Articles

La bâtarde d’Istanbul, un livre d’Elif Shafak

[Par Khosraw MANI, envoyé spécial du Festival de Cinéma de Douarnenez]

Une petite trace dans un passé oublié. C’est cette trace que la romancière Elif Shafak cherche dans son livre controversé, La bâtarde d’Istanbul, paru en 2006 en Turquie et traduit deux ans plus tard en français. 

Couverture du livre ©canablog.com

Couverture du livre ©canablog.com

À Istanbul, Asya, « bâtarde » de 19 ans, tombée en amour avec Johnny Cash et passionnée par l’existentialisme français, est la fille de l’une des quatre étranges sœurs Kazançi : Zeliha, la tatoueuse, Banu la clairvoyante, Cevriye l’institutrice et Feride l’obsédée par la survenue d’un désastre imminent. Trois autres personnages installés aux États-Unis complètent l’intrigue : Mustafa, son épouse arménienne, et leur fille, Armanoush.

Puis Armanoush part clandestinement à Istanbul où elle rencontre les quatre sœurs Kazançi et Asya. L’amitié naissante entre les deux jeunes femmes va faire voler en éclats un secret bien gardé : comment les deux familles ont été liées à l’époque du génocide arménien de 1915… Accusée par le gouvernement d’insulter la turcité et de raconter des histoires fausses, Elif Shafak, née en 1971 à Strasbourg, est la nouvelle voix de la littérature turque sur la scène littéraire mondiale.

[Pour lire les autres articles de nos envoyés spéciaux dédiés au 39ème Festival de Cinéma de Douarnenez, c’est par ici.]

Une étrange impression dans ma tête, un livre d’Orhan Pamuk

[Par Khosraw MANI, envoyé spécial du Festival de Cinéma de Douarnenez]

C’est cette strophe d’un poème de William Wordsworth qui pourchasse Mevlüt pendant quatre décennies de sa vie troublante.

Orhan Pamuk ©checksbalances.clio.nl

Orhan Pamuk ©checksbalances.clio.nl

Mevlüt Karataş, fils d’un vendeur de yaourt et de boza, quitte son village natal très jeune, afin d’aider son père qui vend cette boisson traditionnelle dans les rues et les ruelles d’Istanbul. Ses aventures, de 1969 à 2012, entrent en résonnance avec le récit d’une époque troublée : les transformations sociales, les coups d’Etats militaires, les conflits politiques.

Mevlüt fait son service militaire, tombe amoureux, il est trompé par son propre cousin, il voit disparaître un passé chéri et fait l’expérience de la métamorphose pénible de sa ville. Mais il reste le simple vendeur de boza qu’il a toujours été, gardien de cette vieille tradition ottomane.

Après Mon Nom est Rouge, Istanbul et Neige, Orhan Pamuk, lauréat du Prix Nobel, vient de livrer son dernier opus, plus contemporain que le premier, plus profond que le deuxième, plus impressionnant que le troisième. Orhan Pamuk fait, avec Istanbul, ce que James Joyce a fait il y a presque un siècle avec son Dublin imaginé : il recrée la ville à la lumière du hüzün, le nom turc de la mélancolie, qui hante Istanbul.

A paraître bientôt en français.

[Pour lire les autres articles de nos envoyés spéciaux dédiés au 39ème Festival de Cinéma de Douarnenez, c’est par ici.]

Douarnenez, rencontre entre sourds et interprètes

[Par Marie-Angélique INGABIRE]

La communauté sourde participe depuis plusieurs années au festival. Leur présence les aide non seulement à se rencontrer mais aussi à prendre conscience des problèmes qu’affrontent d’autres communautés minoritaires, comme le souligne Laëtitia Morvand, membre du collectif des sourds du Finistère.

Laetitia Morvan et Olivier Schetrit © Marie-Angélique Ingabire

Laetitia Morvan et Olivier Schetrit © Marie-Angélique Ingabire

Conférences, débats, films… toutes ces activités sont organisées de façon à permettre aux personnes sourdes de les suivre, avec des sous-titrages, ou grâce aux interprètes en LSF (Langue des Signes Française). D’où le rôle de Laure Boussard et ses 21 collègues présents au festival.

Des sourds ont souvent besoin d’un interprète dans la vie courante ; à l’hôpital, pour différents services administratifs, etc…Mais l’interprétation exige la confiance. Il n’y a donc aucune distance possible entre interprète et personne sourde. Les sourds ont besoin de comprendre le métier de l’interprète et sa déontologie. « L’année dernière il y a eu des bénévoles interprètes qui travaillaient ensemble et des sourds de l’autre côté, et on s’est rendu compte que chacun restait dans son coin. Des sourds se disaient que ce n’est pas la peine d’embeter ces interprètes professionnels. Il y avait un manque de lien,  en LSF … Tandis que dans d’autres évènements on rencontre des sourds qui jugent le comportement des interprètes incroyable,» explique Laëtitia Morvand.

Une rencontre interne est organisée ce jeudi entre ces deux camps afin de discuter à propos de ce défi qu’est la distance. Laure Boussard trouve ce moment très important dans la transformation du regard que chacun a envers l’autre. « Les sourds et les interprètes se plaignent. Comme au festival il y en a beaucoup, nous avons profité de ce lieu propice pour nous rencontrer entre nous comme le font d’autres communautés, et parler franchement afin d’améliorer la relation entre ces deux groupes qui se côtoient souvent. »

La France compte actuellement autour de 200000 personnes qui parlent la langue des signes. Leur langue date du XVIIe siècle mais a été  reconnue comme « langue à part entière » en 2005.