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14 juillet 2014 : Hommage aux pays africains alliés de la Grande Guerre

[Par Benson SÉRIKPA]

La France sera la capitale du centenaire de la Première Guerre mondiale (1914-1918) lors de la commémoration du 14 juillet sur les Champs-Élysées, date de la fête nationale de la France. A cette occasion, l’État français rendra un hommage solennel à l’ensemble des pays ayant participé au conflit mondial en Europe. 18 nations africaines sur 80 invitées seront représentées à ces festivités. Il s’agit notamment de l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Bénin, le Burkina Faso, Les Comores, la Côte d’Ivoire, le Congo, le Djibouti, le Gabon, la Guinée, le Madagascar, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Tchad et la Tunisie. Ainsi donc cent ans après, le monde entier verra les emblèmes des alliés et les drapeaux des ennemis d’hier disposés côte à côte.

Des soldats français de la Licorne à leur départ de la Côte d'Ivoire le 16 mai 2007. afp.com/Issouf Sanogo

Des soldats français de la Licorne à leur départ de la Côte d’Ivoire le 16 mai 2007.
afp.com/Issouf Sanogo

Le grand défilé qui se tiendra sur la plus belle avenue du monde a pour thème « Une armée puissante et moderne », illustration du choix du président de la République, François Hollande, de souligner les ambitions politiques de la France et l’ensemble des missions des forces armées. Ce défilé mettra en valeur des unités impliquées récemment dans les opérations qui témoignent de la capacité de la France à assumer ses engagements auprès de la communauté internationale. A ce sujet, faut-il le rappeler, 20 000 militaires français sont actuellement déployés hors de la métropole, dont 7 500 engagés dans des opérations extérieures, approuvées par le Parlement.

Sur le continent africain, cette année a été marquée par la poursuite de l’engagement français au Mali, où le dispositif déployé en soutien des forces des Nations unies vise à lutter contre les groupes armées terroristes qui menacent la stabilité du pays. Cet engagement s’inscrit dans un appui plus large aux États de la région à travers le déploiement de 3 000 hommes dans la bande sahélo-saharienne. En effet, devant la dégradation brutale de la situation au Mali et en réponse à la demande des autorités maliennes, le président de la République, François Hollande, avait décidé l’intervention des forces françaises au Mali, le 11 janvier 2013, en lançant l’opération Serval.

On note aussi que depuis le 5 décembre 2013, 2000 soldats français sont engagés dans l’opération Sangaris en République centrafricaine. Cette opération aux côtés des africains a été déclenchée pour protéger les populations, permettre l’arrivée de l’aide humanitaire et restaurer l’autorité de l’État.

Par ailleurs, la France contribue à plusieurs opérations de stabilisation et de maintien de la paix sous mandat des Nations unies, de l’OTAN ou de l’Union européenne. C’est le cas par exemple en Côte d’Ivoire, où elle est présente à travers la force Licorne, forte de 450 soldats, pour soutenir l’Opération des Nations unies (ONUCI) et accompagner la réforme de l’armée ivoirienne. La France tient ce même engagement au large de la corne de l’Afrique où elle contribue à la force navale européenne de lutte contre la piraterie.

Les armées françaises, par leur présence à travers le monde et particulièrement en Afrique, conservent en effet leur capacité à intervenir pour la paix dans l’ensemble des situations dans lesquelles les intérêts de la France ou ses ambitions sont mis en jeu.

De belles festivités en perspectives, qui auront aussi pour point d’orgue des feux d’artifices, tirés depuis la Tour Eiffel.

[Photo tirée de tuxboard.com]

[Photo tirée de tuxboard.com]

[Cliquez ici pour lire les autres réflexions des plumes de la MDJ]

Côte d’Ivoire : Plus de 700 prisonniers politiques vivraient dans la terreur

Depuis la crise politico-militaire ivoirienne (décembre 2010-avril 2011), l’ex-chef de l’Etat Laurent Gbagbo est soupçonné de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI) et détenu à La Haye depuis fin 2011. Dans le même temps, nombre de ses partisans sont détenus dans les prisons ivoiriennes. Selon Amnesty International, “des dizaines de personnes” sont victimes d'”arrestations arbitraires” et de “tortures” commises par l’armée et la “milice” sur “des bases souvent ethniques et politiques”. Des soutiens de l’actuel président Ouattara sont également soupçonnés d’avoir commis de graves crimes durant la crise de 2010-2011 et le cycle des abus et de l’impunité ne serait pas été encore brisé. 

