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L’homme politique haïtien Jerry Tardieu visite la Maison des journalistes

Pendant sa tournée pour sensibiliser les médias et différentes institutions européennes sur la crise actuelle d’Haïti, l’ancien député et leader du mouvement politique En Avant, Jerry Tardieu, a accepté d’accorder un entretien au journal en ligne de la Maison des journalistes.

Par Anderson D. Michel

Jerry Tardieu, âgé de 54 ans, est un homme politique, un ancien député de la 50ème législature en Haïti (2016-2020). Il a lancé en octobre 2021 son mouvement politique En Avant. Selon lui, En Avant part d’une volonté d’hommes et de femmes de se mettre ensemble pour fournir à Haïti une offre politique différente de ce qui est à l’œuvre dans le pays. Un mouvement politique qui est constitué surtout de jeunes leaders en vue du renouvellement de la classe politique actuelle.

Axée sur trois piliers, la jeunesse, la femme et la diaspora, ce mouvement politique à travers son leader entend porter un souffle de changement à Haïti.

Jerry Tardieu : « Haïti est un pays en danger »

Le point sur la situation actuelle d’Haïti

Depuis plusieurs années, Haïti traverse une période très chaotique, tant au niveau des catastrophes naturelles que politiques. Le phénomène d’insécurité n’arrête pas de s’accroître sur l’île. Et les derniers rapports de l’ONU et d’autres institutions habilitées, font état d’une augmentation de 200% des cas d’insécurité dans le pays. Le leader de En Avant nous explique que le pays fait face à une crise multidimensionnelle, une crise institutionnelle, politique, économique et sécuritaire. Selon lui, les autorités expriment clairement leur impuissance par rapport au phénomène de gangs armés sur territoire haïtien qui, depuis plusieurs années, tuent, pillent, violent en toute impunité.

Jerry Tardieu affirme que le premier objectif de En Avant est de restaurer l’autorité de l’Etat et la sécurité en Haïti : « Il faut que les Haïtiens puissent vaquer librement à leur activité, quelle que soit leur condition sociale et les villes dans lesquelles ils vivent. Pour cela, la création au sein de la Police nationale d’une nouvelle structure anti-terroriste avec un équipement adéquat permettra de lutter contre les milices armées qui gangrènent le pays ».

L’ancien député revient sur son expérience au parlement haïtien.

 « Mon expérience à la chambre des députés a été une expérience enrichissante. Le parlement vous aide à mieux comprendre les rouages de l’administration publique, du système politique. Cela permet aussi de comprendre le mécanisme de cette grande corruption qui existe dans le pays », explique Jerry Tardieu. Se qualifiant d’ancien député de la minorité, il regrette de ne pas avoir eu la possibilité de tout faire à cause de la dictature du nombre qui règne au parlement haïtien. L’homme politique revient sur les différentes propositions de lois qu’il a présentées durant son mandat, notamment celles sur la Police nationale, la double nationalité, l’introduction du crédit bailleur comme outil financier. Il rappelle que certaines de ces propositions de lois ont été adoptées par décret et ont eu un impact considérable sur la société haïtienne.

Les priorités de En Avant

Donner à la police nationale d’Haïti la capacité de protéger et servir est la première préoccupation du mouvement politique En Avant, insiste Jerry Tardieu. Il parle aussi de l’emploi en faisant remarquer qu’il y a dans le pays beaucoup de jeunes diplômés et talentueux qui, malheureusement, ne peuvent pas trouver de travail. « Notre responsabilité est d’assurer les conditions aptes à garantir l’investissement privé, local ou étranger qui peuvent faciliter la création de millions d’emplois dont le pays a besoin », souligne l’ancien député. Il parle de d’éducation en soulignant, qu’en Haïti, il y a 4 000 000 d’enfants pour budget de 200 000 000 de dollars affectés à l’éducation. Ce qui représente un investissement de 50 dollars par année pour chaque enfant. Une situation que le député juge anormale en la comparant à celle de la République Dominicaine, le pays voisin d’Haïti, qui consacre 1000 dollars par année pour l’éducation de chaque enfant.

Des élections en 2022 ?

