CONGO-BRAZZAVILLE – Paradoxes et démagogie

«A beau mentir vient de loin». Cette maxime peut s’appliquer aux gouvernants congolais qui pensent qu’ils ont en face d’eux, des imbéciles ou des gens atteintes d’Alzheimer. Dans un souci réel de rééquilibrage ethnique au sein du corps des médecins, le ministre François Ibovi avait résolu d’envoyer en formation à Cuba, mille étudiants dont 95% ressortissants d’une même ethnie.

Deux cent cinquante six (256) d’entre eux ont terminé leur troisième cycle en médecine et viennent de regagner le Congo.

Selon un communiqué du ministère de la santé du Congo, ces jeunes diplômés seront mutés dans les douze hôpitaux généraux du pays. Ce communiqué ne précise pas cependant que ces jeunes seront sacrifiés. Et pour cause ?

  1. Ces anciens hôpitaux généraux existant depuis des décennies. Ils sont dépourvus des infrastructures de qualité, du matériel médical moderne et des médicaments. Les nouveaux douze hôpitaux qui ont commencé à sortir du sol, nonobstant des milliards d’euro qu’ils ont absorbé, ne sont pas arrivés à maturité du fait des gouvernants qui ont fait main basse sur les deniers publics.

  2. La pharmacopée congolaise est francophone. Or, lesdits médecins ont fait tout leur cursus universitaire en espagnol. Six mois de stage d’imprégnation sont insignifiants et violent le dispositif sanitaire mis sur pied en 1970. Ce dispositif impose aux médecins formés à l’étranger en dehors de la France, de passer dix-huit mois de stage d’imprégnation dans trois services clef: six mois en médecine, six mois en pédiatrie – obstétrique et six mois en chirurgie. Les Docteurs Damase Bozongo, Robert Koutaba, Frederick Obaka, Godefroid Okiemi, le professeur Ntalani… qui ont étudié à Cuba, en Russie, en Roumanie peuvent confirmer nos propos.

  3. Ces médecins qui sont pour la plupart d’une même ethnie, à moins d’adopter “la médecine du futur”, doivent apprendre le kikongo s’ils veulent être plus proches et soulager les patients qui s’expriment régulièrement en langues vernaculaires. Mais le clou de contradiction et de la démagogie sur le chapitre formation et santé a été enfoncé par les ministres, Clément Mouamba, Bruno Jean Richard Itoua et Anatole Collinet Makosso. En effet, au cours de leurs dernières sorties médiatiques, les deux premiers ont parlé des conditions qui sont réunies et de l’intégration desdits médecins qui est assurée. Curieux, quand on sait que, nombreux des médecins et infirmiers sortis des instituts médicaux du Congo et d’ailleurs, sont à la traîne depuis des années.

Idem pour 4160 enseignants volontaires qui ne perçoivent pas depuis six mois leur prime mensuel variant entre 50.000 et 70.000 FCFA (77 et 108 euros) à peine et sont toujours en attente d’intégration comme le témoignent diverses manifestations devant les ministères des finances et d’enseignements. Le comble, c’est de voir, le magistrat -écrivain- chercheur, Anatole Collinet Makosso tomber si bas en défendant un pouvoir qui viole constamment les droits de la population notamment ceux des jeunes.

Il sied de rappeler à Anatole Collinet Makosso que sa théorie biaisée de trois jours de classes par semaine ne tiendra qu’à 47% si on ne construit pas de nouvelles salles de classes.

Quel miracle va-t-il créer pour repartir 100 ou 160 élèves l’effectif d’une classe habituelle en deux vagues de trois jours alors que, pour respecter les mesures de distanciation sociale, il faut 35 élèves par salle ?

Que dire des amphithéâtres et autres où sont entassés régulièrement des étudiants comme dans une boite de conserve ?

