EGYPTE – Episode 3 – La dictature s’attaque aux familles des prisonniers

C’est l’histoire d’une famille qui se bat pour communiquer avec Alaa Abd El Fattah, militant emprisonné dans les geoles égyptiennes. Seif, sa soeur, a été enlevée par des forces de sécurité en civil devant le bureau du procureur général dans le quartier de Rehab au Caire ce mardi 23 juin 2020. Seif était venue déposer plainte en tant que victime d’un attentat et d’un vol qualifié survenu la veille devant le complexe pénitentiaire de Tora.

Le complexe pénitentiaire de Tora, de sinistre réputation, continue de broyer des citoyens égyptiens. Enfermés pour un rien, l’enfer des prisons égyptiennes est une série proposée par l’Oeil de la MDJ. 

Mardi, Sanaa est arrivée devant le bureau du procureur général vers 14 heures. Des agents de sécurité en civil l’ont arrêtée, elle et son avocat, à la porte de l’immeuble et lui ont demandé sa carte d’identité nationale.


Depuis le 12 mars, tous les prisonniers en Égypte ont vu leur famille et leurs avocats suspendus en raison de restrictions liées aux coronavirus.


Une fois son identité établie, ils ont repoussé son avocat et ont forcé Sanaa à monter dans un microbus banalisé et sont partis, suivis de trois voitures banalisées. Elle est apparue une heure et demie plus tard au parquet, selon son avocat, Khaled Ali. On ne sait toujours pas quelles charges sont retenues.

Sanaa, sa mère Laila Soueif, et sa sœur Mona Seif, s’étaient rendues au bureau du procureur général en compagnie de leurs avocats pour déposer une plainte concernant l’attaque de lundi à l’extérieur de Tora.

Les trois femmes se rendaient à Tora tous les jours depuis plusieurs jours afin de recevoir une lettre d’Alaa que les responsables de la prison avaient promis de leur transmettre.

Depuis le 12 mars, tous les prisonniers en Égypte ont vu leur famille et leurs avocats suspendus en raison de restrictions liées aux coronavirus.

Mais ces dernières semaines, la communication par lettre a été autorisée – mais pas pour Alaa, qui n’a reçu que deux correspondances en trois mois:

  • Une brève note le 18 mai informant sa famille qu’il mettait fin à une grève de la faim qu’il avait lancée après son et d’autres prévenus n’ont pas pu assister aux audiences de renouvellement de la détention.
  • L’autre, un message tout aussi court le 6 juin.

Pendant plusieurs jours avant l’agression, les autorités pénitentiaires ont promi qu’une lettre serait livrée. Chaque jour, Laila Soueif revenait aux portes de la prison et aucune lettre n’apparaissait. Samedi, après avoir été retirée de force de la zone d’attente habituelle, Laila a décidé qu’elle ne rentrerait pas chez elle et dormirait devant les portes de la prison.

Dimanche soir, ses filles Mona et Sanaa l’ont rejoint. Elles ont toutes dormi sur le trottoir à l’extérieur de la prison, puis à l’aube ont été attaqués par un groupe de femmes en civil.

Elles les ont battues avec des bâtons, les ont traînées par les cheveux et ont volées leurs affaires à la vue des agents de sécurité se tenant devant la prison. La famille a ensuite publié en ligne des photos montrant de graves ecchymoses sur le corps de Sanaa. Ils surveillaient de près les signes de commotion cérébrale.

La seule raison pour laquelle Sanaa est venue avec nous aujourd’hui, c’est que les procureurs voient les ecchymoses sur son corps, comme preuve de l’attaque d’hier”, a déclaré Mona.

«Le procureur connaît les menaces et les abus auxquels Alaa et notre famille ont été confrontés… Au lieu de la recevoir en tant que victime de coups et d’agressions perpétrés sous la direction du ministère de l’Intérieur et de la sécurité de l’État, et de documenter ses blessures, le procureur est complice de la remettre aux services responsables des violences dont elle fait l’objet” a déclaré Mona dans un flux en direct environ une heure après l’enlèvement.

«Rappelez-vous, Sanaa a été battue, y compris avec un bâton, traînée par terre, volée et agressée verbalement en plein air, devant les forces de sécurité à la prison de Tora hier. Imaginez le danger dans lequel elle se trouve actuellement”, a déclaré Mona.

Et imaginez le danger qu’Alaa et les autres prisonniers dont nous ne savons rien se trouvent également. Ma mère et moi ne quitterons pas le bureau du procureur avant que Sanaa ne soit amenée ici.”

Alaa Abd El Fattah est l’un des militants et des penseurs politiques les plus connus d’Égypte, bien qu’il ait été emprisonné pendant la grande majorité des années depuis l’arrivée au pouvoir d’Abdel Fattah el Sisi.

Il fait partie des milliers d’Égyptiens actuellement en détention provisoire. Il a été arrêté en septembre 2019, dans le cadre de la «vague d’arrestations de septembre” à la suite de petites manifestations provoquées par le dénonciateur, Mohamed Ali.

Données sur le nombre de détenus par la Commission Egyptienne pour les Droits et les Libertés - The Egyptian Commission for Rights and Freedoms © ECRF

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EGYPTE – Episode 2 – Au-delà des privations de liberté

“Tout individu a le droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne”, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948), Art. 3 déclame.

Ce n’est pas le cas actuellement en Egypte où les mesures renforcées de sécurité ont de plus en plus restreint la vie publique, la liberté et la sûreté des citoyens égyptiens dans les années passées.

La réaction du gouvernement à la vague de protestation le 20 septembre 2019 confirme qu’il y a une politique de répression totale sous la présidence d’Abdel Fattah al-Sisi. Également, les mesures adoptées pour empêcher toute mobilisation populaire à l’occasion de l’anniversaire de la Révolution égyptienne le 25 janvier 2020, révèlent la normalisation d’un état de peur totale dans le pays.

Un regard plus attentif sur les histoires de vie quotidienne des égyptiens ne peut pas nous laisser indifférents. Plutôt, il signale une oppression préoccupante menant à la détérioration, si non négligence totale, des droits de l’homme sous l’autorité du Directeur Adjoint des politiques dans le cadre du Project sur la Démocratie du Moyen Orient (Project on the Middle East Democracy – POMED) a appelé «le gouvernement le plus répressif dans l’histoire égyptienne moderne».