Ci-dessous la témoignage de Benson Séripka, journaliste ivoirien exilé en France.

Caire César Négblé, décédé le samedi 24 mai 2014 au Maroc (Photo tiré de koaci.com)

Le commissaire Caire César Négblé, décedé en mai dernier (Photo tiré de koaci.com)

Depuis le 11 avril 2011, date de l’arrivée au pouvoir d’Alassane Dramane Ouattara, les prisonniers politiques présumés proches de Laurent Gbagbo vivent un calvaire sans précédent dans les prisons en Côte d’Ivoire. Toutes les nuits, ces otages du nouveau régime, sont soumis à des séances de sodomie dans leurs lieux de détentions disséminés à travers le pays, par des Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) et des Dozos.
Aujourd’hui, des langues se délient face à ce qu’on pourrait appeler des viols en règle, perpétrés par les miliciens du dictateur Ouattara et qui seraient à la base de la mort de nombreux de ces prisonniers.

L’exemple du commissaire César Négblé, décédé le samedi 24 mai 2014 au Maroc, officiellement des suites d’une insuffisance rénale, en témoignerait. Des proches de sa famille affirment que l’ex-patron de la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) a été plusieurs fois violé par ses bourreaux, lors des différents interrogatoires qu’il a subis.
«Non, le vieux n’est pas mort d’une insuffisance rénale…ce sont les gens de Ouattara qui l’ont assassiné…Ils l’ont sodomisé à plusieurs reprises lors des interrogatoires…pour le torturer et surtout pour l’humilier…C’est ça qui l’a tué…Les multiples viols sauvages qu’il a subi ont causé des infections graves qui malheureusement n’ont pu être traitées à temps. Le vieux [sic] nous a tout expliqué avant de mourir…D’ailleurs, ceux qui l’ont vu après sa libération savent qu’il tenait à peine sur ses jambes», rapporte un membre de la famille, sous couvert d’anonymat, pour des raisons de sécurité.
«Pratiquement, toutes les deux heures, le Commissaire Négblé était battu par des FRCI qui se succédaient dans sa chambre. Nous entendions ses gémissements», avait révélé à un confrère, un témoin de l’hôtel La Nouvelle Pergola, où le commissaire avait été détenu, au tout début de la crise postélectorale ivoirienne.
Pour certains membres de la famille Négblé, il est temps de faire la lumière sur les circonstances réelles qui ont provoquées le décès de cet officier supérieur de la police nationale.
«C’est vrai qu’au début, on ne voulait pas en parler pour préserver l’image du vieux [sic]. Mais après mûre réflexion, nous pensons que, s’il est allé jusqu’à nous montrer ce que ces gens lui ont fait subir ce n’est pas pour que cela reste seulement dans la simple intimité. C’est pour que ce soit révélé au monde entier, pour que les autres prisonniers politiques qui subissent certainement toutes ces atrocités dans le silence soient sauvés», confesse cette même source.
En effet, le cas du commissaire César Négblé ne serait pas un cas isolé. La plupart des prisonniers politiques en Côte d’Ivoire, connus ou anonymes seraient soumis à cette autre forme de torture des FRCI et des Dozos, depuis un peu plus de trois ans.
«Ils m’ont bousillé…», avait lâché Mahan Gahé à un de ses proches, quelque temps avant son décès tragique, le 16 septembre 2013, des suites aussi d’un mal dont on ignore encore les causes profondes. Il est vrai que l’ex-patron de la Centrale Dignité, arrêté pour ses convictions politiques lors des événements postélectoraux en Côte d’Ivoire, ne donne pas plus de détail dans cette déclaration qui traduit visiblement ses conditions exécrables en détention.
«Comprenez que ce message en dit long, sur ce qu’a vécu le général. Je ne peux pas en dire plus…Mais sachez tout simplement que c’est cruel, méchant et inhumain ce que les FRCI et les Dozos font à nos parents et camarades dans ces prisons…», rapporte un proche collaborateur de Basile Mahan Gahé.
Selon un garde pénitentiaire qui a requis l’anonymat, tout se déroule à huis clos, en général pendant ou après les interrogatoires. «Toutes les nuits, ils viennent chercher des pro-Gbagbo. Nous, on nous dit que c’est pour les interroger. Mais tout le monde sait que c’est faux… Hum… les gars-là sont devenus leur femme [sic]. Si tu paies régulièrement quelque chose, on te laisse tranquille. Seulement si la décision vient de là-haut, tu ne peux pas échapper. Ils vont finir avec toi, chaque jour jusqu’à ce qu’ils obtiennent ce qu’ils veulent…Ils font ça partout, surtout à Bouaké…C’est leur QG…Ce sont de vrais pédés [sic]… Les gens ne peuvent pas parler…Ils souffrent…Parce que ça fait honte…Au début là, il y a beaucoup de gens qui sont morts ici (Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) ) à cause de ces actes ignobles…En fait, quand ils finissent de les sodomiser [sic], il y en a qui tombent malades, ils sont infectés et ils cachent ça…Mais qui va en parler…Les victimes elles-mêmes refusent d’en parler, leurs parents sont informés, les médecins sont au courants, mêmes des journalistes savent ce qu’il se passe ici, mais tout le monde à peur…», révèle-t-il.
Ils seraient un peu plus de 700 prisonniers politiques en Côte d’Ivoire qui vivent et assistent dans la terreur, l’impuissance et dans le silence leur mise à mort, par viol, devant toutes les organisations nationales et internationales de Droits de l’Homme. Une autre forme de torture, en plus de toutes celles que leur inflige au quotidien le régime d’Abidjan pour leur ôter toute dignité et toute humanité.

