Passeport universel : une idée révolutionnaire

[Par Makaila NGUEBLA]

C’était deux jours avant le score « coup de tonnerre » du Front National aux élections européennes. De nombreux militants associatifs et des responsables politiques étaient mobilisés ce vendredi 23 mai afin de plaider pour le passeport de citoyenneté universelle. Cela fait trois ans que la Fondation France Libertés, le mouvement Emmaüs International et le mouvement UTOPIA militent pour ce projet. Loin des programmes nationalistes de l’extrême droite, ce passeport humaniste a pour vocation de résoudre l’épineuse question de la liberté de circulation et de favoriser le droit à la résidence dans le monde.

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Le ton était ferme et solennel vendredi matin à l’Hôtel de Ville de Paris.
Tour à tour, les intervenants ont pris la parole afin de plaider pour la même cause: le droit au passeport de citoyenneté universelle. Ce document hautement symbolique permettrait de décloisonner les frontières.
Une idée revendiquée par l’Organisation pour une Citoyenneté Universelle (OCU), fondée par Emmaüs International, France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand et le Mouvement Utopia. Le projet de ces associations françaises de défense du droit des étrangers est fortement soutenu par la maire de Paris en personne, Anne Hidalgo, ambassadrice de l’OCU. La femme politique est d’ailleurs elle-même originaire d’Espagne et détentrice de la double nationalité française et espagnole. Elle n’a pas pu être là, mais elle était représentée par Hermano Sanchez Ruivo, conseiller de Paris et du 14ème arrondissement.

« La ville de Paris porte en son sein depuis des milliers d’années, cette idée de mobilité et d’accueil. Elle s’implique parce qu’elle est la ville où habitent des milliers de personnes. » a-t-il déclaré au nom d’Anne Hidalgo. Et d’ajouter : «  L’idée de Passeport universel et l’idée de citoyenneté universelle pourraient simplifier tellement la vie de milliards de personnes ».
Plusieurs militants associatifs se sont également exprimés pour expliquer les raisons de leur engagement au sein de l’Organisation pour la Citoyenneté Universelle (OCU).

Jean Christophe de la fondation France Libertés a expliqué que son association visait à favoriser la libre circulation dans le monde entre les personnes.
Dans un contexte où l’ouverture des frontières fait peur en Europe et attise des crispations, David Flacher, porte-parole du mouvement UTOPIA a expliqué que la migration avait des avantages aussi bien pour les pays d’accueil que pour les pays d’origines des migrants. Il a ainsi appellé à la tenue sous l’égide des Nations unies d’une conférence internationale sur la libre circulation et à une politique migratoire humaniste et réaliste.

Les membres de l’Organisation pour la Citoyenneté Universelle (OCU)

Les membres de l’Organisation pour la Citoyenneté Universelle (OCU)

Jean Rousseau, président d’Emmaüs International, a pour sa part fustigé la politique migratoire des pays européens, dénuée selon lui de réflexion et incapable de protéger les personnes.
« Il faut que se construise un espace pour repenser les débats sur les migrations » a ajouté de son côté, Nathalie Pere Marzano, déléguée d’Emmaüs International.

La journée s’est terminée par une remise à titre symbolique de passeports de citoyenneté universelle à des personnalités politiques ou des artistes pour leur engagement en faveur de la citoyenneté universelle. Un moment particulièrement émouvant
Parmi les bénéficiaires: le député européen Daniel Cohn-Bendit. Les larmes aux yeux, il a appelé à l’ouverture de la tête et des coeurs. L’homme politique a vécu une situation d’apatride durant quatorze ans, c’est-à-dire sans nationalité ni pays.
Les autres « citoyens du monde »: l’écrivaine Taslima Nasrin, Rona Hartner, artiste franco-roumaine, Reza Deghati, reporter-photographe, Tiken Jah Fakoly, artiste ivoirien et Miguel Angel Estrella, pianiste argentin.

Tous ont déclaré être honorés et avoir retrouvé leur dignité individuelle et collective par la délivrance de ce passeport de citoyenneté universelle.