Pour Jerry Tardieu, les conditions ne sont pas réunies
Pour organiser les élections en Haïti, en raison de l’instabilité politique et la situation d’insécurité. « Quand est-ce que les conditions seront réunies ? On ne le sait pas. Mais elles devraient l’être tôt ou tard, parce que la démocratie passe par les élections », conclut-il.

Jerry Tardieu avec Darline Cothière, directrice de la Maison des journalistes

Jerry Tardieu interviewé par le journaliste haïtien Anderson D. Michel, résident de la Maison des journalistes.

Crédit photo : Ahmad Muaddamani, Karzan Hameed
Vidéo et montage : Ahmad Muaddamani

Les journalistes de la MDJ aux assises de Tours et aux prix Bayeux

La Maison des journalistes (MDJ) a pris part à deux événements médiatiques majeurs : les assises du journalisme de Tours et le prix Bayeux. Au cours de ces deux rendez-vous annuels, les journalistes afghans résidents de la MDJ ont été particulièrement honorés.

Assises de Tours (4 et 8-10 octobre)

Darline Cothière, directrice de la MDJ, Najiba Noori, journaliste afghane résidente de la MDJ et Mariam Mana, journaliste afghane ancienne résidente de la MDJ ont participé à la table ronde “Solidarité Afghanistan : les Assises ont donné la parole aux journalistes afghans exilés” animée par Catherine MONET, rédactrice en chef à Reporters sans frontière.

Animé par Catherine MONET, rédactrice en chef à Reporters sans frontières avec Akbar Khan ARYOBWAL, fixeur et interprète des médias français ; Darline COTHIÈRE, directrice de la Maison des journalistes ; Ricardo GUTIERREZ, président de la Fédération européenne des journalistes (FEJ) ; Mariam MANA, journaliste afghane réfugiée ; Najiba NOORI, journaliste afghane réfugiée ; Rateb NOORI, directeur vidéo du bureau de l’AFP à Kaboul ; Solène CHALVON, grand reporter, correspondante en Afghanistan ; Lotfullah NAJAFIZADA, directeur de Tolo News.

Darline Cothière est revenue sur la mission de la Maison des journalistes en rappelant que cette structure, unique au monde, a accueilli plus de 400 journalistes de 70 origines, en danger et arrivant en catastrophe pour fuir la répression.

“La Maison des journalistes est une sorte de baromètre de la répression dans le monde. En 2011, par exemple, nous avons eu un afflux de journalistes syriens. Maintenant nous sommes très sollicités par les journalistes afghans”, a déclaré Darline Cothière. Depuis le 15 août, la Maison des journalistes travaille étroitement avec ses partenaires pour (i) aider les journalistes afghans sur place et (ii) accueillir et installer dans de bonnes conditions ceux qui ont pu fuir. En effet, la MDJ a placé en priorité les journalistes afghans, tout en élargissant son dispositif d’hébergement limité à 14 chambres. “Nous avons besoin de les accueillir. Ils sont utiles à la France et au monde car, sans repères [qu’offrent le journalisme], on ne peut pas comprendre le monde dans lequel on vit”, explique Darline Cothière.

Crédit : Manuela Thonnel /EPJT

Arrivée en France en 2016, Mariam MANA fait partie de ces journalistes afghans ayant fui le pays bien avant la crise actuelle. Accueillie à la Maison des journalistes, elle est aujourd’hui heureuse de son intégration facilitée en grande partie par son passage à la MDJ. “C’est grâce à la MDJ que j’ai pu entrer en contact avec la communauté francophone. Cela m’a beaucoup aidé dans mon intégration en France. Car, il y a deux types d’exil : l’exil physique et l’exil linguistique. Ce dernier est encore plus dur”.

Arrivé en août dernier, Najiba Noori décrit la situation critique dans son pays bien avant la crise. « Avant le 15 août, les assassinats ciblés contre les journalistes ont augmenté, la violence s’est accrue, mais on continuait de travailler. Mais quand les talibans ont défilé devant chez moi, j’ai décidé de partir[1]. » Une décision difficile pour cette journaliste. “Quitter mon pays a été la décision la plus dure de toute ma vie. Tout ce que nous avons construit en tant que femme s’est effondré.” affirme émue Najiba Noori.