Benson Séripka

Journalistes exilés, un plus à la presse française : Interview à Darline Cothière

[Par Benson SERIKPA]

Ils sont plus de 270 journalistes exilés à être hébergés, accompagnés et soutenus par la Maison des journalistes (MDJ) depuis sa création en 2002. Darline Cothière, directrice de cette institution nous a accordé cet entretien à la faveur de la participation de la MDJ à la deuxième édition de l’opération « Paris aime ses kiosques ». Elle évoque la mission de la MDJ et revient sur le chemin parcouru par elle et son équipe en trois ans de fonction, tout en annonçant les perspectives. Mais, point d’orgue de son intervention, l’importante contribution apportée par les journalistes de la MDJ aux médias français dans le traitement de l’information au plan international.

Darline Cothière, directrice de La Maison des journalistes

Darline Cothière, directrice de La Maison des journalistes
© Photo Jean-François Deroubaix

Quel bilan faites-vous de cette première participation de la MDJ à la deuxième édition de l’opération « Paris aime ses kiosques » qui s’est tenue il y a quelques jours au bord de la Seine ?

“Il est vrai que l’opération « Paris aime ses kiosques » a pour objectif de mettre en avant les différents kiosques de la capitale française. En prenant part pour la première fois à la deuxième édition de cette manifestation, il s’agissait pour la MDJ de mettre en avant le travail des journalistes exilés, des journalistes qui prennent d’énormes risques pour nous tenir au courant des événements qui se déroulent dans leur pays d’origine. C’est grâce au travail de ces femmes et hommes de bonne volonté confrontés à des régimes totalitaires et liberticides que nous parviennent les informations nécessaires à mieux appréhender le monde dans lequel nous vivons. Ces journalistes nous servent en quelque sorte à prendre la température du monde. Nous pouvons dire que notre participation a eu un impact positif au vu des réactions du public présent à notre kiosque situé Place du Colonel Fabien habillé pour l’occasion aux couleurs de la MDJ”.

À ce sujet, comment les journalistes exilés sont-ils admis à la MDJ?

