Francophonie : le tour est joué

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Le XVe sommet de la Francophonie a vécu, du 29 novembre au 2 décembre, à Dakar, au Sénégal. C’est la Canadienne d’origine haïtienne, Michaëlle Jean, qui remplace l’emblématique Abdou Diouf, ancien président du Sénégal. Le tour est donc joué. Reste à relever le défi de la « modernité » auquel l’organisation doit faire face. Car ses objectifs doivent évoluer avec les temps. En Afrique, on s’interroge.

Michaëlle Jean et Abdou Diouf (Source : lencrenoir.com)

C’est, pour la première fois, que la direction de l’Organisation Internationale de la Francophonie glisse des mains des Africains pour passer à celles d’une Canadienne. Sans heurts.

Nous disons « sans heurts », puisque, en dépit d’âpres tractations menées pour déboucher sur cette désignation, la vie de l’organisation n’a pas été affectée. Les candidats malheureux, en la personne du Congolais Henri Lopes, du Burundais Pierre Buyoya et du Mauricien Jean-Claude de l’Estrac, ont accepté de bonne grâce leur « défaite ». Y compris les chefs d’Etat des trois pays dont ils sont ressortissants.

D’ailleurs, vue d’Afrique, bien qu’elle ait abouti à une désignation par consensus, une telle compétition ne reflétait pas moins l’image d’une démocratie. C’est loin des tricheries, exercées au niveau des urnes, où la victoire des dictateurs est comme gravée dans le marbre.

Mais qu’à cela ne tienne. Ce niveau de la démarche dépassée, nombre d’observateurs, en Afrique, s’interrogent sur l’utilité d’une telle structure, fondée sur la « prospérité » d’une langue. Qui plus est la langue de l’ancien colonisateur. N’est-ce pas une autre face, cachée, de la « Françafrique » ?

La réponse se trouve dans l’historique même de cette organisation. Le concept de la Francophonie est né, en 1880, d’un certain Onésine Reclus, géographe français. Celui-ci rêvait d’un monde uni par la promotion culturelle. Dans les années 1950, l’idée sera rejetée par la classe politique française, mais adoptée, plus tard, par des Africains. A l’instar de Senghor, Bourguiba et Diori. Plusieurs Québecois adhéreront aussi au projet.

En 1970, matérialisation des faits : l’Agence de Coopération Culturelles et Technique (ACCT) est portée sur les fonts baptismaux, à Niamey, au Niger. Elle passera la main à l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) en 2005, après l’épreuve transitoire, à travers l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie (AIF). Rien à voir donc avec la « Françafrique », cette maffia, sans statuts, opérant à l’ombre de l’Elysée.

Mais, la Francophonie doit sortir de l’ornière, c’est-à-dire s’adapter aux réalités du « monde globalisé ». Aujourd’hui, tout est consubstantiel. Le culturel ne peut être compris, en Afrique, surtout, sans la perfusion d’une bonne dose de l’économique et du politique pour régler la question de la pauvreté et celle liée à la promotion de la démocratie.

Telle doit être la tâche prioritaire de Madame Michaëlle Jean, soutenue par la France. Car, à l’avenir, c’est l’Afrique, qui sera le socle de la pérennité même de la langue française. Le président Hollande semble, déjà, pousser à la roue. Tant mieux.