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Congo : Scandales à la présidence, au palais de justice, dans les écoles et…

La République se délite. La semaine qui vient de s’achever révèle un grand nombre de dysfonctionnements dans l’appareil administratif, sécuritaire, éducatif, judiciaire, religieux et diplomatique. Les antivaleurs et les scandales de tout ordre ont phagocyté les bonnes mœurs au point de penser à un malaise généralisé.

Décryptage

Le président de la République du Congo, a eu une intense activité et beaucoup voyagé en 187 heures. Il s’est d’abord rendu en Italie. Après, il est revenu à Brazzaville où il a été très mobile avant de s’envoler pour Boundji via Olombo-Oyo. 39 heures après, il a rejoint Brazzaville. Aussitôt rentré, il s’est mis à réviser le discours qu’il devait prononcer le 5 février 2024 à la réunion du haut sommet sur la Libye à Kintélé. Dans le hall de la salle de réunion, il a trébuché.

Selon certaines indiscrétions, il aurait fait un malaise à sa résidence et aurait divagué à la manière de Joe Biden. Les réseaux sociaux se sont délectés des faits en allant dans tous les sens. L’incertitude s’est muée en inquiétude. La santé du chef de l’État est glosée dans tous les milieux. Simple rumeur ou vérité. Les communicateurs de la République sont silencieux comme des carpes.

Les populations ont besoin d’être rassurées pour tordre le cou à tous les quolibets qui alimentent la toile. Peut-on se permettre de dire que dans « cent grammes de rumeur, il y a au moins dix grammes de vérité » ? Cela semble se vérifier car, quelques heures plus tard, Brazzaville a été plongée dans le noir jusqu’au départ de Denis Sassou Nguesso comme à l’époque où il partait se faire soigner en Espagne.

M. Sassou qui prend le temps de se reposer, se faire masser et se doper des médicaments après une intense activité, s’est curieusement envolé pour Dubaï le 7 février 2024 d’où il rentre bredouille – sans avoir signé d’accord ni ramené des fonds – dans sa gibecière. Pourquoi l’a-t-on donc mis précipitamment dans l’avion ?

Au même moment, le Congo s’est agité : les élèves du lycée 5 février ont tenté une révolution, le ministre d’Edgard Nguesso, Léon Juste Ibombo a enfoncé le clou en semant la zizanie auprès du peuple. De son côté, le général Ndenguet a conféré avec les évêques du Congo. Au palais de justice, on est passé à un pas d’un affrontement entre gendarmes et policiers, entre les soutiens de JDO et ceux de Christel Denis Sassou Nguesso

La rencontre du général Ndenguet et les Évêques et différents scandales

La retrouvaille des évêques du Congo à la résidence privée d’Obouya du général Ndenguet située à 620 kilomètres de Brazzaville et sur son invitation, participe, sans nul doute, du fervent désir de demander l’intercession des hommes d’église pour M. Sassou, la paix du Congo et bien sûr pour ledit général.

La santé et la paix n’ont pas de prix, dira-t-on ; il faut faire feu de tout bois. La énième remise du Congo aux mains de Dieu s’affiche sur le catalogue de toutes les demandes formulées à ce jour auprès du Tout-Puissant. Les gouvernants ont-ils seulement compris la valeur du pardon et de la rémission des péchés ? Revenons sur le droit chemin pour mériter le pardon de l’Immanence.

Le congolais reproche aux évêques de l’Eglise catholique du Congo de ne pas décliner l’invitation d’un officier-général, directeur général de la Police depuis 27 ans cité dans plusieurs assassinats. L’Église devient-elle complice de la dictature ou corrompue ? 

Mais entre-temps, le général Ndenguet, n’a pas vu venir l’humiliation que devait connaître son rejeton, madame Sarah Pereira, qui, respectueuse des textes réglementant la procédure de radiation et de déclaration d’une entreprise, s’est vue confrontée à l’arbitraire et à l’abus de pouvoir, du greffier Endzena Okali Gédéon Perphyte qui serait influencé par le colonel – président du tribunal de commerce de Brazzaville (TCB) Bossouba. Mme Pereira et sa collaboratrice, depuis trois semaines, se sont rendues plusieurs fois au TCB dans l’espoir de récupérer les documents leur permettant d’engager les activités commerciales.

