Ce 18 avril, la Coalition Démocratie Sahel organisait un point presse à Paris, alertant sur la dégradation des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les pays du Sahel central.
[Par Djifly Elugba Kabamba, publié le 24/04/2025]
La situation alarmante qui prévaut sur le continent africain, et plus particulièrement dans la région sahélienne, a été au cœur d’un point de presse organisé vendredi 18 avril 2025 par la Coalition Démocratie Sahel dans les rues de Paris. Cette initiative a été prise par Ismaël Sacko, président du Parti Socialiste et Démocratie Africain (PSDA), et coordinateur de la Coalition Démocratie Sahel.
Face à un groupe de journalistes internationaux, ces acteurs politiques sahéliens exilés ont levé le voile sur les graves accusations de terrorisme portées contre deux de leurs membres, Newton Ahmed Barry et Maixent Somé. Ils ont également abordé les tensions croissantes entre le Mali et l’Algérie, puis ont alerté sur les dérives institutionnelles en cours, notamment l’éventuelle dissolution des partis politiques au Mali par la junte au pouvoir.
Aux côtés d’autres militants politiques actuellement en exil, l’opposant malien a dénoncé avec fermeté la dégradation inquiétante des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les pays du Sahel central, à savoir le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
Dans un climat de répression politique croissante, marqué par des arrestations arbitraires, des enlèvements ciblés de leaders politiques et d’opinion, ainsi que des actes de torture, les intervenants ont dressé un tableau sombre de la situation actuelle. « La prison semble être devenue un outil systématique de gouvernance, utilisé pour museler la presse, intimider les voix dissidentes et imposer une pensée unique », a déclaré Ismaël Sacko.
Trois sujets brûlants à l’ordre du jour
Trois principaux points ont structuré les échanges : D’abord, les lourdes accusations de terrorisme portées contre deux membres de la coalition, Newton Ahmed Barry et Maixent Somé. Ensuite, les tensions diplomatiques croissantes entre l’Algérie et le Mali. Enfin, l’éventuelle dissolution des partis politiques décidée unilatéralement par la junte malienne.
Pour Sacko, les ressources naturelles jadis sources d’espoir et de développement sont désormais captées par les régimes militaires et leurs alliés. « L’or du Sahel central ne brille plus pour les sahéliens mais pour les juntes, leurs partenaires et leurs groupes partisans. Le coton du Sahel central ainsi que le pétrole ne fait plus vivre le sahélien. » regrette-t-il.
«Le peu de ressources qui arrivent par les eaux béninoises est en grande partie absorbé par le remboursement de dettes, tandis que le reste est souvent gaspillé pour financer des réseaux de propagandistes, dont certains mènent une vie luxueuse au bord des plus beaux lacs d’Europe. », déclare-t-il.
Selon lui, cette paupérisation à grande échelle, combinée à la fermeture des écoles rurales, a créé un vivier idéal pour le recrutement des jeunes désœuvrés par des groupes extrémistes. « Ils sont abandonnés par les régimes putschistes de Ouagadougou, de Bamako et de Niamey », a-t-il ajouté.
Menaces, listes noires et manipulation
Présent au point de presse, le burkinabè Maixent Somé, également membre de la coalition, a pris la parole pour dénoncer les persécutions dont il fait l’objet. « Comme ils ne peuvent pas nous faire taire, ils nous ont mis sur une liste de terroristes recherchés de façon à faire comprendre à ceux qui vivent là et qui parlaient de plus en plus de nos publications que si on les surprenaient en train de commenter ou de publier sur nos plateformes, on allait les envoyer au front », a-t-il déclaré.
Les intervenants ont également alerté sur la dynamique des groupes armés dans la région, en distinguant notamment les objectifs politiques du Groupe d’Intervention National pour l’Indépendance du Mali (GINIM) du fonctionnement de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS). Ils ont aussi critiqué la gestion impulsive des relations diplomatiques entre le Mali et l’Algérie, plaidant pour un dialogue apaisé et constructif.
La voie vers la sortie de crise au Sahel
Face à ces dérives, la Coalition Démocratie Sahel appelle à une transition civile de mission, visant à restaurer l’unité nationale et à établir une architecture institutionnelle crédible, capable de conduire à des élections transparentes. « Il appartient au peuple, et à lui seul, de choisir son président et ses élus », a insisté Ismaël Sacko.
Il a également souligné l’urgence de construire une cohésion nationale basée sur le dialogue inclusif, regrettant l’absence d’un véritable débat entre fils et filles d’une même nation. « Nous avons choisi le chemin le plus long, le plus difficile, celui des valeurs démocratiques et des droits humains. Mais c’est ce chemin qui nous permettra d’atteindre une paix durable, une justice équitable et un développement humain », a-t-il affirmé. À l’opposé de la diplomatie d’isolement adoptée par les régimes militaires, la coalition milite pour un partenariat multilatéral, fondé sur le respect des différences culturelles et des intérêts des peuples sahéliens. Elle affirme sa détermination à transformer la crise multidimensionnelle actuelle en opportunité de développement durable pour la région.
Une solidarité qui s’organise
Le point de presse a également été l’occasion de saluer l’engagement de la diaspora sahélienne. « Nous remercions la diaspora du Sahel central qui a manifesté massivement le 11 janvier 2025 à la place de la République à Paris pour exprimer son rejet de la gouvernance autoritaire des juntes », a ajouté le président de la coalition.
Dans une déclaration forte, Ismaël Sacko a tenu à saluer le courage de leurs camarades politiques encore présents sur le terrain, au Mali, qui refusent de se taire face à la tentative de dissolution des partis politiques. Il conclut en affirmant : « Nous sommes convaincus que la démocratie et l’État de droit sont indispensables pour la survie et la stabilité de nos États fragiles ».
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