A l’Ouest, du nouveau… Ne vous Trumpez pas de Donald !

Panda s’écrit avec un « P » comme « Psychiatre ». On n’en voudra donc pas au mangeur de bambou que je suis, le panda Yuan Meng, fixé depuis sa naissance au zoo de Beauval, de tenter une (forcément brillante) analyse psychiatrique du Donald déjanté qui s’amuse à inquiéter la Planète Bleue que nous partageons avec lui.

France 24 (l’un des chaînes d’infos que je regarde avec assiduité, mais si, mais si) dispose aussi d’un site web où l’on confirme ce truc pitoyable que j’avais cru entendre de mes oreilles incrédules (et, effectivement, je l’avais bel et bien entendu) :

«Le président américain Donald Trump, invité vendredi 4 mai à la convention annuelle de la puissante National Rifle Association (NRA) à Dallas, au Texas, a pris l’exemple de l’attentat du Bataclan, à Paris, pour justifier le droit de porter une arme. Il affirme que la tuerie du 13 novembre 2015 aurait fait moins de morts si les victimes avaient été armées».

Et le Donald (animal humain au poil blond) n’a évidemment pas manqué de développer sa judicieuse idée avec la finesse qui a fait sa réputation : il a carrément mimé l’exécution de chacune des victimes en y ajoutant le son : «Boum, boum, boum». Pathétique.

Le bonhomme est – disent des « psy » et autres observateurs US – narcissique, impulsif, moins porté sur la méditation que sur la contemplation béate des présentateurs de Fox News. Ajoutez à cela que comme il n’est pas totalement dépourvu d’intelligence, le Donald compense sciemment son absence de culture par une agressivité exacerbée à l’égard des métiers intellectuels ou de celles et ceux qui les pratiquent… à commencer par les journalistes.

Un Donald c’est parfois Trumpeur !

Mon diagnostic de psychiatre amateur est le suivant : le grand blond – c’est tout simple – a peur de se sentir seul. Il envoie donc constamment des signaux de détresse à ses semblables de l’Amérique profonde : ces cow-boys de série B dont l’horizon s’arrête là où commence le monde.

Mon ordonnance est la suivante : qu’il absorbe chaque matin trois petites pilules, une bleue, une blanche et une rouge. Un peu de France de La Fayette dans l’estomac lui ferait le plus grand bien. Et, sait-on jamais, cela pourrait même avoir un effet sur le cœur.

Mon Donald préféré n’est décidément pas celui-ci, vous l’avez compris. Je préfère, croyez-le bien, l’Amérique des dessins animés et des bandes dessinées… à celle que l’on nous promet : celle des destins décimés… Nom d’un bambou !

Crédit : Sylvie Howlett

Yuan Meng

(Traduction de Denis PERRIN)

L’aiguillon de la justice et la «chasse aux présidents»

Par les temps qui courent, c’est comme si la justice s’était passé le mot, un peu partout dans le monde, pour livrer la «chasse aux présidents» indélicats. Et autres sommités qui se mouillent dans les «affaires».

La justice a dardé son aiguillon en Corée du Sud, au Brésil, en France, en Afrique du Sud, au Zimbabwe et au Malawi… Sans oublier ce géant que sont les Etats-Unis, où Donald Trump ne manque pas d’être contredit par la justice. Laquelle va jusqu’à casser brillamment certaines de ses décisions politiques, jugées anti-démocratiques.

Il y eut, à travers les temps, des présidents accusés de corruption, de concussion ou d’autres délits. Et, de ce fait, jetés en prison. Mais ce furent des cas isolés. Sans forcément avoir eu à entraîner un effet prégnant. Nous citerons, à titre d’illustration, le cas du dictateur Marcos des Philippines (1965 -1986). Il aurait détourné des milliards de dollars ; et celui du président péruvien Fujimori (1990 – 2000), accusé de corruption et de crime contre l’humanité.

Aujourd’hui, tel n’est plus le cas. Tout le monde en prend crûment pour son grade : présidents en exercice, ex-présidents, des caciques en politique ou dans les affaires sont interpellés, mis en garde à vue ou en examen, ou placés derrière les barreaux. Au point de créer la division dans l’opinion.

En façade, satisfaits, les gens disent dans leur majorité : «Tout le monde est égal devant la loi» ; en arrière-plan, cependant, un quarteron de mécontents plaide pour qu’un traitement de faveur soit réservé aux présidents (élus démocratiquement), symbole de la démocratie et de l’autorité légale. Même si l’image de ce symbole, argumente-t-on, aura été partiellement écornée.