Malgré qu’elle s’est acquittée des droits y afférant et mouillé aussi la barbe pour obtenir ce précieux sésame, le TCB l’a menée en bateau jusqu’à la date du 8 février 2024 où, lasse d’attendre, a fait vertement valoir ses droits, ce qui a abouti à une dispute. Sur instruction du colonel-président qui demandait de stopper le vacarme au sein du Palais de justice, le greffier à son tour a transmis le message aux gendarmes qui ont brutalisé et soulevé madame Sarah Pereira jusqu’à la placer en garde à vue au poste de gendarmerie du palais de justice de Brazzaville.

Après des coups de fil auprès du colonel-major Olangué de la gendarmerie et à la direction de la police, des dizaines de gendarmes et des policiers ont débarqué au palais pour libérer Sarah Pereira et cueillir les gendarmes qui avaient placé la dame. A son tour, le procureur de la République adjoint (PRA) Mbongo, ordonne la libération de Sarah Pereira et refuse de livrer les gendarmes. Fâché, le capitaine de l’escadron insulte le PRA.

Par solidarité, les magistrats et les greffiers qui ont assisté à la scène, veulent partir en grève si ce capitaine n’est pas sanctionné. Le ver est dans le fruit. Selon certaines indiscrétions, cette affaire n’est qu’une guerre larvée des clans nordistes dont Sarah Pereira ne serait qu’une victime collatérale et devait être le dindon de la farce d’un noyau Mbochi pressé de succéder à Denis Sassou Nguesso. Un scandale de plus dans l’espace judiciaire où le greffier, malgré le serment de confidentialité, s’est permis de filmer et poster une vidéo sur les réseaux sociaux. 

De même, il est triste pour ce capitaine de désobéir aux ordres du PRA sous prétexte, qu’au cours du réveillon d’armes, le commandant en chef aurait demandé de ne « serrer » les fesses que devant leur chef hiérarchique. Bref, tous ses problèmes ne seraient pas arrivés si le dossier avait été traité dans les délais.

À peine M. Sassou s’est ouvert aux jeunes dans son adresse à la nation que ceux-ci ont vite fait de s’abreuver à la mare de l’incivisme. L’école congolaise est véritablement au creux de la vague. Les symboles sacrés de la République viennent d’être profanés dans l’espace éducatif. Sacrilège ! Le drapeau, incarnation de l’identité, la fierté et la dignité de la nation, a été souillé par ceux-là même que le pouvoir a fabriqués et mis dans la rue pour tuer, violer et agresser les paisibles populations. Les bébés noirs ont été recrutés et continuent de l’être parmi les jeunes, scolarisés et rebuts du système éducatif. Ils ont l’onction de leurs parrains dont le désir de traumatiser les citoyens est organique.

Le premier ministre Anatole Collinet Makosso a convoqué une réunion le 9 février en rapport avec la situation qui s’est produite au Lycée du 5 février, mais il n’a pas, à tort, cru utile d’associer les gestionnaires des forces de sécurité. Cela est-il révélateur du malaise et de l’impuissance du Premier ministre à faire des injonctions à ceux qui doivent assurer l’ordre et la discipline ?

Pire, il n’a pas pu rappeler à l’ordre Léon Juste Ibombo qui confond les missions du régulateur avec celles du ministre jusqu’à semer la confusion. Comment un ministre peut-il publier la note n°0212/MPTE-CAB/24 de baisse des tarifs internet et des communications alors qu’aucun tarif n’a été modifié jusqu’à ce jour ?

Ibombo voulait-il pousser subtilement des gens au soulèvement ou régler simplement des comptes au directeur général Louis Marc Sakala de l’Agence des Régulations des Postes et Communications Électroniques ? Autant de questions que nous développerons dans nos prochaines livraisons.

La situation est très confuse et volatile au Congo. Il n’est pas exclu qu’avec le malaise généralisé que le pays implose demain.

Ghys Fortune BEMBA DOMBE

Présidentielle/RD Congo :  David contre Goliath

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France

Depuis dimanche 8 octobre, le tableau des candidats à la présidentielle de la République démocratique du Congo 2023 est complet. Ils sont 25 prétendants sur la ligne de départ. Le président sortant, Félix Tshisekedi rempile pour un second mandat, à côté des poids lourds de l’opposition que sont Martin Fayulu, Moïse Katumbi ou Matata Ponyo. Y compris le Dr Mukwege pour le compte de la société civile. Et consorts.

Jamais élections n’auront suscité autant de frénésie que de paroles vaines, jusqu’à la bêtise. En raison du contexte tout particulier qui les caractérise : le vide du pouvoir. Mais, aussi, paradoxalement, le plein de moyens de communication et la vitesse qu’ils donnent à l’information. Tout se sait. A la minute près.

