Impact et révélations sur l’affaire des ventes d’armes françaises à l’Arabie Saoudite par les journalistes d’investigation de Disclose
/dans Droits de l'Homme, Liberté d'expression, Liberté d'informer /par Justine LenormandMardi 28 mai à 19h30 se tenait à Paris, au bar le grand Bréguet, le grand live Disclose. L’occasion de revenir sur l’enquête explosive “Made in France”.
Le 15 avril dernier, Disclose a publié une enquête mettant en avant la problématique des ventes d’armes françaises à l’Arabie Saoudite.
Suite à cette enquête, le 14 mai, Geoffrey Livolsi et Mathias Destal étaient convoqués par la DGSI (Direction Générale de la Sécurité Intérieure).
Les deux journalistes sont suspectés d’avoir compromis le secret de la défense nationale en publiant un rapport “confidentiel défense”. Au total, huit journalistes ont été convoqués par la DGSI dans cette affaire.
Disclose assume le choix de son enquête sur les ventes d’armes françaises à l’Arabie Saoudite et revendique ce type de journalisme d’investigation
Disclose est un média français d’investigation d’intérêt général et à but non lucratif lancé le 6 novembre 2018. Lors du grand live Disclose, Mathias Destal, son cofondateur a commencé par évoquer son questionnement quant à la pertinence du sujet “Made in France” comme première enquête.
L’enquête concerne les ventes d’armes Françaises à l’Arabie Saoudite qui seraient utilisées dans sa guerre contre le Yemen.
Géographiquement, les victimes de ce conflit se situent à des milliers de kilomètres de la France. De fait, une hiérarchisation de l’information s’installe et ces informations géographiquement lointaines intéressent moins l’opinion publique qui ne se sent pas ou peu concernée par ces ventes d’armes.
“Les ONG connaissaient la vérité sur ces ventes d’armes mais tout était encore au conditionnel sans preuve” confirme le cofondateur de Disclose. Ces ventes d’armes, soupçonnées par des ONG comme Amnesty International depuis des mois ont finalement été prouvées.
Disclose a fondé son enquête sur la fuite de documents à leur attention portant la classification “Confidentiel Défense”, rapport rédigé par la DRM (Direction du Renseignement Militaire) en septembre 2018.
C’est la première fois qu’une autorité officielle confirme les soupçons des ONG.
Hors de question pour les cofondateurs et journalistes de Disclose de mettre de côté ce genre d’informations qu’ils qualifient d’intérêt général. Sans savoir si l’enquête allait exploser dans la société française, les journalistes ont mené un travail sur plusieurs mois afin de recouper toutes les informations nécessaires à prouver ces ventes.
La volonté de Disclose dans cette enquête avait aussi pour but d’informer le grand public des vérités omises par le pouvoir exécutif.
@florence_parly confirme ce matin que "des armes seront chargées" au port du Havre aujourd'hui #Bourdindirect. pic.twitter.com/UkH7fMItGd
— Disclose (@Disclose_ngo) May 8, 2019
“Le but est d’informer le grand public des vérités omises par le pouvoir exécutif”
Pour Michel Despratx, journaliste dans cette enquête, c’était “une belle occasion pour mettre fin à un gros débat entre les ONG et le gouvernement français” sur ces ventes d’arme.
Pourtant, diffuser un dossier classé “Confidentiel Défense”, relève d’une infraction qui est passible 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende pour toute personne.
Les journalistes ont un cadre: la loi sur la liberté de la presse de 1881 qui les oblige à rendre des comptes. Par contre, ils sont aussi protégés par leur statut et leur devoir d’informer le public lorsque l’enquête relève d’un intérêt général.
“La DGSI voulait mes sources”
Benoit Collombat
Malgré tout, le gouvernement a vivement réagi et une pluie de convocations par la DGSI est tombée.
Benoit Collombat, journaliste pour Disclose témoigne. “La DGSI voulait mes sources, ils me posaient des questions sur notre façon de travailler par exemple.” Selon lui, le message derrière ces convocations est: “Arrêtez de vous intéresser à ces sujets!». C’est pour lui une sorte d’intimidation qui ne lui fait pas peur et ne l’empêchera pas de continuer à exercer son métier et à informer le public.
Virginie Marquet, avocate des journalistes de Disclose dans cette affaire affirme que le cadre de la loi de 1881 n’est pas sans faille et divulguer des documents classifiés “confidentiel défense” est une nouvelle infraction. Le cadre n’est pas assez protecteur pour les journalistes.
“La mission des journalistes est d’informer. C’est une liberté fondamentale et ils doivent être protégés dans le cadre de cette mission importante pour tous les citoyens. C’est cette liberté d’information et d’expression qui fait de notre société une démocratie. Ils doivent bénéficier d’une protection liée à leur travail qui est finalement une mission sociale“.
Le statut de journaliste remis en cause
Dans certaines convocations par la DGSI, il n’y a aucune référence à leur qualité de journaliste, ils sont convoqués à titre personnel dans le but d’obtenir le plus d’information possible.
“Qu’ils soient entendus en tant que témoin par exemple, leur confère moins de droit” affirme Virginie Marquet.
Michel Despratx n’a répondu à aucune des 30 questions posées lors des convocations en invoquant à chaque fois la protection de ses sources.
“Une pression s’exerce sur le gouvernement”
Benoit Collombat affirme que ces convocations sont “une façon de déligitimer le sujet” qui a eu un impact considérable en France.
“L’opinion publique n’est finalement pas désintéressée au contraire. La population s’en saisit et une pression s’exerce sur le gouvernement. Les politiques en parle à l’Assemblée, des actions concrètes s’organisent telle que le blocus du chargement de canons Caesar le 7 mai dernier selon Disclose, tout cela prouve l’impact de l’enquête“.
En effet, le 7 mai 2019, le cargo Bahri Yanbu devait arriver au port du Havre pour que de nouvelles armes françaises soient expédiées vers l’Arabie Saoudite. Les ONG ASER et ACAT avaient bloqué le chargement du cargo grâce à un référé.
Les semaines passent et l’impact de cette enquête ne faiblit pas. Encore hier (lundi 27 mai 2019), au port de Marseille-Fos, le même cargo dénommé Bahri Tabuk qui était à quai devait transporter des munitions à destination de l’Arabie saoudite. Le syndicat des dockers du port a affirmé qu’ils ne chargeraient aucune arme ni munition. De quoi pousser l’Etat à s’organiser autrement pour ce marché controversé.
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