La corruption en tête de liste

Au-delà de ces prises de position, il y a des faits. Ici, on accuse pour détournement «direct» de fonds publics, là-bas, on fustige la corruption ou la fraude finement dissimulée. Ces comportements répréhensibles sont vieux comme le monde. Mais autres temps, autres mœurs. Aujourd’hui, la justice ne s’en laisse plus conter. En éveil, son dard pique. Sans distinction.

Le côté croustillant du phénomène, aujourd’hui, c’est la récurrence de ces faits dans le temps et l’espace. En Europe, en France, l’ex-président Sarkozy tient le haut du pavé. Il a déjà été mis en examen, à deux reprises, notamment, pour corruption ; Bolloré, un important homme d’affaires, vient d’en faire les frais, pour corruption. Laissons aux vestiaires «l’affaire Fillon», pour fraude.

En Asie, il s’agit du cas d’emprisonnement de Park Geun-hye, ex-présidente de la Corée du Sud, pour corruption ; et de celui de l’ex-président Lula, au Brésil, en Amérique latine, pour le même motif. Lula, dont le prédécesseur, Dilma Rousseff, la dame de fer brésilienne, a été débarquée de la présidence pour la même raison. En Afrique, arrêtons-nous, en attendant, sur l’ex-président sud-africain, Zuma. Crotté jusqu’au cou par la corruption, il encourt une lourde peine de prison.

Tel est le concentré de ce curieux feuilleton judiciaire, dont les protagonistes sont les juges, d’un côté, et les ex-présidents, de l’autre. Un record, en moins d’une décennie… qui laisse un goût d’inachevé. Car, la série est encore loin d’être bouclée. Surtout, en Afrique, où la corruption reste un fait quasi-normal. Dans ce cadre, Mme Joyce Banda du Malawi et Mugabe du Zimbabwe, tous deux ex-présidents, sont déjà dans le viseur de la justice. Pour corruption supposée.

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France

Média traditionnel VS Média streaming
Légionnaires & Réfugiés

28 Avril 2018. Je suis sur Facebook. Nonchalant, je regarde des contenus média fournis par l’algorithme. Soudain, je croise deux vidéos d’informations qui me poussent une fois de plus à poser cette question : “Quel type de monde ? Quel type d’humanité peut vivre ensemble ?”

L’une des deux, c’est la vidéo du média public (dans le sens étatique donc financé par l’Etat français) France 24, média connu, mondialisé et traditionnel. L’autre média est nouveau et sa ligne éditoriale est dédiée aux réseaux sociaux : Brut.

Ces deux vidéos reportages ont un point commun, elles traitent de la France et des étrangers.

Un reportage sans critique, est-ce de la propagande ?

Le reportage de France 24 s’appelle “La légion étrangère, l’exception française”. La légion étrangère, ce sont des gens qui ne sont pas du tout français. Ils ont d’autres nationalités. Mais ils font la guerre au nom de la France. Ils sont super équipés et bien rémunérés par les impôts français. Dans le reportage, j’ai appris que la légion étrangère existe depuis le XIXème siècle. Or, je ne le savais pas ça. C’est pour cette raison que lorsque j’ai appris l’existence de cette armée, j’ai été choqué: des italiens, des américains, des belges, des marocains, des algériens… N’importe quelle nationalité peut participer à l’armée d’un Etat nation ?

Mais quelles sont les motivations de ces légionnaires ? Dans le reportage de France 24, cette question n’est pas assez posée. Cependant, quelques légionnaires disent que c’est contre le terrorisme ou bien même pour certains de ces soldats “étrangers”, c’est un rêve d’enfance. Bien sûr : chacun ses rêves ! Et on sait très bien que ces soldats étrangers sont payés à fin de tuer s’il est nécessaire, selon leurs mesures et selon les ordres. Donc ça veut dire qu’ils tuent car c’est leur métier.

Dans le reportage de France 24, il y a eu plusieurs fois des répétitions sur un point commun : La France leur a donné une deuxième chance. La chance de recommencer. Mais il n’y a pas la réponse à la question: “Qu’est-ce qu’ils ont vécu ? Qu’est-ce qu’ils ont fait avant cette carrière militaire ?” Et les légionnaires ne répondent pas à ce type de question. C’est même le droit des légionnaires de ne pas en parler.