Mais, frénésie, pourquoi pas intérêt, alors que cette dernière dimension intègre les éléments constitutifs d’une élection ? Parce que, à vrai dire, depuis que le général Mobutu a confisqué la démocratie, en 1965, la politique en RD Congo est devenue l’objet de folklore. Par la force ou par la fraude, on y accède pour détourner les deniers publics, faire bombance et tourner le peuple en bourrique.

 Il y va ainsi d’élections en élections. Y compris celles auxquelles le peuple est appelé à participer, en moins de trois mois. Au fait, si les hommes passent, le système de prédation qu’ils ont érigé à tous les niveaux du fonctionnement de l’Etat demeure intact. Félix Tshisekedi ne s’en est pas écarté. Au contraire, il y a remis une couche. Népotisme, tribalisme, chapeautés par un début de dictature redoutable, sont des faits indéniables, qui ont émaillé son quinquennat.

Cas Mukwege : en délibération

Les exemples en cela sont légion. Mais, on en choisira que le plus illustratif d’entre tous et, sans doute, le plus discréditant. Il s’agit de cette promesse faite, en fanfare, par le chef de l’Etat, en juin 2021, à Butembo, dans l’est du pays : « Tant que je n’aurai pas réglé le problème de sécurité dans l’est du pays, je considérerai n’avoir pas réussi mon mandat ». A tout le moins, une telle promesse au peuple a valeur de serment.

Bien plus, depuis, le phénomène a pris de l’ampleur. Selon la déclaration de la représentante de l’ONU en RD Congo, Madame Bintou Keïta, sur les antennes de RFI, mercredi 11 octobre, neuf personnes par jour perdent la vie, du fait des violences des groupes armés. Et ce, depuis le mois de janvier 2023. Plusieurs provinces en font actuellement les frais, apprend-on des sources concordantes, jusqu’aux portes de Kinshasa.

Qu’en dire, sinon réclamer haut et fort la démission du chef de l’Etat, pour parjure ? Dans d’autres cieux, c’est une affaire entendue. Sans autre forme de procès.

© Valeriano Di Domenico

La question reste donc posée, parce qu’au sommet de l’Etat, on n’en a pas conscience. Mais, surtout, parce qu’il y a une nouvelle donne dans le paysage politique. Il s’agit de l’entrée dans la danse électorale d’un groupe d’opposants populaires, diplômés, crédibles, sinon ayant montré leur efficacité pour la promotion de la chose publique.

Ils s’appellent Martin Fayulu, vainqueur des élections de 2018, mais privé de sa victoire par l’ancien président Joseph Kabila (situation désignée par la diplomatie française de « compromis à l’africaine »), Moïse Katumbi, ancien gouverneur de la province du Katanga, Augustin matata Ponyo, ancien premier ministre, économiste de haute volée et les autres, Delly Sesanga, juriste apprécié.

Mais le plus coriace des challengers face au président sortant, c’est le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018. De son état, médecin gynécologue-obstétricien, le Nobel est aussi professeur des universités ; bâtisseur affirmé – ayant construit plusieurs écoles, ainsi que le célèbre hôpital spécialisé de Panzi, à Bukavu, le tout dans la province du Sud-Kivu -, pasteur adulé dans sa ville natale de Bukavu, polyglotte et écrivain de talent, avec à son actif plusieurs ouvrages, dont le tout dernier intitulé « La force de la femme ».

Bien sûr, sa popularité ne crie pas sur tous les toits comme celle, jadis, attribuée à l’ancien président américain Obama, aux Etats-Unis. Néanmoins, le Dr Mukwege est dans l’esprit de la plupart des Congolais. En situation de délibération.

Qu’en penser ? Un tel homme intelligent, travailleur acharné, qu’accompagne une probité indubitable, serait-il incapable de « réparer » le pays, à l’instar de ce qu’il réalise dans son hôpital, en « réparant » des milliers de femmes violées ? En quoi l’image, pour ceux qui l’ont critiquée, est-elle fausse ? L’image n’est-elle pas l’une d’expressions de la pensée et même des figures de style préférée en journalisme, en particulier ?