Parmi les histoires qui peuvent clairement illustrer cette situation, nous choisissons de présenter dans une série d’épisodes l’exemple d’Hossam, qui préfère rester anonyme pour des raisons de sécurité.

Ses vicissitudes depuis septembre 2019 stimulent plusieurs réflexions sur la situation actuelle dans un pays qui donne la priorité à la sécurité nationale mais où les citoyens arrivent difficilement à se sentir en sûreté.

Torture systématique et abus dans les prisons égyptiennes

Depuis la présidence d’Abdel Fattah el-Sisi, tout le monde sait que la répression d’activistes, bloggeurs, journalistes et chercheurs a atteint un pic alarmant.

C’est devenu une pratique commune, celle de réduire au silence l’opposition grâce à la disparition forcée, l’assaut et la détention des gens qui défient le discours officiel de l’Etat.

Sauver des détenus égyptiens

Dans son reportage biannuel sur la détention en Egypte, le Detention Watch Project a compté :

  • 932 disparitions forcées
  • 638 détentions arbitraires
  • 320 meurtres équivoques dans la première moitié de l’année 2019

En décembre 2019, l’Institut International de la Presse a comptabilisé 61 journalistes emprisonnés dont 25 arrêtés entre ctobre et décembre.

© CPJ – Statistiques des journalistes attaqués en Egypte depuis 1992

En plus, les protestations de septembre ont provoqué une intensification ultérieure de répression gouvernementale. La campagne lancée sur Twitter en novembre 2019 avec l’hashtag #SaveEgyptianDetainees confirme une augmentation déplorable des détentions arbitraires.

Comme dans le cas d’Hossam, plusieurs personnes ont été enlevées dans la rue, environ 4321 détenus entre le 20 septembre et le 21 octobre 2019, selon la Commission Égyptienne pour les Droits et les Libertés (The Egyptian Commission for Rights and Freedoms – ECFR).

Données sur le nombre de détenus par la Commission Egyptienne pour les Droits et les Libertés - The Egyptian Commission for Rights and Freedoms © ECRF

Pendant celle période, des milliers de citoyens ont fait l’expérience d’une détention.

Après une période exténuante d’attente (peu d’informations et beaucoup d’incertitudes extrêmes), quelques détenus ont été progressivement libérés. Comme une journaliste du Wall Street Journal basée au Caire, Amira el-Fekki, l’a expliqué le 4 décembre 2019: «Pendant que les autorités égyptiennes ont continué à libérer centaines de détenus depuis les événements du 20 septembre, les rétracteurs du gouvernement sont ténus en prison sous des vagues accusations».

La menace de la détention a pris sa forme extrême, menant à une conscience diffusée de la prédominance de «Dhulm», injustice, dans l’actuel Etat égyptien.

La torture systématique dans les prisons égyptiennes. Si «Dhulm» est une pensée récurrente dans la tête de milliers d’égyptiens, le mot «Ta’azib», torture, est également devenu très important dans le vocabulaire égyptien arabe.

En Egypte, la détention ne se limite pas à la privation de la liberté. Depuis les années du Président Gamal Abdel Nasser, les prisons ont été associées avec maltraitements, abuses et, surtout, torture.

Encore, sous la présidence d’Abdel Fattah el-Sisi, les méthodes des forces de sécurité de l’Etat semblent devenir exponentiellement brutales. «C’est juste, mais dépassé. Les prisons aujourd’hui sont beaucoup pire que ça», un activiste égyptien qui vit à l’étranger a exclamé.

Il était à la projection d’un film inspiré par des événements réels sur la torture en Egypte titré «el Hatk» (L’assaut), réalisé par Mohamed el Bahrawi.

Cette perception de l’augmentation de brutalité dans les pratiques adoptées pour silencer l’opposition est confirmée aussi par des études officielles réalisées par des organisations internationales.

En juin 2017, le Comite ONU contre la Torture a affirmé que la situation actuelle mène à «la conclusion incontestable que la torture est une pratique systématique en Egypte».

Les nombreux témoignages des ex prisonniers également envoient un message alarmant. Dans l’article «Thinking with Alaa» apparu dans le journal indépendant en ligne Mada Masr, le célèbre activiste des droits de l’homme Alaa Abdel Fattah a commencé à dénoncer ouvertement les conditions déplorables des prisons depuis sa dernière détention en prison.

Outre la durabilité inévitable de la torture, pendant son emprisonnement on lui a nié tout besoin fondamental y compris l’accès aux matériels de lecture, à la lumière naturelle et à l’eau propre.

Pendant que le gouvernement a récemment tenté de montrer une image positive des prisons égyptiennes en organisant des visites pré-programmées pour des journalistes et des officiers, comme la visite ouverte à la prison de Tora en novembre 2019, une recherche indépendante sur le sujet suggère une réalité complètement différente.

La réaction internationale

Le 14 novembre 2019 Al Monitor reporte que la cofondatrice du mouvement 6 April et journaliste Israa Abdelfattah va commencer une grève de la soif. Elle essayait à ouvrir une enquête officielle sur des plaintes concernant son endurance à la torture en détention provisoire.

Dans un Etat où les appels à une application équitable et transparente de la loi sont vains, les gens ont été laissés sans d’autres moyens sauf des gestes extrêmes pour faire entendre leur cause. C’est donc naturel de se demander quelle est la réaction internationale à un pays qui a manifestement violé les droits fondamentaux de l’homme universellement protégés par des conventions internationales.

En février 2020, six ONG en défense des droits de l’homme ont demandé dans une lettre collective au Conseil Européen «une révision complète des relations de l’Union Européenne avec l’Egypte» en raison de la répression continue des droits de l’homme dans le pays.

Tandis que nombreuses organisations internationales comme Amnesty International, Human Rights Watch, Reporters without Borders, Committee to Protect Journalists et d’autres dénoncent la réalité alarmante dans l’Egypte actuel, les Etats ont souvent fermé les yeux sur la question.

Même devant des cas importants qui ont reçu une grande couverture médiatique et sont directement reliés avec d’autres pays, les gouvernements ont réagi très peu ou pas du tout.

Le cas le plus récent de l’égyptien Patrick Zaki George, étudiant en Italie arrêté lors de son arrivée à l’Aéroport du Caire le 7 février 2020, a provoqué une indignation générale accompagnée par des affirmations de politiciens comme le président du Parlement Européen David Sassoli.

