A l’occasion de la Journée internationale des travailleurs, le dessinateur de presse iranien Ali Jamshidifar (ancien résident de la Maison des journalistes) nous livre son regard sur cette journée à l’aune du Covid 19.
Vous pouvez découvrir d’autres travaux de Jamshidifar sur son site officiel : www.jamshidifar.com
https://i0.wp.com/www.oeil-maisondesjournalistes.fr/wp-content/uploads/2021/05/fête-du-travail.jpg?fit=2347%2C1665&ssl=116652347Ali Jamshidifarhttps://www.oeil-maisondesjournalistes.fr/wp-content/uploads/2018/03/logo-oeil-mdj.jpgAli Jamshidifar2021-05-02 23:26:162021-05-02 23:27:501er mai : le regard du caricaturiste Ali Jamshidifar
À la fin de l’année 2003, le blocus a pris fin mais les Irakiens sont toujours confrontés à la pauvreté et à la privation. Beaucoup d’entre eux souhaitent même aujourd’hui revenir à l’époque pour pouvoir réceptionner des denrées alimentaires qui étaient alors distribuées gratuitement. Entre ce triste passé et ce présent tragique, l’illusion revient, portée par l’espoir d’un accord américano-iranien.
A l’entrée de l’EI [Etat islamique] en Irak en 2014, les IRGC ont englouti toutes les factions irakiennes. Le rôle du VEVAK disparaît complètement et toutes les factions chiites s’associent aux Forces de mobilisation populaire (PMF), entièrement dirigées par Qassem Soleimani. Les Gardiens deviennent alors leur soutien direct en fournissant renforts, logistiques et armes. Grâce à ces factions, ils ont pu renverser le projet du VEVAK et contrôler tous les rouages de l’État en étendant l’influence des factions qui leur sont loyales sur des dossiers qui leur rapportent désormais de l’argent. Ainsi, le VEVAK a été vaincu parce qu’il a perdu la Syrie, l’Irak et le Liban. À l’origine, il n’avait d’ailleurs aucune influence au pays du Cèdre car Hassan Nasrallah avait un lien direct avec les Gardiens de la révolution et le duo Soleimani-Nasrallah est devenu dominant sur le dossier irakien, sur celui des factions et des groupes armés, sur les PMF et d’autres encore.
Tout au long de cette période, les négociations se sont poursuivies entre les IRGC et le politicien chiite qui penchait vers le VEVAK. Nouri al-Maliki, premier ministre sur le départ, coopérait avec eux tandis que le gouvernement de son successeur, Haider al-Abadi, essayait de les pousser à stopper le passage d’un avion iranien par l’aéroport de Bagdad pour aller soutenir le régime syrien, à la demande de l’administration américaine comme condition pour continuer à soutenir l’Irak dans la guerre contre l’EI.
Le VEVAK, en accord avec l’Agence nationale de Sécurité dirigée par Ali Shamkhani (d’origine arabe), prévoyait de briser l’emprise des Gardiens sur le dossier irakien et de le ramener dans le giron des renseignements, bénéficiant de l’opposition de la plus haute autorité religieuse chiite, l’Ayatollah Ali Sistani, aux actions des IRGC et des factions qui les suivent à cause de leur manque de respect pour les valeurs de l’État irakien, projetant le pays dans des conflits en dehors de ses frontières qui se sont pas basés sur ses intérêts nationaux. Le chef du mouvement sadriste, Moqtada al-Sadr, s’aligne alors sur la position du Marja, en essayant de punir les dissidents de son courant ayant fait défection et ralliés à l’axe des Gardiens de la révolution, notamment Asa’ib Ahl al-Haq.
Ces développements ont abouti à une scission au sein des Chiites en Irak et en Iran. La scène était déjà claire avant les manifestations de 2018 à Bassora. Maytham al-Zaidi, l’un des chefs des factions chiites fidèles au grand Ayatollah d’Irak Ali Sistani, a annoncé son opposition à Abou Mahdi al-Mouhandis en raison de la subordination des PMF aux directives de Qassem Soleimani plutôt que du Marja et du gouvernement.
Najaf a répliqué aux gardiens de la révolution en recevant le président réformiste iranien Hassan Rohani et son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. En revanche, il n’a pas reçu Soleimani ou encore Mahmoud Ahmadinejad, qui s’était rendu en Irak fin 2009. Le VEVAK était au courant de tout et savait qu’une frénésie populaire chiite sévissait à l’intérieur de l’Irak en raison du manque de services, de la misère, du chômage, de la sécurité délétère et de la corruption due à une classe politique protégée par les IRGC, jusqu’à ce que les manifestations d’octobre 2019 surviennent et représentent une occasion précieuse pour le VEVAK d’isoler les Gardiens.
Ces derniers peinent à trouver des solutions afin de faire face aux manifestations d’octobre, étendues à l’Iran. Leur fonction principale se limite en effet à autonomiser les groupes armés. Le VEVAK y a identifié l’opportunité de reprendre le contrôle sur le dossier irakien. Les États-Unis ont également exploité cette escalade en leur faveur en procédant, début janvier 2020, à l’élimination de Soleimani et d’al-Mouhandis pour profiter de la dispersion des factions armées et de l’élargissement du différend entre le VEVAK et les Gardiens, ceux-ci regardant celui-là comme s’il était impliqué dans le double-assassinat. Les renseignements iraniens commencent à reprendre le contrôle sur le dossier irakien à partir des manifestations de 2018, après que les Gardiens ont échoué à contrôler le mouvement dans le sud de l’Irak, en particulier à Bassora, où des manifestants chiites ont incendié le plus grand consulat d’Iran et brûlé les drapeaux et symboles de la République islamique, plongeant l’Iran dans l’embarras.
La première pression exercée par le VEVAK sur les Gardiens a été de céder le pouvoir à Adel Abdel Mahdi mais ce dernier n’a pas réussi à faire face aux Gardiens de la Révolution. Ils ont ensuite favorisé Moustafa al-Kazimi, l’actuel Premier ministre, en espérant qu’il puisse réaliser ce qu’a fait Nouri al-Maliki au cours de son premier mandat. La stratégie des Gardiens et de ses ailes irakiennes est de poursuivre la confrontation militaire avec les Américains en Irak, même si elle consiste en des activités civiles, éducatives et d’investissement, pour briser la volonté de leurs adversaires chez eux (VEVAK) et de respecter l’accord avec les alliés chinois et russe.