Le dictateur Yahya Jammeh, battu

On a évoqué, au début, la présence de la « parole vaine », en voilà une, explicite ! Quand on parle, en public, de ce qu’on ignore… on glisse vite vers la bêtise. Boileau ne conseillait-il pas sans cesse : « Evitez la bassesse »

Qu’on s’entende sur la personnalité d’un Nobel : c’est un « grand ». Ailleurs, c’est une autorité dont la voix porte, et qui mérite respect. Dans l’imaginaire collectif, un Nobel est un personnage qui habite le nouvel Olympe, au-dessus de nos têtes. Aussi voit-on rarement un Nobel descendre de son piédestal pour une arène politique. Ce qui démontre pour le médecin congolais son ardent désir de servir son peuple, en perdition, aux dépens de toutes les autres considérations.

C’est que le Nobel congolais, du coup, a accepté de « jouer le jeu » : l’arène politique est comme un ring de boxe, où on se donne des coups. Il devra porter les coups contre son adversaire, mais des coups francs… et il en a plein dans son carcois, pour vaincre. C’est vrai qu’il se trouve en face d’un président en exercice, bien loti, soutenu en plus par ce qu’on qualifie de « prime du sortant ». Mais, l’histoire pointe, parfois, des paradoxes ahurissants, où un David parvient à battre un Goliath.

Le cas de la Gambie, en décembre 2016, est encore présent dans la mémoire. Adama Barrow, candidat de l’opposition unie, simple fonctionnaire, a battu le dictateur Yahya Jammeh, réputé féroce multi millionnaire, au pouvoir depuis 22 ans.

Cela peut être possible en RD Congo. Pourvu que l’opposition s’unisse et que chacun oublie son ego, au bénéfice du pays à l’article de la mort.

Pendant ce temps, des propositions se forgent et s’échangent. On voit acceptée, en majorité, une composition « idéale » de tête, formée du Dr Mukwege, auréolé de son estime internationale, comme président de la République, Fayulu, chevronné en politique, comme Premier ministre, Katumbi, à l’Intérieur, Matata Ponyo, à l’Economie et Sesanga à la Justice…

Si jamais ces élections ont lieu…

Kabila, lâché par ses pairs africains?

Kabila fait partie de ces chefs d’Etats les plus maudits par leur peuple. Mais, comme un roseau qui plie, aucun vent n’a eu raison de l’autocrate. Depuis dix-sept ans, il défie la démocratie, chahute son peuple et snobe la communauté internationale. Mais, pour l’heure, c’est comme si ses pairs africains avaient décidé de le laisser sur le bord de la route.

Taiseux, jusqu’à le confondre, presque, avec un « timide pathologique », cet homme formé au maniement de kalachnikov – sans plus -, est pourtant un fin stratège politique. Sa force et ses astuces : élections cafouilleuses ; division de son opposition par la corruption ; répression massive à balles réelles contre son propre peuple… mais, aussi, sur le plan diplomatique, l’appui inconditionnel de ses pairs, au sein de l’Union africaine (UA), transformée en « syndicat des chefs d’Etat africains ».

Il incarne, au cœur de l’Afrique, le troisième protagoniste de l’histoire dramatique que tisse la « malédiction congolaise ». C’est un héritier d’une race de dictateurs, dont Mobutu et Laurent Kabila, son propre père. Mais, comble de malheur pour le peuple congolais, il n’a porté de cet héritage politique que les gènes de défauts de ses deux prédécesseurs, en excluant ceux liés aux rares qualités qu’ils possédaient.

Ainsi, de Mobutu et de Kabila père, le légataire Joseph Kabila s’est doté des « gènes dictatoriaux ». A outrance. Côté positif, il s’est débarrassé, par exemple, du sens élevé que manifestait Mobutu, pour un Congo unitaire, aussi bien que du nationalisme (au sens noble), dont se nourrissait Laurent Kabila.

«Bruit de vote et de bottes»

Tel est le portrait, croqué, de ce prince médiocre, qui voudrait continuer à garder le pouvoir pour le pouvoir. Au-delà de son mandat constitutionnel. Dans le bras de fer que son gouvernement a engagé avec l’Eglise catholique, le cardinal congolais Monsengwo a enfoncé le clou : « Que les médiocres dégagent », a-t-il martelé. Allusion faite, singulièrement, à l’endroit du chef. Qui ne connaît ni Socrate, ni Descartes, ni Einstein…

L’Union africaine, en passe de mutation de mentalité, a-t-elle entendu le cri d’alarme du prélat ? La présence en son sein de quelques présidents démocratiquement « bien élus » commence à empêcher – un tant soit peu -, l’exercice inconsidéré des « solidarités négatives ». C’est un fait majeur dans la conduite de cette institution appelée à amener l’Afrique vers le progrès.