“Avant toute chose, il faut préciser que la MDJ n’intervient pas directement dans les pays où le droit d’informer n’est pas respecté : nous faisons uniquement l’accueil en France. Nous sommes d’ailleurs la seule structure du genre qui existe dans le monde. Pour être accueilli et soutenu par l’association, il faut que la personne justifie dans un premier temps de sa situation professionnelle. Il faut qu’elle soit journaliste et ait été sévèrement réprimée. (Ce n’est pas du genre : “Je suis journaliste de passage en France et si je restais…” Non, ce n’est pas du tout la philosophie de l’institution).Malgré tout, l’admission à la MDJ n’est pas systématique. On traite les dossiers au cas par cas, en fonction de l’urgence dans laquelle se trouve le journaliste et de son degré d’engagement dans la presse qui lui a ou non valu des persécutions et des menaces dans son pays d’origine. Sont donc reçus les journalistes seuls, célibataires, et non les familles car la structure n’est pas appropriée pour ce genre de public. Il est arrivé que des journalistes répondant à ces critères d’admission n’aient pas pu être hébergés, dans quel cas nous pouvons au minimum leur offrir de collaborer avec nous. En effet, la MDJ n’est pas uniquement un centre d’hébergement : c’est aussi un cadre où les journalistes exilés peuvent se retrouver et où ils peuvent continuer à publier des articles via notre journal en ligne « L’œil de l’exilé » (www.loeildelexile.org)”.

À quel type de soutien ces journalistes ont-ils droit une fois admis à la MDJ?

“Dans un premier temps, nous leur offrons une assistance administrative pour les aider à constituer de façon adéquate leur dossier de demande d’asile auprès de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA).. Le statut de réfugié est reconnu aux journalistes que nous accueillons dans 98% à 99% des cas, parce qu’il est évident qu’ils subissaient des persécutions dans leur pays. Nous offrons également une assistance psychologique pour ceux qui en ont besoin, que l’exil a fragilisé. (Il y a des personnes qui ont subi des traumatismes psychologiques assez importants). Nous travaillons donc pour cela avec un psychologue bilingue (français/anglais). Nous recevons également l’aide d’un travailleur social qui reçoit les journalistes quotidiennement et les accompagne dans toutes leurs démarches administratives. Enfin, nous leur fournissons un soutien plus professionnel, en leur permettant via notre site internet de continuer à faire leur travail”.

Arrive-t-il à la MDJ d’accueillir des journalistes d’une même origine dont les opinions sont divergentes?

“La MDJ étant apolitique, nous recevons parfois des journalistes exilés venant d’un même pays et de sensibilité politique différente. Nous accueillons les journalistes exilés quelle que soit leur sensibilité politique. Quel que soit le régime politique qu’il a soutenu, tout journaliste menacé dans l’exercice de ses fonctions est le bienvenu à la MDJ. Ce qui importe pour nous, c’est de recevoir un professionnel de la presse qui est pourchassé ou persécuté dans son pays parce qu’il a mis la plume dans la plaie, pour emprunter l’expression d’Albert Londres. Ce n’est donc pas tant la couleur politique du journaliste qui nous intéresse que son travail et son engagement”.

Avez-vous déjà vécu des cas où certains de vos « pensionnaires » continuaient à être menacés?

“Oui, il y a environ cinq ans. Une journaliste soudanaise nous avait rapporté avoir été suivie jusqu’à la MDJ par un groupe proche des autorités de son pays. (Mais, pas plus que ça. Hormis ce cas, jusqu’à ce jour, nous n’avons pas connu de persécution majeure ici sur nos journalistes exilés). C’est le seul cas du genre, même si nous ne sommes pas à l’abri de telles situations. C’est pour cela que nous ne faisons pas de politique, que nous ne prenons pas parti  : nous cherchons à nous protéger et à protéger les journalistes exilés”.

La rencontre de Kabir Hamayun, un journaliste bangladais, avec les élèves du lycée Honoré Romane à Embrun (13 mars 2013).

La rencontre de Kabir Hamayun, un journaliste bangladais, avec les élèves du lycée Honoré Romane à Embrun (13 mars 2013).

Les soutiens financiers de la MDJ ne peuvent-ils pas influencer le fonctionnement de cette structure?