Au XIXème siècle, il y avait des empires, des colonisations, des esclavages… C’était un autre monde. Mais aujourd’hui, a-t-on besoin d’une armée comme celle-là ? Avant de répondre à cette question, est-ce que cette armée est vraiment légitime ? Avec quels droits ? Cette armée internationale sous drapeau français peut-elle faire des opérations à l’étranger ? Par exemple, est-ce que cette armée ressemble à l’ONU (je sais que même l’ONU n’a pas ce type d’armée) ou une organisation similaire ? La France qui fait une opération à l’étranger avec des armées étrangères est-elle un pays impérialiste ?

Malheureusement le reportage de France 24 ne pose pas ce type de question. Pourtant, cette question me semble naturelle, voir instinctive ! Je vais être clair : ce reportage ne contient aucune critique. Bravo ! De manière surprenante, ce reportage est digne de la Turquie d’Erdogan (dédicace à la chaîne public TRT), c’est une propagande de l’Etat.


Deuxième reportage, aussi sur les étrangers par un média web : Brut.

Mais cette fois, ces étrangers sont venus en France. Ils ne sont pas envoyés dans d’autres pays par la France comme la légion. En général, ces étrangers sont exilés car ils ont fuit des guerres ! A l’inverse des légionnaires qui sont allés vers les guerres. Voilà, ces étrangers sont juste des réfugiés, des réfugiés qui sont venus à Paris.

Dans la vidéo, que je trouve un peu amateur au niveau des images, Brut nous apprend que 2000 réfugiés sont installés dans les tentes à Porte de la Villette, au nord de capitale. Et cela dure depuis 5 semaines, ces gens-là sont dans la rue; dans ce camp.

Le reporteur de Brut commence avec une question assez directe à Anne Hidalgo, la Maire de Paris: “Qui est le responsable de cette situation ?” La réponse d’Anne Hidalgo est claire: «c’est l’État.» Anne Hidalgo souligne qu’en tant que maire, elle ne peut pas se contenter de regarder ou de plaindre ces êtres humains, elle doit proposer des solutions. Pour éviter ce campement de rues, les responsables de l’Etat et les maires doivent se rencontrer au tour d’une table pour trouver une solution plus efficace.

Avant de regarder ce reportage, quand j’ai vu ce campement de mes propres yeux, j’ai toujours cru que les réfugiés amenaient eux-mêmes leurs tentes. Et l’Etat, la mairie, la police… se content de laisser tranquille ces pauvres humains car il n’y a pas de logement. Mais grâce à ce reportage, j’ai appris que les autorités françaises proposent le camp de rue comme solution parce que ça se voit qu’ils n’arrivent pas à mettre en place au tour d’une table les responsables politiques. Responsables ? Le mot est-il exact ?

Anne Hidalgo, dans le reportage donne quelques chiffres. Elle dit qu’en Ile-de-France, il y a 700 places d’hébergement et à Paris, il y a 4 points d’accueil de jour à Paris. Dans la capitale d’un pays qui envoie les légionnaires étrangers au Mali ou ailleurs, il y a juste 4 points d’accueil de jour pour les réfugiés !

Après avoir vu cette situation, je pense qu’à côté de l’égalité, la liberté et la fraternité, il faut ajouter un peu d’humanité ! Accueillir les gens dans la rue qui ont droit de demander un refuge (selon les lois internationales). Ces humains issus de pays où il y a des guerres civiles et aucune sécurité alors que les «responsables» n’ont toujours pas de solution… Car je ne demande pas que la France accepte tous les réfugiés, je demande qu’elle accueille avec dignité ceux qui sont en France, comme ces 2000 personnes à la Porte de la Villette.

3 mai 2018, jour de la liberté de la Presse dans le monde, personnellement, je veux dire merci à Brut pour son approche critiqué envers l’État. Et je vous laisse regarder ces deux vidéos, ces deux reportages, ces deux approches journalistiques qui me font à la fois craindre et espérer pour la liberté d’informer en démocratie.

L’animal humain vit dans un zoo

J’ai beau n’être qu’un panda né en exil, un mangeur de bambou que des gens viennent voir à Beauval, je n’en suis pas moins capable de comprendre ce qui se passe. Et je peux maintenant vous le dire : le zoo, ce n’est pas qu’ici. C’est aussi dehors !

Oui : dehors. Par-delà les grilles du parc animalier où je réside. Mon petit monde, aussi contraint soit-il, n’en est pas moins organisé et pacifié. Parfois plus qu’ailleurs.