C’est aussi une première que d’entendre, avec délectation, un président africain, démocrate, condamner sans fard un de ses pairs, autocrates.  Récemment, à Londres, le nouveau président botswanais (Botswana), Mokweetsi Masisi, a demandé à son homologue congolais de « partir ».

Mais, le lâchage spectaculaire, de ce point de vue, aura été celui mis en épingle par le président rwandais, Kagame. Lors du sommet africain organisé, fin avril, à Kigali (Rwanda), sous le thème « L’Union africaine est-elle nécessaire ? », l’opposant congolais Moïse Katumbi a eu droit à la parole, au même titre qu’un président africain. Or, le président rwandais assure, pour le moment, la présidence tournante de cette organisation.

Kabila, donc, est-il devenu « le poil à gratter », au sein de l’Union africaine ? Tant mieux. Cependant, tant qu’il continuera à s’imaginer inamovible, le bruit « de vote et de bottes » reste largement garanti. Aussi bien au Congo qu’en Afrique centrale. Déjà, partiellement embrasée.

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France

RDC : Entre les deux camps, à qui la faute ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Le train de la transition, pour atteindre le cap des élections prévues fin 2017, est toujours hors des rails. Et pour cause. Plus par la persistance des manœuvres dilatoires entretenues par le camp présidentiel que la réalité des ambitions marquée par les leaders de l’opposition. Au point que la communauté internationale et nombre d’observateurs commencent à y voir déjà un « jeu puéril » de mauvais goût.

Rat-race (Course au pouvoir), Chéri CHERIN, 2007 ©horvath.members.1012.at

En témoigne la nomination, à la hussarde, de Bruno Tshibala, le 8 avril, au poste de Premier ministre. En dehors de l’esprit et de la lettre des accords de la Saint Sylvestre (31 décembre 2016). Ainsi, aussitôt nommé, aussitôt contesté. Nommé, puisque étant radié du Rassemblement (coalition de l’opposition), celui-ci constituait pour le régime en place une nouvelle occasion de « diviser pour régner ». Il en était d’ailleurs ainsi de la nomination, en novembre 2016, de Samy Badibanga – encore un autre exclu de l’opposition.

Puéril ! Puisque la manœuvre est cousue de fil blanc ! L’Union européenne, la France et la Belgique ont ouvertement parlé de « manœuvres politiques dangereuses », avec à la clé des menaces. L’Eglise Catholique n’a pas été en reste. Par le biais du cardinal Laurent Monsengwo, archevêque de Kinshasa, celui-ci a comparé la classe politique de son pays à Judas Iscariote. Quant à la nouvelle administration des Etats-Unis, qualifiée, à tort, d’indifférente face à la politique africaine, elle s’est montrée plutôt plus musclée. Nikki Aley, sa représente à l’Onu, a accusé crûment le régime de Kinshasa d’être « corrompu ».

Suffisant pour démontrer que le chemin emprunté par le président Kabila et sa cour mène inexorablement à la catastrophe. Laquelle mettra toute la région de l’Afrique centrale à feu et à sang.

« Kabila voudrait succéder à Kabila »

Quels sont les signes tangibles que laisse apparaître le régime de Kinshasa sur cette responsabilité prévisible ? L’opposition n’aura-t-elle pas sa part à assumer ?

La problématique est simple, car l’opposition, en tant que partie plaignante, ne peut constituer en aucun cas un obstacle à sa propre démarche, qu’elle croit liée à la défense d’une cause juste. A moins de réfléchir à rebours pour voir autrement les choses.

Manifestation de l’opposition à Joseph Kabila le 31 juillet 2016, à Kinshasa.                       ©Eduardo SOTERAS/AFP

Après seize ans de pouvoir détenu par le président Kabila, dont l’exercice de deux mandats de cinq ans chacun (émaillés par ailleurs d’élections floues), et en vertu de la Constitution qui l’interdit de briguer un troisième mandat, c’est l’opposition qui s’est, du coup, placé du « côté du bon droit ». Se serait-elle résolue, du jour au lendemain, à ne plus atteindre son objectif ? Que nenni.

Si l’opposition n’est pas un obstacle, selon la force de l’argumentation qui précède, la faute incomberait donc à l’autre partie, qui cherche visiblement à se maintenir au pouvoir. Contre vents et marées.