“Jusqu’ici, nous avons réussi à fédérer tous les soutiens. Je ne veux pas dire que c’est un choix stratégique, ce serait par trop cynique ; le projet en lui-même est fédérateur. Nous recevons des soutiens financiers des médias français toutes tendances confondues, presse écrite, radio, télé… Les activités de la MDJ rallient tous ces acteurs. D’ailleurs, nous avons donné à chacune de nos chambres le nom d’un média de la presse française. Nous bénéficions aussi de l’aide de la mairie de Paris, qui nous loue les locaux que nous occupons à un prix dérisoire. L’Union européenne nous soutient également financièrement. Nous avons également à nos côtés la Société civile des auteurs multimédia (SCAM), Presstalis… Depuis mon arrivée à la tête de cette institution en 2011, j’essaie par ailleurs de développer d’autres partenariats avec des organismes européens et internationaux. Le café de la presse de Turin, le Comité de Protection des journalistes, par exemple, viennent de nous rejoindre. L’idée serait de fédérer toutes ces institutions et organisations autour de nos différentes activités et missions”.

Lors de la fête annuelle de la MDJ du jeudi 24 avril dernier à Paris, vous avez annoncé quelques innovations dans le cadre des différentes missions et activités de la MDJ. Quelle est la particularité de ces innovations?

“Un des programmes que nous avons mis en place à la MDJ s’appelle « Renvoyé spécial ». Il s’agit de rencontres organisées entre lycéens et journalistes exilés, qui se déroulent partout en France. Pour la rentrée scolaire prochaine, nous comptons lancer un nouveau programme à l’étranger baptisé « Presse 19 », qui se déroulera dans plusieurs villes européennes. L’objectif est de faire découvrir aux jeunes d’autres pratiques journalistiques, d’autres réalités socio-économiques et culturelles”.

Quelle est la valeur ajoutée des journalistes que vous accueillez ?

“Les journalistes que nous accueillons sont une source d’informations incontournable pour les journalistes français. Ils connaissent très bien la région du monde dont ils sont originaires, ont les bons contacts et détiennent souvent des informations inédites. A la MDJ, il est facile de se rendre compte du décalage qui peut exister entre les informations publiées dans la presse française et celles que détiennent les journalistes exilés. Cela ne remet pas en cause le travail des journalistes français, il est bien normal qu’ils ne saisissent pas forcément certains aspects ou nuances relatifs aux sujets qu’ils traitent, qu’ils ne traduisent donc pas dans leurs articles. C’est en cela que le travail de décryptage de l’information effectué par les journalistes de la MDJ quand ils sont sollicités par les médias français est précieux. On peut alors apprécier leurs compétences et leur expertise dans le traitement de l’actualité internationale”.

Les journalistes de la MDJ arrivent-ils à s’intégrer dans le secteur des médias français le temps de leur exil?

“Il est très difficile pour les journalistes de la MDJ d‘intégrer le milieu des médias français, qui est très compliqué. Les journalistes que nous accueillons sont des professionnels confirmés dans leur pays respectif, ils ont pu occuper de hautes responsabilités dans leur rédaction ou organe de presse avant de se retrouver en exil, mais ils n’ont pas la pratique du métier en France ni la culture médiatique française, nous dit-on. Autant d’arguments qui font que l’intégration des journalistes que nous recevons à la MDJ est très difficile. C’est pour pallier cette situation que nous leur demandons de redéfinir leur projet professionnel en vue d’une reconversion, tout en les invitant à garder leur activité journalistique à travers notre journal « L’œil de l’exilé ». Qu’ils viennent de la presse écrite, de la radio, de la télé ou de la web presse, tous peuvent publier sur notre site internet, nous faisons de la place à tout le monde. Nous envisageons désormais de faire participerons journalistes exilés à des ateliers de formation professionnelle, de sorte qu’ils puissent également enrichir leur pratique journalistique”.

Côte d’Ivoire : La liberté de la presse en danger

[Par Benson SERIKPA]

La liberté de la presse court un réel danger en Côte d’Ivoire. C’est le cas de le dire, au moment où le monde entier veut commémorer la liberté de la presse ce 3 mai 2014.
En effet, cette année encore à l’instar des deux années précédentes, depuis l’accession au pouvoir d’Alassane Dramane Ouattara (ADO), le Conseil national de la Presse (CNP) présidé par Raphaël Lakpé, mène la presse à la baguette. Les organes de presse sont suspendus tous azimuts pour dit-on «offense au chef de l’Etat».

