Ján Kuciak, un journaliste tué en raison de son enquête sur l’évasion fiscale

La Slovaquie est plongée dans une tourmente politique depuis l’assassinat du journaliste d’investigation Ján Kuciak et de sa fiancée, Martina Kusnírová, le 25 février 2018. Ils ont été retrouvés morts dans leur maison, leurs corps criblés de balles.

Journaliste, Ján Kuciak effectuait des reportages d’investigation axés sur l’évasion fiscale et impliquant des personnalités politiques. Plus précisément, son travail sur la corruption l’avait amené à enquêter sur l’une des mafias italiennes les plus connues : la ‘Ndrangheta. Ce syndicat du crime italien semble influencer les principaux responsables gouvernementaux de Slovaquie.

Or, le dernier article publié par Ján Kuciak mettait en cause un homme d’affaires prospère, Marian Kočner. Le journaliste avait découvert que Kočner achetait des appartements … qu’il vendait à lui-même, fraudant ainsi les autorités fiscales. En réponse à la publication de ces informations, Kočner avait alors menacé le journaliste. Une plainte pénale avait été déposée en septembre 2017, sans aucune suite.

Journaliste assassiné et évasion fiscale

Alors que sept personnes avaient initialement été placées en détention avant d’être libérées, l’enquête sur l’assassinat de Ján Kuciak reste aujourd’hui ouverte, sans aucun suspect connu. Mais l’impact de sa mort ne laisse pas insensible la société slovaque. Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté pour protester contre l’implication présumée du gouvernement de Robert Fico dans ce meurtre. Des pétitions ont été lancées.

Devant ces contestations politiques et sociaux, inédites depuis l’entrée du pays dans l’Union Européenne, le président de la police slovaque a été contraint de tenir une conférence de presse. Selon ce haut responsable, ce meurtre “a probablement quelque chose à voir avec les activités journalistiques et d’enquête de Ján Kuciak”, ce qui contribue à penser que sa mort était une forme de censure.

Environ trois semaines après ce double assassinat, le 15 mars, le Premier Ministre slovaque Robert Fico a présenté sa démission, ainsi que plusieurs ministres.

L’Europe attentive

L’assassinat de Ján Kuciak est dénoncé comme une attaque contre la démocratie et la liberté de la presse, attirant l’attention de la communauté internationale sur la Slovaquie. Le Conseil de l’Europe à Strasbourg suit l’enquête sur cet assassinat, selon Thorbjørn Jagland, son secrétaire général :

“Dans de nombreux cas, les journalistes payent le prix le plus élevé pour des reportages courageux sur la corruption et le crime organisé. Nous suivrons de près l’enquête, car elle a des répercussions bien au-delà de la Slovaquie”.

Le Conseil de l’Europe a également affirmé que Ján Kuciak était le sixième journaliste tué dans un État européen au cours des 12 derniers mois même si tous ces meurtres ne sont pas liés de manière avérée à leurs enquêtes journalistiques. “Le Parlement européen ne se reposera pas jusqu’à ce que justice soit faite”, a déclaré le président du Parlement européen, l’italien Antonio Tajani.