Cependant, nous ne pouvons pas observer aucune mesure qui effectivement rédiscute les relations diplomatiques et économiques avec l’Egypte. Entre outres, les affaires commerciales entre l’Italie et l’Egypte ont même augmenté.

Le journal panarabe al-Araby al-Jadid a reporté quelques jours après la possibilité d’un accord imminent sur l’armement de 9 billiards d’euros entre le Caire et Rome.

Les cas où les victimes du système répressif égyptien ne sont pas seulement des citoyens égyptiens sont récurrents, de la disparition mystérieuse, torture et meurtre de l’étudiant italien Giulio Regeni en 2016 à la mort en prison de l’américain-égyptien Mustafa Kassem le 13 janvier 2020.

La question est si la communauté internationale aura jamais l’’intention d’entendre activement et pas seulement prétendre d’entendre les voix de milliers de personnes qui souffrent des injustices en Egypte.

Celles voix qui crient fort l’inhumanité des prisons en Egypte, comme exprimé dans la chanson puissante de Ramy Essam «Fe segn bel Alwan» (Prison colorée). «Oh état de gens tristes, honte sur vos idées. Gloire aux prisonniers tant que vous êtes des hypocrites».

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Egypte – Épisode 1 – D’une simple promenade à la détention

“Tout individu a le droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne”, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948), Art. 3 déclame.

Ce n’est pas le cas actuellement en Egypte où les mesures renforcées de sécurité ont de plus en plus restreint la vie publique, la liberté et la sûreté des citoyens égyptiens dans les années passées.

La réaction du gouvernement à la vague de protestation le 20 septembre 2019 confirme qu’il y a une politique de répression totale sous la présidence d’Abdel Fattah al-Sisi. Également, les mesures adoptées pour empêcher toute mobilisation populaire à l’occasion de l’anniversaire de la Révolution égyptienne le 25 janvier 2020, révèlent la normalisation d’un état de peur totale dans le pays.

Un regard plus attentif sur les histoires de vie quotidienne des égyptiens ne peut pas nous laisser indifférents. Plutôt, il signale une oppression préoccupante menant à la détérioration, si non négligence totale, des droits de l’homme sous l’autorité du Directeur Adjoint des politiques dans le cadre du Project sur la Démocratie du Moyen Orient (Project on the Middle East Democracy – POMED) a appelé «le gouvernement le plus répressif dans l’histoire égyptienne moderne».

Parmi les histoires qui peuvent clairement illustrer cette situation, nous choisissons de présenter dans une série d’épisodes l’exemple d’Hossam, qui préfère rester anonyme pour des raisons de sécurité.

Ses vicissitudes depuis septembre 2019 stimulent plusieurs réflexions sur la situation actuelle dans un pays qui donne la priorité à la sécurité nationale mais où les citoyens arrivent difficilement à se sentir en sûreté.

Episode 1 – D’une simple promenade à la détention

Samedi 21 septembre 2019, Hossam se promène dans la rue près de Tahrir Square. Il arpente l’avenue du 6 octobre pour déposer la nourriture fait-maison que sa mère de 53 ans avait préparée pour un ami étranger résident au Caire.

Juste après ce bref rendez-vous, il devait être de retour chez lui. Sa mère l’attend à la maison… Mais le fils ne rentre pas. Son frère ainé qui vit à l’étranger tente de le contacter, en vain. Il a pourtant deux téléphones, mais les deux sont mystérieusement injoignables !

La majorité des arrestations en Egypte commence de cette manière

Plus tard, la famille découvre qu’il a été kidnappé près de Mohamed Mahmoud Street, un des centres de la révolution de 2011. A cette époque, les murs du quartier étaient encore couverts de graffitis. Depuis, ils ont disparu.

Pour Hossam, c’est le Service de Sécurité Nationale qui l’a brutalement enlevé dans la rue avant de le conduire à la station de police puis en prison.

En quelques heures, Hossam passe du statut d’homme libre se promenant dans la rue à celui de criminel potentiel confiné en détention.

Et pendant ce temps, sa famille n’a aucune information officielle sur les raisons de sa détention.

Le centre du Caire se transforme en État policier

Cet épisode n’est pas étonnant pour quelqu’un qui a vécu au Caire récemment. “Wust el-Balad”, le centre et ses alentours, sont devenus des points sensibles et donc soumis à d’intenses contrôles de sécurité. Policiers en civil, voitures de police et soldats déploient leur force autour des rues, places et ponts principaux, comme si l’Etat était en guerre ou prêt à en mener une.

Dans un tweet daté 27 septembre 2019, le correspondent arabe de la BBC en Egypte et Moyen Orient, Sally Nabil décrit un déploiement sans précédent des forces de sécurité dans la capitale égyptienne et conclut: «Tahir Square parait plutôt une station militaire!».

As I was living in Cairo at the time, I could myself witness a reality where “Egyptians are treated as criminals simply for peacefully expressing their opinions” in Naja Bounaim’s, Amnesty International North Africa Campaign Director, words.

Not only did people get used to be extremely cautious when speaking, but they equally feel vulnerable while simply walking or even staying in their own homes. In addition to “spot checks” of peoples’ phones, looking for content that might deem political, visits of people’s apartments from the “Mabaheth”, State Security Service Investigations, increased in frequency and degree of intrusion.

On a Sunday morning, I opened the door of my apartment in Mounira neighbourhood and I found myself in front of two people with civilian clothes accompanied by the “Bawab”, the doorman. After asking for the contract of the apartment, they did not hesitate to enter the rooms of my two flatmates and I. After a thorough search through our books, laptops and phones accompanied by precise questions on our identity, they proceeded to the nearby apartment.

Quand je vivais au Caire, j’ai vu une société où «les Égyptiens sont traités comme des criminels pour la simple raison qu’ils souhaitent exprimer leurs opinions pacifiquement», pour paraphraser Naja Bounaim, Directrice de la Mission d’Amnesty International en Afrique du Nord.

Les égyptiens sont devenus très prudents en exprimant leur opinion, ils se sentent vulnérables tout le temps, y compris quand ils se promènent ou qu’ils rentrent chez eux.

