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Le « modèle occidental » s’est-il fissuré pour l’Afrique ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Pour le continent africain, le « modèle occidental » s’est fissuré. A partir de la victoire du Brexit. La sortie de route de la présidentielle aux Etats-Unis et en France, surtout avec l’épisode sur les « affaires » pour cette dernière, ajoute à l’effritement de l’image du parangon. Et à l’interrogation de celui qui l’imitait presque en tout.

Le Brexit interroge la presse africaine
© DR

Il s’agit de l’Occident, ex-colonisateur, et de l’Afrique, ex-colonisée. Ils n’ont pas rompu les liens, après les années des indépendances en 1960. Les rapports de forces restent encore, tels que c’est le plus faible qui se recommande de la bienveillance du plus fort pour apprendre à « vivre moderne ».

De ce fait, l’Occident se devait de lui apporter aide financière, militaire et technique. Et de lui apprendre les règles de la démocratie, selon ses critères, etc. En règle générale, il fut le maître du monde… et, un tant soit peu, le « modèle » que beaucoup de peuples imitèrent. Quant à l’Afrique francophone, elle s’inspirait plus de l’univers sociétal français et belge.

Au point qu’un Malien ou un Sénégalais lambda (ressortissants des ex-colonies françaises) ne pouvaient concevoir l’Europe qu’à travers l’image de la France. Il en était de même pour un Congolais de l’ex-colonie belge, qui ne voyait le Vieux Continent qu’à l’aune de la Belgique. Jusqu’à désigner les Belges du nom affectueux de « banoko » en lingala, traduit « oncles » en français.

Et alors ? Alors, vinrent les temps de déclin gravés dans le destin des empires. Thierry P. Millemann le résume ainsi : « L’Occident a réussi sa stratégie hégémonique, mais il a échoué sur l’harmonisation sociale de la planète » (1). En d’autres termes, c’est la fin de sa suprématie. Thèse longtemps validée par nombre d’observateurs. Or, une fin de règne s’accompagne souvent par des signes de déséquilibre. Certains Africains y décèlent, en l’occurrence, quelques-uns que voici :

Donald Trump
© Politico

– l’élection surprise de Trump, aux Etats-Unis, après le Brexit, a laissé les Africains pantois. Car, le vote – un des pivots de la notion de démocratie libérale -, fait désormais autant partie de l’ordre émotionnel que du choix rationnel. Dans cet Occident dit « cartésien » ! Résultat : l’Amérique est, aujourd’hui, dans l’embarras, secouée par l’amateurisme de son nouveau chef ;

– pendant ce temps, l’Europe occidentale vacille : l’Union européenne (UE) est en butte à l’implosion. En fait, le Brexit a créé un vent d’effet domino subjuguant. Sans emporter la conviction de la majorité, le phénomène, pourtant, a tout d’une épée de Damoclès suspendue sur la tête de l’Union.

En France, en particulier, le jeu de la présidentielle a révélé un visage souvent dissimulé : les « fous du pouvoir ». En l’espèce, incarnés par un François Fillon, pour qui le pouvoir prime sur l’honneur de la parole donnée. Juste, comme c’est le cas en Afrique ! Enfin, l’élection de Macron, à l’instar de celle de Trump, reflète sans conteste la remise en question brutale de l’ancien ordre. En « cassant les codes » ;

Emmanuel Macron
© Eric Dessons/JDD

– l’Occident a peur. Pour preuve : son refuge dans le repli identitaire, par exemple. Partout, on sent de la xénophobie monter d’un cran. Jusqu’à dicter la construction des murs anti-immigrés en Hongrie. Et, probablement, aux Etats-Unis…

Difficile, pour l’Afrique, à débrouiller un tel écheveau ! Néanmoins, une chose est certaine : le « modèle » est écorné.

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(1) Milleman P. Thierry, La face cachée du monde occidental, éd. Osmondes, 2005, 380 p.

 

Trump s’occupera-t-il de l’Afrique ?