A retenir : “​​Il y a beaucoup d’axes d’aide aujourd’hui pour les journalistes afghans. Il faut penser à ceux qui sont arrivés, mais aussi à ceux qui restent. Il faut maintenir la pression sur les chancelleries occidentales et donner des fonds aux organismes qui peuvent aider comme la Maison des journalistes, la Fédération européenne des journalistes ou Reporters sans frontières. Ils ont aussi un besoin de transfert de compétences, d’enseignement ou de matériel.[2]

Lors de deux autres rencontres, cette fois devant des lycéens, les deux journalistes de la MDJ Samad Ait Aicha (Maroc) et Anderson D. Michel (Haïti) sont intervenus dans le cadre des missions de sensibilisation et d’éducation aux médias que mènent la MDJ. Accompagnés d’Albéric De Gouville, président de la MDJ, qui anime ces rencontres, les deux journalistes ont mis en lumière les violations de la liberté de la presse dans leurs pays respectifs en prenant comme exemple leur propre parcours et les raisons qui les ont obligés à fuir et à demander l’asile en France.

Rappelons que la Maison des journalistes effectue cette mission d’éducation aux médias dans des collèges, lycées et centres d’arrêts dans le cadre du programme “Renvoyé spécial”.

Prix Bayeux Calvados-Normandie (29 septembre – 1er octobre)

Accompagnés d’Albéric De Gouville, président de la Maison des journalistes, et de Hicham Mansouri, chargé d’édition de L’Oeil, cinq autres journalistes résidents de la Maison des journalistes ont participé au Prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre : le syrien Ahmed Muaddamani, le guinéen  Mamadou Bah et trois journalistes afghans, Asghar Noor Mohammadi, Najiba Noori et Farshad Usyan.

De gauche à droite : les journalistes afghans Najiba Noori, Farshad Usyan et Asghar Noor Mohammadi.

Arrivée le 19 août en France, Najiba Noori a particulièrement attiré l’attention lors de la cérémonie de clôture en témoignant sur la liberté de la presse en Afghanistan et plus particulièrement celle des femmes.

Aux côtés de deux autres jeunes journalistes syriens, anciens résidents de la Maison des journalistes, Ahmed Muaddamani a pris la parole lors de la conférence “Syrie, la guerre est-elle finie ?”. Les témoignages émouvants, issus du vécu de la guerre, des trois journalistes ont recueilli des applaudissements chaleureux du public. “Les femmes, les femmes journalistes notamment, ne peuvent plus travailler ni même sortir dans la rue. Les talibans les privent des plus basiques de leurs droits” a affirmé Najiba Noori devant une audience déjà acquise à la cause.

Ahmed Muaddamani a participé à une seconde conférence, animée cette fois par Albéric de Gouville, avec Mamadou Bah et Hicham Mansouri. 

De gauche à droite : Hicham Mansouri, Ahmad Muaddamani, Mamadou Bah et Albéric De Gouville au prix Bayeux.

Devant des élèves et des enseignants de l’Académie de Normandie, les trois intervenants ont à tour de rôle analysé la situation de la liberté de la presse et d’expression dans leurs pays.

Quatre autres journalistes de la Maison des journalistes sont également intervenus auprès de collégiens et de lycéens : Makaila Nguebla (Tchad), Anderson D. Michel (Haiti), Samad Ait Aicha (Maroc) et Ghys Fortuné (Congo Brazaville).

[1]   https://assises-journalisme.epjt.fr/

[2]  https://assises-journalisme.epjt.fr/

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BÉLARUS. Trois photoreporters en exil témoignent (entretien)

 De gauche à droite : Kseniya Halubovitch, Violetta Savchits et Volga Shukaila devant la Maison des journalistes. Crédit : Hicham Mansouri

Elles s’appellent Violetta Savchits, Volha Shukaila et Kseniya Halubovitch. Trois photoreporters bélarusses en exil, venues à Paris pour le vernissage de l’exposition photo “Si près, si proche : Bélarus – un an de lutte” organisée à la Maison des journalistes (MDJ), et à laquelle elles participent. Entretien.

Vous êtes des photoreporters femmes en exil, et le thème de la femme est très représenté dans cette exposition. Les femmes au Bélarus sont-elles plus à risque ou bien sont-elles simplement plus courageuses ?