On y voit, d’abord, son souci à recourir à la notion de « consensus ». Or, on ne peut s’appuyer sur cette notion que lorsqu’il y a un différend entre protagonistes. En tout état de cause, il n’y en a pas un, en l’espèce, si ce n’est le fait qui relève de la Constitution obligeant le président Kabila à céder le pouvoir et à organiser, pour ce faire, des élections dans le délai prescrit par les accords de la Saint Sylvestre. Il s’agit là, dans les deux cas, « de la Loi et de sa force ». Face auxquelles on ne peut faire de la résistance.

Et puis, que vaut la notion de consensus, sinon « un bon moyen de chantage sentimental exercé sur les opposants », comme le souligne le dictionnaire Vocabulaire politique (Presses universitaires de France) ?

Chantage ? C’est-ce que le camp présidentiel a tenté d’utiliser, subrepticement, aussi bien lors du dialogue emmené par Edem Kodjo, médiateur désigné par l’Union africaine (février – novembre 2016), que des pourparlers organisés sous les auspices des évêques catholiques (décembre 2016 – mars 2017).

On y voit, ensuite, comme signe incontestable de torpillage ou d’attentisme suspect, le silence du pouvoir sur le nom de l’éventuel dauphin du président Kabila. Si élections il y aura, fin 2017 ou un peu plus tard, quelle est la personne qui y portera les couleurs du parti du président sortant ? Silence radio, qui ne signifie rien de moins que « Kabila voudrait succéder à Kabila ». C’est aussi clair que de l’eau de roche.

Syndrome de Peter Pan

Sans titre n°4, Moridja KITENGE, 2015 @moridjakitenge.com

La conclusion, après cette démonstration, coule de source. Le pouvoir de Kinshasa est responsable de

cette impasse politique. « Responsable et coupable », à l’inverse de la fameuse formule de Mme Dufoix : « Responsable mais pas coupable ».

Quant à l’opposition, son fardeau est léger. Si des ambitions s’y expriment, cela va soi. Rares, en effet, sont des cas où dans un groupement politique les gens détestent de sortir du lot pour occuper la place de leader. Mais si ces ambitions sont exploitées par le camp adverse pour diviser, on est plus dans le schéma classique de faire de la politique. Dans ce cas, on verse proprement dans le machiavélisme, faisant de la partie qui « subit », c’est-à-dire l’opposition, une victime. Celle-ci est donc « non coupable ».

En attendant, c’est l’impasse. Et le peuple congolais continue de trinquer. Contrairement à ce qu’écrit François Soudan, le directeur de la rédaction de Jeune Afrique (n° 2935-2936, du 9 au 22 avril 2017), à propos de la classe politique congolaise : « En termes de psychologie, le phénomène porte un nom : le syndrome de Stockholm, l’amour du prisonnier pour son geôlier », je parlerai, pour ma part, du syndrome de Peter Pan. Ce mal qui fait qu’un adulte se prenne toujours pour un enfant et se comporte comme tel. Voici l’image minable que donne la classe politique congolaise !

RDC : Après les tempêtes, un tsunami annoncé

[Par Jean-Jules LEMA LANDU] 

Tempête et naufrage semblent donner la parfaite image du navire qui s’appelle Congo et qui, depuis 1960, date de son indépendance, vogue à travers les tempêtes. Si le navire ne s’est pas totalement disloqué, pendant ce temps, il a néanmoins subi de graves dommages. Un changement de cap s’impose, en vue d’éviter un tsunami annoncé.

Kiripi KATEMBO, Jupiter, 2012 ©Galerie MAGNIN-A

François Soudan, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire Jeune Afrique, a autrement exprimé cette image dans le bimensuel La Revue n° 70, mars-avril : « Ce qui me surprend toujours dans ce maelström, c’est que malgré les rébellions, les sécessions […], malgré les quatre cents langues parlées et la myriade de cultures, la République Démocratique du Congo a survécu ».

La résilience du peuple congolais est un « fait de l’histoire », inexplicable, comme ce fut le cas de Numance, une petite ville antique (Espagne) qui résista durant vingt ans, au IIe siècle avant notre ère, face à la puissante armée de conquête romaine. A terme, Numance finit par tomber, tout comme la résilience des Congolais a commencé par lâcher prise devant l’innommable.

