République Démocratique du Congo : quelle alchimie pour Joseph Kabila en 2016 ?

[Par Jean MATI]

L’année 2016 qui débute est celle de tous les enjeux pour la République démocratique du Congo. Le Président de ce pays, Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001 va devoir briguer un nouveau mandat. Fort malheureusement, il n’aura pas le droit de se représenter. Car la Constitution limite les mandats au nombre de deux. Qu’est-ce qu’il va alors advenir? La République Démocratique du Congo deviendra-t-elle un nouveau Burundi? Quels stratagèmes seront mis en place pour contre-carrer la Constitution ?

Le Président Joseph Kabila lors de son intervention devant le Parlement (source : primature.cd)

Le Président Joseph Kabila lors de son intervention devant le Parlement (source : primature.cd)

En janvier 2015, une loi du Parlement voulant modifier quelques lois de la Constitution avait provoqué une série des manifestations à Kinshasa, la capitale. La police et l’armée avaient tirés sur les manifestants. Le bilan lourd s’élevait à une quarantaine de morts, à en croire les associations de défense des droits de l’Homme. Face à ce drame, le prix du sang a payé la bravoure du peuple congolais. De ce qui précède, cette loi qui tentait de prolonger la tenue des élections en motivant cela par le recensement de la population, avait été carrément retirée par le Sénat.

En effet ce fut une grande victoire pour le peuple congolais, qui dénonçait a priori les manœuvres dilatoires du gouvernement congolais. Elles auraient permis au président Kabila de conserver son fauteuil pour une durée transitoire de trois ans. Pourquoi s’obstiner jusqu’à ce point au pouvoir ? Disons-le, Joseph Kabila est au pouvoir depuis maintenant quinze ans. En Janvier 2001, suite à l’assassinat mystérieux de son père (Laurent Désiré Kabila), en sa qualité d’officier militaire, il prit les fonctions du Chef de l’État. Un peu curieux, cette prise de pouvoir, comme si ça lui tombait du ciel. Alors, le jeune Kabila hérite d’un pays divisé par de nombreuses rebellions, il joue la carte du pacificateur. Ce rôle lui va très bien. Avec l’aide de ses parrains occidentaux, il réussit à rabattre les cartes publiquement. Il joue et gagne en mettant autour d’une table tous les belligérants du conflit congolais. En 2003, Joseph est président du schéma 1+ 4. En 2006, il organise les premières élections libres et démocratiques pour ne pas dire transparentes. Au moins, les Congolais ont pu voter ! Joseph Kabila bat au second tour le candidat Jean Pierre Bemba, son ancien vice-président.
En 2011, Joseph est réélu. Il bat l’opposant historique Etienne Tshisekedi. Cette victoire douteuse laissera un goût amer dans la langue politicienne congolaise. Le paysage politique monte au créneau. D’abord les opposants congolais qui dénoncent les fraudes massives. On laisse même entendre que dans certains coins du pays notamment à l’Est où le président est majoritaire, les jeunes enfants (mineurs moins de 18 ans) possédaient les cartes d’électeurs et avaient participé au scrutin en vue de gonfler les voix du Président sortant. Ensuite, viennent les constations négatives de la Communauté Internationale qui confirme les irrégularités.

Des opposants manifestent contre les autorités, en janvier 2015, à Kinshasa. ( source : jeuneafrique.com)

Des opposants manifestent contre les autorités, en janvier 2015, à Kinshasa. (
source : jeuneafrique.com)

Dans la foulée, le président et son régime sont mis à nu. Les associations de défense des droits de l’Homme citent dans leur rapport la République Démocratique du Congo comme un pays dangereux en matière de violations des droits humains. Les journalistes aussi s’invitent à la dénonciation du régime kabiliste. Des journalistes étrangers, il faut bien le préciser. Car les journalistes qui sont au pays subissent des fortes pressions (censures, arrestations, menaces de mort…). Tout est donc mal parti pour le « Raïs », c’est ainsi que Kabila est surnommé par ses partisans.

A partir de 2011, Joseph n’avait que cinq ans pour sauver son mandat en dépit de cette série d’accusations portées contre lui. Le président de la RDC s’est donc lancé dans de grands travaux de reconstruction du pays pour frapper l’imagination d’un congolais lambda. A Kinshasa, la capitale, pour ne citer qu’un seul exemple, plusieurs chantiers ont vu le jour un peu partout. Certaines routes ont été faites. Il y a eu des projets qui ont été atteints, certains sont en cours et d’autres ne verront certainement pas le jour sous l’ère Kabila s’il faut tenir compte du délai constitutionnel.