[par Jean-Jules LEMA LANDU]

Comme partout ailleurs, l’Afrique a suivi assidûment le déroulement de la présidentielle américaine. Dans l’imaginaire collectif, l’Amérique, parée de sa grandeur économique et militaire, est perçue comme une sorte de puissance tutélaire universelle.

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Donald Trump élu 45ème président des Etats-Unis. (crédits photos: Mary Schwalm / AFP )

La Chine, la Russie, l’Allemagne, la France ou le Royaume-Uni, chacun a eu son mot. L’idée générale qui s’en dégage se résume à l’interrogation, tant Donald Trump, le nouveau locataire de la Maison Blanche, est un inconnu. Considéré, surtout, comme quelqu’un aux sorties à l’emporte-pièce.

Cela prouve que les Etats-Unis tiennent le manche de plusieurs leviers sur la marche du monde.

Quelle est la place du continent africain, en termes de profits économiques, politiques ou géostratégiques, sur cette plate-forme régissant les relations internationales ?

L’Afrique, en réalité, y est absente. Entre les Etats-Unis et l’ensemble des 54 Etats africains, spécifiquement, les échanges y sont exsangues. Entre 2000 et 2010, les exportations non pétrolières de l’Afrique furent chiffrées à 53,8 milliards de dollars contre 20, 3 milliards de dollars, dans le sens inverse, pour les Etats-Unis. La moyenne, de part et d’autre, est insignifiante !

En 2014, à l’instar de la Chine qui, en matière de financement en faveur de l’Afrique, tient le haut du pavé, l’Amérique a initié le sommet « Etats-Unis – Afrique ». Une sorte d’opération de charme, au cours de laquelle le président Obama a engagé son pays à verser 33 milliards de dollars, à titre d’investissements publics et privés. Deux ans après, la corbeille est encore quasi vide.

Libérer la démocratie

Côté politique, les Etats-Unis (comme le reste des autres puissances occidentales) n’ont jamais véritablement soutenu le continent, dans sa quête pour l’émergence de la démocratie. Les souvenirs liés aux années soixante, début des indépendances africaines, sont amers. Pour empêcher le continent de basculer dans l’escarcelle du communisme, Washington a exercé l’effet de criquet au développement de celui-ci, en favorisant des conflits internes.

En dépit de tout, l’Afrique n’avait cessé de regarder à ce « puissant maître », qui a fait de la démocratie le socle de sa vie. De la Maison Blanche – tout comme de l’Elysée ou de 10 Down Street -, on s’attendait de voir venir, un jour, la planche de salut. C’est ainsi qu’à l’élection de Mitterrand, en 1981, ou à celle de Clinton, en 1992 – supposés « progressistes » -, l’Afrique centrale a dansé de joie. Espoir trahi !

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Pierre Nkurunziza, président burundais, sable le champagne pour saluer l’élection du 45e président des Etats-Unis, Donald Trump. ( crédits photos : afrique-sur7.fr)

Désabusée, l’Afrique ne vibre plus pour les présidentielles, en Occident. Désormais, elle les regarde, assise au balcon. D’où l’étonnement de certains analystes, face à la joie qu’ont exprimée les présidents Pierre Nkurunziza du Burundi et Joseph Kabila de la RD Congo. Ils sont allés jusqu’à sabler le champagne, en l’honneur de l’« ami Donald ».

Or, le nouvel élu américain reste encore une énigme pour l’Afrique qu’il ne connaît, probablement, que de manière vague. Que cette hypothèse venait à se vérifier ou non, aurait-il à cœur le sort du continent, lui qui privilégie à outrance la notion de l’ « american way of live » ? Le doute est permis. Tout au moins, s’attèlera-t-il à considérer le continent, comme ses prédécesseurs, sous l’angle des intérêts géostratégiques et commerciaux, à travers l’installation des bases militaires et l’importation de matières premières nécessaires à la croissance américaine ?

Que les dirigeants africains quittent leurs illusions ! Le départ d’Obama, leur contradicteur obstiné, et l’arrivée à la Maison Blanche de Trump n’arrangeront en rien leurs ennuis. Car, c’est avec leurs peuples respectifs qu’ils ont affaire. Et, l’affaire est simple : libérer la démocratie.