institut tuniso-canadien en administration commerciale en Tunisie. En 2005, Makaila est expulsé de la Tunisie vers le Sénégal. Toujours politique ? Une petite odeur de ça. A Dakar, Makaila se reconstitue et s’arme de nouveau. Il intègre l’Institut Supérieur de Communication et de Journalisme. Après avoir obtenu son diplôme en journalisme, Makaila rejoint la radio « Manoore ». Selon les observateurs avisés, la notoriété de Makaila à Dakar serait à la base de son expulsion vers la Guinée.

Makaila est un homme de principe. Il est loin d’être ce prototype de personne qui épouse facilement l’inconscient populaire. Disposant d’un charisme naturel, Nguebla a une aura révolo qui cache pas mal sa gentillesse. Le natif de Ndjamena est aussi un vrai leader qui mène son peuple vers une direction grâce à son combat. L’option qu’il favorise est le changement au Tchad, c’est-à-dire le « dictateur Deby doit dégager ! » et laisser la place à la nouvelle alternative. Comme un militaire au front, la plus grande arme de Makaila Nguebla est bel et bien son blog – http://makaila.over-blog.com/ . Ce dernier fait tabac sur les réseaux sociaux et est bien présent dans le paysage médiatique francophone.

Pour M. Nguebla, son engagement militant résulte dans le fait que son pays, le Tchad, est soumis à une dictature extrême qui suscite une prise de conscience individuelle et collective basée sur un sursaut national pour trouver une solution à la démocratie et à un État de droit.

Malgré son combat pour le changement dans son pays, Makaila se veut juste un citoyen tchadien, journaliste, blogueur et militant des droits humains qui aspire à vivre chez lui dans le respect et la dignité . En attendant qu’il y ait une nouvelle donne au Tchad, Makaila garde toujours son foulard au cou en signe de combat. Une grande bataille pour la liberté d’expression et l’égalité des peuples.

 

Qui sont ces réfugiés et demandeurs d’asile précarisés au Sénégal ?

[Par Nguebla MAKAILA]

Le Sénégal attire les partenaires au développement et les institutions internationales par sa stabilité politique et son cadre démocratique souvent appréciés. Situé en Afrique de l’Ouest, il est l’un des rares pays sur le continent où la presse est indépendante, la société civile active et l’espace politique ouvert aux règles du jeu démocratique.

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Reconnu pour sa « téranga » (hospitalité en wolof, langue vernaculaire), le Sénégal accueille des demandeurs d’asile et des réfugiés qui vivent dans la précarité totale sur les plans administratif, social, juridique et humanitaire. Ils sont contraints par la guerre ainsi que les conflits politiques et armés à quitter leur domicile, en quête d’une protection humanitaire et d’une sécurité dans une sous-région instable et déstabilisée.

Le Sénégal accueille 38 000 réfugiés en tout. La plupart viennent de pays limitrophes. En voici le panorama.

Mauritanie : contraints par le conflit négro-mauritanien de 1989, des milliers de personnes ont trouvé refuge au Sénégal et bénéficient de la protection du Haut Commissariat pour les Réfugiés de l’ONU. Vingt-quatre ans après, les réfugiés négro-mauritaniens vivent encore au Sénégal, oubliés par la communauté internationale. Ils n’ont aucun statut légal dans le pays, confrontés aux difficultés d’emploi et autres aléas tels que le non-accès aux soins médicaux et aux logements).

Gambie : traumatisés par une dictature féroce de Yaya Diamé, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat le 22 juillet 1994, plusieurs ressortissants gambiens dont des journalistes, des défenseurs de l’homme, des militaires et autres ont dû fuir leur pays pour se réfugier au Sénégal voisin, craignant pour leur sécurité. Parmi eux, il y a des personnes homosexuelles qui sont traquées par le régime et non acceptées par une société africaine répulsive.

Côte d’Ivoire : de nombreux Ivoiriens ont fui la guerre civile qu’a connue le pays de 2002 à 2010. Ils se sont réfugiés au Sénégal où ils ont bénéficié de la protection du Haut Commissariat pour les Réfugiés de l’ONU. Mais, après la période de l’élection présidentielle de 2010, ces derniers sont abandonnés à eux-mêmes par les organisations humanitaires internationales qui ont estimé que le pays connaissait un retour à la paix. Certains réfugiés ont refusé de regagner leur pays d’origine sans garantie de sécurité et de protection effective. Or, toutes les aides sociales ont été suspendues, ce qui explique la précarité dans laquelle ils sont plongés ces dernières années.

Guinée-Conakry : suite aux événements successifs de 2007 et 2009, la Guinée Conakry, est entrée dans une instabilité politique avec la mort naturelle du Général Lansana Conté et la prise du pouvoir par le capitaine Moussa Dadis Camara. Plusieurs Guinéens dont les femmes et des enfants ont fui vers le Sénégal à cause des violences politiques et ethniques. Ils sont peu nombreux à obtenir le statut de réfugié politique dont le motif reste inavoué. Ils vivent dans l’angoisse permanente.