Vous me direz que ce n’est tout de même pas l’idéal et que je serais sûrement plus à ma place dans les forêts d’Asie. Certes… mais là-bas tout le monde n’est pas forcément bien intentionné. D’ailleurs, mes parents ont débarqué ici en exilés. Ce n’est pas un hasard. Bien accueillis puis ayant obtenu un bon travail (cela arrive) ils se sont suffisamment détendus pour se reproduire enfin.  Du coup : me voici, me voilà. J’en viens à me féliciter de me trouver du bon côté de la barrière. Dehors « l’homme, cet animal social » (comme disait curieusement – et à peu près – le dénommé Aristote, un brave grec d’antan dont m’a causé le soigneur) passe son temps à se compliquer la tâche. Social, peut-être, mais assez peu sociable.

L’animal humain s’agite bien plus qu’un panda

Vous le savez déjà : l’animal humain s’angoisse lorsqu’il se trouve seul, étripe ses semblables lorsqu’il en croise ou tente encore de les dominer par tous les moyens. Mais si :  voyez la sarabande sanglante dans laquelle il se complaît avec jubilation, jour après jour.

Il pourrait pourtant vivre tranquillement, zen, en harmonie avec l’Univers (avec un grand «U»). Héééé bien non : il préfère tomber dans le trou noir, creuser sinistrement sa tombe à coups de petits «u» (comme «ulcère») plutôt que d’escalader, d’un gai et vigoureux mollet, les pentes prometteuses du mont Bonheur, au son d’un chant montagnard entraînant qui embaumerait le cœur du vaillant marcheur (un fantasme bucolique comme on les apprécie chez les pandas !)

L’animal humain me distrait et me désole

A le regarder, je me distrais et me désole aussi. L’animal humain, dans sa folie perpétuelle, s’agite bien plus qu’un panda dans son espace clos. Je sais ce que je dis. J’ai fini par distinguer chez lui des manières et des coutumes absurdes, sans compter qu’il passe à côté de l’essentiel. Par exemple : il ne consomme du bambou que très, très rarement…. Et encore : des pousses, seulement.

La Planète Bleue où il prétend montrer ses biceps n’est en réalité qu’un zoo géant fait de grandes terres et d’océans infinis qu’il use parce qu’il en abuse (j’aime bien ce genre propos de bistrot définitif et radical : ça me défoule, non mais). Et ledit zoo, les amis, je l’examine de loin en attendant d’y pénétrer.

L’animal humain soumis à mes caprices

Tant pis pour lui, l’animal humain. Quand il en aura fini, je serai peut-être grand-père. Notre heure sera venue. Ce sera notre tour, à nous les bêtes, pandas et autres semblables poilus. «La planète des singes» ce n’est pas qu’un roman du Français Pierre Boulle ayant inspiré le septième art US. Ce ne sera peut-être plus de la science-fiction, tout ça, un jour … c’est là une possibilité que j’attends parfois avec intérêt : passer triomphalement, sur un char romain tiré par des hommes, la porte du Grand Zoo dans le but de le visiter et d’en prendre le contrôle. Enfin, enfin, enfin : LE Pouvoir !

…Tiens, tiens, tiens… tiens : serais-je en train de basculer du mauvais côté de la Force et de muter en animal humain ?

L’exilé est une valeur ajoutée

Attendez. On me dit, à l’instant, que ce ne serait pas une idée judicieuse… Bon, d’accord. Panda je suis, panda je reste. A ma place d’exilé je préfère, au bout du compte, apporter ma contribution plutôt que de prendre ma part à la destruction. Cohabitons, ce sera plus simple. Ayant vécu ce que les pandas ont vécu, je peux éventuellement vous dire comment faire.  La balle est dans votre camp. C’est aussi cela la valeur ajoutée de l’exilé, nom d’un bambou !

Crédit : Sylvie Howlett

Yuan Meng

(Traduction de Denis PERRIN)

A TABLE sous la Coupole !

La cuisine des idées c’est de la gastronomie”

Moi, le jeune panda né et exilé en France, Yuan Meng, mangeur de bambou, je ne me fais pas d’illusions : on ne change pas le cours des événements avec une simple pincée de « paroles magiques »… Mais il est acquis que penser le monde – à défaut de le pincer – est une étape qu’il convient d’abord de franchir avec le talent d’un coureur cycliste ou même d’un maître-cuisinier. A vélo et table !