Presse-ivoirienne

Le tout dernier coup de massue porté à la liberté de la presse date de quelques semaines. Cinq journaux dont quatre de l’opposition et un se réclamant indépendant ont subi le courroux du patron du CNP. Il leur est reproché d’avoir traité le chef de l’Etat ivoirien de DICTATEUR. Ce sont Bôlkotch, Le Temps, Aujourd’hui, Le Quotidien d’Abidjan (journaux de l’opposition) et Soir Info (journal indépendant).

Les premiers cités sont abonnés aux sanctions du CNP. Contrairement à Soir Info qui écope de la première flagellation sous le maître Raphaël Lakpé. Un coup dur qui a fait son effet. D’autant plus que, pour survivre ces organes de presse à l’exception de Bôlkotch (Groupe La Refondation créé par Laurent Gbagbo) ont demandé la clémence de Raphaël Lakpé afin de lever la suspension qui leur a été infligée. Ce qui a été fait comme par enchantement dès que les responsables de ces médias sus-cités ont présenté leurs excuses pour le délit commis.

En refusant de se «déculotter», pour utiliser le même terme que le premier responsable du groupe La Refondation, le journal Bôlkotch continue encore à ce jour de digérer sa peine.

Et pourtant en désignant Alassane Dramane Ouattara comme un DICTATEUR, les organes de presse indexés hormis Soir Info, n’ont fait que dire ce qu’est en réalité celui qui occupe la tête de l’Etat ivoirien depuis 3 ans.

En effet, depuis le coup d’état militaire du 11 avril 2011, qui a renversé Laurent Gbagbo, le président élu et investi par le Conseil constitutionnel, la Côte d’Ivoire traverse une dictature sans précédent. Plus de 800 prisonniers politiques dont Simone Gbagbo épouse du président déchu, croupissent dans les prisons ivoiriennes érigées en camp de torture. Les domiciles de l’ensemble des collaborateurs et proches de Laurent Gbagbo sont occupés par les chefs des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) et dozo, milices armées d’Alassane Dramane Ouattara. Ces forces parallèles, telle la Gestapo de l’époque hitlérienne commettent des exactions, des exécutions sommaires, des enlèvements, violent et pillent en toute impunité. Les comptes bancaires des responsables des principaux partis de l’opposition sont gelés. Ce qui a occasionné l’exil de plus d’un million d’ivoiriens à travers le monde. Toutes les institutions nationales sont aux mains des affidés d’Alassane Dramane Ouattara qui, mènent une véritable chasse aux sorcières aux pro-Gbagbo dans les services publics, au mépris des lois républicaines. Les partis politiques alliés au Rassemblement des républicains (RDR), le parti d’ADO, n’existent que de nom. Les partis de l’opposition avec à leur tête le Front populaire ivoirien (FPI), le parti de Laurent Gbagbo, sont enchaînés. Les responsables de ces partis politiques sont soit emprisonnés, quand ils dénoncent les agissements inhumains et macabres du régime Ouattara, soit interdits de séjour à l’extérieur. La justice est aux ordres puisqu’elle ne sanctionne que ceux qui ne partagent pas les opinions du régime en place à Abidjan.

Par la force des armes la Côte d’Ivoire file tout droit vers la pensée unique. Ce qui remet gravement en cause les acquis de 1990, notamment le multipartisme, la démocratie, la liberté d’expression et la liberté de la presse.

Dans un tel contexte, dire d’Alassane Dramane Ouattara qu’il est un DICTATEUR n’est rien d’autre que dire ce qu’il est en réalité. Refusant ainsi de cautionner l’arbitraire, l’injustice, l’impunité, les actes anti démocratiques. En informant donc les lecteurs, l’opinion nationale et internationale sur les graves manquements sur les Droits de l’Homme et la liberté d’expression que vivent les populations ivoiriennes au quotidien depuis bientôt trois ans, les journalistes ivoiriens ne font que leur métier, à l’instar de leurs confrères du monde entier. C’est-à-dire, INFORMER ET DIRE LES FAITS RIEN QUE LES FAITS. Les réduire au silence à coups de sanctions, c’est faire peser de graves menaces sur la liberté de la presse, qui, peine déjà à subsister dans cette situation de post crise difficile au plan économique.