Pour ce faire, le président Kabila a initié récemment le dialogue national. Ce forum compte réunir tous les acteurs politiques afin de penser à l’avenir de la RDC. Plusieurs propositions seront discutées notamment sur la tenue des élections. Toutefois, l’opposition congolaise, renforcée dans son rang suite à une réunion tenue naguère à Gorée au Sénégal, ne veut pas entendre le discours sur le dialogue national prôné par Kabila. Ce dernier est soupçonné de jouer sur la prolongation du scrutin. Attendons voir ce que sera l’année 2016 en RDC !

 

 

Libye : l’Etat Islamique cherche l’accès aux puits de pétrole

[Par Sirine AMARI]

Le groupe Etat islamique étend son territoire à l’intérieur de la Libye, visant à obtenir l’accès aux puits de pétrole du pays, selon le ministre de la Défense français, Jean-Yves le Drian.

Jean-Yves Le Drian (source: rtl.fr)

Jean-Yves Le Drian (source: rtl.fr)

Le groupe a commencé à déplacer les terres de son bastion sur la ville côtière de Syrte, a déclaré Jean-Yves Le Drian à la radio française RTL.

«Ils sont à Syrte, leur territoire s’étend sur 250 kilomètres le long de la côte, mais ils commencent à pénétrer à l’intérieur et à être tentés par l’accès aux puits de pétrole et à leurs réserves».

La Libye dispose de 48 milliards de barils de réserves de pétrole brut, c’est la plus grande réserve d’Afrique et la neuvième plus grande dans le monde.

Les commentaires du ministre de la Défense français sont susceptibles d’être une référence aux tentatives signalées par des militants selon laquelle ils chercheraient à s’élargir de Syrte à la ville de Ajdabiyah à l’est du pays.

Il y a eu de plus en plus de rapports qui justifieraient la présence de groupes extrémistes dans la ville, au cours des dernières semaines.

Des pompes à forage de pétrole (source: radio-canada.ca)

Des pompes à forage de pétrole (source: radio-canada.ca)

Ce qui est moins clair est de savoir s’ils sont affiliés à Al-Qaïda ou à Daech .

Ils ont une stratégie qui, en cas de succès, pourrait couper l’approvisionnement en pétrole de cette partie du pays, où des terminaux pétroliers clés sont stationnés.

Il y avait au moins eu une attaque soldée par un échec, par des militants aux portes du terminal pétrolier Es Sidr en Octobre. D’autres domaines où étaient situés de plus petits terminaux pétroliers au centre de la Libye ont également été attaqués cette année.

Libye : une première réunion pour les deux parlements rivaux

[Par Sirine AMARI]

Selon la télévision libyenne, les présidents des deux parlements rivaux de la Libye se sont rencontrés pour la première fois.

Une première réunion pour les deux parlements rivaux (source: libyaakhbar.com)

Une première réunion pour les deux parlements rivaux (source: libyaakhbar.com)

Agila Salah, du Palais des Congrès de renommée internationale dans la ville orientale de Tobrouk, et Nouri Abusahmen, du Congrès national général basé à Tripoli, se sont entretenus à Malte. 

La réunion à Malte entre les deux hommes a porté sur les discussions à Rome dans lesquelles les puissances mondiales ont exhorté les factions belligérantes de la Libye à cesser les combats et à se soutenir à travers un gouvernement d’union.

Mais la signature attendue d’un plan de l’ONU pour un gouvernement d’unité nationale a été reportée jusqu’au jeudi 17 décembre.

M.Salah a plaidé pour plus de temps, avertissant que “agissant avec hâte conduirait à plus de problèmes à l’avenir”, selon le journal le Times of Malta.

Pour sa part M.Abusahmen a dit “nous ne pourrons pas accepter l’intervention étrangère contre la volonté du peuple libyen”, se référant à l’accord soutenu par l’ONU.

Carte de la Libye actuelle (source: liberation.fr)

Carte de la Libye actuelle (source: liberation.fr)

La Libye a été dans le chaos depuis le renversement en 2011 du colonel Mouammar Kadhafi.

Au milieu de la tourmente le pays est devenu un important point de départ pour quelques-uns des milliers de migrants voyageant en Europe.

On se préoccupe aussi à l’échelle internationale que l’Etat islamique profite de l’instabilité du pays pour s’étendre à l’intérieur de la Libye.

