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L’accueil des réfugiés par des particuliers

[Par Frédéric ROY]

La France a accueilli lors des 18 derniers mois des milliers de réfugiés fuyant les conflits et ne pouvant demeurer dans leur pays. Les dispositifs d’accueil devant ce flux important ont montré leurs limites. Ils étaient très insuffisants avant cette vague considérable mais ces arrivées ont conduit à une situation de crise, une crise de l’hébergement. Des milliers de réfugiés se sont entassés sous les voix aériennes du métro à Paris et dans différents espaces des 18 et 19 ème arrondissements.

Manifestations de soutien aux réfugiés Place de la Republique à Paris en Septembre 2015 Crédits photo: AFP / FRANCOIS GUILLOT

Manifestations de soutien aux réfugiés Place de la République à Paris en Septembre 2015
Crédits photo: AFP / FRANCOIS GUILLOT

Cet afflux massif a suscité de nombreuses réactions venant de la société civile et du monde politique, souvent diamétralement opposées. Certains se plaignent de ces arrivées et parlent de crise des migrants. Ils voudraient fermer les frontières et clament sur tous les toits que la France ne devrait pas accueillir toute cette misère. D’autres cherchent des solutions : la maire de Paris par son désir de créer un centre d’accueil d’urgence ainsi que de nombreux particuliers qui se mobilisent pour accueillir chez eux ces réfugiés qui faute de places d’hébergement sont contraints à vivre à la rue.

Cet élan de solidarité est considérable et le nombre de ménages prêt à accueillir des réfugiés à dépassé le millier en Ile de France. Le gouvernement à travers la Ministre du Logement a décidé de se saisir cette opportunité et de favoriser ce type d’hébergement, n’étant clairement pas en mesure de répondre à la demande de logement (même après avoir demandé un effort de solidarité nationale notamment dans les territoires où la demande est moins tendue). Un appel à projet a donc été lancé pour participer au financement des associations qui accompagneraient ces réfugiés. Cette dotation sera de 1500 euros par réfugié et par an. A titre de comparaison, un réfugié hébergé en CPH (Centre provisoire d’hébergement : le dispositif classique d’hébergement des réfugiés -à peu près 1500 places en France-) coûte aux alentours de 30 euros par jour soit près de 11 000 euros par an. Il s’agit donc d’une aubaine pour le gouvernement qui hébergera à moindre frais des réfugiés.

Deux réflexions contradictoires

Cette mise en place politique mène à deux réflexions contradictoires. On ne peut que se féliciter de la participation de la société civile et de la solidarité citoyenne. Cependant, l’accueil des réfugiés nécessite au-delà de la bonne volonté, des compétences et des moyens. En premier lieu, se pose la question de la domiciliation de ces réfugiés. Qu’ils aient un toit est fondamental, qu’ils aient une adresse l’est presque autant. Sans adresse, on peut aisément se figurer que leur hébergement ne pourra se faire autrement que chez des particuliers et pour une période indéterminée.

Le réseau CALM (Comme à la Maison) lancé par l'organisation SINGA pour promouvoir l'accueil de réfugiés par des particuliers Source : singa.fr

Le réseau CALM (Comme à la Maison) lancé par l’organisation SINGA pour promouvoir l’accueil de réfugiés par des particuliers
Source : singa.fr

L’accueil des réfugiés par des particuliers leur permettra donc de s’intégrer et de découvrir la culture de leur pays d’accueil. Mais sans adresse, leur insertion sera difficile. Les questions de l’accompagnement, de l’ouverture des droits, de l’apprentissage du français resteront problématiques puisqu’elles nécessitent souvent la participation de travailleurs sociaux et de structures adéquates.

Que des citoyens accueillent des migrants contraints à l’exil est très réjouissant et je ne doute pas que l’intégration de ces migrants sera facilitée par les échanges réguliers avec la société d’accueil. Ceux qui sont hébergés dans un CPH, entre réfugiés, accompagnés certes de travailleurs sociaux n’entretiennent pas autant de liens avec la société. Que cet élan de solidarité réponde à la situation de crise de l’hébergement est également indéniable. Il est pour autant nécessaire de travailler à l’insertion de ces réfugiés et l’intervention de professionnels sera requise.

Cet appel à financement public est donc une bonne nouvelle à condition qu’il ne devienne pas le modèle pérenne de l’accueil de ces migrants puisque la dotation n’est vraisemblablement pas à la hauteur.

 

 

Le grand retour de l’identité nationale

[Par Frédéric ROY]

Au moins un sujet sur lequel la présidence socialiste nous aura permis de souffler. Avec le retour des présidentielles, le grand déballage sur l’identité nationale reprend. Avec lui tout un lot de propos conservateurs qui  ravivent le « c’était mieux avant ».

Le buste de Marianne, symbole de la République française Source : Reuters

Le buste de Marianne, symbole de la République française
Source : Reuters

Le fameux « c’était mieux avant » ne tient que pour l’équivalent français des WASP étasuniens. C’était, en effet, peut-être mieux avant pour les hommes de 30 à 50 ans, blancs et en bonne santé. Pour les femmes, les noirs, les handicapés, les juifs, les arabes et les homosexuels…, ce n’était sûrement pas mieux avant. Malheureusement, les décideurs et les politiques appartiennent encore en grande majorité à ceux pour qui c’était mieux avant. Ils nous servent donc de grands discours et voudraient qu’on débatte sur l’identité nationale, sur ces valeurs qui faisait de la France la grande nation qu’ils regrettent.