Outre les contrôles inopinés des téléphones portables pour rechercher des contenus qui peuvent être politiquement sensibles, les inspections du «Mabaheth», le Service d’Investigation pour la Sécurité de l’État, dans les appartements des égyptiens sont augmentés en fréquence et dégrée d’intrusion.

Un dimanche matin, j’ai ouvert la porte de mon appartement dans le quartier Mounira et je me suis retrouvée devant deux personnes en civil accompagnées par le «Bawab», le gardien du bâtiment. Après avoir demandé le contrat de logement, ils n’ont pas hésité à rentrer dans ma chambre ainsi que celles de mes colocataires.

Après une recherche approfondie dans nos livres, ordinateurs et téléphones, accompagnée par des questions précises sur notre identité, ils ont poursuivi dans l’appartement suivant.

Au-delà des mesures urgentes de sécurité: la normalisation de l’intrusion dans la vie privée des gens

C’est à cause d’une série de vidéos d’un ex-contractuel égyptien dans l’Armée que les protestations de septembre ont commencées. Il s’agit de Mohamed Ali qui de l’Espagne dénonçait la corruption du gouvernement. Dès lors, le régime a décidé d’agir en urgence.

Les mesures adoptées sont alors conçues comme une partie de la «bataille contre le terrorisme», priorité du programme d’Al-Sisi depuis sa prise de pouvoir en 2013.

Les mots publiés par le compte officiel d’Al-Sisi sur Twitter le 27 septembre souligne la nécessité de combattre le terrorisme en tant que Nation, une bataille qui, il a déclaré, «n’est pas encore finie».

Tandis qu’on peut considérer cette répression exponentielle comme une réaction temporaire à la vague de protestations du 20 septembre 2019, l’observation du Caire dans la période suivante nous dit quelque chose de diffèrent.

Ces derniers mois, les mesures renforcées susmentionnées pour préserver la stabilité du pays ont été renforcées sans interruption, avec des différences d’intensité qui change de semaine en semaine.

Comme l’activiste égyptienne pour les droits humains Mona Seif l’explique dans un tweet daté 13 octobre 2019: «Chaque semaine un nouvel activiste est kidnappé dans la rue, chez lui ou au travail».

En Janvier 2020, la même atmosphère du septembre passé, caractérisée par un contrôle total sur les mouvements, les mots et la vie des gens, réapparait dans la capitale.

Lors de l’anniversaire de la révolution du 25 janvier – au présent appelée la célébration traditionnelle d’«Aid al Shurta», «La Journée de la Police», dans la rhétorique officielle du gouvernement, le centre de la ville était fermé. Cela ne constitue pas une surprise.

La correspondante au Caire du Wall Street Journal, Amira el-Fekki, à ce jour-là rapporté sur Twitter: «Dans ce qui est en train de devenir un assaut normalisé à la vie privée des égyptiens, la police inspecte les téléphones des gens autour du centre du #Cairo, #Tahir. Certains restaurants ne font pas de consignes dans cette partie de la ville aujourd’hui, pour éviter que leurs livreurs soient harcelés par la police».

Dans l’article, «Your guide to surviving downtown during the revolution anniversary crackdown» (« Votre guide pour survivre dans le centre-ville pendant la répression de l’anniversaire de la révolution »), publié par le journal indépendant en ligne Mada Masr le 21 janvier, les témoignages des gens qui décrivent leurs expériences d’arrestation arbitraire, raid et inspection aléatoire suggèrent un scénario répété de contrôle total auquel tout égyptien peut être sujet.

Entre passé et présent Ces mesures de sécurité ont été appliquées à de nombreuses villes en Egypte. Le scénario du centre du Caire où Hossam a été kidnappé en septembre passé, illustre la politique actuelle du gouvernement de contrôle total sur l’espace publique et privé.

Paradoxalement, ce centre de la capitale égyptienne est historiquement associé au développement intellectuel, l’échange culturel et à la créativité artistique, est devenu le décor d’un état policier.

Les principes de «Aysh, Hurriya, wa Adala Ijtimaiya» – «Pain, Liberté et Justice Sociale», qui circulait dans le même quartier en 2011, a été rapidement substitué par une atmosphère de peur constante, où toute activité, mouvement et mot, est contrôlé.

Une question demeure: quand cette place symbole de la liberté et du peuple renouera-t-elle avec son glorieux passé de symbole de la liberté ?

Pour l’instant, les égyptiens observent en silence les changements de l’environnement et de la société qui animent la région. Un processus de transformation où le concept de «the square», comme formulé dans la révolution égyptienne, est devenu «mémoire»… Ce serait presque le souvenir d’un rêve alors que le présent est cauchemar.

«Une histoire à raconter à travers des narrations», comme le rock band égyptienne Cairokee qui a mis en garde le pouvoir dans sa fameuse chanson révolutionnaire «al Midan», la «Square».


O you the square, where were you long ago? […] sometimes I am afraid that we become just a memory we get away from you then the idea dies and fades away and we go back to forget what happened and you become a story to tell in narrations.


Photo by New York Times in Egypt

 

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Afrique – L’Observatoire 19, informer librement sur la crise sanitaire du COVID-19

Le 11 mars dernier, l’Organisation Mondiale de la Santé qualifie le COVID19 de pandémie. Les premiers cas ayant été détectés en Chine, l’Afrique est identifiée comme le plus grand foyer à risque de propagation de la maladie. En effet, il existe de nombreux échanges commerciaux entre le continent asiatique et le continent africain. Le 14 février, le premier cas de Coronavirus se déclare en Égypte.

Alors que le virus a placé l’Europe en quarantaine depuis mi-mars, l’épidémie semble se propager plus lentement sur le continent africain. Réalité ou censure de l’information ? Les journalistes restent sceptiques face à des gouvernements qui limitent la diffusion de chiffres et de données concernant la crise sanitaire.

Reporters sans Frontières, organisation internationale qui lutte pour la défense de la liberté de la presse et la protection des sources des journalistes, a mis en place depuis le 1er avril, l’Observatoire 19.

Décrit dans le communiqué officiel comme «un outil de suivi adapté à une crise globale inédite», l’Observatoire 19 est dénommé ainsi «en référence au Covid-19, mais aussi à l’article 19 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme.»