 

Libye: les factions acceptent de signer l’accord d’unité nationale

[Par Sirine AMARI]

Les deux grands groupes du pays se sont mis d’accord sur la date pour signer le texte concernant l’unité nationale du gouvernement, lors de la réunion de l’ONU tenue en Tunisie.

Les factions libyennes acceptent de signer l'accord (source: aljazeera.net)

Les factions libyennes acceptent de signer l’accord (source: aljazeera.net)

Lors de la réunion des nations unies, les factions rivales en Libye ont accepté de signer l’accord de l’unité nationale soutenue par le gouvernement, après de nombreux mois de négociations. L’envoyé spécial de l’ONU pour la Libye l’a annoncé à Tunis.

Vendredi dernier, dans la capitale tunisienne, au cours d’une réunion de l’ONU sur le dialogue politique libyen, Martin Kobler, un diplomate allemand et représentant de l’ONU, a déclaré: «Je suis très heureux d’avoir obtenu cet accord; je suis convaincu que la souffrance humaine doit se terminer en Libye». L’accord devrait être signé le 16 Décembre.

«Ceux qui acceptent de signer doivent placer l’intérêt du peuple libyen au-dessus de leurs intérêts personnels», a déclaré Kobler, ajoutant que «de nombreux problèmes demeurent, mais ceux-ci doivent être résolus par le gouvernement en place . Les gouvernements sont là pour ça».

La Libye a actuellement deux parlements et gouvernements rivaux: le Congrès général national basé sur Tripoli et la Maison reconnue par l’ONU des représentants à Tobrouk.

Le conflit entre les deux puissantes factions a éclaté il y a plus d’un an quand les gouvernements rivaux ont été mis en place, dans une bataille, pour le contrôle de la nation d’Afrique du Nord riche en pétrole.

Le Congo Brazzaville en état de siège : Sassou-N’guesso à cheval entre deux Constitutions

[Par Guy Milex MBONDZI et Davy GOMA LOUZOLO]

On ne le dira jamais assez, la Constitution du 20 janvier 2002 ne donnait aucune prérogative à l’actuel Président de la République du Congo de convoquer un référendum pour le changement de la Constitution.

000_Par8311617_0

Qu’à cela ne tienne, au lieu d’un référendum pour dire oui ou non on change la Constitution du 20 janvier 2002, le Président a brûlé les étapes en passant directement à un référendum pour l’adoption de la Constitution du 6 novembre 2015. Une loi fondamentale au sujet de laquelle le peuple n’a pas été suffisamment informé. Aujourd’hui, le premier à faire les frais de cette escroquerie politique n’est autre que Denis Sassou-N’guesso lui-même.

Du jamais vu : Sassou est à cheval entre la Constitution du 20 janvier 2002 et celle du 6 novembre 2015. De mémoire d’homme, jamais des institutions issues d’une Constitution donnée ont été transposées dans une autre comme le stipule l’article 244 de la Constitution du 6 novembre 2015 : « les institutions issues de la Constitution du 20 janvier 2002 fonctionnent jusqu’à la mise en place des nouvelles institutions sans pouvoir dépasser, pour les institutions pourvues par voie élective, l’expiration de leur mandat ». Si les Institutions issues de la Constitution du 20 janvier 2002 sont toujours en vigueur, cela sous-entend que cette Constitution continue à être appliquée et à régir l’Etat. Toute autre explication ne serait que gesticulation. Dans ces conditions, quelle est la situation réelle de la Constitution du 6 novembre 2015 qui a été promulguée par le chef de l’Etat congolais et qui, selon son article 246 « La présente loi, qui entre en vigueur dès sa promulgation, sera exécutée comme Constitution de la République du Congo », régit déjà l’Etat ? Il n’y a qu’en République bananière du Gondwana où l’on peut voir pareille chose.

Qu’en est-il de la nomination d’un Premier ministre ?

sassou3

Denis Sassou-N’guesso

« Le Président s’apprête à nommer un Premier ministre », chuchote-t-on à Brazzaville. Mais comment s’y prendra-t-il, étant entendu que la Constitution du 20 janvier 2002, d’où il tire sa légitimité ne prévoit aucunement le poste de Premier ministre et celle du 6 novembre 2015 qui prévoit cette fonction ne peut véritablement être appliquée par lui, puisque n’ayant jamais été élu sur la base de celle-ci, et pire,puisqu’ il n’a jamais prêté serment sur cette Constitution ? Qui plus est, le parlement issu de la Constitution de 2002, qui continuent à fonctionner, ne peut interpeller un premier ministre qui n’existe pas dans la législation à laquelle il appartient. « Imbroglio juridique », soutient l’opposition congolaise à chacune de ses rencontres avec les militants ou les journalistes.