Les raisons du conflit d’intérêts entre le VEVAK et les Gardiens en Irak sont les suivantes :
Premièrement : le VEVAK soutient le projet de diviser l’Irak en quatre régions, « sud, centre, ouest et nord ». Ses mandataires étaient chiites en 2004 et dirigés par le Conseil suprême islamique irakien, dans lequel il s’est beaucoup investi. Les gardiens de la révolution ont rejeté le projet et l’ont considéré comme un ciblage direct de leur plan dans la région dont ils espèrent une extension à l’Afrique.
Deuxièmement : le VEVAK s’oppose à la poursuite du soutien au régime de Bachar al-Assad, qui a coûté de lourdes pertes à la République islamique. Quant au soutien à Hassan Nasrallah, il doit s’inscrire dans la vision de la politique étrangère iranienne régionale. Nasrallah n’est pas censé se représenter lui-même mais agir comme le mandataire du système Velayat-e faqih.
Troisièmement : La popularité des conservateurs purs et durs a décliné à l’intérieur de l’Iran en raison de leur soutien continu à l’activité des Gardiens de la révolution dans les zones d’influence, à savoir en Irak, en Syrie et au Liban. Cet appui était centré autour du bloc conservateur au sein de l’Assemblée consultative islamique légiférant sur les lois pour soutenir les Gardiens, y compris à travers une augmentation de leur budget à des niveaux très élevés courant 2020.
Le soutien présent et passé que les Gardiens reçoivent des conservateurs a conduit à l’imposition de plus de sanctions économiques américaines contre le régime et à l’effondrement de la monnaie iranienne, avec, comme première victime, le citoyen iranien. De leur côté, les réformistes tentent de réduire le soutien aux Gardiens de la révolution au détriment d’un soutien croissant aux forces militaires iraniennes (l’armée). Les conservateurs interprètent l’opposition à la reprise du soutien aux Gardiens comme une tentative de leurs opposants réformistes visant à les isoler du contrôle du dossier externe iranien, en particulier dans les zones d’influence. Selon de nombreux observateurs, la mort du Guide suprême sera l’étape la plus difficile. Les deux partis (« conservateurs » et « réformistes ») envisagent d’acquérir le poste de nouveau guide de la République islamique.
Quatrièmement : continuer à violer les terres irakiennes et à traverser les frontières en Syrie et au Liban afin d’assurer l’expansion de l’influence des Gardiens de la révolution dans les pays du soi-disant Axe de la résistance, établir des groupes plus fidèles dans ces régions et gagner la loyauté des partis et des autorités en leur faveur au détriment des efforts de la diplomatie réformatrice iranienne.
Cinquièmement : Pour restaurer leur popularité, présenter les Gardiens de la Révolution devant l’opinion publique iranienne comme les seuls guerriers et véritables défenseurs des Perses, et la force principale contre les ennemis de la République islamique.
Alors que se profile l’élection de juin, Le VEVAK estime que la popularité de son aile politique, le mouvement réformiste, a reculé à l’intérieur de l’Iran. Cela est lié aux sanctions américaines imposées à Téhéran en raison du dossier nucléaire et du rôle des Gardiens dans la région. Cela est aussi dû à l’élimination de l’ancien commandant en chef de l’unité al-Qods au sein des Gardiens, Qassem Soleimani, et du savant spécialiste du nucléaire (Mohsen Fakhrizadeh NDLR), les bras les plus importants de Khamenei et des conservateurs. Les Gardiens ont donc commencé à battre en retraite à l’intérieur de l’Irak et la confusion a commencé à se faire sentir au sein des factions et ailleurs.
Le VEVAK considère Moustafa al-Kazimi comme un allié qui a commencé à retirer le bras des Gardiens de l’État en empêchant les PMF de continuer à surveiller la « sécurité des communications », à « contrôler la banque d’informations » et en levant les pouvoirs des IRGC les plus importants, tel que ceux de Abou Ali al-Basri et des responsables de la sécurité.
L’État a commencé à s’effondrer, permettant au VEVAK de parvenir à un accord avec les Américains et avec Mustafa Al-Kazimi pour avoir la main dans la construction d’un dossier irakien libéré des factions et des IRGC. Si ces derniers perdaient les élections, les « réformistes » gagneraient alors l’hégémonie et un nouveau contrôle sur les dossiers de sécurité qui étaient auparavant contrôlés par les Gardiens de la Révolution.
Quoi qu’il en soit, relier la question irakienne à l’escalade américano-iranienne, rappelle ce qui s’est passé dans les années 90, à l’époque du blocus américain, quand les Irakiens vivaient dans l’illusion que la pauvreté et la misère avaient été causées par l’embargo et que, par conséquent, sa levée signifierait leur sauvetage. À la fin de l’année 2003, le blocus a pris fin mais les Irakiens sont toujours confrontés à la pauvreté et à la privation. Beaucoup d’entre eux souhaitent même aujourd’hui revenir à l’époque pour pouvoir réceptionner des denrées alimentaires qui étaient alors distribuées gratuitement. Entre ce triste passé et ce présent tragique, l’illusion revient, portée par l’espoir d’un accord américano-iranien.
https://i0.wp.com/www.oeil-maisondesjournalistes.fr/wp-content/uploads/2021/04/children-of-war-1172016_1920.jpg?fit=1920%2C1275&ssl=112751920Ahmed Hassan El Yassirihttps://www.oeil-maisondesjournalistes.fr/wp-content/uploads/2018/03/logo-oeil-mdj.jpgAhmed Hassan El Yassiri2021-04-26 09:04:242021-04-26 10:27:10IRAK/IRAN- Les illusions de la levée du blocus et de l’accord sur le nucléaire (3/3)
Jusqu’en 2002, la condition posée par l’Iran pour accepter une intervention américaine en Irak et le renversement du régime de Saddam Hussein a été d’accorder le pouvoir aux chiites qui lui sont loyaux.