République Démocratique du Congo @Encyclopédie Larousse

L’innommable, c’est ce néant dans un pays où l’ État n’existe plus, au point que les populations, dans la région d’Ituri (nord-est), ont commencé à se nourrir des « beignets faits d’argile et de racines de bambous », pour survivre. Et où, un « chef de l’Etat », Kabila, et sa cour s’agrippent au pouvoir, qui n’en est plus un, depuis décembre dernier, selon la Constitution. Pour défendre l’illégalité, ils usent à outrance de l’épée contre le peuple, au cas où celui-ci ose lever le petit doigt. L’ONU parle de massacres.

C’est là la cruelle genèse ! Ému, le pape François a poussé les évêques congolais à s’en mêler. Après l’échec essuyé, en octobre, par la facilitation initiée par l’Union africaine. C’est la première fois que l’Église Catholique s’immisce, à ce niveau, dans les affaires politiques du pays.

Le pape François a reçu ce lundi 26 septembre 2016 le président congolais, Joseph KABILA au Vatican. © REUTERS/Andrew MEDICHINI/POOL

Qu’en est-il donc et où en est-on ? Depuis décembre, les évêques, après avoir réussi à mettre autour de la table opposition et gouvernement, ont pu obtenir du président Kabila son renoncement à rempiler pour un troisième mandat « illégal ». Restait à former un gouvernement d’union nationale et à fixer le calendrier de la présidentielle pour décembre prochain. Si, globalement, un accord a été signé, le 31 décembre, par les partis engagés au dialogue, son application bute, surtout, sur le second point.

On en était là. Jusqu’au décès de Tshisekedi survenu à Bruxelles, le 1er février.

Étienne TSHISEKEDI en juin 2016, à Bruxelles ©AFP / Thierry ROGE

La disparition de cette figure emblématique de l’opposition, qui a surtout permis de fédérer cette plate-forme pour la cause, risque de tout remettre en question. D’autant que ce bloc a déjà commencé à se fissurer pour le poste de Premier ministre, qui devrait de droit revenir à ses membres, selon l’accord de décembre.

Si à chaque fois, le pouvoir lève un nouveau lièvre, d’une part, l’opposition reste divisée quant à la personne à désigner pour ce maroquin de prestige, d’autre part.

L’impasse est donc à la porte. A moins que les hommes de l’Eglise n’arrivent à conjurer le pire, en étouffant aussi bien les ambitions des opposants que la mauvaise foi du pouvoir. Sinon, le Congo, cette fois, fera face à un tsunami… annoncé. Et au naufrage inévitable. Car la résilience du peuple, mise à l’épreuve, depuis des décennies, se sera transformée, à l’occasion, en un choc tectonique. Conduisant à la guerre civile et à la « balkanisation ».

 

 

 

 

 

 

 

RDC : Beni, une barbarie absurde !

[Par Jean MATI]

Depuis quelques mois, la ville de Beni, à l’Est de la République démocratique du Congo vit une situation d’insécurité dramatique. D’après les sources onusiennes, plusieurs personnes seraient mortes assassinées.  

Récemment, les hommes en uniforme portant la tenue des FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo) ont massacré 69 personnes à coup de machette, pillé des mortiers et des baïonnettes à Rwaghoma, près de Beni. De tels événements déplorables sont récurrents depuis 2014 dans cette région.

Le gouvernement congolais ne cesse, pour sa part, d’attribuer ces actes ignobles aux rebelles ougandais de l’ADF (Forces démocratique alliées – Armée de libération de l’Ouganda), des mains criminelles qui opèrent avec facilité en l’absence de l’autorité publique.

Des membres de l'Alliance des forces démocratiques de RDC (Source : news.vice.com)

Des membres de l’Alliance des forces démocratiques de RDC
(Source : news.vice.com)

Force est de noter qu’au vu de ce qui se passe à l’est de la RDC, les autorités congolaises ont toujours montré leurs limites concernant la situation sécuritaire dans cette partie du pays. Le pouvoir en place n’a jamais proposé un projet sérieux et crédible pouvant permettre de combattre les groupes armés qui naissent à l’Est comme des champignons. Par ailleurs, l’actuel président Joseph Kabila, issu d’une rébellion qui a mis le pays à feu et à sang, n’a jamais endossé le costume de chef d’une nation frappée par la guerre.

L’Est du Congo est le théâtre de conflits armés depuis fin 1996, date à laquelle l’Alliance des Forces pour la libération du Congo (AFDL), dirigée par le maquisard Laurent Kabila a lancé l’opération « Marche sur Kinshasa ». Avec l’aide des voisins Burundi, Rwanda et Ouganda, l’AFDL a réussi à chasser du pouvoir le dictateur Mobutu. Mais avec quelles conséquences ?  Les alliés et leur rébellion ont dévasté le pays en détruisant tout sur leur passage, les foyers des réfugiés hutus (Massacre de Tingi Tingi), par exemple ! Ce fut une véritable tactique de « terre brûlée ».