C’est d’’autant plus un imbroglio juridique que la Constitution du 20 janvier 2002 a été abrogée, tandis que les institutions qui en sont issues ont été maintenues d’une part ; celle du 6 novembre 2015 a été promulguée, mais a du mal à être appliquée d’autre part. Au demeurant, quel juriste peut nous dire avec quelle Constitution le Président Sassou est en train de diriger actuellement le pays ? Avec celle du 20 janvier 2002 ou celle du 6 novembre2015 ? Ou avec les deux ? Pour tout dire, Denis Sassou-N’guesso n’a plus de Constitution fixe, il est à cheval entre deux constitutions. Une véritable acrobatie juridique !

Une impasse juridique et une transition politique qui ne dit pas son nom

En effet, on a beau discourir, tourner et retourner la loi, lire et relire les deux Constitutions, deux choses sont certaines : le Congo-Brazzaville a basculé aujourd’hui dans une impasse juridique et dans une transition politique qui ne dit pas son nom. Peut-être même dans une situation de non-Etat. Dès l’instant où le Président de la République a promulgué la Constitution du 6 novembre 2015, celle de 2002 a été abrogé, toutes les institutions avec,le Gouvernement, le Sénat, l’Assemblée nationale y compris l’institution Présidence de la République. A moins qu’il s’agisse ici d’une alchimie dont seul Sassou et ses juristes ont la formule : une Constitution ne peut pas être abrogée sans rendre caduques les institutions qui en sont issues et qui s’y rattachent. Quand la Constitution tombe, ses institutions tombent aussi. En fait, le « coup d’Etat constitutionnel de Denis Sassou-N’guesso » dont parle l’opposition a malheureusement eu pour effet de le renverser juridiquement du pouvoir.

Concernant l’illégalité de toutes les institutions de la République

Quand Sassou allègue dans sa constitution que « les institutions issues de la Constitution du 20 janvier 2002 fonctionnent jusqu’à la mise en place des nouvelles institutions… »,il oublie de dire, outre la promulgation de la Constitution du 6 novembre 2015, qui a entraîné de facto la chute totale de toutes les Institutions, que plus aucune d’entre elles n’est légitime. C’est l’occasion de s’interroger sur le rôle que joue réellement Yves Ickonga, le conseiller à la Présidence de la République chargé de la régularité des institutions, auprès du chef de l’Etat. La Cour constitutionnelle est illégale pour n’avoir jamais été renouvelée depuis son installation en 2003 comme le prévoit la loi. Son apparent renouvellement n’a été dû qu’au fait du décès de certains de ses membres qui ont été remplacés, et non d’une régénération de fond en comble de l’institution.
> La Cour suprême est quant à elle dans une situation de quasi illégalité parce que son président, Lenga Placide, a largement dépassé l’âge requis officiellement pour cette fonction. La Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) que préside Me Jean Martin Mbemba est dans la même situation. Le Conseil supérieur de la liberté de communication (CSLC) n’est pas en reste. Son président, Philippe Mvouo, a été nommé le 25 juin 2012, pour un mandat de trois (3) ans, mais continue à diriger l’institution en l’absence totale d’un décret présidentiel qui le reconduit à la tête de ladite institution… En plus, ces institutions qui naviguent dans une irrégularité maximale depuis 2006 pour certaines, ne sont presque pas financées, pour avoir toujours du mal à accéder à leurs lignes budgétaires au Trésor public. Elles exercent dans la précarité.

Sassou a changé la Constitution, non pas pour faire évoluer les institutions, mais pour conserver le pouvoir

Triste réalité, Denis Sassou-N’guesso n’a pas changé la Constitution pour faire évoluer les institutions comme il l’a souvent prétendu. A ce propos, est-ce faire évoluer les institutions ou la démocratie – si ce n’est les faire reculer – que de donner la possibilité à un chef d’Etat de se présenter autant de fois qu’il le désir à une élection présidentielle ? Les grandes Nations du monde qui ont mis fin aux royaumes et ont expérimenté la Démocratie, ainsi que la forme républicaine de l’Etat, ont longtemps compris que ne pas limiter le nombre de mandats présidentiels est une autre forme de pérennisation de la royauté, une façon de signer l’acte de décès de la République. Une question toute évidente se pose, si Sassou-N’guesso n’a pas pu respecter la régularité des institutions issues de la Constitution du 20 janvier 2002, respectera-t-il celle des institutions qui découleront de la Constitution du 6 novembre 2015 ? Cette question n’est pas saugrenue lorsqu’on sait que le Président Sassou n’a que faire de la bonne marche des institutions et que pour ce dernier, ce qui prime, c’est la conservation du pouvoir à tout prix.