Cet article 19 est d’une grande importance pour le milieu journaliste. La Maison des journalistes organise depuis plusieurs années un événement nommé “Presse 19”, projet socioéducatif qui s’inscrit dans le domaine de l’éducation aux médias, la sensibilisation aux valeurs fondamentales, la communication interculturelle. Il est réalisé en collaboration avec des institutions européennes.


“Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.”

Article 19 des Droits de l’Homme


Le projet Observatoire 19 reprend cette thélatique universelle et précise son objectif : “évaluer les impacts de la pandémie sur le journalisme. Il documente la censure étatique, la désinformation délibérée et leurs effets sur le droit à l’information fiable.” 

A l’origine de ce projet, la conviction, selon RSF, que le gouvernement chinois aurait pu limiter la propagation et sauver de nombreuses vies si ce dernier n’avait pas censuré ses médias et avait informé bien plus tôt sa population de la gravité de l’épidémie. 

«La censure, tout comme le coronavirus, ne connaît pas de frontières et peut causer des ravages considérables» indique RSF.

En Afrique, le travail des journalistes en pleine crise sanitaire est inévitablement lié au contexte politique de corruption, à la situation socio-économique et au manque d’accès à des soins médicaux.

Mamadou Bah, journaliste guinéen à la Maison Des Journalistes, dénonce le monopole de l’État sur les chiffres officiels. En Guinée, «les journalistes ne peuvent relayer que les chiffres donnés par l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire. L’information est contrôlée, surveillée. Cela interroge donc sur la fiabilité de l’information mais aussi sur la confiance que l’on porte à l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire.»

Mamadou B. qualifie les centres de soins de «boucheries médicales», au sein desquels les patients, après avoir été testés positifs au virus, sont traités pendant deux jours seulement. A la suite de leur hospitalisation, ils reçoivent un message de l’ANSS indiquant qu’ils ne sont plus positifs au virus.

«Ces méthodes interrogent fortement, et il n’y a pas de moyen de les vérifier puisque les accès sont fermés aux journalistes », ajoute Mamadou B. Sur le site de l’ANSS, les chiffres officiels sont les suivants : 319 cas confirmés, 17 guéris et 0 morts. Face à ces chiffres, Mamadou B réagit « Pour qu’il n’y ait aucun mort, soit le gouvernement guinéen a un traitement miracle, soit on nous ment.»

La population guinéenne, contrainte de travailler la journée, s’est vu imposée un couvre-feu de 21h à 5h dans le but de limiter la propagation.

Alpha Condé, le président de Guinée Conakry, s’est exprimé dans les rues de Kaloum ce 9 avril 2020. Après avoir alerté la population sur la dangerosité du virus et sur la situation en Italie, il a donné ses propres conseils pour lutter contre le virus:

  • se mettre du mentholatum dans les narines (pommade mentholée)
  • boire de l’eau chaude 

«C’est une vaste plaisanterie», commente Mamadou B. «tout comme le fait qu’il ait diffusé un faux projet social qui vise à rendre les transports, l’eau, et l’électricité gratuits dans la capitale, Conakry, alors qu’il n’y a déjà pas de transports et très peu d’eau et d’électricité».

De nombreux sites d’informations et de réseaux sociaux ayant été bloqués par les gouvernements africains pour lutter contre les «fake news», les ONG comme Reporters sans Frontières ou Comittee to Protect Journalists (CPJ) demandent une clarification de leur part sur les raisons de ces censures.

Lutter contre la mal-information mais pour une information libre, c’est l’objectif de l’Observatoire 19 en pleine crise sanitaire mondiale.

Attaques verbales, détentions arbitraires, retraits d’accréditation, Reporters Sans Frontières met à disposition une boîte mail covidrsf@rsf.org afin de recenser au mieux les entraves à l’exercice du journalisme.

Inès Lericollais

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Guinée Conakry – Récit du referendum chaotique, entre répression et coronavirus

Ce dimanche 22 mars 2020 s’est tenu le double scrutin organisé pour valider le 3ème mandat du président Alpha Condé qui pour l’obtenir doit changer la Constitution. Même avant la pandémie de coronavirus, ce referendum a été décrié autant par les organisations internationales que par les régions guinéennes, les parties politiques, la société civile et une grande partie de la population. Le referendum avait d’ailleurs été repoussé une première fois. Conséquence prévisible : les élections ont été le théâtre de violents affrontements entre “pro” et “anti”  “3ème mandat” d’une part, et entre forces de l’ordre appuyer par l’armée contre la population civile mécontente.
Un premier bilan macabre du FNDC (opposant politique au président en place) dans une déclaration publiée ce lundi soir 23 mars, décompte au moins 10 morts et plusieurs blessés ainsi que des arrestations et quelques dégâts matériels. De sources médicales, on dénombre 6 morts.

De sources médicales, on dénombre 6 morts.


Du coté de pouvoir, après avoir voté, Alpha Condé minimise la présence du covid19 en Guinée car selon lui il n’y a que deux cas signalés. A cette occasion, il avait ajouté espérer que les élections se déroulent dans la paix et la tranquillité. Pari risqué ; Pari raté. Le déroulement catastrophique de la journée à Conakry s’est étalé de l’ouverture des bureaux de vote jusqu’au dépouillement : plusieurs urnes ont été saccagées, des bureaux de vote et leur contenu calcinés par les anti 3ème mandat. Pour éviter un chaos généralisé, le bureau de vote du quartier de Gbessia-port avait fermé dès 16h30 au lieu de 18h comme prévu par le code électoral. Cette fermeture illégale a été constatée sur tout le territoire national.

La presse n’a pas le droit d’assister au dépouillement des votes dans la commune de Matam où tout le matériel électoral à été acheminé sous escorte par l’armée.