La division entre le VEVAK et les Gardiens de la révolution en Irak
Le négociateur iranien était représenté par le Ministère des Renseignements et de la Sécurité nationale (VEVAK – VEVAC). L’opposition irakienne en Iran était soumise au contrôle du VEVAK, tout comme l’opposition iranienne en Irak était soumise au contrôle du département du Renseignement. Feu l’ayatollah Mohammed Baqir al-Hakim, résidant en Iran, a pris part à la Conférence de l’opposition à Londres en 2002, en sa qualité de président du Conseil suprême islamique en Irak et de l’Organisation Badr, son aile militaire, et a déclaré son soutien à Washington et à ses alliés pour renverser le régime de Saddam. Par la suite, un conflit irano-américain est né au sujet de la nouvelle administration à mettre en place en Irak. L’administration américaine ne voulait pas donner le pouvoir au Conseil suprême islamique. La raison était que Washington pensait que le Conseil et ses forces militaires étaient sous la coupe du VEVAK.
L’administration du Président Bush fils, après la chute de Saddam Hussein, a ainsi été contrainte de tergiverser durant deux ans et demi afin de rechercher une alternative qui puisse satisfaire les deux parties, jusqu’à ce qu’elles s’accordent à remettre l’autorité élue, toute prête, au parti islamique Dawa, en dépit de la suprématie du Conseil suprême islamique irakien qui avait remporté les suffrages lors de la première élection le 30 janvier 2005, avec la liste 555.
Cette période coïncide avec une démarche iranienne parallèle de la Force al-Qods affiliée aux IRGC et dirigée alors par Qassem Soleimani pour mener à bien la mission de défense du projet du VEVAK, voulant faire de l’Irak un point central pour l’équilibre et la négociation entre les Iraniens d’un côté et les Américains et leurs alliés occidentaux de l’autre, considérant l’Irak comme un terrain fertile pour leur influence et en possédant plus de connaissances qu’au sujet de n’importe quelle région.
Depuis, la vision du VEVAK est en contradiction avec celle de son rival, les Gardiens de la révolution, selon laquelle la Chine et la Russie sont les seuls alliés et amis de la République islamique et le rôle de l’Iran étant de surveiller attentivement les mouvements des États-Unis dans la région et de garder les frontières orientales et occidentales de l’Asie.
Pour le VEVAK, la Russie et la Chine sont deux pays idéologiquement et politiquement hostiles à l’Islam et aux principes fondamentaux de la révolution tandis que les IRGC s’obstinent à vouloir consolider ces relations et à protéger l’Asie de l’expansion américaine et européenne par fidélité aux directives du Guide de la révolution, l’Ayatollah Khomeini, et de son successeur l’Ayatollah Ali Khamenei.
Ce dernier avait mis en garde il y a un an contre les plans de ceux qu’il appelle les « chiites anglais » qui auraient trompé de nombreux loyalistes à la République islamique, pointant un doigt accusateur contre les Marajis à Najaf, contre des dirigeants politiques chiites irakiens et ceux qui les soutiennent parmi les Iraniens, c’est à dire des dirigeants au sein du VEVAK ou encore des « réformistes », qui bénéficiaient auparavant de la protection de hauts dirigeants iraniens tels que Hachemi Rafsandjani (ancien président iranien mort en 2017), Ali Hossein Montazeri (haut dignitaire chiite iranien mort en 2009) ou encore Mohammad Khatami, opposants à l’autorité du Velayat-e faqih.
Après 2003, il y a eu une montée en puissance significative du mouvement réformiste détenant le pouvoir sous la direction du président Mohammad Khatami. Période correspondant à une forte baisse de la popularité du mouvement conservateur fondamentaliste fidèle aux Gardiens de la révolution, indicateur s’expliquant par la reprise de l’économie à travers les grandes entreprises iraniennes investissant en Irak – à la suite du plan élaboré par le VEVAK – et par la volonté de renforcer un courant politique chiite fidèle à son autorité.
À partir de là, les Gardiens de la Révolution et son courant politique – opposé à l’origine au renversement du régime de Saddam Hussein par les Américains – ont commencé à s’inquiéter à l’idée de perdre le contrôle de la République islamique.
La Force al-Qods, associée aux Gardiens de la Révolution et dirigée par feu Qassem Soleimani, s’est vue confier la tâche de contrer le projet du VEVAK en Irak et a commencé à soutenir la création de nouveaux groupes chiites opposés à l’autorité de Bagdad perçue comme « chiite – à la solde du VEVAK – américaine ». Ainsi, la mise en place de l’Armée du Mahdi, l’aile militaire du mouvement sadriste dirigé par Moqtada al-Sadr, leur a permis d’en profiter pour changer la donne.
Milicien de l’armée du Mahdi
Mais le retrait de Sadr de la poursuite de la guerre pourtant menée deux fois – avec l’aide des Iraniens – à Najaf contre les Américains et contre le gouvernement de Iyad Allaoui, a incité la force al-Qods et les IRGC à établir des groupes spéciaux au sein de l’Armée du Mahdi, conduits par Qais al-Khazali, leader de Asaïb Ahl al-Haq, et par Akram al-Kaabi, le chef de Harakat al-Noujaba aujourd’hui, puis à réactiver les capacités de combat du Hezbollah irakien, qui avait été établi dans les années 90 en Iran, et qui, plus tard, serait amené à faire la guerre en Syrie.
L’activité de la Force Qods ne s’est pas limitée aux chiites, mais a fourni un soutien militaire parallèle au mouvement sunnite lancé depuis Falloujah contre les Américains et dirigé par Harith Al-Dhari. Elle en est même arrivée à soutenir militairement des groupes sunnites qui précédemment s’étaient faits connaître pour leur association avec Al-Qaïda, car l’intérêt commun était de combattre les Américains. Selon des informations de sécurité irakiennes et américaines, à l’époque, les Américains considéraient que les Iraniens s’étaient retournés contre l’accord, ce qui les avait forcés à demander un retour aux consultations avec le VEVAK par l’intermédiaire de Nouri al-Maliki, alors Premier ministre, et du feu Abdel Aziz al-Hakim, leader du Conseil suprême islamique.