La vie en société, nom d’un bambou, c’est comme le Tour de France : un enchaînement d’étapes avec des routes plus ou moins longues, plus ou moins raides, des cols et des descentes aux enfers pas ordinaires, des accélérations, des chutes et des lignes d’arrivées, enfin. Oui, certes, j’aime bien cette métaphore : elle est simpliste mais elle cause à tout un chacun… tout un chacun qui sait que « la roue tourne ». Tel est le destin du Destin.

Sous la Coupole de l’Institut de France

Tout cela pour en arriver à ceci, après cette dégression sportive aléatoire : l’autre jour j’ai envoyé mon ci-devant traducteur sous la fameuse Coupole de l’Institut de France. Cette noble institution réunit toutes les académies dont celle qui est dédiée aux Sciences. Celle-ci, l’autre jour, accueillait un bel événement : les «Rencontres Capitales»… un colloque où l’on aura vu défiler une impressionnante ribambelle de cerveaux.

Loin de penser que mon traducteur soit un Académicien en puissance (il en est loin, le pauvre garçon), je lui ai tout de même demandé d’aller ouïr ce qui se disait là, car je suis d’une nature animale curieuse… Et là, au milieu des intellectuels aussi brillants, exigeants et patentés que fort médiatisés, a surgi un chef de cuisine justement célébré : Michel Troisgros. L’excellent homme à la parole fluide et à l’expression limpide a su trouver les mots pour me redonner de l’espoir. Les papilles de mon bestial intellect ont découvert, tout à coup, de nouvelles saveurs.

Petits moyens, grande efficacité

« Plus les moyens sont modestes, plus l’expression est forte » a-t-il déclaré en expliquant sa vision de la cuisine. Et il a ajouté ensuite, en évoquant les produits qu’il manipule au-dessus des fourneaux : « ce qui est rompu est meilleur que ce qui est tranché, blessé ».

BON… Je transpose, camarade lecteur puisqu’il faut tout t’expliquer : si tu entreprends de penser l’avenir en allant à l’essentiel, au produit brut de ta vie, alors tu pars gagnant. Et si tu romps avec les poncifs, les idées reçues, les utopies à 2 euros par un effort cérébral bienvenu, plutôt que de trancher les têtes de tes contradicteurs comme un abruti d’extrémiste : tu deviens l’humaniste dont j’ai toujours espéré voir apparaître avec le Maillot Jaune sur la ligne d’arrivée. Celles et celui qui pensent sainement (sans sucre et sans gras ajoutés) nourrissent les autres. J’ai dit !

Alors, fais-moi rêver, nourris-moi, l’ami… et retourne, de ce pas, dans ta cuisine. J’ai faim de tes idées, nom d’un bambou !

Crédit : Sylvie Howlett

Yuan Meng

(Traduction de Denis PERRIN)

“Ça ne peut pas arriver” est arrivé.

Je me rappelle quand je vivais en Turquie, on disait comme ça : “Mais non en Turquie quand même, ça ne peut pas nous arriver. Nous sommes une République. Ce n’est pas un pays du Moyen-Orient”.

Ça ne peut pas arriver” est arrivé.

Depuis 2016, à peu près 200 médias ont été fermés par le pouvoir. Des centaines de journalistes ont été envoyées en prison. La Turquie est ainsi devenue “la plus grande prison au monde pour les journalistes”. 150.000 personnes sont limogées de leur poste. La constitution est changée, le système politique aussi. La séparation du pouvoir est détruite par R.T. Erdogan.

Mercredi 18 avril 2018, Erdogan a changé la date d’élection après une réunion avec Devlet Bahçeli, le leader du parti de l’extrême droite du parti MHP. Lui aussi sera candidat pour cette élection présidentielle, mais cette annonce d’élection anticipée a pris de court toute l’opposition. Comment s’organiser en 2 mois ?

La Turquie va donc aller aux urnes pour choisir le Président en juin 2018 sous l’état d’urgence. Normalement, l’élection présidentielle était prévue pour le… 3 décembre 2019.

Pourquoi manifester ? Pourquoi faut-il manifester ?

Pour dire qu’après avoir choisi un président : “Nous sommes toujours ici”. Parce que bien entendu, la démocratie ne veut pas dire juste « les élections ». Il ne faut pas dire : “nos institutions sont fortes, ça ne peut pas nous arriver, à nous, jamais”. Il ne faut jamais lâcher. Au lieu de “liker” ou “partager” sur Twitter ou Facebook, parfois il faut être dans la rue.

Il faut marcher tranquillement avec la paix et sans violence. Juste pour donner le message : “N’oublies pas que nous sommes toujours là et présent”. Car tout est possible, tout peut arriver… même en France.