Le dépouillement ne se fait plus dans les lieux de vote selon l’URTELGUI Union des radios et télévisions guinéenne sous  synergie FM guinée 2020, les urnes sont envoyées sous escorte militaire dans les différentes communes de Conakry. Malgré la pandémie du coronavirus, cette élection s’est déroulée sans kit sanitaire pour le lavage des mains, ni respect des consignes de distance de sécurité de minimum 1 mètre. Les bureaux de vote ont souvent utilisé des écoles primaires, comme à Matam. La presse n’a pas le droit d’assister au dépouillement des votes dans la commune de Matam où tout le matériel électoral à été acheminé sous escorte par l’armée. À l’intérieur du pays, le dépouillement s’est fait dans les préfectures et les sous-préfectures des régions.
  • À Siguiri, fief du parti au pouvoir, le dépouillement a eu lieu dans les bureaux de vote.
  • À Dalaba, ce n’est ni dans les casernes, ni aux bureaux de vote que s’est organisée le dépouillement, c’est dans la résidence du préfet !
  • À Mamou, le bureau de vote a ouvert à 10h et fermé dès 15h, le dépouillement a  également eu lieu à la préfecture.
  • À Labé, seul le quartier Konkola avait accompli le devoir de vote sous une haute surveillance de l’armée.
  • À N’zerekoré, selon Faceli Konaté, journaliste à FM Guinée, par endroit il n’y a pas eu de vote, la journée a été d’ailleurs émaillée de violents affrontements.

Dans certains bureaux de vote, c’est seulement les bulletins “oui” au referendum qui sont imprimés.


Selon Abdoul Gadidé membre de l’OGDH (l’organisation guinéenne de droit de l’homme les droits humains), “les droits humains ont été violés“. Il déplore 9 morts dans la zone de Conakry. Sur le déroulement du vote, il indique que des mineurs ont voté à Kankan. De plus, dans certains bureaux de vote du pays, seulement les bulletins du “oui” ont été imprimés. Il déplore également la tenue du double scrutin en cette période de covid19 avec 400 cas de contacts actuellement en Guinée (sans citer sa source d’information). Pour monsieur Diallo, l’Etat est entrain de camouflé les informations concernant la propagation du virus en Guinée. En plus de deux cas de covid19 avant les élections, deux nouveaux cas de coronavirus viennent d’être testés positifs. Il s’agit d’un des conseillers du ministre du budget et de sa compagne. Le ministre du budget, monsieur Dioubaté, est très proche de son conseiller, il pourrait donc être malade à son tour. Si le ministre du budget est contaminé alors qu’il a fait la campagne en première ligne, en serrant des mains à tout va au milieu de foules, on imagine les risques de propagation. Pour le moment, le ministre du budget nie les contacts directs avec son conseiller, mais on a peine à y croire. Ce cas montre la suffisance et la cupidité de l’Etat vis a vis du danger sanitaire. L’Etat d’Alpha Condé risque de tuer fortement la population guinéenne par incompétence. Qui aujourd’hui par le biais du refrendum a mis en danger la santé du peuple guinéen? Sachant que les structures sanitaire n’existent presque pas en Guinée. La porosité du service sanitaire et l’incapacité de l’État qui ne compte pas sur les aides des institutions pour faire face au covid19 en Guinnée, risque fort de tuer plus qu’EBOLA. Dans ce sinistre contexte, la Guinée risque fort d’être isolé par le reste du monde. En plus du non respect des règles démocratiques s’ajoute la violation continue des droits humains. Selon Mamadou Kaaly de Baînette, en dehors des 9 morts de la capitale Conakry, il y a un mort à Mamou. Ce qui rejoint la déclaration du FNDC qui évoquait 10 morts par balle, dont une femme. Il déplore également la présence des militaires qui terrorisent la population guinéenne.

“C’est de la comédie, Alpha [Condé – le président] dispose déjà des chiffres qu’il va balancer, mais les guinéens ne sont pas dupes, ni la communauté internationale.”


Selon docteur Faya Millimono d’un autre groupe politique, le BL bloc libéral, ce double scrutin est tout sauf une élection : “C’est de la comédie, Alpha dispose déjà des chiffres qu’il va balancer, mais les guinéens ne sont pas dupes, ni la communauté internationale. La Guinée sort diminuée de cet exercice et la paix ne sera pas sauvée.” Dans la suite logique de leur démarche, le FNDC (front national pour la défense de la constitution) appelle à intensifier les manifestations les 23 et 24 mars avec pour objectif ultime le départ du dictateur Alpha Condé devenu illégitime. Le FNDC invite les  citoyens à se mobiliser  massivement dans les carrefours et ronds-points de leurs quartiers d’où partiront les manifestations. Pour rappel, durant toute la journée électorale, l’accès a l’internet fut réduit, le pays coupé des réseaux sociaux, que ce soit Facebook, Twitter…  

Après les élections, les violences continuent

Particulièrement à N’zerekoré où on a dénombré au moins 4 morts et 5 églises incendiées ! Information confirmée par Tamba Zahari Milimono de la radio Espace FM. Et ce décomptage sanglant dérape parfois en conflit ethnique aux conséquences futures imprévisibles selon un membre du FNDC. L’ethnie des Konianké et les ethnies de la forêt s’entendent bien. A l’inverse des Koniagui qui sont pro gouvernement.

Les Konianké disent à leur tour, qu’il faut venger les ethnies de la forêt.


Qu’est ce qui a provoqué et comment s’est déroulé ce conflit ethnique sanglant ? Les Koniagui n’étaient pas contents du fait que les ethnies de la forêt aient refusé de participer à la mascarade électorale en accomplissant le vote, ils les ont donc attaqué: “nous allons brûler tout vos biens parce que vous avez refusé de voter“. Du coup, les Konianké disent à leur tour, qu’il faut venger les ethnies de la forêt. C’est après deux jours d’affrontement que les forces gouvernementales sont intervenues en instaurant un couvre feu à N’zerekore. A Labé, deuxième ville de Guinée, lors de la nuit du 22 au 23 mars, les esprits s’enflamment autour de la mosquée de Tata qui a payé les frais de ces conflits internes. Les fidèles ont été empêchés d’accomplir leur devoir religieux. Des policiers sont venus gazer des fidèles musulmans en pleine prière. Puis ils ont mis le feu aux motos des musulmans stationnées devant la mosquée selon le média Guinéenews. Dans la journée du 23 mars selon la radio Espace Foutah, un jeune a subi un tir dans la commune urbaine de la ville, il a été  admis à l’hôpital régional de Labé et se trouve dans un état très critique. Oui le double referendum a eu lieu. Mais à quel prix ? Est-ce la démocratie ou le tour de passe-passe d’un dictateur ? Est-ce qu’un changement de Constitution par les urnes dans un climat de terreur signifie démocratie ? Et que dire du coronavirus en Guinée… L’inquiétude règne.