Cissokho Ansoumana, porte-parole des sans-papiers

Cissokho Ansoumana, porte-parole des sans-papiers

Cissokho Ansoumana, porte-parole des sans papiers avait reçu l’année dernière ce passeport de citoyenneté universelle, c’était lors de la première édition. « Seul l’Etat de l’Equateur reconnaît ce passeport et autorise à ses détenteurs de rentrer sans visa. » a-t-il fait remarquer, étonné.

Les organisateurs de l’événement ont lancé un appel pour que les participants fassent connaître le passeport de citoyenneté universelle auprès des élus et des mouvements altermondialistes.

Une campagne sera menée à travers le monde auprès des représentants diplomatiques, des institutionnels et des organisations internationales pour étendre l’initiative à l’échelle planétaire.

Altermondes : Partenaire de la MDJ / L’œil de l’exilé

Altermondes : Conférence-débat Médias & Citoyens en images

[Photos de Muzaffar SALMAN, 15 septembre 2014]

Altermondes - Médias&Citoyens [Photo crédit : M. Salman]

Altermondes – Médias&Citoyens [Photo crédit : M. Salman]



larbigraineLe Front National et le vote immigré

[Chronique / L’œil de l’exilé / Par Larbi GRAINE : Altermondes n° 39 / Septembre 2014]

 

cherifdialloAntiijihad : La sécurité et la liberté

[Chronique / L’œil de l’exilé / Par Sékou Chérif  DIALLO : Altermondes n° 40 / Décembre 2014]

 

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Boko Haram : Non au silence !

[Chronique / L’œil de l’exilé / Par Marciano Romaric Kenzo Chembo : Altermondes n° 41 / Mars 2015]

 

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Loi sur le renseignement Déception chez les réfugiés

[Chronique / L’œil de l’exilé / Par Marie Angélique Ingabire : Altermondes
n° 42 / Juin 2015]

 

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Daesh Menace sur l’Asie Centrale

[Chronique / L’œil de l’exilé / Par Sadegh Hamzeh :  Altermondes n°43 / Septembre 2015]

 

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Attentats de Paris: la compassion vis-à-vis de la France divise les Africains

[Chronique / L’œil de l’exilé / Par René Dassié :  Altermondes n°44 / Décembre 2015]

 

 

Elyse-NGABIREBurundi : Paroles, paroles de la Communauté Internationale ? 

[Chronique / L’œil de l’exilé / Par Elyse Ngabire :  Altermondes n°45 / Mars 2016]

 

 

Paris aime ses kiosques : Le kiosque du 19ème aux couleurs de la Maison des journalistes

[Par Carole Attioumou-Serikpa]

Le kiosque de place colonel Fabien dévoué à la MDJ

Le kiosque de place colonel Fabien dévoué à la MDJ

Le kiosque de la place Colonel Fabien du 19ème Arrondissement a revêtu les couleurs de la Maison des journalistes (MDJ) dans le cadre de l’opération « Paris aime ses kiosques », ce jeudi 15 mai 2014. Ainsi, ceux qui feront le détour sur ce site verront le logo de la MDJ, c’est-à-dire, un carré rouge sur lequel il est imprimé en lettres noires et blanches « La Maison des Journalistes » en presque toutes les langues du monde. Cette deuxième édition à laquelle prend part la MDJ, vise à célébrer les kiosquiers de la capitale française, un peu en perte de vitesse du fait du développement accru des nouvelles technologies de l’information, et à montrer la place qu’ils occupent dans le secteur des médias. Ce qui a été relevé dans les différentes interventions des participants dont celle de Darline Cothière, Directrice de la MDJ. Elle a par ailleurs, gratifié l’auditoire de l’expérience de la maison qu’elle dirige, en matière d’accueil, d’assistance et d’accompagnement des journalistes exilés.

Pour sa part, Fatima Fourn, kiosquière de la place Colonel Fabien du 19ème, a fait observer que l’avènement des TICS ont effectivement entraîné de nombreux problèmes dans ce métier qu’elle exerce depuis plus d’une décennie. Conséquence directe, a-t-elle révélé la fermeture de 55 kiosques dans la région parisienne. C’est pourquoi, Fatima a salué cette initiative. Qui, à l’en croire, pourrait susciter un nouvel engouement chez les lecteurs.