Violetta Savchits

Violetta Savchits : Les protestations féminines [de 2020, NDLR] ont eu un effet de surprise. Il y avait une sorte d’admiration de ces marches notamment dans les médias occidentaux leur donnant ainsi davantage de visibilité. Mais c’est aussi la conséquence d’un système patriarcal et sexiste ambiant. On a eu des scènes où des mecs sont battus par la police devant leurs copines qui, elles, ont été épargnées. Mais cela n’a pas duré longtemps. Dans les faits, la répression touche tout le monde, toutes les classes sociales, peu importe l’âge ou le sexe, même si la majorité des prisonniers politiques sont des hommes.

 

Qu’est ce qui dérange dans votre travail? L’aspect informationnel, émotionnel ou peut-être même militant?

Volha Shukaila

Volha Shukaila : Prenons l’exemple des deux filles sur cette photo. Elles ont réalisé des streams pour une chaîne de télévision bélarusse-polonaise, et ont été condamnées à des peines lourdes pour avoir “coordonné les manifestations”, en dirigeant les déplacements des manifestants. Je dirais donc que c’est surtout le côté information qui a dérangé, et ce pendant longtemps. Aujourd’hui, en révélant les violences policières que l’État tente de cacher, il y a un aspect émotionnel. Les photos parlent et constituent un facteur mobilisateur au travers des émotions véhiculées.

Kseniya Halubovitch

Kseniya Halubovitch : L’aspect émotionnel, en effet, est arrivé dans un second temps. Le côté émotionnel peut être interprété comme une forme de militantisme. Inquiétée un jour par le KGB, des officiers m’ont demandé si les sujets traités m’étaient imposés. J’ai répondu que non,  choisissant moi-même mes sujets et travaillant librement. Ils ont eu du mal à me croire. En tant que photojournaliste je ne fais que prendre des photos. J’ai déjà refusé de participer à une manifestation en 2020 pour conserver ma neutralité. Mais, à mon avis, c’est plus le combat pour l’information qui dérange, surtout que tout le monde peut aujourd’hui filmer ce qui se passe et envoyer aux médias ou en publiant soi-même. Un jour, la police m’a montré une vidéo amateur filmant une arrestation brutale, en me disant “des choses comme ça il ne faut pas filmer”.

Violetta Savchits

Violetta Savchits : La police combat le travail d’information sur les manifestations. La propagande minimise de cent fois le nombre des participants. Il est donc évident que les photoreporters soient

les premiers à être ciblés. Car ils montrent la réalité. La police a le feu vert pour arrêter toute personne qui filme, qu’elle soit journaliste ou pas.

Les peines contre les journalistes sont d’ordre sécuritaire et financier. Ces méthodes détournées de répression sont-elles plus efficaces?

Violetta Savchits

Violetta Savchits : les journalistes sont poursuivies et condamnées en vertu de l’article 23.34 du Code des infractions administratives (« violation relative à l’organisation ou au déroulement d’événements de grande ampleur »). Le code pénal est aussi instrumentalisé pour cibler les rédacteurs en chef notamment. Les peines sont d’ordre financier et sécuritaire. Concrètement, pour les médias extrémistes, cela commence par des amendes et va jusqu’à des peines de prison.

 

Que voulez-vous dire par “médias extrémistes” ?

Violetta Savchits

Violetta Savchits: Au Bélarus, tout média indépendant est considéré comme un média extrémiste (rires). Dans cette dictature ils te haïssent à tel point qu’ils te qualifient d’extrémiste avant de te coller un procès. Être journaliste extrémiste au Bélarus veut dire tout simplement que tu fais un bon travail. Chez nous, les mots “extrémiste” et “terroriste” commencent à perdre leur sens car la propagande les utilise sans cesse pour désigner les manifestants, les opposants et les journalistes critiques. Comme le dit l’Historien américain Timothy Snyder : « Les régimes autoritaires modernes, comme la Russie, utilisent des lois sur l’extrémisme pour punir ceux qui critiquent leurs politiques. De cette façon, la notion d’extrémisme en vient à signifier pratiquement tout sauf ce qui est, en fait, extrême : la tyrannie. »

Modern authoritarian regimes, such as Russia, use laws on extremism to punish those who criticize their policies. In this way the notion of extremism comes to mean virtually everything except what is, in fact, extreme: tyranny.” Timothy Snyder

Vivre en exil ne vous pousse-il pas, malgré vous, à devenir des opposantes et les porte-voix des opprimés au Bélarus?