Le VEVAK a estimé que les attaques contre les Américains et les intérêts communs par des « groupes spéciaux » ne représentaient pas formellement l’État iranien. Téhéran comme Washington ont alors accepté de les combattre en soutenant le gouvernement al-Maliki. Des affrontements ont eu lieu entre des groupes liés à l’armée du Mahdi et des éléments du parti Dawa, de l’organisation Badr et du Conseil suprême, avec l’incendie de leurs quartiers généraux et l’attaque de leurs maisons. Et il n’y a pas si longtemps, le mois dernier, une station satellite française a publié une interview avec al-Maliki, dans laquelle il disait : « J’ai encerclé ces groupes à Bassora en 2008, les obligeant à fuir en Iran. J’ai informé les Iraniens (il voulait dire aux gardiens de la révolution NDLR ) de les reprendre ». Et il a confirmé dans l’interview que ces factions ne représentent pas formellement l’État iranien.
Après 2010, l’affaire s’est muée en conflit entre le VEVAK et les IRGC, alors que les Gardiens de la révolution faisaient pression sur le gouvernement de Bagdad en entraînant ceux qui fuyaient les batailles avec les Américains entre les frontières irakienne et iranienne. Ils ont ensuite été capables d’attirer de nombreux jeunes du centre et du sud dans leurs camps et ont formé de nombreuses factions avant de les renvoyer en Irak afin de s’impliquer dans le travail d’investissement d’entreprises régionales et internationales – notamment turques, syriennes, chinoises, allemandes et russes – alliées aux Gardiens.
Le discours sur la confrontation américano-iranienne en Irak a pris fin après le retrait de 2011, selon les accords et traités conclus entre le gouvernement de Nouri al-Maliki au cours de son deuxième mandat et avec le consentement du VEVAK.
À la fin de la même année, le VEVAK et les IRGC soutenaient Bachar al-Assad en tant qu’allié stratégique. Les deux parties se sont mises d’accord pour mobiliser toutes les factions armées fidèles irakiennes au sein de la brigade « Abou al-Fadl al-Abbas », ayant pris en charge le sauvetage de Damas de la chute après avoir mené des combats acharnés avec les forces de l’opposition syrienne et le front al-Nosra.
Un nouveau différend a éclaté fin 2012 entre le VEVAK et les Gardiens concernant la Syrie, et cela après les déclarations américaine et européenne concernant leur intention d’intervenir en Syrie. Cela a poussé les services à réviser leurs calculs concernant ce pays, en vue de protéger le front irakien comme ligne de défense principale. Pour leur part, les Gardiens ont refusé de limiter leur présence en Syrie, les aidant à dominer les brigades d’Abou al fadl al-Abbas qu’ils ont pu diviser en plusieurs factions, dont les plus importantes étaient le « Mouvement du Hezbollah », « Al -Nujaba » et « Kataëb Hezbollah ».
Après 2013, le VEVAK a renoncé au dossier irakien, condition posée par les Gardiens de la Révolution pour que les réformateurs, menés par Hassan Rohani, puissent prendre le pouvoir en Iran. Les gardiens ont depuis monopolisé la domination du dossier irakien pour continuer à protéger secrètement le régime de Bachar al-Assad, le Hezbollah au Liban, et le renforcement de toutes ses défenses dans la région, sous prétexte que la menace de l’État islamique atteignait les frontières iraniennes.
https://i0.wp.com/www.oeil-maisondesjournalistes.fr/wp-content/uploads/2021/04/iraq-3921953_960_720.jpg?fit=960%2C720&ssl=1720960Ahmed Hassan El Yassirihttps://www.oeil-maisondesjournalistes.fr/wp-content/uploads/2018/03/logo-oeil-mdj.jpgAhmed Hassan El Yassiri2021-04-22 08:19:052021-04-22 09:25:06IRAK-IRAN. Les illusions de la levée du blocus et de l’accord sur le nucléaire (2/3)
Lors d’une session de dialogue sur la situation irakienne, un Français m’a posé une question sur les efforts du président américain Joe Biden pour rétablir l’accord nucléaire avec l’Iran, et si cela constituait un tournant pour clore le conflit américano-iranien en Irak. C’était, bien sûr, important, mais je n’avais pas de réponse immédiate.
Après des recherches approfondies sur l’importance de cet accord, j’ai constaté qu’il n’y avait aucun avantage pour l’Irak. En effet son budget – amputé d’environ un million de dollars en 2012-, a été dépensé en logistique pour les réunions à Bagdad du groupe des “5 + 1” [les 4 membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, plus l’Allemagne]. Cependant un retour à l’accord sur le nucléaire serait une étape historique pour la réconciliation irano-américaine, et, en soi, un prélude au règlement de la crise irakienne.
Cependant une question émerge : le terrorisme, les combats internes, et l’effondrement politico-économique sont-ils le résultat du conflit américano-iranien, ou l’aboutissement d’une mauvaise gestion des responsables irakiens ? Le responsable irakien devrait reconnaître au quotidien, face aux administrés, le déroulement du pillage des fonds de l’Etat et leur décrire le processus d’approbation faisant de l’Irak un abîme financier, industriel, urbanistique et éducatif.
Chronologie des négociations entre la CIA et le VEVAK
Dans les années quatre-vingt, après l’avènement de la révolution de Khomeini, la proclamation de l’Iran comme République islamique avec pour rhétorique le «Grand Satan américain », la prise d’assaut de l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran, par des partisans de la révolution avec séquestration de 52 diplomates et employés pendant 444 jours, est à l’origine de la rupture des relations entre les deux pays.. Cet épisode choc pour les Etats-Unis fut, pour l’Iran des Pahlavi, leur allié stratégique, un tournant décisif dans la transition à la République khomeyniste, hostile aux Pahlavi. À l’époque, Washington observait aussi avec défiance le changement survenu fin 79 en Irak : l’arrivée de Saddam Hussein à la présidence de la République remplaçant Ahmed Hassan al-Bakr, suggérant l’analogie que l’Irak et l’Iran devenaient les “nouveaux Cuba et Venezuela” dans cette région. La diplomatie américaine a cependant tenté de pallier à son déclin en redoublant d’efforts pour se rapprocher du régime de Saddam Hussein et initier un dialogue continu avec lui. L’intention étant de constituer une ligne de défense avec l’Irak face à l’Iran, afin de préserver le reste de son hégémonie dans la région et assurer la sécurité de ses alliés dans le Golfe, notamment l’Arabie Saoudite, le Koweït, les Émirats arabes unis et Bahreïn, qui redoutaient la révolution iranienne. Washington était aussi confronté à la terrible incursion russe dans les profondeurs du monde arabe (Irak – Syrie – Égypte – Liban). Dans la tempête de ces événements, l’Irak a échoué comme médiateur pour libérer les familles des diplomates américains à Téhéran, tout comme la stratégie de sauvetage par hélicoptères de Washington malgré la présence de soldats d’élite à bord. Deux avions ont été abattus à la frontière iranienne pour des raisons obscures. Washington a accusé Moscou de l’accident, officieusement, et un défaut technique survenu dans les deux appareils a été attribué à l’incident
L’intensification du conflit américano-iranien après la révolution a incité les États-Unis à considérer le régime de Saddam Hussein comme protecteur du Golfe et de l’arabisme face à la marée irano-perse. Le renforcement de l’Irak en tant que force active a amené Saddam à réclamer à l’Iran une négociation pour l’application de l’Accord d’Alger sur la démarcation des frontières maritimes entre les deux pays, signé par l’Irak sous le règne d’Ahmad Hassan Al -Bakr et par l’Iran sous Mohammad Reza Pahlavi.