Le Congo-Brazzaville en état de siège

A en croire la rumeur brazzavilloise, le président veut décréter un Etat d’urgence ou un Etat de siège pour conserver le pouvoir. Quand ce dernier encercle les leaders de l’Opposition pendant des jours, déploie la police et fait décoller des hélicoptères en pleine capitale pour venir à bout des populations qui réclament l’ordre constitutionnel ; quand la majorité de la population rejette le référendum pour le changement de la Constitution mais que le « Oui » l’emporte lors de la proclamation des résultats de sorte qu’on impose une nouvelle constitution à tout un peuple ; quand toutes les institutions sont tombées (avec l’abrogation de la Constitution du 20 janvier 2002), et qu’elles continuent tout de même à exercer leur pouvoir sur le peuple ; quand un chef d’Etat « met en route » deux Constitutions, le temps pour lui d’organiser la présidentielle et de prêter serment sur la nouvelle Constitution afin de l’appliquer ; quand les libertés fondamentales sont confisquées et les opposants arrêtés ou en voie de l’être ; quand un Président ne s’appuie désormais que sur l’Armée et la police (non pas sur une législation incontestable et incontestée) pour gérer le pays et tenir le peuple en respect ; qu’est-ce que cela signifie en réalité si ce n’est un Etat d’urgence ou un Etat de siège? On a fort l’impression que l’histoire récente du Congo et du monde n’a pas contribué à assagir les dirigeants congolais qui exposent à nouveau ce pays à des troubles sociaux.

Après la COP 21 : l’Afrique entre deux eaux ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Les lampions se sont éteints au Bourget, en banlieue parisienne. Enfin, la COP 21 a vécu. Après 11 jours d’intenses tractations, du 30 novembre au 12 décembre, sur le drame climatique. Le résultat global, dit-on, semble être à la hauteur des attentes. Est-ce le cas pour le continent africain ?

plage

Au départ, il faut retenir que l’Afrique est du côté des victimes innocentes de la pollution. Selon les statistiques, elle n’émet dans l’atmosphère que quelque 4 % du CO2, alors qu’elle en subit les retombées autant que les pays fautifs. Sinon plus. En témoigne, à titre d’illustration, la disparition inexorable du lac Tchad.

C’est pourquoi, à Copenhague comme à Paris, elle a usé avec ténacité de son argument massue :« Que les pollueurs paient ». Approuvé, du reste, par le groupe des pays du Sud. Qui entendaient, en bloc, que les pays développés, pollueurs, délient la bourse pour financer leur adaptation à la « transition énergétique ». D’où l’idée d’un « fonds vert » en soutien de cette période qui s’annonce délicate.

Depuis Copenhague, la réponse des pays riches n’a pas varié. Ils ont consenti à mettre en jeu 100 milliards de dollars, par an, à partir de 2020. Un montant considéré comme plancher et non un plafond (appelé à être revu). Les détails sur la distribution de cette cagnotte ne sont pas connus. De son côté, la France a accordé 2 milliards d’euros, à verser spécialement dans la « corbeille africaine ».

Ainsi, le compte a-t-il été réglé ? En partie, car, l’essentiel est de savoir, surtout, si la « transition carbone » en faveur des énergies renouvelables sera bénéfique pour un développement exponentiel de l’Afrique. Jusqu’ici, on a moins évoqué cet aspect du problème.

A ce sujet, un regard sur la situation des pays industrialisés, qui continuent d’utiliser les énergies fossiles, 150 ans après le début de l’ère industrielle, laisse perplexe. La Chine s’y accroche encore, jusqu’à hauteur de 70 %, tandis que l’Afrique du Sud atteint le plafond de 90 %. En extrapolant, la moyenne africaine n’irait sans doute pas en deçà de ce chiffre.

C’est que, de manière générale, le continent tire encore l’essentiel de son énergie du charbon ou des hydrocarbures. Il en usera encore pendant un temps, en attendant que les nouvelles énergies prospèrent. Tout en étant placé devant un véritable paradoxe : d’un côté, tenir au respect des recommandations de la COP 21 et, de l’autre, s’appliquer au devoir de développement.

