Rebin Rahmani devant des lycéens : « Le journalisme, c’est une responsabilité… »

[Par Bernadette COLSON]

???????????????????????????????Un lycée de la banlieue nord de Paris aux couleurs d’une majorité de jeunes issus de l’immigration , une équipe d’enseignants impliqués dans la réussite de leurs élèves et un journaliste kurde iranien réfugié à Paris, nerveux d’avoir à s’adresser pour la première fois à des grands adolescents français. Voilà ce qui a contribué à rendre exceptionnel ce premier « Renvoyé spécial » de la saison avec Rebin Rahmani, au lycée Marcelin Berthelot de Pantin, le 8 décembre dernier ; il a fait comprendre à une génération de 15 ans que l’exil est le prix à payer dans certaines régions du monde, pour la défense des droits d’un peuple.

 

???????????????????????????????Sa précieuse carte de réfugié et celle de son interprète, le journaliste iranien Reza Espeli​, déposés à la loge du lycée, l’inquiétude de Rebin a vite été levée devant l’accueil des professeurs, le mot de bienvenue du proviseur et la curiosité des jeunes dans les couloirs de l’établissement qui l’ont abordé en lui demandant si lui et son camarade étaient « des latinos ». « J’aimerais bien » leur a répondu Reza en rigolant.
Florence Barbier, documentaliste, Béatrice Boënnec, professeur de lettres, et leur collègue Orazio Loris, professeur d’histoire-géographie mènent un projet interdisciplinaire avec des élèves de seconde sur le thème de l’exil, doublé d’une réflexion sur la liberté de la presse. C’est dans ce cadre qu’ils ont sollicité la Maison des journalistes.
???????????????????????????????Les affichages dans la salle du Centre de documentation et d’information où a lieu la rencontre avec Rebin à partir de 13 h, montrent le travail de préparation effectué en amont : recherches sur l’Iran, sur les Kurdes et sur le journaliste invité. Les élèves se sont répartis les tâches de l’organisation de cet après-midi : mot d’accueil de l’un d’eux, portrait de Rebin par Angélique et Jiang, photographies et prises de notes par d’autres.
Rebin s’est efforcé de répondre clairement aux questions transmises par les élèves avec documents à l’appui, pour présenter les faits historiques qui ont amené quelques 40 millions de Kurdes à être dispersés sur quatre pays, la Turquie, l’Iran, l’ Irak et la Syrie.
Il a insisté sur la situation de la presse en Iran qui n’existe qu’à condition de ne pas critiquer les lois de l’Islam. Il a évoqué son cas personnel. Il a été arrêté et condamné « pour activités contre la sécurité nationale ainsi que propagande contre l’Etat ». Au cours d’une enquête sur le fléau de la drogue auprès de jeunes dans la province du Kermanshah où vivent une majorité de Kurdes, il découvre que les responsables du trafic de drogue sont des cadres proches du pouvoir. Il est emprisonné pendant deux ans dont 6 mois en cellule d’isolement où il a eu la tentation de mettre fin à ses jours. A sa sortie de prison en 2008, il ne peut plus être journaliste, mais il ne veut pas oublier le sort des prisonniers, il devient un actif défenseur de leurs droits.
0« J’aurais préféré rester en Iran » précise Rebin, mais il y est menacé ; des gens sont arrêtés autour de lui pour être interrogés sur l’identité d’Hiva, l’un des pseudonymes qu’il prend pour poursuivre ses activités. En septembre 2011, il passe clandestinement en Irak, par un chemin miné ; là encore il est surveillé, alors il demande l’asile politique au consulat français.
« La France est le premier pays qui m’ait accepté, dit-il et puis c’est un beau pays pour les journalistes ». A un jeune qui lui rappelle les événements de Charlie Hebdo, Rebin répond que « ça peut arriver partout dans le monde quand on n’est pas d’accord avec l’idéologie. Partout dans le monde, pour les journalistes qui disent la vérité, c’est un métier dangereux ».
« Si c’est dangereux, pourquoi a-t-il voulu faire ce métier »? La réponse de Rebin ne se fait pas attendre, « pour moi, le journalisme, ce n’est pas un métier, c’est ma responsabilité envers mon peuple pour la défense de ses droits ». Rebin aujourd’hui anime une organisation non gouvernementale, le Kurdistan Human Rights Network, pour faire entendre la voix des prisonniers en Iran, « leurs conditions sont pires aujourd’hui que lorsque j’étais emprisonné » affirme-t-il.
Les lycéens ont été touchés par la situation humaine d’un homme contraint de vivre sans sa famille et qui n’a pas la possibilité de rentrer dans son pays. Autour de cette rencontre, ils vont maintenant construire une exposition qui sera présentée lors de la semaine de la presse à l’école.