Selon l’Irak, l’Iran, après Pahlavi , a refusé de respecter ses engagements et demandé des amendements. L’entêtement des deux parties les auraient ensuite poussées à enfreindre l’accord, Téhéran voyant le « Shatt al-Arab et le Golfe » comme propriétés perses. Le nationalisme de Saddam Hussein en fut exalté, d’autant que ces développements étaient accompagnés du sentiment d’un fort soutien au sud et au centre de l’Irak pour la révolution islamique chiite de Khomeini.
Quarante ans après la guerre Iran-Irak, les Iraniens obéissant au Guide suprême et au Velayat-e faqih (les Conservateurs et les Gardiens de la révolution (IRGC)) restent fermement convaincus que les Américains étaient derrière l’implication du régime de Saddam Hussein dans la guerre. Selon les informations reçues de la part de proches des Pahlavi ayant cherché refuge après la révolution [principalement en Egypte], un mouvement populaire dirigé par Sayyed Mohammad Baqir al-Sadr se préparait à transformer l’Irak, République arabe en une République islamique chiite.
Au plus fort de la guerre des années quatre-vingt, les États-Unis ont continué à soutenir l’Irak. L’Arabie saoudite, les Émirats et le Koweït convaincus que Bagdad combattait en leur nom pour défendre le Golfe, ont contribué à des financements considérables. Les pays du Golfe et le Koweït ont contribué à 15 milliards de dollars de prêts à l’Irak.
Le régime de Saddam a, entre autres, investi ces fonds dans des projets de construction et d’urbanisation, et le développement de l’énergie et de l’activité pétrolière. Afin de contrer le soutien américain à l’Irak, et attaquer le régime de l’intérieur, l’Iran a développé une stratégie de soutien à l’opposition kurde au Kurdistan (au nord de l’Irak) et aux chiites (dans le sud). À cette époque, des milliers d’habitants du nord et du centre sont morts. L’attaque chimique en 1988 dans la ville de Halabja, dans le gouvernorat de Sulaymānīyah, a provoqué la colère de l’opinion internationale. De nombreux chefs religieux chiites – notamment Mohammad Baqir al-Sadr – ayant contribué à la fondation du parti Dawa, ont été arrêtés et exécutés. Parallèlement, Washington a inscrit tout parti en Irak recevant des financements de l’Iran sur la liste du terrorisme et des personnes recherchées, plaçant les deux partis kurdes, le Parti démocratique du Kurdistan de Massoud Barzani et l’Union patriotique du Kurdistan de Jalal Talabani sur la liste du terrorisme. Après les tragédies des combats et des déplacements dans les régions du nord et du sud de l’Irak, la dilapidation des fonds du Golfe, et l’entrée en jeu des Russes en faveur de l’Iran, les Iraniens et les Américains ont convenu indirectement, à travers la médiation russe, turque et française, d’arrêter la guerre Irak-Iran. La vision de l’accord reposait sur l’idée qu’il appartenait à chacun de suspendre le soutien aux opposants à l’intérieur de l’Irak, visant ainsi à empêcher l’Iran de financer les oppositions kurde chiite en échange de l’arrêt américain au soutien à Saddam Hussein. Les accords se déroulaient entre les services de renseignement des deux pays, entre la CIA et le VEVAK (principale agence de renseignement iranienne) en Irak.
Au début des années 90, Saddam Hussein refusait de payer les dettes qu’il avait contractées auprès des États du Golfe à titre de financements pour la guerre contre l’Iran. Le Koweït a ainsi porté plainte contre l’Irak aux Nations Unies et au Conseil de sécurité de l’ONU La Russie et la Chine figuraient parmi les bénéficiaires des emprunts irakiens,en lui vendant des armes et en développant ses usines.
Cependant L’administration de Bush père a développé une politique différente, estimant que Saddam Hussein était rusé et niait le soutien américain tout en ayant de plus en plus tendance à favoriser la politique des concurrents de Washington dans la région, à savoir la Russie et la Chine. Ces derniers l’auraient encouragé à attaquer les pays du Golfe, en particulier le Koweït, afin d’affaiblir l’influence américaine tant du côté irakien qu’iranien. La situation a ensuite tourné en faveur des Américains et de leurs alliés quand la Russie a concédé au silence pour sauver le Koweït et l’Arabie saoudite de l’incursion irakienne.
À cette époque, l’armée américaine arrivait à Hafar Al-Batin, à la frontière irano-saoudienne. Après les frappes américaines sur al-Kut et à l’intérieur de l’Irak, le gouvernement irakien a commencé à se rapprocher de Cuba et du Venezuela, et la manœuvre a été interprétée par Téhéran comme un indice témoignant de l’intention de Washington d’intervenir en Irak et de s’en emparer en coopération avec les États du Golfe.
