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Attentats à Paris

[Par Marie Angélique INGABIRE]

Il est vendredi soir, le 13 novembre. Après une semaine surchargée, je rentre chez moi pour me reposer, le week-end est le seul moment où je m’occupe du ménage, fais des courses, et me repose longuement !

Paris et les attentats du 13 novembre (source: lanouvellerepublique.fr)

Paris et les attentats du 13 novembre (source: lanouvellerepublique.fr)

D’habitude je prends le métro quand je vais ou viens du boulot. Mais ce vendredi, j’ai pris une voiture, et on a emprunté la route passant par le Stade de France. 19h30, l’embouteillage est inévitable suite au match amical France-Allemagne. A cette heure-là, je suis le journal du soir. La radio France Info parle de la conférence qui se prépare sur le réchauffement climatique : la COP 21, qui aura lieu du 30 novembre au 11 décembre 2015 dans la ville du Bourget en France.
« Ce vendredi François Hollande a déclaré que la réussite de cette conférence sera fondée sur deux facteurs : Les résolutions qui seront adoptées et le maintien de la sécurité du peuple français » déclare un journaliste à la radio.
Vers 20 heures, finalement j’arrive chez moi, à 500 mètres du Stade de France, sur le boulevard Marcel Sembat. Enfin… je peux commencer mon week-end, me dis-je ! Malheureusement, ma joie ne durera pas longtemps car peu avant 22 h, des sirènes des voitures de police viennent perturber ma tranquillité. Peu avant, j’avais entendu le bruit d’une explosion mais je me disais que, dans cette banlieue de Paris, Saint Denis, un lieu cosmopolite très « chaud » et « animé», il devait y avoir des fêtes pour le week-end. Donc au départ, j’avais imaginé que ce bruit n’était autre que des feux d’artifice. Mais j’avoue que depuis l’attentat contre Charlie Hebdo, le bruit des sirènes me rend perplexe. Au même moment, j’entends des hélicoptères survoler notre ciel d’une façon inhabituelle. Je me précipite vers la télé, et change de chaîne : BFMTV annonce des attentats : des fusillades viennent de faire 18 morts, des blessés, et une prise d’otages. Le nombre des victimes augmente jusqu’à 129 morts et plus de 300 blessés. Toutes les chaînes TV et différents sites web ne parlent que de cette tragédie. Pendant tout ce week-end qui tourne au cauchemar, je ne fais que rester devant la télé et appeler les connaissances vivant à Paris pour savoir si elles vont bien.
Dimanche soir, je sors de chez moi et prends le métro. Plusieurs stations sont vides, même dans les gares les plus fréquentées comme Saint Lazare ou Gare du Nord, il n’y a presque personne. Les gens se lancent des regards interrogatifs, personne n’ose parler, tout le monde semble avoir peur.

Vue panoramique de la station de métro « Gare du Nord » à Paris (source: insecula.com)

Vue panoramique de la station de métro « Gare du Nord » à Paris (source: insecula.com)

Lundi, le deuil national continue, mais aucun rassemblement ni manifestation ne sont autorisés ; une minute de silence en mémoire des victimes sera observée à midi. Je dois faire une heure de trajet en métro pour aller au boulot. Au départ, je n’en ai pas envie mais comme la plupart des parisiens, « Il ne faut pas céder à la peur. La vie doit continuer, on est dans un pays libre, où règnent EGALITE, LIBERTE, FRATERNITE ». Ainsi commence la semaine. L’état d’urgence a été décrété ; on remarque une présence extraordinaire des policiers, mais cela ne rassure pas beaucoup la population, car d’après les informations dans les médias, certains terroristes sont toujours en fuite.
Notre peur est fondée : mercredi 18 novembre, les habitants de Saint-Denis sont réveillés vers 4h20 par des explosions, le bruit d’une fusillade et des sirènes de police et des pompiers. Sans tarder, tout le monde cherche à savoir ce qui se passe, mais on attendra près de vingt minutes avant que la télé nous en parle : des terroristes se sont retranchés dans un appartement à Saint Denis, et c’est à 400 mètres de chez moi. Les consignes sont claires : personne ne doit sortir. Tout transport public est interrompu, des écoles fermées, les habitants qui sont dans les 200 mètres de cet appartement ne peuvent pas y accéder si au moment de l’assaut ils n’étaient pas à la maison. Le journal est actualisé minute par minute, jusqu’à la fin de l’opération. Mais toujours, nous ne savons pas si nous pouvons sortir, circuler librement. Je choisis de rester cloîtrée chez moi, jusqu’à jeudi matin.
Dans les tramways et les trains, les passagers semblent toujours inquiets. Un simple bruit ou un train qui est retardé suffisent pour remarquer combien ils n’ont pas le cœur tranquille. La COP 21 aura toujours lieu, mais n’a-t-elle pas déjà échoué ? La sécurité de la population de France est-elle assurée avec autant de victimes ? Est-ce que ces attentats – qui ont eu lieu au moment où l’on s’approche des fêtes de fin d’année – ne vont pas perturber l’ambiance qui d’ordinaire caractérise la « Ville lumières » ?