Volha Shukaila

Volha Shukaila : C’est une question que je me pose chaque jour (rires). Je continue à m’identifier en tant que journaliste. J’ai toujours veillé à conserver ma neutralité. Par exemple, je ne scandais jamais les slogans quand je participais à une manifestation. Après mon exil forcé, je découvre que c’est de plus en plus compliqué. Je suis aussi un être vivant et je comprends mieux où se situent le mal et le bien. J’essaye de ne pas laisser les jugements personnels transparaître dans mes paroles et dans mes écrits sur les réseaux sociaux.

Kseniya Halubovitch

Kseniya Halubovitch : Avant les élections 2020, nous avons eu un show télé invitant des intervenants opposants à Loukachenko à débattre. Ce n’est plus possible aujourd’hui. La télévision en question a été fermée et l’équipe a été contrainte de fuir. Si un rédacteur en chef essaye de faire pareil il ne sait pas ce qu’il peut lui arriver. Il risque d’être arrêté. Il est donc difficile d’aller vers l’autre camp à cause du système totalitaire qui est en train de s’installer au Bélarus. Devant cette situation, je ne pense pas qu’on puisse prétendre à une neutralité. C’est comme dans le régime fascistes, les camps de concentration et les morts. On ne peut pas parler de ces sujets d’une telle atrocité en étant neutres mais en étant des êtres humains. Au Bélarus nous savons aujourd’hui que la torture est pratiquée. On ne peut pas mettre en relief la deuxième parole, qui est de la propagande, alors qu’on sait qu’il y a de la torture. La vérité te transforme et tu ne peux pas rester neutre.

Violetta Savchits

Violetta Savchits : Je garde toujours ma neutralité. J’essaye toujours de donner la parole à l’autre camp, y compris aux officiels. Je reconnais que c’est très injuste de quitter mon pays, mais j’essaie de ne pas infecter mon éthique journalistique. Bien sûr il impossible d’être neutre face à certaines situations comme la torture, mais, en même temps, si tu travailles avec les émotions tu ne peux pas donner la bonne information. Il y a toutefois un obstacle qui nous empêche de respecter cette éthique. On ne peut pas obtenir d’information officielle sans masquer notre identité. Est-ce qu’on ne peut pas franchir cette ligne pour s’adresser à eux sans s’exposer et prendre le risque? Autrement dit, qu’est ce qui est le plus important l’information ou l’éthique? C’est une question.

Kseniya Halubovitch

Kseniya Halubovitch : Un jour, la police m’a montré une vidéo de manifestants légèrement armés. La police voulait voir ma réaction, me provoquer. Je leur ai dit que vous êtes en train de me montrer une partie des évènements et que je ne peux pas répondre puisqu’on ne voit pas les scènes d’avant. Il est important de donner une information large et globale. Sans le contexte, la réception de l’information sera incorrecte et chacun l’utilisera à sa guise et afin de servir ses propres fins.

 

(*) Un grand merci à Alice Syrakvash, co-présidente de la Communauté des bélarusses à Paris, qui a assuré l’interprétariat de cet entretien.

 

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BELARUS. Svetlana Tikhanovskaïa reçue à la Maison des journalistes (vidéo)

Depuis la Maison des journalistes (MDJ), elle appelé Emmanuel Macron à prendre des « mesures décisives pour résoudre la crise bélarusse”. Vidéo : Ahmad Muaddamani, journaliste syrien résident de la MDJ.

 

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BELARUS. Svetlana Tikhanovskaïa sollicite Emmanuel Macron depuis la Maison des journalistes

Reçue récemment par Angela Merkel, Joe Biden et Boris Johnson, Svetlana Tikhanovskaïa choisit d’interpeller Emmanuel Macron depuis la Maison des journalistes (MDJ) accueillant des journalistes réfugiés et demandeurs d’asile.