Il y a pourtant une chose dont on doit être sûr : c’est que l’identité n’est pas figée, rien ne sert donc de vouloir la définir puisque le temps qu’on le fasse elle aura évolué. Beaucoup peuvent, contraints ou non, changer de nationalité, d’autres de genre, de statut, de rôle et même d’origine. Etre né français puis grandir breton et vieillir européen est tout à fait envisageable. Alors les conservateurs rétorqueront que l’identité nationale n’est pas la synthèse des identités individuelles. Toujours est-il que définir l’identité, ne présente pas d’intérêt particulier, puisque notre regard se portera nécessairement sur le passé.

Ces questions d’identité nationale et de sa sacrosainte préservation marquent les positions en matière d’accueil des étrangers et fait resurgir le clivage intégration/assimilation. L’assimilation projette de faire rentrer dans le moule tous ceux qui, non français, voudraient rester en France, il faudrait donc que les étrangers adoptent les valeurs, les traditions et les coutumes de leur terre d’accueil, celles d’il y a 30 ans de surcroît !

L’assimilation est pauvre, elle n’est pas curieuse, pas ouverte, elle ne réfléchit plus et fait s’enliser la nation dans un entre-soi réducteur, elle est passéiste. L’intégration doit se penser, se repenser et évoluer au gré de l’identité des accueillis. Elle exige le maintien d’une réflexion qui fait d’ailleurs la vitalité d’une nation. Elle est tournée vers le futur. Force est bien sûr de constater que tout n’a pas fonctionné et que notre système d’intégration doit sans cesse évoluer. Il doit se régénérer mais abolir l’intégration au profit de l’assimilation est malheureusement aussi populiste que dangereux. Assimiler ou intégrer, c’est se contenter de ce que l’on est ou anticiper ce qu’on sera.

Comment répondre aux attentes des demandeurs d’hébergement ?

[Par Frédéric ROY]

Le SIAO 75 (Système intégré d’accueil et d’orientation) tenait conférence mardi dernier pour présenter son bilan et inviter les travailleurs sociaux partenaires à réfléchir à la question centrale de l’évaluation dans l’orientation des demandeurs d’hébergement vers les structures auprès desquelles ils trouveront refuge.

Dessin tiré de motione.over-blog.com

Dessin tiré de motione.over-blog.com

Le SIAO 75 est un groupement de structures de l’hébergement et de l’insertion, financé par la branche hébergement et logement de la préfecture (la DRIHL). Il a pour rôle de centraliser une partie de la demande d’hébergement d’insertion à Paris et de l’orienter vers des structures sociales qui répondront à la demande première.
Puisqu’il s’agit d’insertion, les demandes sont envoyées par des travailleurs sociaux, le SIAO ne reçoit pas de demande de particuliers. Ceci dit, et c’était le sujet à l’origine des échanges, les travailleurs sociaux qui transmettent les demandes doivent systématiquement le faire avec la personne en mal logement-hébergement intéressée et renseigner un formulaire de demande se terminant par une évaluation la plus précise possible et une préconisation vers telle ou telle structure d’insertion (CHRS, Pension de Famille, Résidence Sociale…)
Les places vacantes dans les structures d’hébergement sont dans le même temps signalées au SIAO. A ce dernier d’envoyer le bon requérant à la bonne structure pour que la mise en relation aboutisse à l’hébergement du premier par la deuxième. Car, c’est bien sûr à ces deux là que revient la décision finale.

Entre offre et demande

L’idée qu’une entité tierce centralise les demandes et les offres et fasse tampon semble être juste, l’idée que cette entité soit un groupement de coopération sociale à laquelle ont adhéré bon nombre de partenaires concernés est encore plus juste.
Le problème survient cependant dans la mesure où la création du SIAO ne résout en rien le problème du décalage entre offre et demande. Chaque travailleur social travaillait, avant sa création, avec son propre réseau et essayait de trouver une solution d’hébergement pour le public qu’il accompagnait. Aujourd’hui ces relations directes ont été interrompues et le SIAO intervient systématiquement. Ceci, pour certains, ne fait que complexifier un domaine qui l’était déjà trop.

L’écart entre offre et demande se creuse (du fait du manque de structures et de l’accroissement de personnes en situation de mal-logement) et le SIAO cristallise les déceptions des travailleurs sociaux qui sans lui avaient l’impression de faire mieux. Pire, l’intermédiaire n’est lui-même pas vraiment du métier et pourtant, il remet en cause le travail d’évaluation fait lors de l’orientation et de la préconisation par le travailleur social. De plus, de ce qu’on comprend des différents échanges avec les bailleurs, les critères d’accès au logement (suite logique d’un parcours d’insertion en hébergement réussi) sont tels que l’évaluation de la situation sociale des demandeurs n’entre que peu en compte dans l’acceptation de leurs dossiers ; d’où un paradoxe difficile à intégrer entre les attentes de la plateforme d’orientation qu’est le SIAO et les résultats que sont en mesure d’attendre les travailleurs sociaux référents et leur public.
Le SIAO a été perçu comme l’organisation qui pourrait résoudre une partie du mal hébergement à Paris, or elle ne l’est pas. Le SIAO 75 assure la veille nécessaire et transmet ses observations à l’Etat, son financeur, et aux collectivités pour qu’ils ajustent leur politique avec leurs priorités.

Après 3 ans d’existence le SIAO permet donc d’y voir plus clair (il publie chaque année un rapport d’activité très complet sur la situation de l’hébergement) mais ne répondra pas à la question de l’hébergement si sa mise en place n’est pas accompagnée de la création de solutions d’accueil supplémentaires.