Conséquence de cette tentative de musellement et d’assujettissement de la presse de l’opposition qui n’est pas à son coup d’essai, une trentaine de journalistes se retrouvent en exil forcé. Plus d’un millier des professionnels de média d’Etat, présumés proches de Laurent Gbagbo ont été sans fioritures jetés à la rue. Des tentatives d’assassinats et assassinats de certains journalistes dont Sylvain Gagneteau, Desiré Oué, pour ne citer que ceux-là. Au point où, selon le dernier rapport de Reporters sans frontières (RSF) en matière de liberté de la presse, la Côte d’Ivoire est classée 101ème sur 180 pays.

La célébration de la journée internationale de la liberté de la presse est donc une occasion pour lancer un appel à la Communauté internationale sur la détresse de la presse ivoirienne. Au risque de la voir disparaître, ou contrainte à se plier à la volonté du DICTATEUR Alassane Dramane Ouattara.

Lettre ouverte à un jeune lycéen français

Dessin du www.clemi.org

Dessin tiré de www.clemi.org

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A l’occasion de la 25e Semaine de la presse et des médias dans l’école® (24 – 29 mars 2014), une lettre ouverte aux jeunes lycéens français a été rédigée par des plumes de La Maison des journalistes :

 

Chers élèves, séparez la bonne graine de l’ivraie. Lettre de Larbi Graine

 

Le journalisme étant un sacerdoce Lettre de Carole Attioumou­ Sérikpa

 

Mobilisez vous en faveur des journalistes dans le monde ! Lettre de Makaila Nguebla

 

Le journaliste est un éveilleur de conscience. Lettre de Benson Sérikpa

 

Le dessin de la Semaine 2014, par Samy

 

 

Le journaliste est un éveilleur de conscience

Dessin de Mesli

Dessin de Ahmed Mesli (Algérie)

Chers(ères) amis(es) lycéens(nes),
 
Je me nomme Benson Sérikpa. Je suis journaliste ivoirien (République de Côte d’Ivoire, en Afrique
de l’ouest), en exil en France. Dans le cadre de la Semaine de la presse et des médias, que vous célébrez depuis le lundi dernier et qui se poursuit jusqu’au 29 mars prochain, je voudrais vous entretenir sur «La liberté de la presse». C’est le thème retenu pour cette édition, par la Maison des Journalistes MDJ, institution éditrice du journal en ligne, «l’oeil de l’Exilé», dont je suis membre de la rédaction.
 
«Liberté de la presse» signifie pour moi, pouvoir s’exprimer sans contrainte, dans le strict respect de l’éthique et la déontologie qui régissent son métier. En clair, le journaliste ne doit pas être censuré, ni dans sa rédaction, ni par une autorité quelconque, encore moins poursuivi, séquestré, persécuté ou tué dans l’exercice de ses fonctions.
 
En Côte d’Ivoire, la loi sur la dépénalisation a été adoptée en décembre 2004, sous le président Laurent Gbagbo (2000­2011). En son temps, aucun journaliste n’a été emprisonné pour ses opinions dans l’exercice de ses fonctions. Ce qui n’est pas le cas depuis qu’il a été renversé le lundi 11 avril 2011.
 
En ce qui me concerne, j’ai dû fuir mon pays le 20 avril 2011, à l’instar de nombreux journalistes,
pour ne pas cautionner la prise de pouvoir par les armes. En effet, après les élections présidentielles de 2010 en Côte d’Ivoire, le Conseil constitutionnel a déclaré vainqueur Laurent Gbagbo. Son adversaire, Alassane Dramane Ouattara, contestant les résultats des urnes, a fait un coup d’Etat militaire, avec le soutien de certains pays occidentaux, dont la France, sous Nicolas Sarkozy.
 
Après quoi, j’ai reçu la visite des hommes armés , me menaçant de mort. J’ai même échappé à un assassinat, ce qui m’a valu l’exil, d’abord au Ghana, ensuite au Togo puis depuis le 17 octobre 2013 en France.
 
Si aujourd’hui, la Côte d’Ivoire occupe la 101ème place, selon le dernier classement de Reporters Sans Frontières (RSF), c’est bien parce que la liberté de la presse n’est qu’un leurre dans mon pays.
 