Devant une salle comble, la conférence de presse “Droit d’informer et droits fondamentaux au Bélarus” s’est tenue mercredi 15 septembre à la Maison des Journalistes (MDJ). L’événement s’inscrit dans le cadre de l’exposition « Si près, si proche : Bélarus, un an de lutte vue par les photojournalistes[1]» organisée par, la MDJ, la Communauté des Bélarusses à Paris, l’Institut Polonais de Paris et l’Ambassade de Lituanie en France.

Darline Cothière, directrice de la MDJ, ouvre cette rencontre en soulignant la symbolique de la date et du lieu. Coïncidant avec la journée internationale de la démocratie, cette rencontre est une opportunité pour “mettre en lumière la situation des droits humains au Bélarus et de rappeler l’importance de la démocratie pour l’équilibre de nos sociétés”. Darline Cothière relie ensuite les journalistes réfugiés accueillis à la MDJ aux exilés bélarusses. Accueillir ces femmes et hommes dans ce lieu emblématique, la Maison des journalistes, renvoie aux 210 250 personnes ayant abandonné le Bélarus en 2020 pour fuir la dictature.

Darline Cothière. © Ahmad Muaddamani

Faire entendre la voix des biélorusses en France et dans le monde

Les regards et les projecteurs se sont ensuite tournés vers l’opposante Svetlana Tikhanovskaïa, ancienne candidate à l’élection présidentielle d’août 2020 et épouse du célèbre youtubeur emprisonné Sergueï Tikhanovski. Cette professeure d’anglais est la bête noire du régime de Loukachenko, “le dernier dictateur d’Europe”.

Depuis son exil en Lituanie où est établi son QG, Svetlana Tikhanovskaïa tente d’organiser l’opposition en multipliant les déplacements et les “tournées diplomatiques”. Reçue récemment par Angela Merkel, Joe Biden et Boris Johnson, elle est arrivée mercredi dernier à Paris pour deux jours.

© Karzane Hameed

Depuis la Maison des journalistes, elle appelle la France et Emmanuel Macron à prendre des “mesures décisives pour résoudre la crise bélarusse”. Elle estime que “la voix forte” de la France au sein des instances internationales, -comme l’Organisation des Nations Unies, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) ou encore le Conseil de l’Europe et de l’Union Européenne-, est capable de faire de la question du Bélarus, “une des principales priorités de la politique mondiale”. Si Svetlana Tikhanovskaïa, alerte sur la répression exercée par le régime en place dans son pays, elle s’inquiète surtout de l’oubli de la cause des Bélarusses.

Arnaud Ngatcha, adjoint à la Mairie de Paris en charge des Relations internationales et de la Francophonie, et Jean-Luc Romero-Michel, adjoint à la Mairie de Paris en charge des droits humains, de l’intégration et de la lutte contre les discriminations, ont salué le travail de la Maison des journalistes tout en réaffirmant le soutien de la Mairie de Paris.

Arnaud Ngatcha et Jean-Luc Romero-Michel. © Ahmad Muaddamani

Romero-Michel considère que la question bélarusse est un sujet qui a été “malheureusement un peu oublié car une crise en fait partir une autre, aujourd’hui on a été très focalisé sur l’Afghanistan” tout en rappelant l’importance que les parisiens sachent ce qui se passe dans ce pays qui est “le seul sur notre continent qui légalise encore la peine de mort”. 

Michel Eltchaninoff. © Karzane Hameed.

Le journaliste et philosophe Michel Eltchaninoff va dans le même sens et qualifie la situation de “non-assistance d’un peuple en danger”. Il pense qu’il est important de s’interroger également sur “l’indifférence et l’impuissance” face à la situation terrible vécue par les Bélarusses. Mais “l’impuissance est souvent le produit de l’indifférence” conclut-il.

Christophe Deloire. © Ahmad Muaddamani

Secrétaire général de Reporters Sans Frontières, Christophe Deloire a salué le travail de Darline Cothière et d’Albéric De Gouville (président de la MDJ) via cette exposition. “La Maison des journalistes est aussi un lieu de mobilisation” affirme-t-il. Le Bélarus est le pays le plus dangereux en Europe pour les journalistes. Le pays occupe la 158ème position dans le classement mondial de Reporters Sans Frontières.