N’est-ce pas un exercice difficile pour un débutant ? Nombre d’analystes africains, cependant, y opposent l’optimisme. Ils pensent que le continent a encore la chance de faire le choix de solutions appropriées pour son avenir. « Tout est à faire », soutiennent-ils. D’où la possibilité, à leurs yeux, de créer un « stimulant économique », à partir d’un bon dosage entre charbon et éolien, par exemple.

Les Cassandre de l’économie, quant à eux, ne sont pas de cet avis. Ils n’y voient forcément qu’une catastrophe programmée. Pour eux, la notion d’aide, quelle qu’elle soit, est un « cheval de Troie ».

 

 

COP21: une interview en faveur des peuples autochtones

[Par Léon KHAROMON]


Ils ont longtemps été marginalisés dans les  accords qui réglementent la lutte contre le      réchauffement climatique. Mais, ça, c’était hier. A la COP21, ces peuples, tout droit venus des forêts amazoniennes et du bassin du Congo, les deux poumons verts de la planète, dont ils sont à fois les habitants et les gardiens depuis la nuit des temps, entendent désormais faire prévaloir leurs droits et apporter leur savoir dans la préservation et la gestion durable des grandes forets, un des points principaux de l’accord attendu ce samedi à la COP21 Paris-Bourget.

Rencontre avec le Congolais ( RDC) Jean Itongwa Mukuro, Secrétaire général du Réseau des populations autochtones et locales pour la gestion durable des écosystèmes forestiers de l’Afrique centrale. 

Propos recueillis par Léon AWAZI KHAROMON

    

Jean Itongwa Mukuro ©Léon Kharomon

Q: Quel est l’objet de votre mission ici au Bourget en France ?

J.I.M :Je suis venu participer à la 21ème conférence des parties sur le changement climatique. […] pour suivre les actions des négociations, nouer des contacts avec d’autres réseaux des peuples autochtones du monde pour  essayer de mener un plaidoyer en vue de voir réellement si les aspirations et les intérêts des peuples autochtones peuvent être pris en compte dans l’accord que nous attendons tous sur le climat de Paris.

Q : Avant d’en arriver à cet accord, si j’ai bien compris votre présentation, vous avez déjà accompli un travail en amont. Pouvez-vous nous dire en quoi consiste t-il?

J.I.M : Notre réseau travaille depuis très longtemps avec les organisations au niveau du pays. Nous avons préparé une note de position par rapport aux préoccupations des populations autochtones liées aux effets du changement climatique. Les populations autochtones, si nous parlons de l’Afrique Centrale et de la RDC, sont les groupes pygmées, mais aussi les groupes Mbororo. Ils sont très préoccupés par les effets du changement climatique. On s’est rendu compte que ce n’est pas réellement une affaire d’Etats, mais une affaire de communautés, parce que les conséquences et les effets du réchauffement climatique sont plus néfastes aux communautés, qui éprouvent des difficultés pour s’adapter aux effets des changements du climat. Maintenant, la communauté internationale, les Nations-Unies et les différents Etats qui font partie de cette convention sont conscients qu’il faut trouver des solutions et des engagements, qu’ils soient techniques ou financiers, pour qu’ils concernent aussi la protection des communautés. On s’attend aussi à des changements de systèmes de vie pour qu’on trouve réellement des solutions à ce fléau qu’est  la pollution de l’air. Nous avons eu aussi à nous préparer : nous avons eu des réunions au niveau de la RDC et de l’Afrique Centrale. En Afrique Centrale, nous avons tenu une réunion à Douala (Cameroun : Ndlr) fin août. En RDC, c’était en Novembre. Des réunions au cours desquelles nous avons réuni des responsables de différentes communautés qui travaillent directement sur terrain. Pour qu’ils puissent donner leurs opinions sur ce qu’ils attendent de la Cop21. Ils s’attendent à ce que l’accord et tous les engagements de la Cop puissent prendre en compte les droits des communautés : le droit à la participation, à l’information. Ils s’attendent aussi à ce que les programmes qui seront envisagés dans le cadre des solutions aux changements climatiques puissent être des programmes qui respectent les droits humains et les droits des populations autochtones.

Q : Les autorités de la région Afrique centrale (RDC, Cameroun, Gabon, etc), impliquent-elles les autochtones dans l’élaboration des programmes nationaux ?