Plus d’une trentaine de journalistes ont connu l’exil et ou l’emprisonnement depuis la prise de pouvoir par Alassane Dramane Ouattara. Une situation, qui, malheureusement continue de perdurer. Les moins infortunés ont été assassinés, Sylvain Gagneteau (2011), Désiré Oué (2013), parce qu’ils dénonçaient le terrorisme, le totalitarisme, la dictature d’Alassane Dramane Ouattara.

En ce moment, près de 800 proches du président Laurent Gbagbo, déporté à La Haye (en novembre 2011), sont quotidiennement torturés dans les prisons et autres sites transformés en camps de tortures (le siège du FPI, parti de Laurent Gbagbo, les résidences de certains de ses collaborateurs…) en Côte d’Ivoire. Plus d’un million d’ivoiriens sont en exil de peur d’être assassinés. Les populations ivoiriennes vivent tous les jours de graves violations des Droits de l’Homme, sous le regard coupable des médias nationaux, pris en otage par les hommes d’Alassane Dramane Ouattara.
 
La télévision nationale ( RTI1 et RTI2), Fraternité matin, AIP, Radio CI(médias gouvernementaux) sont quasiment sous contrôle des nouveaux maîtres d’Abidjan depuis trois ans. Les autres presses et médias privés, du moins ceux qui sont dans l’opposition, vivent dans la terreur d’être fermés à tout moment selon, l’humeur du Conseil National de la Presse (CNP), dirigé par Raphaël Lakpé, un affidé d’Alassane Dramane Ouattara.
 
Dans l’exercice de son métier, le journaliste est un éveilleur de conscience, un témoin vivant de son époque et un acteur de développement de la société. Il ne doit être nullement inquiété dans l’exercice de ses fonctions. C’est en cela qu’on pourrait véritablement parler de liberté de la presse.
 
Je vous souhaite une excellente Semaine de la presse et des médias. Puisse t­elle vous inspirer dans le choix de votre futur métier.
 
Benson Sérikpa

 

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les autres lettres ouvertes 

 

 

Semaine de la presse : les élèves s’invitent aux infos

[par Benson SERIKPA]
 
La 25ème édition de la Semaine de la presse et des médias dans l’école® se tient du 24 au 29 mars autour du thème : « Une information, des supports », s’achèvera le 29 mars prochain. C’est une initiative du Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (CLEMI), un rendez-vous annuel d’éducation aux médias et à l’information, axe fort de la loi de refondation de l’école de la République en France. L’objectif étant durant toute cette semaine, d’emmener les élèves à apprendre à analyser, à hiérarchiser, à vérifier les informations, à développer une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l’information.
 
Il s’agit donc de 14 125 établissements scolaires, de 186 675 enseignants et de 3 137 940 élèves qui se retrouveront pour échanger lors de cette édition. Près de 1900 médias participant à cette semaine de la presse et des médias dont 657 de la presse écrite, offrent à cette occasion 1 113 120 exemplaires de journaux et magazines (dont 10 000 journaux scolaires) pour permettre aux participants de mieux s’imprégner des médias. Chaque école recevra en moyenne 57 titres, acheminés gracieusement par La Poste et 46 000 colis, distribués par les facteurs.
 
Par ailleurs, des médias numériques tels que, AFP, Médiapart, Arrêt sur image, La Documentation française, Europresse, Relay.com, Vocable, Philosophie Magazine, etc feront des offres spécifiques aux différents participants. A savoir, un mois d’accès gratuit à leur site internet. Les enseignants quant à eux, pourront télécharger la première application tablette d’éducation aux médias, réalisée par le CLEMI avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication et de l’Agence pour l’Enseignement français à l’Étranger (AEFE).
 
Une Semaine de partage en perspective et riche en enseignement de part et d’autre, à laquelle est associée La Maison des Journalistes (MDJ). Les journalistes de la Rédaction de l’Oeil de l’Exilé, journal en ligne de cette institution, dirigée par Darline Cothière, se proposent d’adresser une lettre ouverte aux lycéens français, en vue de leur parler de la liberté de la presse, lors de cette 25ème édition.
 

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