Une fois au pouvoir à Kinshasa, le régime Kabila (père et fils) qui a pactisé avec les forces étrangères n’a jamais su combattre les éléments, qui ont été hier alliés, aujourd’hui, adversaires. Face à la prolifération des groupes armés, le régime en place s’est vu dépassé et incapable.

De ce fait, il est donc difficile pour ne pas dire impossible que le Congo retrouve la paix dans sa partie Est compte tenu notamment de la difficulté de désigner les protagonistes du conflit. En outre, les enjeux économiques, les guerres financées par les multinationales pour mieux exploiter les richesses du pays, sont en partie générateurs de la dite situation.

 

Les Congolais divisés en politique, unis par le ballon rond

[Par Jean MATI]

La sélection nationale congolaise de football a été sacrée, dimanche 7 février, championne d’Afrique, après sa victoire 3-0 en finale contre le Mali, de la 4e édition de CHAN (Championnat d’Afrique des Nations) 2016 qui vient de se terminer au Rwanda.

Déjà vainqueurs de la première édition qui s’est déroulée en 2009 en Côte d’Ivoire, les Congolais viennent d’inscrire à nouveau leur nom dans le palmarès du football africain. Avec deux trophées remportés en sept ans, la RDC devient ainsi la nation la plus titrée du Chan, cette compétition réservée essentiellement aux joueurs évoluant sur le Continent africain. Des scènes de liesses et de jubilation de tout le peuple congolais ont été observées à travers l’étendue de la République. La consécration des fauves congolais arrive au moment où le pays est en proie des débats politiques houleux. Prochainement, la République démocratique du Congo, devra normalement organiser les élections. Et le président sortant au pouvoir depuis 2001, Joseph Kabila dont le mandat s’achève cette année, n’a pas le droit de se représenter selon la Constitution qui prévoit deux mandats.

(Source: CYRIL NDEGEYA / AFP)

(Source: CYRIL NDEGEYA / AFP)

Si la victoire a pu faire la joie de toutes les factions politiques de la RDC, comme on a pu le remarquer sur les réseaux sociaux, où tant les politiciens de la majorité présidentielle mais aussi des opposants politiques postaient des messages de soutien aux footballeurs congolais, trop vite, les discordances sont apparues. La récupération politique est devenue monnaie courante en période d’élections. Les résultats sportifs influant beaucoup la population. Il faut se rappeler qu’après la victoire de la RDC en quart de finale contre le Rwanda, une partie du public congolais avait réclamé le départ du Président Kabila, tout en lui rappelant la fin prochaine de son mandat. Par contre, lors de la victoire des Congolais en demi-finale, contre la Guinée, une scène similaire s’est reproduite, mais cette fois-ci avec les deux camps, celui de l’opposition et de la majorité présidentielle.

Kabila Wumela vs Kabila Oyebela

Deux concepts ont été lancés : « Oyebela » (sois prévenu, fais attention, en lingala) par l’opposition, cette dernière avertit les dirigeants que leur main-mise sur le pouvoir est bientôt terminée. Par contre, les autorités parlent plutôt de « Wumela »  (Demeurer, rester) ». Ils réitèrent leur soutien au Chef de l’État. Pour eux, le Président en exercice peut rester éternellement au pouvoir tant qu’il fait des bonnes choses.

Émeutes à Kinshasa en janvier 2015 (Source: Papy Mulongo/AFP)

Émeutes à Kinshasa en janvier 2015
(Source: Papy Mulongo/AFP)

Les manifestations qui ont suivi la victoire de la RDC en finale, le week-end dernier, ont occasionné une série de bavures des hommes en uniforme. Durant les évènements ceux qui scandaient des slogans hostiles au pouvoir en place, ont été arrêtés. Le général de la police, Célestin Kanyama, qui a évoqué les mesures de « l’Ordre Public » a pu justifier longuement les arrestations arbitraires à l’antenne de la Télé nationale Congolaise. Curieusement, à la fin de son intervention, il s’est fait même applaudir par le journaliste ! Un beau moment d’intégrité journalistique, toutefois, il ne faut pas perdre l’information essentielle de vue : félicitations aux Léopards de la RDC.