L’Iran ayant commencé à pousser les oppositions chiite et kurde qui lui étaient loyales à affronter le régime de Saddam Hussein, constituant un premier pas vers la prise du pouvoir par les chiites. Cette escalade désignée sous le nom de « soulèvement populaire », a conduit au contrôle de l’opposition sur toutes les régions, mis à part la capitale, Bagdad, sous le contrôle du régime. Les Américains et les Iraniens sont ensuite retournés à la table des négociations à travers une médiation régionale et internationale. L’Égypte et la Jordanie ont joué un rôle clé pour garder le régime de Saddam en échange du retrait américain et de l’arrêt iranien au soutien à l’opposition. Et le régime a de nouveau repris le contrôle de l’État.
https://i0.wp.com/www.oeil-maisondesjournalistes.fr/wp-content/uploads/2021/04/Iran.jpg?fit=1181%2C797&ssl=17971181Ahmed Hassan El Yassirihttps://www.oeil-maisondesjournalistes.fr/wp-content/uploads/2018/03/logo-oeil-mdj.jpgAhmed Hassan El Yassiri2021-04-19 13:04:322021-04-22 09:37:21IRAK-IRAN. Les illusions de la levée du blocus et de l’accord sur le nucléaire (1/3)
France 5 a diffusé sa série documentaire « Irak, destruction d’une nation», réalisée par le journaliste Jean-Pierre Canet. En quatre parties, le documentaire aborde l’histoire de la question irakienne en mettant en relation l’Occident et l’Orient.
A travers les témoignages d’irakiens, le film montre clairement l’étendue de la dévastation causée par les groupes extrémistes. Le journaliste pointe aussi courageusement du doigt les erreurs des politiciens occidentaux et leur rôle dans la destruction de l’Irak. Autant de raisons qui me poussent à être reconnaissant envers le réalisateur et toute l’équipe.
Mais je ne peux m’empêcher de faire quelques critiques, à cause notamment de sa vision orientaliste. Cette approche divise le Moyen-Orient en ethnies et sectes. Et c’est sur cette base que s’est construite une politique coloniale et postcoloniale.
Cette vision minimise les erreurs de l’Occident à travers l’histoire. Car si on explique les guerres et les conflits en prenant seulement en compte la religion, on en oublie les raisons politiques et on atténue la responsabilité de l’Occident.
Dans le premier épisode, le journaliste montre une photo du président irakien Saddam Hussein entouré de ses hommes. Le narrateur les présente ainsi : «Tous sont sunnites, à l’exception de Tarek Aziz, le chrétien.» C’est faux. Les baasistes à affiliation chiite ont toujours été présents dans le cercle proche de Saddam. Ils ont exercé dans les ministères, les appareils sécuritaires et militaires de son régime. J’ai pu en compter au moins seize, qui figuraient sur la liste des cinquante-cinq personnes recherchées par Washington avant l’invasion de l’Irak. Il y a d’autres noms chiites comme Abdul Wahid Shannan, l’ancien chef d’état-major de l’armée irakienne, et Saadoun Hammadi, qui a occupé les postes de ministre des Affaires étrangères et de Premier ministre. Jusqu’aux dernier procès de Saddam, on trouve d’autres noms chiites, l’un d’eux est Awad Al-Bander qui a été exécuté.
Cette représentation sunnite du régime de Saddam Hussein trouve peut-être un écho dans la révolte qu’ont connu les gouvernorats du Sud après la libération du Koweït. Un mouvement qui été présenté comme une révolte chiite par les médias occidentaux et ses analystes, et promue comme telle par les partis religieux chiites.
Cependant, la réalité est différente, car les sunnites des gouvernorats du sud ont participé à ce soulèvement, après son déclenchement à Bassorah (qui comprend le pourcentage le plus élevé de sunnites parmi d’autres villes et gouvernorats du sud). Un soldat revenu du Koweït avait ouvert le feu sur une statue de Saddam en l’insultant.
Par la suite, d’autres provinces du Sud se sont également soulevées. Et ces mouvements ont été réprimés par un homme politique chiite, Muhammad al-Zubaidi.
A contrario, certaines provinces irakiennes comprenant des quartiers chiites très peuplés n’ont pas participé à ce soulèvement. C’est le cas de la capitale Bagdad.
Bien sûr, Saddam Hussein n’était pas Mustafa Kemal Atatürk [fondateur et premier président de la Turquie entre 1923 et 1938 (lire son portrait dans L’oeil)], car il a fait passer son intérêt personnel avant les intérêts de son pays et sa laïcité. C’est le cas notamment avec l’embargo imposé à l’Irak, lorsqu’il a lancé la soi-disant «campagne pour la foi» (al-hamla al-wataniyya al-imaniyya) qui comprenait l’interdiction de consommer de l’alcool et autres décisions réactionnaires.
En réalité, Saddam Hussein n’était pas un sectaire sunnite. Il a exécuté des salafistes (le groupe de Faiz Al-Zaidi) qui ont attaqué des manifestants chiites, et il a visité les sanctuaires chiites sacrés à Najaf et Karbala.
Dans la troisième partie du documentaire, on entend dire également qu’«officiellement, le parti Baas compte deux millions de membres. La plupart sont sunnites, comme Saddam.» La plupart en effet, mais pas tous. S’il y a un homme politique qui a participé à la création du parti Baas en Irak c’est bien Fouad al-Rikabi, qui est chiite. Et puis n’oublions pas que le premier bastion du parti en Irak est la ville de Nassiriya, qui est à majorité chiite.
Par ailleurs, si le combattant sunnite Sebaaoui, interviewé dans le film, affirme que certains parents affilient leurs enfants au parti Baas à leur insu afin de les protéger, alors il est naturel que des chiites rejoignent le parti.
Et le régime, s’il est sunnite comme le prétend le journaliste, ne cherche pas à son tour à les rejeter mais plutôt à garantir leur loyauté.
En outre, nous ne pouvons pas considérer l’expulsion des sunnites de l’État, après le renversement du régime de Saddam, comme une conséquence de l’expulsion des baasistes. Dans ce cas, Paul Bremer, alors gouverneur civil de l’Irak, a joué un rôle considérable en demandant à une commission politique et non une commission judiciaire indépendante d’éradiquer le Bass.
Bremer, qui a participé à ce documentaire, incarne véritablement cette vision orientaliste et ses répercussions au Moyen-Orient. “Lorsque nous avons renversé le régime de Saddam Hussein, nous avons également renversé avec lui mille ans d’autoritarisme sunnite en Mésopotamie“, a-il déclaré, en mai 2019, à la chaîne Al-Jazeera. Ce n’est pas entièrement vrai, car la dynastie chiite des Hamdanides a régné sur un territoire qui s’étend de la côte syrienne au Kurdistan irakien, les Bouyides de l’Irak et l’ouest de l’Iran, et les Safavides ont partagé l’Irak avec l’Empire ottoman et ont occupé Bagdad deux fois (20 ans puis 15 ans).