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Guinée – Comme à chaque campagne électorale, les journalistes sont menacés

La double campagne du référendum et élection législative a été lancé par le président Alpha Condé. Au programme des journalistes guinéens: menace de mort, arrestation arbitraire, assassinat, kidnapping, disparition, emprisonnement, attaque et saccage des médias ou au domicile des journalistes. Quelques-unes de ces affaires ont été retracées par notre journaliste.

C’est en plein automne, en octobre 2017, que le seul cas d’exaction dénoncé vis-à-vis d’un journaliste guinéen par RSF a eu lieu. Il s’agit d’Abdoubacar Camara, directeur de radio et télévision. Le week-end précédent, sa radio avait diffusé une musique funèbre suite au décès d’un de ses journalistes, crime imputé au président de la République Alpha Condé.

Depuis cet épisode, les arrestations arbitraires et les menaces de l’Etat se multiplient à l‘encontre des journalistes. En d’autres termes, la loi L002/22/ 06/2010, qui encadre la presse guinéenne et l’exercice du métier de journaliste en Guinée, est souillée sans scrupule.

Un premier journaliste sous la menace de l’Etat

Remontons au samedi 15 juin 2019. Ce jour-là, Elhadj Madifing Diané, ancien ministre de la sécurité et actuel gouverneur de la région administrative de Labé, a menacé de faire arrêter et emprisonner le correspondant de Guineematin.com et de l’Agence guinéenne de presse (AGP) à Labé. Il s’agit du journaliste Idrissa Sampiring Diallo.

Suite au meurtre de l’étudiant Amadou Boukariou Baldé, bastonné à mort par des agents de la sécurité, eux-mêmes envoyés à l’université de Labé sur ordre du gouverneur, le 31 mai 2019. L’étudiant est mort à l’hôpital régional de Labé.

Se contredisent alors la version des journalistes et celle du pouvoir. Les autorités locales ont fait croire que le jeune Amadou Boukariou Baldé a cessé de respirer au cours de son évacuation vers Conakry… à cause des manifestations qui auraient empêchées l’ambulance de circuler. Sans manifestant, il ne serait donc pas mort. Or, les médias locaux ont prouvé que le jeune est bien mort à l’hôpital et non dans l’ambulance.

Conséquence, malgré une loi adoptée en 2010 qui dépénalise les délits de presse, le journaliste a été entendu par le juge de Dixinn. En attente de son jugement, il pointe tous les mercredis et vendredis à 10 heures au TPI de Dixinn.

Fin 2019, répression contre des journalistes pour des motifs très futiles

Jeudi 31 octobre, une foule se rassemble pour accueillir le président Alpha Condé à Conakry. Mais le président ne s’arrête pas pour les saluer. Ce simple fait, évoqué par la presse, a provoqué une onde de choc répressive.

Le directeur général de la radio Lynx FM, Aboubakr Diallo a été inculpé et placé sous contrôle judiciaire pour « diffusion de données de nature à troubler la sécurité publique par le biais d’un système informatique ». Il avait juste diffusé cette information sur sa radio.

3 jours plus tard, c’est le chef des reporters de l’influent Guinée Matin, Ibrahima Sory Diallo, qui est agressé au siège du parti au pouvoir, le RPG, situé au quartier Aviation de Conakry. Parti couvrir l’assemblée générale ordinaire du parti comme plusieurs autres journalistes, il a été violemment pris à partie par des militants, avant d’être bousculé et traîné dehors manu militari par les agents de sécurité.

Mohamed Mara, agressé par la police puis menacé de mort depuis plusieurs mois

Depuis mi-décembre 2019, notre confrère Mohamed Mara, animateur de l’émission Les Grandes Gueules fait l’objet de menace de mort. Mohamed Mara avait été violemment agressé le 16 novembre 2019 par des policiers de la CMIS, Compagnie Mobile d’Intervention et de Sécurité à Conakry dans le quartier Cosa, dans la commune de Ratoma. Malgré une bataille qu’il a menée pour que justice soit rendue, les policiers identifiés comme auteurs de l’agression ont toujours bénéficié d’une impunité totale. Ils sont protégés par leur hiérarchie, plus exactement par le commandant Ansoumane Bafoé.

En 2020, des gens anonymes l’appellent pour le mettre en garde. «Il y a une sorte de contrat sur ta tête» avait lancé un inconnu. «Il y a une petite liste noire dans laquelle tu figures» martèle un autre.

Des appels et des messages téléphoniques se multiplient, des individus tapis dans l’ombre jurent de mettre fin à la vie de Mara, jugé trop critique sur les sujets concernant la violation des droits humain.

On pouvait lire dans le message que le journaliste a reçu le 30 Janvier 2020 notamment celui-ci: «Tu dois savoir que tu n’es pas le seul journaliste du pays, ou tu la fermes, ou on te la ferme pour toujours!».

Même les journalistes des médias français ne sont pas épargnés

Mercredi 12 février 2020, au marché de Coyah, Thomas Dietrich, journaliste presse pour «Le Media» s’est vu retirer son accréditation par un officier militaire, alors qu’il filmait des manifestations de rue.

Joint par mosaiqueguinee.com, à propos de la confiscation de son accréditation, le journaliste français Thomas Dietrich est revenu sur les faits.

« J’ai une accréditation en bonne et due forme, je travaille pour l’entreprise de presse française «Le Média ». Je filmais les manifestations à Coyah ce matin, et finalement un officier militaire est venu me dire que c’est interdit de filmer. Il m’a dit que c’est un lieu stratégique. Je lui ai répondu que je suis en train de travailler dans un quartier, ce n’est donc pas un camp militaire. L’officier militaire a voulu retirer les images que j’ai prises, j’ai refusé. Ensuite il a pris mon accréditation, en exigeant que je lui donne mes images. Il a donc confisqué mon accréditation, pour avoir filmé les manifestations. Je ne peux donc plus exercer mon travail»

2020, à l’approche des élections, la répression contre les journalistes s’intensifient

Mercredi 22 janvier 2020, à Kankan, le journaliste correspondant de la radio lynx FM, Abdoulaye N’Koya Sylla, a été mis aux arrêts par la police, détenu puis libéré au terme d’une audition. Joint par mosaiqueguinee.com quelques heures après sa libération, celui-ci est revenu sur les circonstances de son arrestation.