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Au nombre de ces réfugiés issus des pays environnants du Sénégal, s’ajoutent d’autres venus du Soudan, de l’Erythrée, du Tchad, du Gabon, de la RDC, et du Rwanda. Ce sont des pays où règnent généralement des régimes répressifs et autocratiques sans alternance démocratique ni politique. Les organisations internationales en charge des réfugiés et demandeurs d’asile affirment ne pas être responsables de la situation difficile que connaissent ceux-ci au Sénégal.

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Selon Djibrine Baldé, chargé des réfugiés et demandeurs d’asile pour International Refugee Right Initiative : « le Gouvernement ne fait aucun effort pour améliorer les conditions de vie des gens qu’il accueille sur son territoire ». Cette hospitalité se fait pourtant au titre de la Convention de Genève de 1951 qu’il a signée et ratifiée en matière de protection humanitaire.
Contactée par nos soins, la Commission Nationale d’Eligibilité (équivalent de l’OFPRA en France) , n’ a pas donné suite.

La situation des réfugiés et demandeurs d’asile au Sénégal rend difficile les activités des associations sénégalaises et d’autres institutions humanitaires qui souhaitent améliorer les conditions de vie des ces personnes contraintes à quitter leurs pays pour des raisons d’opinion politique, d’exercice de leurs métiers, des conflits armés et d’instabilité sociopolitique qui caractérisent récurrente sur le continent. Afin de trouver des réponses aux préoccupations des réfugiés et de leurs soutiens, le Gouvernement sénégalais doit davantage faire preuve de volonté politique et du respect de ses engagements internationaux.

Partenariat militaire franco-tchadien : obstacle à la démocratie en Afrique centrale

Par Nguebla MAKAILA

Le partenariat militaire que développent la France et le Tchad, pose un véritable problème pour de nombreux observateurs en Afrique.

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Durant des décennies, la France a joué au Tchad et en Afrique, un rôle non négligeable dans le domaine du partenariat militaire. Son but est de former et d’outiller les forces armées de plusieurs pays afin qu’ils puissent relever les défis de la défense et de la sécurité de leur région.

La conférence de La Baule du 20 juin 1990 qui entre dans le cadre de la 16e conférence des chefs d’État d’Afrique et de France, était censée imposer la démocratie aux pays africains. Elle a suscité un réel espoir aux populations, celui d’entrevoir la conquête du pouvoir par les voies des urnes au lieu des coups d’Etat militaires et des rébellions.

Aujourd’hui, tout porte à croire que la majorité des africains ont déchanté. La succession au pouvoir en France des Présidents depuis les années 1980 (François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande) n’a toujours pas aidé l’Afrique centrale à amorcer une véritable démocratie.

Pourquoi ?

Les relations qui lient la France avec les dirigeants africains restent obscures et n’aident pas à assurer les valeurs universelles de la démocratie dans la plupart des Etats. Ces dernières années, le partenariat militaire est au cœur des préoccupations des autorités françaises, au détriment de la promotion des droits de l’homme, des libertés fondamentales, de l’Etat de droit, de la bonne gouvernance politique et économique, et enfin de la justice sociale.

Avec la menace terroriste qui prend une proportion inquiétante, deux ministres français notamment Yves Le Drian de la défense et Manuels Valls, ministre de l’intérieur ont été successivement reçus en audience fin décembre 2013, par Idriss Deby dans la capitale tchadienne. Le Tchad est le seul pays africain dont les troupes sont jugées aptes, redoutables et suffisamment aguerries dans la lutte contre le terrorisme international, d’où l’intérêt de la France de privilégier et de maintenir la coopération militaire. Et pourtant, le pays d’Idriss Deby n’est pas un bel exemple de démocratie.

L’allié qui violait les droits fondamentaux

Force est de constater qu’aujourd’hui, le régime tchadien est perçu par Paris comme un allié de taille, malgré les atteintes massives des droits de l’homme dont il est tenu responsable, commises en direction de l’opposition démocratique, des acteurs de la société civile et des journalistes.

Avec un record de 23 ans de règne sans partage, le président tchadien Idriss Deby a verrouillé totalement l’espace des libertés à son peuple. Les critiques à son encontre et à celle des membres de sa famille, ne sont pas tolérées, et les manifestations ne sont pas autorisées et lorsqu’elles ont lieu, sont violemment réprimées dans l’indifférence générale. Le cas tchadien illustre la complaisance et la mansuétude dont Paris fait preuve à l’égard du régime d’Idriss Deby, ce qui pose véritablement problème à l’épanouissement de la démocratie au Tchad.