Paris, recueillement sur la Place de la République

[Par Mourad HAMMAMI]

Dans la rue du Château d’Eau donnant accès directement à la Place de la République à Paris, à la place du menu du jour écrit sur un tableau et posé sur le trottoir, un propriétaire d’un restaurant a écrit un message de condoléances et de compassion pour les familles des victimes de l’attaque barbare de Paris dans la nuit du vendredi 13 novembre.

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Une pancarte rue du Château-d’Eau ©Mourad HAMMAMI

 

La tristesse est lisible partout. Les visages sont graves. Ils n’expriment ni haine, ni affolement, mais de la tristesse, du deuil, de l’incompréhension et de la consternation.

Ce lundi à midi est prévue une minute de silence sur la Place République en hommage à toutes les victimes fauchées par des attaques terroristes sans précédent qui ont eu lieu dans la nuit du vendredi 13 novembre à Paris et dont le bilan macabre dépasse les 120 morts.

La Place de la République, symbole de la résistance face à l’obscurantisme, est assiégée par une armada de journalistes venus de différents pays du monde. Des camions de transmission en direct et des caméras prêtes à filmer sont présentes. Beaucoup de journalistes ne cessent de se positionner face aux caméras.

Des journalistes en direct ©Mourad HAMMAMI

Des journalistes en direct ©Mourad HAMMAMI

Quelques minutes avant midi, des citoyens anonymes affluent vers la Place. Le lieu devient vite noir de monde. L’atmosphère est lourde. On est loin de la tristesse plus au moins supportable de l’attaque de janvier contre Charlie hébdo.

Les gens font un cercle autour du monument de la Place de la République. La minute de silence a été observée solennellement et la Marseillaise  a été entonnée par une foule de gens.

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La Place de la République ©Mourad HAMMAMI

 

L’émotion était à son comble, la tristesse est sans précédent. On a clairement le sentiment que le combat sera long, et que la France ainsi que tout le monde libre sont en guerre contre les forces rétrogrades et obscures.

France – Allemagne (2-0) : la victoire du deuil

[Par Emile Zola NDE TCHOUSSI]

Le succès des Bleus, deux zéro, sur la nationalmannschaft, finalement anecdotique, a été obtenu dans un contexte d’horreur à Paris. Retour sur une soirée de vendredi 13 novembre maudite.

(source : lemonde.fr)

(source : lemonde.fr)

A la fin de la partie vendredi soir, le journaliste Keyvan Naraghi de l’Agence France Presse (AFP), assis à mes côtés en tribune de presse au Stade de France a, dans une voix teintée d’émotion, résumé cette soirée dramatique : « Même sans deux de ses leaders techniques, Karim Benzema et Mathieu Valbuena, l’animation offensive des Bleus a bien fonctionné. Mais avec ces multiples attentats sur Paris et cette sortie difficile du stade, on ne retiendra de ce match que le nombre de morts de cette triste journée … »

Comment en est-on arrivé là ? Pourrait-on se poser la question ? Vers la 17ème minute de jeu, pendant que Français et Allemands se neutralisaient sur une pelouse du Stade de France, très vite transformée en champ de patates, une forte détonation a retenti, puis une deuxième trois minutes plus tard.