Johnny Bissakonou, journaliste centrafricain en exil en France, raconte son expérience

Johnny Bissakonou, journaliste centrafricain en exil en France, raconte son expérience

Stéphane Bribard, Directeur de la Communication externe de Presstalis, partenaire de la MDJ, notamment sur le projet « Renvoyé spécial» a, quant à lui, réitérer sa confiance et son engagement vis-à-vis de cette institution. Et Jonnhy Bissakonou, journaliste centrafricain exilé, pensionnaire de la MDJ, intervenant à son tour, a édifié le public sur les raisons de sa présence en France. Ce journaliste blogueur, élu parmi les 100 héros de l’information, tout en rendant hommage à Camille Lepage, photojournaliste française assassinée le mardi 13 mai dernier en Centrafrique, s’est prononcé une fois de plus sur la question de la liberté de la presse et d’expression dans son pays.

La MDJ participe pour la première fois à l’opération « Paris aime ses kiosques », initiée par Mediakiosk en avril 2013.

Prix Albert Londres : Philippe Pujol et un trio sur le podium

[Par Larbi GRAÏNEenvoyé spécial à Bordeaux]

Le prix Albert Londres 2014, le plus prestigieux des prix francophones, a été décerné lundi 12 mai à quatre journalistes. Il s’agit de Philippe Pujol, du quotidien local « La Marseillaise » et de trois réalisateurs d’un reportage télé tourné en Afghanistan et au Pakistan et diffusé par France 2. Ce trio est formé du Pakistanais Taha Siddiqui et des Français Julien Fouchet et Sylvain Lepetit. Philippe Pujol, qui s’est vu donc attribué le prix de la presse écrite est un spécialiste des faits divers, le jury l’a choisi pour sa série de dix articles « Quartiers Shit » parue sur « La Marseillaise » tout au long de l’été 2013. Présidé par la journaliste Annick Cojean, le Jury a, cette année, opté pour Bordeaux quant à la remise du prix, cette ville ayant été l’un des ports d’où est parti Albert Londres pour réaliser ses reportages, dont beaucoup ont ciblé l’Afrique. L’édition de cette année est dédiée à l’ancienne présidente du Jury, Josette Alia, décédée le 1er mai dernier.

Philippe Pujol reçoit le prix Albert Londres

Philippe Pujol reçoit le prix Albert Londres (Nicolas Tucat/AFP)

Avant l’entame de la cérémonie de remise du prix qui devait se dérouler en fin de journée, on a écorché un peu et ce, devant un parterre d’étudiants de l’Institut de journalisme de Bordeaux Aquitaine (IJBA) la profession journalistique, comme on en a souligné également ses vertus. Il a fallu surtout coller à l’esprit de celui auquel la cérémonie est dédiée: Albert Londres et au prix qu’il a inspiré et dont la grave sentence : « mettre la plume dans la plaie », a été mise au fronton d’une série de conférences qui s’est étalée de 9h du matin jusqu’aux coups de 18 heures. Pour Annick Cojean, la cérémonie de remise de ce prix « est pour nous (journalistes, NDLR) une journée de dialogue ». En tout cinq conférences étaient au menu de cette manifestation, laquelle a tenté de rendre compte des conditions de la pratique du métier de journaliste sur une aire géographique s’étendant de la Syrie au Canada en passant par le Congo, la France et la Chine.