Un Arabe dans le Métro : “Attention aux pickpockets!”

Attention aux pickpockets! Dès que je monte dans le métro de Paris, j’entends cette alerte. J’ignore pourquoi je me sens à chaque fois concerné. Par l’accusation et non l’alerte (si vous ne l’aviez pas deviné). Ce sentiment est d’autant plus fort que la voix féminine répète le message en plusieurs langues sauf l’arabe. Je ne suis pas le seul à le penser. Prenons par exemple ce couple de touristes britanniques qui est tout près de moi.

Avec un geste de la main, le monsieur vient d’alerter sa compagne de faire attention au potentiel pickpocket derrière elle. Elle se retourne, me regarde de haut en bas, puis fait un pas vers son conjoint en collant son sac à main sous son épaule. J’ouvre mon sac à dos et en tire un journal afin d’oublier l’humiliation, mais surtout dans l’espoir de rassurer mes voisins. Je tombe sur une photo d’un concert qui me rappelle une blague:

  • Y a-t-il des européens dans la salle?
  • Oui!!
  • Levez vos mains! (les concernés lèvent tous les mains en l’air). Des arabes dans la salle?
  • Oui!! (quelques personnes)
  • Fouillez dans les poches!!!

Je plie mon journal et observe les lumières clignotantes sur la carte des stations de la ligne. Inversement aux tramways de mon pays, je me dis que les noms des arrêts du métro parisien rendent beaucoup d’hommage aux personnalités ayant marqué l’histoire de la République, d’Europe et du monde entier. Victor Hugo, Emile Zola, Michel-Ange,  etc.

D’un métro à un autre

A Rabat c’est plutôt: Hay Karima (quartier de Karima), Mohammed V, Pont Hassan II, Nations-Unies, ou encore Hôpital Moulay Youssef ». Quel malheur. Je n’ai aucune nostalgie. J’aime mon exil et le Maroc ne me manque pas. En tout cas pas trop. Quand ça arrive, je me rends vite à Barbès. Les foules, les vendeurs de cigarettes qui abordent les gens et, pour utiliser le terme de l’humoriste algérien Fellag, les “Hitistes” – c’est-à-dire ces personnes adossées au mur toute la journée pour observer les passants. La station de Métro de Barbès ne ressemble pas aux autres. Les murs sont tristes et les panneaux n’existent pas ou fonctionnent rarement. Le temps s’arrête à Barbès. Au Maroc.

Un mouvement brusque me réveille de mon “voyage” au Maroc. Le métro vient de prendre un virage et une vieille dame a failli tomber. J’étais sur le point de lui céder mon siège avant de me rendre compte que j’étais aussi debout. J’ai aussi oublié que j’avais décidé de ne plus céder ma place aux… vieillards sans canne ou qui ne le demandent pas. Oui, depuis le jour ou une “vieille” dame, bien maquillée, m’avait regardé méchamment. Elle avait pris ma proposition comme une insulte à sa beauté et à sa jeunesse.

Tristes anecdotes sur la ligne 13 du métro parisien

La ligne 13, que je prends presque chaque jour, est une ligne bizarre. On dit que c’est un chiffre porteur de malheur. Moi, j’aime ce chiffre. C’est mon anniversaire et c’est l’ordre de la première lettre de mon nom dans l’alphabet. Sur cette ligne, il n’y a jamais de place libre. On y voit toutes les couleurs et tous les âges. Durant chaque trajet, je scrute les visages des gens en essayant de deviner leurs parcours, leurs “origines” et leurs rêves. Hier, inconsciemment, j’ai passé plus d’une minute à suivre la conversation d’un jeune berbère. J’ai même essayé de deviner ce qui se disait à l’autre bout du fil, moi qui partage avec lui la même langue natale.

  • Non, ne lui donne pas les 2500 dirhams, fais attention!

Je devinais que rien n’avait changé dans mon pays. Il faut toujours faire attention. Se méfier de tout. Du commerçant, des chauffeurs de taxis, des policiers, des voisins, de sa famille et, parfois, de soi-même.

Un garçon de cinq ans, accompagné de sa maman, monte dans le métro.

  • Maman, il y a trop de monde! (lance le petit apparemment effrayé par la foule afro-asiatique).
  • Oui.
  • Maman, pourquoi il n’y a pas de places?
  • Car les gens sont assis.
  • Maman, pourquoi il fait noir? (tunnel).
  • Allez, on descend au prochain!

Moi aussi je devais descendre… il y a trois stations !