A tour de rôle, les intervenants ont dressé le bilan accablant du régime de Loukachenko vis-à-vis de sa population et des droits de la presse.

[1] Découvrez les œuvres de 7 photojournalistes bélarusses sur les murs de la Maison des Journalistes du 9 septembre au 21 octobre 2021 et à partir du 15 septembre sur les grilles du jardin Villemin Mairie du 10ème arrondissement de Paris.

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BIÉLORUSSIE. Une exposition photo pour soutenir la liberté

En présence de Darline Cothière, directrice de la Maison des journalistes, Nerijus Aleksiejunas, ambassadeur de Lituanie en France, Anna Bilos, directrice de l’Institut Polonais de Paris, et Alice Syrakvash, co-présidente de la Communauté des bélarusses à Paris, le vernissage de l’exposition photo “Si près, si proche : Bélarus – un an de lutte vue par les photojournalistes” a eu lieu jeudi dernier à la Maison des journalistes (MDJ). 

Cette exposition, ouverte au public jusqu’au 21 octobre 2021, met à l’honneur le regard de sept photojournalistes bélarusses sur la situation politique dans leur pays. Reportage vidéo réalisé par Ahmad Muaddamani, journaliste syrien résident de la Maison des journalistes.

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Jean-Luc ROMERO MICHEL reçu à la Maison des journalistes

Il est environ dix heures, ce mercredi, lorsque Jean-Luc ROMERO-MICHEL fait son entrée à la Maison des Journalistes. L’adjoint à la Maire de Paris, également chargé des droits humains, de l’intégration et de la lutte contre les discriminations, est accompagné de son directeur de cabinet, Michel GELLY-PERBELLINI ainsi que de deux stagiaires.

L’ambiance est de suite conviviale. Darline Cothière, directrice de la Maison des Journalistes, commence la visite. Le hall retient déjà l’attention de Jean-Luc ROMERO-MICHEL “elle est belle cette exposition” en montrant les panneaux de l’exposition Cartooning for Peace. Il se retourne, remarque une seconde exposition à l’étage, mais Darline Cothière préfère garder le suspens, elle leur montrera plus tard.

Rencontre avec l’équipe de la Maison des Journalistes

La visite se poursuit, et Jean-Luc Romero-Michel fait la connaissance du personnel de la Maison des Journalistes. Antonin Tort, responsable d’action sociale et d’hébergement, explique comment il accompagne les journalistes exilés, à leur arrivée mais également tout au long de leur demande d’asile. Jeanne Albinet Chargée de mission Communication et Sensibilisation, échange avec Jean-Luc Romero-Michel sur l’importance de la sensibilisation du grand public, et en particulier des jeunes à travers le programme Renvoyé Spécial par exemple. Malgré la crise sanitaire, elle confie être heureuse d’avoir pu mener à bien la quasi-totalité des rencontres Renvoyé Spécial de l’année, dans les lycées et auprès des jeunes sous protection judiciaire. Le journaliste libanais, Ibrahim Cheaib nous a rejoint. Il revient tout juste de Marseille où il a effectué une rencontre Renvoyé Spécial et témoigne donc de son expérience : “Les jeunes ont beaucoup apprécié nos échanges et ils me l’ont fait savoir” explique t-il. “Le discours authentique de quelqu’un qui a vécu ça dans sa chair, ça leur parle”, confirme Darline Cothière. L’adjoint à la Maire de Paris soutient énormément cette initiative, et s’étonne d’ailleurs que la Maison des Journalistes ne reçoive pas de contributions de la part d’autres régions françaises alors même que Renvoyé Spécial se déplace dans toute la France. Après un regard complice avec Michel Gelly-Perbellini il indique “Nous pourrions sûrement vous aider à ce propos…”. L’adjoint à la Maire de Paris fait également la connaissance d’Hicham Mansouri, ancien résident de la Maison des Journalistes, et désormais chargé d’édition dans le média de l’association : l’Oeil de la Maison des Journalistes.