La Syrie, un conflit périlleux pour les gens des médias.
Jean-Pierre Perrin journaliste à Libération, spécialiste du Moyen- Orient et Michel Moutot, journaliste à l’AFP, ont essayé à propos de la Syrie de répondre à la question de savoir «comment couvrir le conflit le plus meurtrier pour les journalistes ? ». Les deux hommes ont séjourné à plusieurs reprises dans ce pays et le récit qu’ils en ramènent décrit une situation chaotique, insaisissable et opaque, faite de crimes à huis-clos. « On est toujours dans l’ignorance, on ne voit pas ce qui se passe au niveau même de l’opposition. On parle d’Abou Bakr Baghdadi, personne ne sait qui est-il, personne ne connait son âge, ni son lieu de naissance, je voudrais en faire un portrait, mais c’est impossible. C’est le miroir inversé de Ben Laden qui raffolait de passer sous les caméras, lui, il apparait toujours encagoulé, c’est l’homme qui n’existe pas. Le secret est voulu par toutes les parties» regrette sur un ton amère Jean-Pierre Perrin pour qui le régime d’Assad « est à l’affût du moindre écrit ». Telle que décrite, la Syrie apparait comme une citadelle imprenable. En mars 2012, Michel Moutot a tenté de regagner le territoire syrien à partir de la Turquie, mais sans succès alors que l’agence AFP pour laquelle il travaille dispose d’un bureau à Damas. Perrin, a, quant à lui, essayé en 2011 de se frayer un chemin vers ce pays, à partir du Liban, mais sa tentative n’aboutit pas. Par la suite, une organisation lui propose de l’y emmener moyennant la somme de 1200 dollars, mais Perrin décline l’offre. Il a préféré revenir quelques mois après, au moment où la 3e ville de Syrie, Homs, était devenue l’épicentre de la révolution. A l’époque, il avait été hébergé par un paysan sur la frontière libano-syrienne. Et de confesser qu’il avait fait la rencontre d’une célèbre journaliste américaine, Marie Colbin, « plus organisée que moi », qui, en cherchant, elle aussi à faire un reportage en Syrie, avait été mise au courant de l’existence d’un tunnel sous-terrain qui conduisait jusqu’à la ville insurgée. Le journaliste français a donc emboité le pas à l’Américaine. S’il a pu parvenir à Homs, il en sera toutefois expulsé quelques jours plus tard par le même tunnel. Michel Moutot a expliqué comment une agence comme l’AFP est obligée de recourir au système D pour continuer à informer. Selon lui, du fait des dangers que présente la situation, l’agence depuis janvier 2013 a décidé de ne plus envoyer personne sur le front. Les informations que l’agence peut collecter a-t-il ajouté, sont recueillies auprès d’un réseau de correspondants communicant sur Skype. Et d’ajouter « ils savent qu’ils sont écoutés, mais ça reste faisable, les gens le font par militantisme, ils veulent informer sur leur pays ». D’après lui « il n’y a qu’un tiers ou un quart de ce qu’on reçoit qui soit fiable ». Il reconnait l’important rôle joué par l’observatoire syrien des droits de l’Homme qui a-t-il souligné contrôle un réseau de 230 correspondants dont beaucoup de médecins. « On sait qu’il n’est pas neutre, (l’Observatoire, NDLR) puisqu’il s’oppose au pouvoir, mais on fait ce qu’on peut » a-t-il dit.

Les copies des pigistes refusées.
Pour ne pas encourager les pigistes à prendre des initiatives consistant à couvrir des événements dangereux que les rédactions elles-mêmes refusent de couvrir, les journaux commencent à rejeter les papiers commis par des pigistes qui ont été de leur propre chef sur le théâtre des opérations. Si les rédactions acceptent les papiers des pigistes, elles auront alors du mal à justifier le refus d’envoyer un journaliste permanent explique-t-on.

Le témoignage bouleversant d’une journaliste congolaise.
En plus d’une communication sur la mafia du Québec faite par la journaliste à radio Canada, Marie-Maude Denis, dont nous publierons l’interview accordée à l’œil de l’Exilé dans les prochains jours, une autre communication a attiré particulièrement l’attention, c’est celle de la journaliste du Congo démocratique, Chouchou Namegabe, qui a dénoncé «  Le viol » utilisé «  comme une arme de guerre » par des groupes armés rebelles. (Nous publierons prochainement l’interview qu’elle nous a accordée). Ces sévices sexuels d’une horreur abominable sont pratiqués a-t-elle détaillé même sur des bébés de deux ans. Pour perpétrer des viols sur les femmes, des raids prennent pour cible des villages. Certaines femmes ont été forcées, après avoir été violées, de faire acte de cannibalisme en mangeant la chair de leurs petits enfants tués devant elles avant d’être découpés en morceaux. Pour lutter contre cette monstruosité derrière laquelle se profile l’image hideuse de multinationales trop intéressées par les ressources minières que renferment les terres, cette journaliste-courage de la radio a crée 26 clubs radiophoniques dont elle a confié la gestion à des femmes du cru, formées sur le tas pour devenir journalistes. Depuis lors celles-ci s’occupent d’informer via les ondes sur l’état de leur village et signaler en temps réel tout mouvement suspect des bandes armées.