Et qu’en est-il de la République d’Irak qui a commencé avec le président Abdel Karim Kassem (1958-1963)? Il n’y a pas de domination sunnite pendant cette période. La “ville de la révolution” (Madinat Al Thaoura) établie à Bagdad, était dirigée par la communiste Mme Naziha al-Dulaimi [1959-1960) et des personnes à revenus modestes venant des provinces chiites du Sud y résidaient. Bagdad est devenue une ville moderne et comprend la plus grande communauté chiite (Sadr City).
Aux premiers jours de 1980, Saddam Hussein, alors perçu comme un moderniste par les nations occidentales, s’engage dans une guerre totale contre son voisin iranien. L’Europe et les États-Unis voient le Raïs comme un bouclier contre l’obscurantisme islamiste des Mollahs. Pour empêcher leur victoire, tout est permis à l’Irak, y compris l’utilisation d’armes chimiques fournies par plusieurs entreprises occidentales. Le président américain Ronald Reagan enclenche même une coopération militaire avec Bagdad qui s’avérera décisive. La guerre s’achève sur une victoire à la Pyrrhus après huit ans de conflit… Saddam, déjà rongé par son égo, s’imagine protégé par Washington, Londres et Paris. Il se trompe.
Persuadé que les grandes puissances le laisseront faire, Saddam Hussein envahit le Koweït le 2 août 1990. Américains, anglais et français s’accordent pour punir l’Irak, sans vraiment chercher de solution diplomatique. La guerre du Golfe (janvier – février 1991) est aussi rapide que dévastatrice : les Irakiens sous un déluge de feu voient leurs infrastructures rasées. 100 000 soldats et au moins 60 000 civils meurent. S’ensuit un embargo long de douze ans, qui va faire payer au peuple irakien la mégalomanie de son président. Des centaines de milliers d’enfants périssent de malnutrition, la société irakienne régresse alors que commence une islamisation rampante de la jeunesse. Loin de l’avoir fait tomber, l’embargo renforce le régime de Saddam Hussein.
Pour une partie de la classe politique américaine, faire chuter le dictateur irakien est une obsession. Les attentats du 11 septembre leur offrent une opportunité unique d’y parvenir. Pour justifier la guerre à venir, Washington ment et accuse Saddam Hussein de posséder des armes de destruction massive et d’avoir soutenu les terroristes d’Al Qaïda responsables du 11-Septembre. Après une guerre éclair, la Maison Blanche administre le pays dans l’improvisation. Le chaos s’installe. D’un statut de libérateurs, les soldats américains deviennent des envahisseurs aux yeux des Irakiens. La société irakienne cède à la violence interconfessionnelle : Sunnites et chiites irakiens s’affrontent dans une guerre inédite.
En 2007, en pleine guerre civile, le fantôme de Saddam Hussein, exécuté un an plus tôt pour crime contre l’humanité, plane sur l’Irak. Le Raïs était un dictateur, mais il avait réussi à tenir le peuple irakien composé de Sunnites, de Chiites et de minorités ethniques et religieuses. Les Américains, eux, sont dépassés par la violence qui déchire le pays où le terrorisme islamiste prospère. A coups de millions de dollars, les USA financent les tribus sunnites pour combattre Al Qaïda en Irak et soutenir le nouveau régime. Mais Barack Obama décide le retrait des troupes américaines d’Irak en 2011 et laisse ainsi le champ libre au voisin iranien qui impose son influence. Une seconde guerre civile éclate entre les chiites soutenus par l’Iran et les sunnites dont beaucoup rejoignent à nouveau les rangs d’Al Qaïda en Irak, rebaptisé « Etat Islamique en Irak et au Levant » : Daesh. De l’État irakien, il ne reste alors plus grand chose.
https://i0.wp.com/www.oeil-maisondesjournalistes.fr/wp-content/uploads/2021/04/IRAK-AFFICHE.png?fit=638%2C531&ssl=1531638Raafat Alomar Alghanimhttps://www.oeil-maisondesjournalistes.fr/wp-content/uploads/2018/03/logo-oeil-mdj.jpgRaafat Alomar Alghanim2021-04-15 14:16:492021-04-26 10:33:40« Irak, destruction d’une nation », un autre documentaire à vision orientaliste?
Parti en reportage le 14 mars 2018, le photojournaliste indépendant Vladjimir Legagneur n’est jamais revenu. L’anniversaire des 3 ans de sa disparition, le collectif “50 milimèt” lui a rendu hommage.
Photojournaliste indépendant, Vladjimir Legagneur collaborait avec plusieurs médias (Le Matin, Loop Haiti, etc.) et ONG.
Le 14 mars 2018, il part réaliser un reportage à Grand Ravine, l’un des quartiers les plus dangereux de la capitale Port au Prince. Il souhaite montrer les conditions de vie des gens de ce quartier, qui sont livrés à eux même, sans aide ni présence des autorités centrales de l’Etat. Depuis ce jour, personne ne l’a revu.
Edris Fortuné, photojournaliste et président du collectif, nous a confié avoir tout essayé afin de dissuader son ami de faire un reportage à Grand Ravine. “Il est passé chez moi récupérer un trépied. J’ai essayé de le retenir en lui demandant de rester manger avec moi mais cela n’a pas marché. Je suis la dernière personne parmi ses proches à l’avoir vu avant sa disparition.”
Ce que révèlent les enquêtes
Deux semaines après sa disparition, la police mène une opération à Grand Ravine (Port Au Prince), sur un terrain vague. Des ossements et un chapeau sont retrouvés. Selon Fleurette Guerrier, l’épouse de Vladjimir Legagneur, il s’agit bien du chapeau de son mari. La police effectue alors un test ADN. Mais depuis trois ans, c’est silence radio. La police n’a transmis aucune information sur ce test ni sur ce qui a pu arriver au journaliste.
Edris Fortuné dénonce un blocage politique. “Cela fait trois ans qu’on attend le résultat d’un test ADN et on n’a toujours pas d’information sur ce qui est réellement arrivé à mon ami Vladjimir.”