Certes, Bruno Jean Richard Itoua et Anatole Collinet Makosso ont évité une année blanche aux apprenants, cependant, ils ne vont pas nier que, dans la plupart des écoles de ce petit pays riche, l’eau et l’électricité qui devraient protéger nos jeunes contre la covid-19 et plusieurs virus sont des denrées rares.

Qu’est ce qui reste de ce magistrat-écrivain-chercheur lucide qui avait énoncé le droit quand la famille Sassou-Nguesso tenait à me fouetter il y a 15 ans de cela ?

Les enfants d’abord

La correction des mauvaises politiques et la relève seront assurées par les jeunes à condition qu’ils soient bien formés et évoluent dans des structures viables. D’où, la nécessité de recycler et recruter un nombre considérable d’enseignants qualifiés aux programmes adaptés des temps modernes.

L’UNICEF, le PAM, la Banque Mondiale, l’UNESCO, les partenaires bilatéraux et cohorte conviendront avec nous que les financements et dons alloués au Congo ont pour objectif l’amélioration des conditions de vie des populations en général et en particulier ceux des apprenants et enseignants et non pas pour remplir les poches des dignitaires d’un régime en lambeau.

Parlant de l’UNESCO qui vient de nous ouvrir ses portes, même si l’ambassadeur Henri Ossebi et les ministres congolais ont déposé leurs fiches, cette institution est toujours disponible à recevoir des tiers avant et après le départ de sa directrice générale à Brazzaville dans les jours avenir.

La médecine du futur et l’école moderne

Le débat du concept «la médecine du futur» dans la communauté congolaise a été lancé par le professeur Jean Bernard Nkoua Mbon basé actuellement en Belgique. Par ailleurs, il est impossible de parler de médecine de futur et de l’école moderne sans mentionner le boulevard énergétique, la fibre optique, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, le numérique et les infrastructures de base.

Le Congo a les moyens de batir des infrastructures et dispenser un enseignement de qualité. Pourvu que les gouvernants soient patriotes, placent l’amour au centre, se débarrassent du tribalisme et rapatrient officiellement les fonds qu’ils ont planqués çà et là.

Nous parlons de rapatriement officiel et non des combines avec certains clubs de banques. Selon nos informations, certains banquiers, reçus il y a quelques mois dans un village bien connu des congolais, auraient passé un deal de faire des transactions de l’argent pillé par certains dignitaires pour le prêter encore au Congo alors qu’il appartient aux contribuables congolais.

Cela semble se vérifier car, personne ne peut prouver la disparition en un laps de temps des 14.000 milliards de francs cfa des générations futures alors que, non seulement le Congo a bénéficié de l’effacement de sa dette sous tendu des dons et d’un boom pétrolier, mais aussi 75% des pseudo grands travaux ont été réalisés sur les prêts chinois (les 2/3 de la dette congolaise sont des montages des sociétés chinoises de droit congolais).

Le président Sassou, le ministre Gilbert Ondongo et Cie qui vantaient ces 14.000 milliards au parlement et ailleurs s’ils sont réellement humanistes, avec un peu de dignité, conviendraient avec nous. Faire des deals avec des banquiers qui engageront encore des générations futures c’est perpétuer la politique de la terre brûlée.

Pourquoi ne pas suivre la conférence épiscopale des évêques du Congo qui conseille depuis le 9 mai 2018 jusqu’à ce jour de s’asseoir, «d’avoir le courage de parler de ces sujets de manière ouverte et sans passion (…) de rapatrier les fonds pour soulager la souffrance du peuple.»

Cette pensée est soutenue indirectement par l’écrivaine et psychologue Simone Matoko Mianzenza ainsi que Henri Ossebi cité récemment, par Anatole Collinet Makosso qui parle de dialogue. En réalité, la balle revient au président Sassou Denis et ses collabos qui s’entêtent à “ne pas vouloir d’une chose et son contraire” et de sortir par la grande porte, car il aurait laissé sa famille en paix.

Ghys Fortune BEMBA-DOMBE

D’autres articles sur l’Afrique