Sécurité des journalistes, vers un durcissement de la législation

Par Larbi GRAÏNE

Reporters Sans Frontières (RSF) préconise la nomination d’un rapporteur spécial de l’ONU sur la sécurité des journalistes à l’effet de lutter contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes a indiqué (hier 5 mai) Christophe Deloire, le secrétaire général de cette ONG qui s’exprimait lors d’une conférence internationale sur la liberté de la presse organisée au siège de l’Unesco à Paris et ce, à l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse.

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Une journée déclinée cette année sous le thème de « La liberté des médias pour un avenir meilleur : contribuer à l’agenda de développement post-2015 ». Une véritable prise de conscience de la nécessité de protéger les journalistes des assassinats semble être ainsi engagée. L’année 2012 a été particulièrement meurtrière pour la profession. Et pour cause, 89 journalistes ont été assassinés. Un funèbre record depuis 1995, année où RSF a commencé à faire état de son classement annuel. A retenir aussi cet autre chiffre macabre : 450 journalistes ont été tués en six ans. Il est vrai que l’assassinat de deux journalistes français au Mali, achève de signifier que nul journaliste n’est à l’abri d’une élimination physique tragique. Christophe Deloire a annoncé en outre que l’organisation qu’il dirige œuvre pour la modification de l’article 8 du Statut de la Cour pénale internationale relatif aux crimes de guerre, dans le sens de l’élargir aux journalistes car a-t-il expliqué c’est le droit à l’information qui est atteint. Désormais le « fait de lancer des attaques délibérées contre les journalistes, les professionnels des médias et le personnel associé » sera passible de sévères sanctions. RSF envisage également en plus d’introduire dans le corpus de la charte internationale des Droits de l’Homme des observations générales relatives aux journalistes, la mise en place d’une représentation locale au niveau du Haut Commissariat pour les Réfugiés des Nations unies, à qui serait donnée mandat de traiter les dossiers de journalistes menacés. Répondant à une question de L’Œil de l’Exilé de savoir s’il y a possibilité d’inclure le critère du degré de syndicalisation des journalistes quant à l’établissement par RSF du classement annuel relatif à la liberté d’expression dans le monde, Christophe Deloire, tout en relevant la « pertinence » de la problématique, a indiqué que le classement se fait sur la base de 120 questions.

La situation n’est pas idyllique en Algérie
Evoquant la situation de la presse en Algérie, le secrétaire général de RSF, n’a pas manqué de noter la 121e place affecté à ce pays en 2014 avant de faire observer que « la situation des journalistes en Algérie n’est pas idyllique ». Ernest Sagaga, responsable du département des droits de l’Homme et de la sécurité au sein de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), que nous avons rencontré en marge de la conférence, abonde dans le même sens. Selon lui « la situation de la presse au Maghreb est précaire et difficile ». La représentation de la FIJ à Alger a fermé sa porte et le Syndicat national des journalistes (SNJ) n’est pas fonctionnel » a-t-il reconnu. Et de conclure que seule la mobilisation des journalistes algériens est à même d’imposer le changement.

AlJazeera dans la tourmente
De son côté, Mostefa Souag, directeur d’AlJazeera Media Network a dressé un véritable réquisitoire contre l’Egypte qu’il a présentée comme un « modèle d’oppression contre les gens des médias ». Il a évoqué le cas des journalistes d’AlJazeera jetés en prison par la Justice du Caire. « L’un d’eux a fait 100 jours de grève de la faim, on l’a fait sortir de sa cellule pour le faire passer devant le juge un 3 mai (journée mondiale de la presse, NDLR) » a-t-il fulminé. Et d’ajouter « en fin de compte, son procès a été reporté de 45 jours et le journaliste est retourné en prison. Le juge n’a pas trouvé mieux que de lui souhaiter une bonne journée de la presse ». Pour Mostefa Souag « la lutte contre le terrorisme ne peut être un alibi pour terroriser tout le monde ».