Visite des locaux, entre rires et émotions

L’équipe déambule dans les longs couloirs de la Maison des Journalistes, elle s’arrête parfois pour lire les nombreux articles accrochés aux murs. Nous montons à l’étage, puis Jean-Luc Romero-Michel s’arrête devant la fenêtre ouverte. Il lance, ironiquement, “Vous ne devez pas avoir de problème avec le voisinage”. En effet, la vue donne sur un cimetière. L’ambiance est à la rigolade, mais Darline Cothière évoque le choc de certains résidents à leur arrivée : “Certains résidents ont été choqués les premiers jours et m’ont expliqué que dans leur culture les vivants ne côtoient pas les morts. Moi je leur dis qu’il faut voir le bon côté des choses, car ils auraient pu bien être de l’autre côté !”, confie-t-elle. Cette symbolique a finalement aidé beaucoup de journalistes à accepter de vivre près des morts, cela a même aidé certains dans leur processus de reconstruction personnelle. “Depuis ma fenêtre en exil, je regarde avec envie les sépultures de Grenelle et j’entends l’écho des bien-aimés évoquer leurs tendres souvenirs.”, un extrait de l’exposition “D’ici” et plus particulièrement des propos de Hani Al Zeitani, journaliste syrien (pages 6 à 9 du Journal D’ici).

À la suite de ce passage à la fois drôle et touchant, Jean-Luc Romero-Michel découvre des photographies intriguantes, qui attirent l’œil. Darline Cothière explique qu’il s’agit d’une partie de l’exposition Alep Point Zéro, des photographies prises par Muzaffar Salman, d’origine syrienne. “Il a réussi à capturer des moments incroyables” remarque l’adjoint à la Maire de Paris. Après avoir finalement découvert les dessins que Jean-Luc Romero-Michel avait repéré dès le début de la visite, et illustrant la liberté de la presse et sa répression, l’ensemble du groupe descend au sous-sol pour y découvrir la bibliothèque et la cuisine.

Échange avec les résidents et anciens résidents de la Maison des Journalistes

La visite touche à sa fin. Mais Jean-Luc Romero-Michel prend le temps de découvrir chacun des journalistes présents. Ahmad, arrivé il y a peu depuis la Syrie, tient à offrir à l’adjoint à la Maire de Paris un cadeau, cadeau qui restera secret. Il échange ensuite pendant de longues minutes avec Vianney, journaliste burundais tout juste accueilli par la Maison des Journalistes. “Qu’est ce qui vous est arrivé ?” lui demande Jean-Luc Romero-Michel, et après la réponse de Vianney, l’adjoint s’émeut : “ça ne doit vraiment pas être facile de devoir quitter son pays, et tout ce qui s’y rattache”. Les résidents acquiescent, mais Ibrahim Cheaib ne manque pas d’ajouter que maintenant qu’ils sont là, à la Maison des Journalistes, tout va mieux.

Soudain, la porte s’ouvre. Mamoudou Gaye, journaliste mauritanien et ancien résident est venu faire une visite. Jean-Luc Romero-Michel s’étonne “Vous n’êtes plus résident et vous continuez à venir ?”, “Bien sûr, la Maison des Journalistes, ça a été ma Maison, mais c’est aussi une famille. J’y reviendrai toujours de temps en temps” confie Mamoudou.

L’adjoint à la Maire de Paris parle de la Maison des Journalistes comme d’un sanctuaire : “Chaque centimètre carré de mur est utilisé, ça rend le lieu unique”. Avant de partir, Jean-Luc ROMERO-MICHEL souhaite rappeler que la protection des droits humains et notamment de la liberté d’expression est une lutte de tous les instants. “La pandémie a été un prétexte pour réprimer et punir les voix dissidentes. La régression n’a pas touché uniquement les régimes autoritaires mais aussi des pays démocratiques”, affirme-t-il en donnant l’exemple de la France avec la loi Sécurité globale (le Conseil Constitutionnel a finalement censuré les articles les plus controversés).

Un échange profond et très intéressant qui s’est soldé par la réaffirmation du soutien de la Mairie de Paris envers la Maison des Journalistes.

Pour en savoir plus sur la visite de Jean-Luc ROMERO MICHEL à la maison des journalistes :  Jean-Luc Romero-Michel rencontre les journalistes de la MDJ

(*) Clémence Papion, étudiante en droit international, stagiaire à la Maison des journalistes

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