J.I.M : Au niveau des pays, c’est un défi d’il y a déjà quelques années. Nous n’avons pas croisé les bras face à ce défi. Nous avons développé certaines stratégies. Notamment concernant les Etats d’Afrique centrale, et l’Etat congolais en essayant d’y poser nos préoccupations. Il est connu qu’au niveau des instruments internationaux, les pays se sont engagés à protéger l’environnement, mais aussi les droits de communautés. C’est sur la base de ces engagements internationaux que nous sommes allés vers les Etats pour leur rappeler leurs engagements à prendre en compte les droits de populations autochtones. Nous sommes dans un processus qui doit être matérialisé par des indicateurs, au niveau des pays, sur tous les aspects de la vie des populations autochtones. Il y a des opportunités, il y a déjà un dialogue et de l’espoir. Parce qu’au niveau de l’Afrique centrale, nous avons un Forum international des populations  autochtones d’Afrique centrale. C’est un organe de la CEAC. Chaque trois ans, il y a une session qui se tient au niveau de l’Afrique centrale. La récente édition, la troisième, s’est ténue à Impfondo au Congo Brazza. Cette session a réuni les Etats et les scientifiques pour spécialement traiter des questions sur les connaissances traditionnelles des peuples autochtones. Il y a eu même des recommandations qui ont été adressées à la CEAC. Qui est un organe qui regroupe les Etats. Déjà au niveau de ce plaidoyer, il y a cette prise de conscience. Mais il faut qu’elle soit matérialisée par des mesures et des actions pour que les communautés constatent que réellement l’Etat commence à réaliser quelques actions pour leur protection.  C’est au niveau de la mise en oeuvre que ça pose problème. Au niveau des intentions politiques et des engagements, il y a une perspective d’espoir. En RDC, par exemple, on vient de passer à l’examen périodique universel des droits de l’homme à Genève.  Parmi les recommandations reçues des autres pays du conseil des droits de l’homme, il y a quatre recommandations auxquelles la RDC s’est engagée : L’éducation des populations autochtones, la protection de leurs terres- comment sécuriser les terres des populations autochtones pygmées- ; aussi l’implication des populations autochtones dans la gouvernance forestière avec le projet RED, mais aussi la reconnaissance légale des populations autochtones. Voilà, les quatre recommandations. Ce sont des engagements d’intentions au niveau national mais qui doivent être matérialisées par des actions, des programmes et des mesures légales.

 

Les responsables d’associations d’autochtones africaines en pleine discussion sur les résolutions à soumettre à l’accord global de la COP21 (© Léon Kharomon)

Est-ce que l’Etat comprend ? Oui, il y a ce processus qui commence, mais le défi qui reste c’est la mise en œuvre effective au niveau du pays.

Q : Vous avez dit que les peuples autochtones sont ceux qui sont les plus impactés par le réchauffement climatique. Pourriez-vous nous donner un ou deux exemples concrets ?

JIM : Les peuples autochtones sont réellement liés aux ressources naturelles. Imaginez-vous que ces ressources naturelles se dégradent maintenant. Notamment les forêts. L’affectation des terres,  le changement de la biodiversité, etc…toutes les actions qui vont dans le sens de changer l’origine naturelle de la biodiversité. La sécheresse, avec tous les problèmes de perturbation et des changements climatiques, l’impact sur les plantes, sur les animaux qui constituent le moyen de subsistance des peuples autochtones… Ils n’ont pas d’économie, les pygmées, L’économie, c’est dans la forêt. C’est comme si on détruisait les supermarchés ici…C’est la même chose pour les pygmées avec la forêt… La perte de certaines espèces, la rareté de certaines ressources, notamment liées aux ressources naturelles constitue un danger très grave pour la survie de ceux qui dépendent directement de ces ressources naturelles. Il y a certaines espèces par exemple qui ont disparu à cause d’actions anthropiques, l’exploitation des bois par exemple, qui font fuir les animaux très loin. Et un autochtone pygmée va chercher pendant des jours et des jours à attraper juste un gibier…Même les plantes médicinales, les arbres à chenilles, c’est difficile d’en trouver. Ils sont devenus trop rares. Et d’autres qui n’existent plus à cause de l’exploitation illégale. Cela a des conséquences sur la vie des populations autochtones.