La déclaration de Paris
Notons que la conférence internationale se poursuit aujourd’hui (6 mai 2014) pour son deuxième jour. Hier à l’issue de la première journée, les participants à la conférence ont adopté la déclaration de Paris dans laquelle ils appellent le Groupe de travail ouvert de l’ONU sur les objectifs de développement durable à « intégrer pleinement, dans les documents adéquats les questions de la liberté de la presse, de l’indépendance des médias, de l’accès à l’information, tel que proposé par le rapport du Panel de haut niveau de l’ONU, et d’inclure ces préoccupations dans l’élaboration des objectifs et des indicateurs de gouvernance et de développement ». S’adressant aux Etats membres de l’Unesco, les auteurs de la déclaration ont demandé entre autres à ce que ceux-ci s’assurent « que les crimes commis à l’encontre des journalistes feront l’objet d’enquêtes et de poursuites indépendantes, rapides et efficaces, que les condamnations de la Directrice générale (de l’Unesco NDLR) lors de meurtres commis envers les journalistes, auront pour résultat une réponse exhaustive et rapide sur la poursuite des investigations judiciaires, tels que décidé par le Programme international pour le développement de la communication de l’Unesco (PIDC) ». En outre la déclaration interpellent également les journalistes, les associations professionnelles, les médias, les intermédiaires de l’Internet et les praticiens de médias sociaux afin de « participer au débat sur la liberté d’expression et le développement et à soutenir le Plan d’Action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité grâce à des questions conjointes ou complémentaires, et améliorer la coopération ».

Le témoignage de Makaila

Le célèbre blogueur tchadien Makaila Nguebla, qui a trouvé refuge à la Maison des journalistes (MDJ) de Paris, est monté hier à la tribune de l’Unesco pour témoigner sur les réalités amères des pratiques autoritaires des régimes africains à l’endroit des blogueurs et des journalistes. Après avoir fui son pays, le Tchad, Makaila se retrouve dans une terrible cavale. Partout où il était arrivé, il avait été traqué car les actes de persécution émanant de l’Etat d’origine n’ont pas de frontières. Pourfendeur du président tchadien Idriss Déby Itno, ce militant racé des droits de l’Homme est fiché comme un malfrat chez les polices africaines. Tour à tour le Sénégal, la Tunisie l’expulse, avant qu’il atterrisse en Espagne. Mais c’est finalement la France qui, la première, lui accorde l’asile politique.

L’art n’est pas seulement chez les iraniens

[Par Sadegh HAMZEH]

 

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Annabelle Richard

« L’art est seulement chez les iraniens ». Si vous voyagez en Iran et que vous parlez aux iraniens à propos de l’art vous entendrez certainement cette phrase de Ferdowsi, le grand poète iranien.

 

Cette phrase, comme pour la plupart des iraniens, provoquait en moi un fort enthousiasme, mais aujourd’hui, ayant fuit l’Iran pour me réfugier en France, j’ai pu comparer la place de l’art iranien avec l’art d’autres pays, et en particulier l’art en France.

 

Installé à Paris, j’ai été frappé par le sentiment de vivre au milieu de l’art. Architecture, peinture, théâtre, musique, poésie, littérature, danse, cuisine, paysage, l’art en France est partout, dans chaque recoin du pays.