A l’instar d’Idriss Deby au Tchad, la plupart des dirigeants d’Afrique centrale totalisent la longévité au pouvoir ou l’accession au pouvoir de manière monarchique. En voici, le panorama : Teodoro Obiang Nguema (Guinée Equatoriale), 34 ans ; Paul Biya du (Cameroun), 30 ans, Denis Sassou Nguesso (Congo),18 ans ; Ali Bongo (Gabon), a succédé à son père Oumar Bongo mort en 2009, il a régné pendant 43 ans, François Bozizé (Centrafrique), chassé du pouvoir le 23 mars 2013, a régné pendant 10 ans, il était arrivé au pouvoir par les armes. Sa chute du pouvoir, a laissé place à une crise politique aujourd’hui, irrémédiable.

Au regard de ces faits alarmants, le pessimisme hante l’esprit des Français amis du continent africain, de voir un jour naître un véritable espoir de démocratiser l’Afrique centrale, nid des conflits politiques et des violences armées répétés. Si le partenariat militaire franco-tchadien doit prendre en considération la dimension sécuritaire et humaine dans la sous-région, elle doit en outre tenir compte des aspirations populaires des masses qui se mobilisent désespérément pour la démocratie et le respect de la dignité humaine face à des régimes impopulaires sans véritable légitimité. La France est invitée à aider les Africains soucieux de respecter les valeurs qu’elle prône à l’échelle universelle.

 

RDC: La symphonie des vampires à l’Est

Crisis-in-the-CongoC’est depuis fin 1996 que l’Est de la République Démocratique du Congo est devenu le théâtre de conflits armés qui a dévasté le pays. Aujourd’hui, on compte déjà des millions des victimes. Dans son rapport annuel 2012, l’International Rescue Committee, une association fondée à l’initiative Albert Einstein, a estimé que 5, 4 millions de personnes sont mortes à la suite des guerres congolaises. Dans cette tornade dévastatrice caractérisée par une sauvagerie monstrueuse, ce sont les femmes et les enfants qui payent cher… Le viol des femmes et des filles mineures est une véritable arme de guerre utilisée par les forces armées pour créer le choc et la stupeur dans le chef de la population. A travers une série d’imageries horribles, la partie Est du Congo est l’un des pires endroits au monde pour les femmes et les filles. En RDC, les femmes sont souvent violées dans l’indifférence totale des autorités congolaises, incapables de sécuriser les populations. Qui sont ces bandits? Pourquoi ne sont-ils pas inquiétés? Quelle est la principale motivation pour ces criminels de l’Est de violer les femmes et les enfants? Et l’État congolais, alors… Que fait-il concrètement?

Le modus operandi des violeurs
«Lorsqu’on viole les femmes, on déstabilise la communauté, on viole les femmes du village entier devant les enfants, devant le mari, devant les voisins, cette communauté est brisée. Les hommes ne peuvent plus regarder leurs femmes dans les yeux, et dire que nous étions incapables de vous protéger. Et les femmes ne peuvent pas surmonter ce traumatisme», témoigne Nita Evele, coordinatrice de l’Action Global pour le Congo, dans le film «Crisis in the Congo». Selon les témoignages, plusieurs femmes ont vu leur destin briser après le viol. Certaines se sont retrouvées enceintes et d’autres ont contractées le VIH-Sida. Abandonnées par leurs maris, les femmes répudiées sont devenues personae non gratae dans la communauté, au village et au sein même de leur propre famille restreinte. Pire encore. Les enfants issus de viol sont aussi bannis et rejetés par la société. Ils ne bénéficient d’aucune affection maternelle. On les appelle «Les enfants des Serpents», affirme un congolais vivant à l’Est. A en croire les déclarations des ONG locales, les petites filles nées de viol entre 1998 et 2000 ayants aujourd’hui la tranche d’âge de 13 à 15 ans, ont été à leur tour violées. Un cycle infernal!

L’épineux problème
Malgré de nombreux crimes perpétrés à l’Est du Congo notamment le cas observé de plusieurs femmes violées, la question de l’identification des violeurs reste très délicate. L’un des facteurs est en fait celui de la complexité des conflits. Tellement qu’il y a plusieurs protagonistes. Parfois, on ne sait plus situer les camps opposés. Par ailleurs, la guerre dans l’Est du Congo a une coloration économique que politique. Dans cette contrée de la RDC, il y a plus d’une dizaine des groupes armés illégaux qui opèrent en toute tranquillité. À cela s’ajoute de nombreuses rebellions qui ne cessent de voir le jour et soutenues par les forces étrangères dans le but de piller systématiquement les richesses naturelles (cobalt, cuivre, diamant, manganèse, or, uranium, zinc…). La République démocratique du Congo, pays aux innombrables richesses, n’a pas une force militaire digne de ce nom pouvant défendre loyalement la souveraineté nationale de son territoire. Le pays ressemble à un «Far West». L’armée congolaise, au vrai sens du mot, n’est pas une armée. C’est un groupe d’indisciplinés qui parfois se substitue aussi à une bande violeurs des femmes. En l’absence d’une véritable justice, l’impunité règne. Peut-être un jour ou demain qu’on reparlera de la vraie justice dans ce pays où les corps des femmes et des filles sont profanés aujourd’hui.

L’œil de Jean MATI, journaliste congolais de la MDJ