Le droit voisin et son extension à la presse
/dans Liberté d'expression, Liberté d'informer, Liberté de la presse /par Liso CAMPANALe droit voisin s’invite à la table des éditeurs et agences de presse. Dans ce cadre, des médias français pourront demander de l’argent au GAFA (Google-Amazon-Facebook-Apple). Premier volet de notre série en 3 épisodes sur ce nouveau droit de la presse qui pourrait révolutionner la visibilité des médias sur internet.
Qu’est-ce que le droit voisin du droit d’auteur?
Créé par la loi Lang n°85-660 du 3 juillet 1985, le droit voisin est un droit annexe au droit d’auteur. Il s’inscrit dans le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI).
Ce droit permet d’apporter une protection aux personnes qui participent à la création d’une œuvre, sans pour autant en être les créateurs.
Qui peut demander un droit voisin?
A l’origine de sa création, le droit voisin s’applique à trois catégories de personnes: les artistes-interprètes (chanteurs, acteurs, toute personne qui interprète une œuvre), les producteurs de musique ou de vidéo, et les organismes de radiodiffusion et de télédiffusion.
Que permet le droit voisin?
Le droit voisin comporte des droits patrimoniaux et des droits moraux.
Les droits patrimoniaux permettent à l’ayant droit d’autoriser ou d’interdire l’utilisation et l’exploitation de sa prestation. Il peut également demander une rémunération lorsque sa prestation est utilisée ou exploitée. En France, depuis 2015, la durée des droits patrimoniaux est de 70 ans à compter du 1er janvier de l’année suivante.
Les droits moraux sont en charge, d’une part, du respect du nom de l’artiste (à chaque utilisation, le nom de l’artiste doit être indiqué) et d’autre part, du respect de l’interprétation (on ne peut modifier une interprétation sans autorisation.)
Le droit voisin est éternel, il ne peut être supprimé, ni vendu, et se transmet aux héritiers.
Qui gère les rémunérations des ayants droit?
Un organisme, la SPRÉ (Société pour la Perception de la Rémunération Equitable), collecte les revenus auprès des utilisateurs et les répartit dans quatre sociétés:
- L’ADAMI (Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens-interprètes)
- La SPEDIDAM (Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes) pour les artistes interprètes
- La SCPP (Société civile des producteurs phonographiques)
- La SPPF (Société des producteurs de phonogrammes en France) pour les producteurs.
Par la suite, ces sociétés redistribuent les revenus aux ayants droit.
Quelles sont les sanctions en cas de non-respect du droit voisin?
La contrefaçon, la reproduction ou la diffusion d’une œuvre sans autorisation peuvent être sanctionnées soit civilement (versement de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice) soit pénalement (trois ans d’emprisonnement et de 300.000 euros d’amende).
Extension du droit voisin pour les éditeurs de presse : la directive européenne
Le 26 mars 2019, après deux ans de débat, les eurodéputés ont définitivement adopté la réforme européenne du droit d’auteur: l’objectif était de moderniser ce droit à l’ère du numérique.
Dans cette directive, l’article 15 (anciennement article 11) ajoute de nouveaux bénéficiaires au droit voisin : les éditeurs et les agences de presse.
Que dit la directive européenne à propos des éditeurs et des agences de presse?
Les rédactions peuvent désormais demander une rémunération aux agrégateurs d’informations, comme Google News, ou aux réseaux sociaux, comme Facebook, lorsque ces derniers utilisent et diffusent leur contenu sur leur site.
Auparavant, ces plateformes référençaient et transmettaient les publications des médias sans donner de compensation financière aux éditeurs : un problème à l’heure ou ces géants du web sont devenus les principaux diffuseurs de l’information.
Les contenus des éditeurs sont protégés pendant deux ans. Les éditeurs peuvent renoncer à ce droit. Les Etats membres de l’Union Européenne ont deux ans pour transposer le texte dans leur législation nationale.
Quelles sont les exceptions dans la directive?
Les éditeurs de blogs ne bénéficient pas de ce droit car leurs publications ne sont pas “sous le contrôle d’un éditeur de presse”.
Les publications scientifiques et universitaires ne sont pas non plus soumises aux droits voisins.
L’usage de liens hypertextes est exclu de ce droit, car il ne “constitue pas une communication au public”.
L’utilisation de mots isolés (comme les hashtags), les reprises d’extraits “très courts”, ou le rappel de faits rapportés dans les publications de presse sont exclus de ce droit.
Seuls les sites réalisant des bénéfices sont concernés par la directive. Les usages privés ou non-commerciaux sont exclus de la directive.
L’adoption de la directive en France
Portée par le Sénateur socialiste David Assouline, la directive européenne a été et définitivement adoptée le 23 juillet 2019. La France est le premier pays de l’UE à transposer cette directive dans sa législation. Elle reprend en majeure partie le texte des eurodéputés, mais plusieurs amendements ont été apportés.
La loi française précise les entités qui sont tenues de payer ces droits voisins. Sont donc pris en compte, les “services de communication au public en ligne”, soit les moteurs de recherche, les réseaux sociaux et les grandes plateformes.
Les photographies et les vidéos réalisées par les agences et les éditeurs de presse sont considérées comme des “publications de presse” et sont donc incluses dans la loi.
Le texte français établit également un droit pour les journalistes, auteurs des publications, d’obtenir une part de la rémunération dédiée aux éditeurs et aux agences de presse.
Une clarification pour la répartition de la rémunération des éditeurs de presse, a également été ajoutée. Elle prendra en compte “les investissements humains, matériels et financiers réalisés par les éditeurs et les agences de presse”, ainsi que leur “contribution à l’information politique et générale”.
Aussi, le texte prévoit un ou plusieurs organismes en charge de la collecte et de la redistribution des recettes. L’organisme reste à définir. Enfin le droit patrimonial, détenu par les agences et les éditeurs de presse, est fixé à 5 ans.
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