 

Pour rencontrer l’art il n’est pas nécessaire de visiter les grands musées parisiens comme le Louvre, il suffit de marcher dans les rues de Paris pour découvrir le plus beau musée du monde. Les discutions à la française sont également une des beautés caractéristiques de la France. Lorsque je parle avec un français,j’ai l’impression d’assister à un théâtre contemporain. La manière avec laquelle les français s’expriment est unique. Pour communiquer leurs sentiments, ils utilisent les mains et les expressions du visage de telle façon que l’interlocuteur peut comprendre l’idée générale même s’il ne parle pas français. Une autre beauté caractéristique de la France qu’on ne peut ignorer est ses cafés. L’émulation des rencontres et des discutions entre les gens, les tables installées sur les trottoirs, les terrasses pleines à craquer au moindre rayon de soleil m’émerveillent et me fascinent.

 

Il y a quelques jours, je suis allé dans un charmant salon de thé de la banlieue ouest de Paris où j’ai découvert l’intervention d’une jeune artiste qui était par chance présente sur les lieux. Etant touché par la singularité et à la sensibilité de son travail, j’ai profité de l’occasion pour lui poser quelques questions.

 

Pouvez-vous vous présenter ?

 

Je m’appelle Annabelle Richard, après un Master en Arts plastiques et Sciences de l’art j’ai obtenu l’agrégation d’arts plastiques qui m’a permis d’enseigner depuis maintenant 3 ans tout en développant ma pratique artistique.

 

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre exposition ?

 

Cette exposition est très importante pour moi car c’est la première fois que je montre mon travail hors de mon atelier ou de la fac. Je l’ai conçue spécifiquement pour ce lieu singulier qu’est le Dinette Café. Cette charmante petite maison transformée en salon de thé, à deux pas de la gare, laissait déjà entrevoir une certaine fantaisie dans sa cuisine et dans sa décoration avec des théières transformées en lampes et des assiettes qui semblaient s’envoler dans les escaliers. J’ai eu envie d’y ajouter ma petite touche personnelle afin de révéler au mieux l’esprit poétique du lieu.

 

Vous utilisez de manière récurrente certains éléments comme la couleur rose, le riz ou les œufs, pourquoi, qu’est-ce que cela signifie ?

 

Le rose est effectivement une couleur très importante dans mon travail. A l’origine c’est d’abord la couleur du papier toilette rose qui, une fois mouillé, se transforme en une matière très séduisante par sa couleur vive et sa texture charnelle. A travers mon travail je questionne la vie, sesorigines et ses mécanismes. Mon observation détaillée de la nature m’a également amenée à voir des correspondances entre le monde animal et végétal. La rencontre du grain de riz et de l’œuf intervient donc comme une évidence dans mon travail. L’exposition, telle qu’elle est conçue, peut être envisagée comme une célébration allégorique du printemps.

 

Vous avez intitulée une de vos installations La Rosière, pourquoi avoir choisi ce même nom pour l’exposition ?

 

L’idée du titre de l’exposition m’est venue par hasard, en cherchant un mot dans le dictionnaire des synonymes. J’y ai lu « rosière : vierge. » Ce titre m’a semblé parfaitement adapté au lieu et à mon travail. Le coté désuet, le rose, l’idée de fête, de célébration, de mariage dont la rosière est chargée, et surtout la question de la vertu, de la bonne moralité, et de la virginité m’a semblée correspondre parfaitement à mon projet printanier. La bonbonnière ne renferme pas toujours les roudoudous que l’on attend. La boucle était bouclée lorsque le drapé extérieur qui devait être une simple parure est devenu la vulve géante mais dissimulée de notre petite Rosière.

 

Quels sont les artistes qui vous ont inspirés ?

 

Pour l’exposition j’ai dressé une liste non exhaustive de tous les artistes qui peuvent être mis en relation avec mon travail. Je retiens prioritairement Fragonard pour ses scènes très érotiques et son tableau Le Verrou pour avoir dissimulé des sexes dans ses drapés, Meret Oppenheim pour ses détournements surréalistes d’objets, et bien sûr celle que je considère comme ma grand-mère spirituelle, Louise Bourgeois.