: Le discours global consiste à demander aujourd’hui aux peuples riverains des grandes forêts de ne pas couper les arbres pour les bois de chauffe.. C’est comme si c’était eux qui étaient les premiers responsables de la forêt. Alors qu’à côté on trouve des gros exploitants forestiers…

JIM : En fait, on leur dit de ne pas toucher aux forêts. Le monde est actuellement conscient du dérèglement climatique. Ça nous interpelle tous. La responsabilité, bien sûr, est partagée. On ne peut pas vraiment la lier seulement aux communautés. Les communautés autochtones ont vécu avec ces ressources pendant très longtemps. Ils ne les ont même pas exploitées avec les moyens qui détruisent à grande échelle les ressources naturelles. Ils ont des moyens rudimentaires qu’ils ont maintenus très longtemps. La preuve est que là où il y a des communautés, il y a des ressources naturelles. Ces ressources sont toujours à un état satisfaisant, grâce à la présence des communautés. Il  y a problème quand il y a menace extérieure, car les ressources sont devenues une vocation économique à grande échelle. C’est là que ça détruit tout. Au-delà même des capacités des communautés locales qui n’ont pas tous ces engins pour exploiter les ressources naturelles. L’interpellation serait de demander, d’appuyer et de renforcer les capacités des populations autochtones, de reconnaître leurs rôles, notamment dans ces ressources et les responsabiliser pour qu’elles continuent à gérer ça durablement.

: Oui, mais je pense que ces populations ont aussi droit à une compensation par rapport à la destruction de leur espace vital qu’est la forêt.

JIM : Exactement, c’est ce que nous sommes en train de dire. Quand on parle de droits, ça englobe beaucoup de choses. C’est un terme générique, mais à l’intérieur, il y a beaucoup d’aspects… Prendre en compte tout ce qu’ils ont rendu comme services grâce à leurs pratiques de conservation. On fait même allusion au paiement des services environnementaux.. Il y a tous ces efforts que les communautés ont fait et qui doivent être compensés, si réellement il y a des gens qui bénéficient des retombées de ces ressources naturelles ailleurs. En termes de l’air, en termes de carbones séquestrés dans les territoires, etc… S’il y a des compensations, les communautés doivent en bénéficier pour qu’elles puissent renforcer les moyens qu’ils ont toujours utilisés pour la protection. Ça, c’est un élément très important. Ces communautés ont le droit d’être payées, d’être prises en compte et le droit même d’être consultées pour tous les programmes qui concernent leurs territoires. Le changement climatique, c’est une préoccupation. Il faut arriver à un accord. Qui porterait par exemple sur des efforts qui doivent être récompensés. Les forêts, qui les ont protégées ? Ce sont les communautés ! Et quand on décide cela et qu’il y a la société civile et les organisations des populations autochtones qui parlent et qui ont besoin d’êtres écoutées, il s’agit d’emmener leurs préoccupations et leurs droits dans ces accords. Nos préoccupations concernent tout cela ! Je vois que ces communautés ont fourni des efforts et que c’est très important qu’elles soient pris en compte dans l’accord qui sera pris en termes d’engagements des parties prenantes. Il faut que réellement  l’aspect des droits de populations soit pris en compte.

Q: Gardez-vous espoir qu’un accord global sera trouvé ? Du côté de la société civile, qu’attendez-vous particulièrement de cet accord ?

JIM: Nous avons préparé depuis très longtemps ce processus. Pour le cas des populations autochtones, nous avons nos délégués qui ont participé aux travaux de préparation ; Que ce soit à Bonn ou ailleurs, partout, jusqu’à ce niveau. Nous avons mené un plaidoyer pour que l’accord puisse inclure l’aspect des droits des populations autochtones. Nous sommes à Cinq jours de la fin de la COP21. Le premier document (pré-accord) qui est sorti inclut dans le préambule les droits humains et des populations autochtones. Ça ne suffit pas. Nous on veut plus que ça. Ca c’est au niveau du préambule. On  veut qu’au niveau des articles, c’est-à-dire des dispositions opérationnelles d’engagement, cela puisse ressortir. C’est cela notre espoir. Nous croyons à un accord, mais un accord qui va au-delà des intentions dans le préambule, un accord  qui doit tenir compte des engagements dans la mise en œuvre des dispositions opérationnelles.

: Vous venez de quelle région ?

JIM : Je suis du Kivu, du territoire de Walikale, qui est le premier territoire forestier de la province du Nord-Kivu. Je suis de la communauté autochtone Bambuti-Babuluko. Je suis le responsable du réseau qui regroupe les populations autochtones de la RDC mais aussi de l’Afrique centrale.