Des clameurs se font entendre dans le public. Les spectateurs pensent alors qu’il s’agit d’un simple gros pétard. Le match continue sans encombre. Les Allemands sont légèrement dominateurs. Mais sur deux nettes occasions, Mario Gomez et Thomas Müller, vont se montrer maladroits face au portier français, Hugo Lloris. Poussés par leurs nombreux supporters, les Bleus ouvrent le score pendant les arrêts de jeu de la première mi-temps. Anthony Martial ayant donné le tournis à un défenseur allemand sur la ligne, avant de servir idéalement Olivier Giroud. Le stade de France exulte.

Fusillades à Paris

Pendant la pause, informé des multiples fusillades en plein Paris, le président François Hollande, qui assistait à la rencontre, est exfiltré du Stade de France. Un hélicoptère survole pendant longtemps le stade. Dans les travées, l’affaire du « chantage à la sextape » qui alimentait les commentaires avant le début de la partie, est désormais relayée au second plan. En tribune de presse, c’est l’agitation : les journalistes, grâce à la WiFi du stade, sont informés des drames qui se déroulent au Bataclan et ailleurs.
L’on appendra plus tard, que le préfet de police, a vite identifié les deux explosions comme étant des actes terroristes. Il est alors demandé à Philippe Tournon, le responsable de la communication des Bleus, et à Didier Deschamps, le sélectionneur, de ne pas informer les joueurs qui sont encore au vestiaire. Il est décidé, dans un souci de sécurité publique, de poursuivre le match.
Lors du deuxième acte, Thomas Müller trouve le poteau, à la 77 ème minute. La France, qui a une meilleure maîtrise de la partie, double la mise à la 86 ème minute, pendant qu’un hélicoptère survole le stade. André Pierre Gignac qui venait de faire son entrée, à la place d’ Olivier Giroud, a, à la suite d’un joli mouvement orchestré côté gauche par Evra et Matuidi, marqué d’un coup de tête puissant. C’est ainsi que les Bleus ont battu, sous haute tension, le champion du monde en titre en match amical vendredi dernier.

Coli suspect

A la fin de la partie, le speaker du Stade de France explique qu’il y a eu un «incident» à l’extérieur et annonce la fermeture de la sortie Est ainsi que l’accès au parking. De la tribune de presse, nous constatons que les chaînes diffusent, sans cesse, les images de la prise d’otages du Bataclan. Les joueurs regagnent les vestiaires mais s’arrêtent dans le tunnel… Une télévision diffuse les images en direct des attentats. Les Bleus sont tourmentés. Les conférences de presse des sélectionneurs sont annulées.
Plusieurs appels au calme sont lancés et les supporters quittent lentement le stade, mains en l’air ou sur la tête, passant au milieu d’un double cordon de sécurité. Les policiers, nerveux, ont tous le doigt sur la gâchette. Arrivés à la station « Plaine-Stade de France», vers 23h30, sur la ligne du Rer B, des centaines de supporters, certains drapeau bleu-blanc-rouge en main, font demi-tour pour une autre raison. Les agents de sécurité de SNCF annoncent « un coli suspect » à la gare du Nord. Tous les transports publics sont à l’arrêt. Ce mouvement de foule fait refluer une partie des spectateurs à l’intérieur du stade, la pelouse et les alentours du stade deviennent alors le lieu d’attente pour des centaines d’entre eux.
Au petit matin de samedi 14 novembre, Paris est une ville en deuil. La gare du Nord, habituellement très bondée, est quasi déserte. Vers 6h, sur la ligne 4, le conducteur « pour des raisons de sécurité » est contraint de sauter la station Strasbourg Saint-Denis. L’on appendra de sources sûres, selon un dernier bilan, que les multiples attentats de Paris est de 129 morts et 352 blessés dont 99 se trouvent dans « une urgence absolue »; que les Bleus «choqués» ont été évacués du stade à 2h55 en direction de Clairefontaine; que les Allemands, également «offusqués» ont passé la nuit dans les vestiaires et ont regagné l’aéroport directement au petit matin. Enfin, le match amical Angleterre-France, ce mardi à Wembley, longtemps incertain, est maintenu.