 

 

 

Une beauté qui fait blessure

http://deco-design.biz/

Haude Bernabé. Photo tirée par http://deco-design.biz/

En la regardant, cette femme douce et menue, il est difficile de l’imaginer dans une forge entourée d’éclats de feu, parmi des pinces, des marteaux et des enclumes. Et pourtant, la forge est le lieu que Haude Bernabé, sculptrice originaire de Brest, a choisi comme lieu privilégié de son art, dans lequel domine un élément dur et fort comme le fer. « Je ne vois pas le métal comme un matériel dur et froid: quand on le travaille avec le feu ses caractéristiques changent, il devient quelque chose de plus malléable, et pourtant quelque chose qui dure ». Haude Bernabé nous accueille dans son atelier de Montrouge, près de Paris, entourée de silhouettes éthérées et légères, de visages pleins de grâce, interrogatifs et perturbateurs. Puis, elle met ses gants épais, déjà usés, ses lunettes de soudure et allume la flamme.

 

Comme Héphaïstos dans son enfer de feu, Haude transforme avec la flamme la matière froide, lourde et réfractaire, en figures légères et élégantes. Des visages murmurants, figures anthropomorphes, sont créés avec des matériaux de rebus recueillis et transformés, comme quand enfant, elle fabriquait ses jouets avec ce qu’elle trouvait abandonné par les vagues sur la plage. « Je travaille avec le métal de récupération que je vais chercher chez un ferrailleur de Brest, donc il s’agit de pièces qui viennent des bateaux, de l’arsenal de Brest, un fer qui a déjà vécu, et je tiens compte de la forme qu’il a, que j’y trouve. J’aime quand il y a une certaine patine, quand il y a les marques du temps, quand il y a déjà une histoire. Des fois c’est le fer lui-même qui me donne l’inspiration: des figures se manifestent. En effet, rien n’est jamais fixé, il s’agit d’une interaction ». Fer, donc, mais aussi bois, plastique, tissu, deviennent dans la forge de l’artiste, poésie et matière.

Haude Bernabé au travail dans son atelier

Haude Bernabé au travail dans son atelier

« La sculpture pour moi, c’est une exigence, une nécessité, quelque chose d’un peu inépuisable. J’ai besoin des trois dimensions : pour moi l’expression passe par la matière ». La parole, traitée comme matière à fusionner avec le feu, lui est souvent source d’inspiration, pour créer des sculptures qui ne soient pas seulement des objets mais qui soient aussi pensés, des émotions rendues visibles. Une phrase d’Albert Camus devient titre d’une oeuvre « Nous allumons dans un ciel ivre les soleils que nous voulons ». C’est un tourbillon de petites silhouettes humaines comme celles des festons pour les enfants, qui planent dans le ciel comme tirées par le vent, se transformant sous nos yeux en paroles, en poésie. Ou encore, c’est un grand visage, suspendu parmi les paroles qui murmurent la phrase de Jean Genet « Il n’est pas à la beauté d’autre origine que la blessure, singulière, différente pour chacun, cachée ou visible ». « La parole, la littérature, la poésie, c’est là où souvent je rebondis, ou plutôt, c’est pour moi une sorte de synesthésie: il y a un mot qui crée une image ou bien un volume, et à partir de là, je travaille ». Un travail tout récent, avoue l’artiste, né de l’envie de « matérialiser les mots ».

 

L'atelier animé de Haude

L’atelier animé de Haude

 

Des figures aux profils minces, hommes et femmes fusionnés dans un vortex d’amour, mais aussi des squelettes, des poupées qui évoquent le vaudou ou des caillots de métal d’où sortent des bras et des yeux, habitent l’atelier bondé de Haude. « Je ne sais pas qui sont les figures qui sortent, qui sont dedans, des fois je le sais mais des mois après je l’oublie. Ca n’a pas d’importance, c’est l’être humain que je veux représenter ». Et c’est l’être humain, avec toutes ses contradictions, sa beauté comme son inquiétude et ses peurs, que rencontre le visiteur, submergé par des visions et des émotions contradictoires. « Je trouve que dans la beauté il y a une blessure, il y de l’accidentel. Je ne cherche pas à faire du beau. Je cherche à faire quelque chose qui touche, et pour moi c’est plutôt l’interaction entre la personne et la sculpture qui peut créer la beauté ».

 

Vidéo réalisée par Pierre TOH – Interview par Djibril DIAW