«Le matin, j’étais avec un confrère, on est venu pour couvrir une manifestation des élèves-maîtres de l’ENI, qui avaient érigé des barricades devant l’inspection régionale de l’enseignement technique et professionnel. C’était à 9 heures. Les agents de la CMIS ont investi les lieux pour disperser les manifestants. Les agents m’ont arrêté, puis ils m’ont embarqué avec certains élèves. J’avais mon badge et mes équipements. On m’a détenu au CMIS pendant 3 heures. J’ai été auditionné pour trouble à l’ordre public. Grâce à l’intervention de mes confrères, j’ai été libéré» a-t-il relaté à mosaiqueguinee.com. «Je suis déçu de la CMIS de Kankan, leur premier responsable m’a insulté père et mère».

Le 2 février 2020, le journaliste de la radio nostalgie FM Aunée, Thierno Madjou Bah,  l’animateur d’Africa 2015, l’émission politique phare de la radio Nostalgie, est menacé d’arrestation. Selon le journaliste, on lui reprocherait d’avoir tenu des propos malveillants et incitatifs à la violence dans son émission. En décembre 2018, la Haute Autorité de la Communication avait déjà suspendu Thierno Madjou et deux ses collègues pour une période d’un mois.

Cette menace d’arrestation a été lancée suite à une plainte du ministre de la communication Amara Somparé.

Même les enquêtes déconnectées des élections sont sujet à répression

Vendredi 21 février 2020, c’est au tour de Mamadou Aliou BM Diallo, journaliste reporter d’images arrêté par les services de la police routière d’Enco5. Selon nos informations, le journaliste était en train de filmer un scénario de corruption entre un policier et un conducteur de taxi.

«Nous avons vu un policier retirer de l’argent des mains d’un chauffeur de taxi et le journaliste s’est mis à filmer la scène. C’est ainsi qu’un autre policier est venu lui demander ce qu’il est en train de faire. Il a demandé à visionner le film et la discussion a commencé. Ils l’ont ensuite emmené au commissariat. Tout cela parce que les policiers rackettent les conducteurs de véhicules ou de motos. Et ils n’aiment pas que ces actes soient mis au grand jour» explique un témoin de la scène sous couvert d’anonymat.

Le matériel de travail du journaliste y compris son téléphone a été retiré. Le journaliste a été détenu au sein du commissariat d’Enco5 pendant 2 jours avant d’être libéré.

Le lendemain, samedi 22 février 2020, Alpha Ousmane Bah, journaliste reporter du site d’information Africaguinée.com et à la radio Espace Foutah et son collègue Mamadou Kossa Sow, ont été arrêté à Koundara. Foutah est une ville située à la frontière entre la Guinée et le Sénégal.

« Nos confrères étaient partis en reportage dans cette préfecture, sur la fermeture de la frontière aux camions transportant des marchandises dans des pays voisins. » déclare un journaliste de cette rédaction.

Ces quelques exemples ont été vérifiées par plusieurs sources mais ne reflètent que partiellement la dure répression que vit la liberté de la presse en Guinée. Notre journaliste, contraint à l’exil et dont voici l’histoire cf portrait, aurait pu étayer cet article par d’autres exemples. Mettre en lumière tous les journalistes guinéens menacés de mort pour avoir exercés leur métier de journaliste semble un travail titanesque. Bien qu’une aprtie de la répression soit liée à la campagne électorale et référendum qui aura lieu le 1er mars 2020, la liberté d’informer en Guinée est régulièrement et gravement remis en cause, y compris hors période électorale.

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RD Congo: une radio attaquée et fermée par la police

Au Bas-Uele, la “Radio Liberté Buta” a été attaquée par la police en pleine nuit avant d’être fermée.  Journaliste en danger JED et l’Observatoire des médias congolais OMEC, dénonce vigoureusement l’incursion nocturne d’un groupe de policiers dans les installations d’une station de radio, la confiscation de ses matériels de diffusion ainsi que l’arrestation d’un régisseur d’antenne trouvé sur place.

Selon nos informations, la “Radio Liberté Buta” dans la province de Bas-Uele située dans le nord de la République Démocratique du Congo, une station proche du Mouvement de Libération du Congo MLC de Jean-Pierre Bemba, un des leaders de l’opposition, a été attaquée, la nuit du jeudi 28 novembre 2019 vers 22 heures. 

Actualisation du 11/12/2019 – Message de RSF sur la situation du journaliste Junior Supa


Une intervention disproportionnée de la police congolaise

Selon nos éléments, il s’agit du Groupe Mobile d’intervention de la Police Nationale Congolaise dont le but était de procéder à l’arrestation de M. Gilbert Monkoto, Vice-Président de l’Assemblée provinciale du Bas- Uele. 

M. Gilbert Monkoto intervenait dans une émission consacrée, notamment à la gestion de l’Assemblée provinciale du Bas- Uele.

Ne l’ayant pas trouvé dans les locaux de ce média, la police a intimé l’ordre à Junior Supa, journaliste-technicien, trouvé sur les lieux, d’interrompre cette émission qui était diffusée en différé.

L’arrestation et l’emprisonnement illégitime d’un journaliste

Ensuite, ils ont emporté tous le matériel de diffusion et ont procédé à l’arrestation de Junior Supa. Conduit au quartier général de la police où il a passé la nuit, le journaliste a été transféré dès le matin à la prison centrale du Bas-Uele où il est encore détenu en toute illégalité.

Le lendemain, vendredi 29 novembre, le parquet général du Bas-Uele a mis sous scellée la radio Liberté de Buta.

Dans la foulée, un mandat de comparution a été émis contre M. Jules Kasikila, directeur de ce média. Par peur des représailles et craignant pour sa sécurité, Jules Kasikila est contraint de vivre dans la clandestinité.

Une fermeture de média abusive

Sans entrer dans le fond de l’affaire, le JED trouve absurde toutes les poursuites engagées contre les journalistes de ce média qui n’ont commis aucune infraction en diffusant cette émission.

Le JED exige, par conséquent, la libération sans condition du journaliste détenu, la cessation des poursuites judiciaires contre le directeur de cette station de radio ainsi que la reprise, sans délais, des activités de la Radio Liberté Buta.

Les autorités de la République Démocratique du Congo devraient prendre des mesures immédiates pour garantir aux citoyens l’accès aux diffusions des médias alors que le pays attend avec ferveur et inquiétude les élections.