En guise de protestation, le collectif 50 milimèt et d’autres personnes ont décidé de façon très symbolique de commémorer la disparition du photojournaliste Vladjimir Legagneur devant le local du réseau national des droits humains (RNDDH).
Le collectif a déposé des gerbes devant un graffiti de Vladjimir peint sur un mur. Puis, Edris Fortuné a tenu à lui rendre hommage dans un discours tout aussi politique que religieux. ”Je remercie les artistes qui ont décidé d’immortaliser ce grand jour. Vladjimir, si nous dessinons ton portrait ici sur ce mur, c’est pour dénoncer l’impunité qui règne dans ce pays depuis des années. Des journalistes comme Jean Dominique, Brignol Lindor, Rospide Pétion, et tant d’autres ont été assassinés, mais comme toi ils n’ont pas eu droit à une justice équitable. Vladjimir tu n’es pas mort, au nom de toutes les forces cosmiques, au nom de tous nos ancêtres, nous saluons ta mémoire, et nous te demandons encore de lutter ...”
Un prix pour honorer sa mémoire
Afin de parler de l’importance du métier de photojournaliste, Edris a tenu à rappeler que “la mémoire est la plus grande arme, et qu’un peuple sans mémoire est un peuple appelé à disparaître.“
50 milimèt” est né dans cette optique. Le projet regroupe des photojournalistes partageant le même intérêt pour cette profession et qui collaborent entre eux. Ce projet est aussi voué à honorer la mémoire de Vladjimir Legagneur.
Selon Edris Fortuné, le prix Vladjimir Legagneur « récompensera plusieurs photojournalistes ayant accompli un travail remarquable sur l’année. Il y aura deux prix : un prix senior et un prix junior”. Cette initiative a été approuvée par l’épouse de Vladjimir Legagneur.
L’inquiétante situation de la presse en Haiti
Le photojournaliste Edris Fortuné, victime de plusieurs agressions policières, reste très pessimiste quant à la situation de la liberté de la presse en Haïti. “Il n’y a [même] pas une maison de photographie en Haïti [et] le droit d’auteur n’est pas respecté”. Haïti occupe la 83 ème position dans le classement de Reporters Sans Frontières (RSF).
https://i0.wp.com/www.oeil-maisondesjournalistes.fr/wp-content/uploads/2021/04/Anderson.jpg?fit=720%2C540&ssl=1540720Anderson D. Michelhttps://www.oeil-maisondesjournalistes.fr/wp-content/uploads/2018/03/logo-oeil-mdj.jpgAnderson D. Michel2021-04-08 10:53:012021-04-08 10:59:41Haïti. L’enjeu de la presse à travers le photojournalisme
L’image des islamistes est une « marque déposée » en Algérie. Nul ne peut y toucher sans se rendre coupable de félonie. C’est une image maudite et immuable qui annonce la condamnation à la perpétuité.
C’est ainsi qu’en a voulu le régime en place. Confronté à une opposition inédite, qui menace de l’emporter, le pouvoir algérien est en train d’engager en ce moment la bataille de l’image et de la mémoire autour de la guerre civile des années 1990. Au fur et à mesure que le mouvement anti-régime, Hirak, prend de l’envergure, les islamistes sont montrés du doigt comme les instigateurs sournois de cette insurrection populaire. Du coup, ils sont renvoyés à leur violence djihadiste. C’est eux qui seraient à la manœuvre pour manipuler les millions d’Algériens qui manifestent dans les quatre coins du pays. Comme le dit Gaston Bachelard « Les images ne sont pas des concepts. Elles tendent à dépasser leur signification. » Ainsi, la télévision d’État n’a pas lésiné sur les mises en scène en montrant des « terroristes ‘daechisés’ » tenant des propos selon lesquels ils seraient impliqués dans un projet violent au sein du Hirak. Depuis Bouteflika, et même au-delà, le récit sur les islamistes est sous contrôle, et il n’est pas jusqu’à la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale » qui ne les considère comme les uniques responsables de la décennie sanglante. Aucune nuance n’y est permise. Le régime tente une énième division des populations en espérant voir des pans de la société se désolidariser du courant islamiste Rachad, qui s’est tenu à l’écart du système rentier. Ce qui confère à ce mouvement politique une certaine virginité politique par rapport à ses homologues islamistes corrompus et largement discrédités.
Que ce courant ait pu, depuis, évoluer dans le bon sens, ou qu’il ait pu aspirer à se conformer aux desiderata de la démocratie, ou même qu’il ait pu vouloir s’inspirer du modèle islamiste à la tunisienne; cela doit relever du domaine de l’impossible et de l’impensable. Si la presse algérienne était véritablement libre, elle aurait pu se faire l’écho des mutations de l’acteur islamiste qui outre, refuse lui-même l’étiquette d’« islamiste », affirme vouloir contribuer à bâtir un État de droit.
La transgression du « politiquement correct » par le journaliste El Kadi Ihsane
N’empêche, la presse algérienne recèle des individualités remarquables, qui de temps en temps, parviennent à briser la loi de l’omerta. Un petit article intitulé « Pourquoi la place de Rachad doit être protégée dans le Hirak » paru le 23 mars 2021, a mis sens dessous dessus le régime algérien. Signé par le journaliste et éditeur de presse électronique, El Kadi Ihsane (proche de la mouvance laïque), ce papier qui plaide pour l’intégration de l’acteur islamiste dans le mouvement anti-régime, a valu à son auteur d’être convoqué par la gendarmerie nationale sur une plainte, tenez-vous bien, du ministère de …la Communication. El Kadi Ihsane avait, par message vidéo, averti avant de se rendre à la convocation qu’il observerait une « grève de la parole » face aux gendarmes au cas où on l’interrogerait sur le contenu de son travail journalistique. Évidemment, il a tenu parole, ce qui, irrémédiablement en dit long sur la portée de cette affaire.
https://i0.wp.com/www.oeil-maisondesjournalistes.fr/wp-content/uploads/2021/03/Larbi-Final-e1615559915780.png?fit=1302%2C650&ssl=16501302Larbi Grainehttps://www.oeil-maisondesjournalistes.fr/wp-content/uploads/2018/03/logo-oeil-mdj.jpgLarbi Graine2021-04-06 13:18:102021-05-06 14:44:47Les islamistes, une marque déposée en Algérie
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