Michel Thierry Atangana : un homme détruit pour rien

Par René DASSIE

michel atangana 1Jeune et brillant ingénieur financier, Michel Thierry Atangana, né au Cameroun, est devenu Français par naturalisation, en 1988. En 1994, il est envoyé au Cameroun, pour représenter les intérêts de grands groupes français, comme Jean Lefebvre, en activité dans le secteur routier de pays.
Comme la loi camerounaise ne reconnait pas la double nationalité, les autorités de Yaoundé lui délivrent un titre de séjour. Ses performances lui valent d’être désigné pour conduire la restructuration de la dette de certaines multinationales comme Nestlé et Phillips, dont les créances, évaluées à plusieurs milliards de Francs CFA, la monnaie locale, sont en souffrance dans ce pays d’Afrique centrale.
Parallèlement, Paul Biya, le président du cru, le nomme, par décret, président du Comité de pilotage et de suivi des projets routiers (COPISUR). Sa mission ? Trouver des partenaires internationaux, capable de mettre sur la table les quelques 332 milliards de Francs CFA qui manque à l’Etat, pour financer ce projet ambitieux dédié au désenclavement des trois provinces du sud du pays. La tâche est d’autant plus ardue que le Cameroun, mauvais payeur, a perdu toute crédibilité, auprès des bailleurs de fonds internationaux.
Cependant, le jeune expert financier s’y lance avec passion. Ses efforts sont en train d’aboutir avec l’engagement à ses côtés des entreprises comme Pecten, la Banque BNP, La Lyonnaise des eaux. C’est alors qu’un événement imprévu se produit au Cameroun. Début 1997, un proche du président Biya du nom de Titus Edzoa, qui a été à la fois ministre, médecin personnel et confident du chef d’Etat démissionne avec fracas et annonce qu’il se présentera à la présidentielle contre lui. Des rumeurs démenties longtemps après présentent Michel Thierry Atangana comme celui qui sera son directeur de campagne. Les deux hommes se sont connus lorsque, Secrétaire général de la présidence, Titus Edzoa était l’interlocuteur du gouvernement camerounais auprès du COPISUR que dirigeait Michel Thierry Atangana.
Paul Biya décide de sévir contre son ministre devenu opposant et commence par frapper autour de lui. Michel Thierry Atangana est arrêté en mai 1997 et placé pendant 52 jours en garde à vue. Dans un premier temps, on l’accuse de grand banditisme. Puis cette infraction, jugée grossière, est requalifiée en détournement de deniers publics. Titus Edzoa est arrêté à son tour. Au terme d’un procès expéditif et sans la présence de leurs avocats, les deux hommes sont nuitamment condamnés à 15 ans de prison.
En 2008, défiant les ordres de sa chancellerie, un magistrat courageux prononce un non-lieu total en faveur de Michel Thierry Atangana. L’Etat fait appel et réussit à infirmer cette décision historique.
Le gouvernement entame alors un nouveau procès, exactement pour les mêmes faits. Les deux accusés suivront péniblement cette deuxième procédure, fait d’audiences perlées, espacées de plusieurs semaines, qui durera trois ans. Entre-temps, la Commission nationale anti-corruption (CONAC), un organisme mis en place par Paul Biya pour traquer les détourneurs de fonds publics constate que Michel Thierry Atangana n’est coupable d’aucune maladresse financière. Rien n’y fait. La justice camerounaise poursuit son cours, et s’arrange pour que son jugement coïncide avec la fin de la première peine prononcée 15 ans plus tôt. En 2012, Michel Thierry Atangana et Titus Edzoa écopent d’une nouvelle condamnation à 20 ans de prison augmentée de 5 ans de contrainte par corps. Selon les observateurs, ce jugement vient clôturer une énorme parodie de justice au cours de laquelle les magistrats en mission commandée, auront malmené les principes les plus élémentaires de la procédure pénale. On raconte que le ministre camerounais de la Justice, Laurent Esso, pilote à distance le procès. Certains juges sont exclus de la collégialité à la fin des débats et remplacés par des collègues plus conciliants, en dépit d’une interdiction formelle de la loi camerounaise. D’autres subissent des menaces de mort. Tentant de lire un verdict qui lui a été dictée sous la contrainte, un magistrat étouffe et subi une extinction de voix. Des mallettes bourrées de billets circulent. Elles ont pour effet de fluidifier les rapports entre les juges et leur ministère de tutelle. Mi-octobre 2013, la peine est rendue définitive par la Cour suprême du Cameroun, qui, au terme d’une audience éclair, rejette, le pourvoi en cassation de M. Atangana.

Makaila Nguebla, une aura révolutionnaire !

Makaila Nguebla

Makaila Nguebla

[Par Jean MATI]

Accueilli à la Maison des Journalistes à Paris, le blogueur tchadien, Makaila Nguebla a finalement obtenu son statut de réfugié en France. Au terme d’un long feuilleton diplomatique, la reconnaissance par la République française de la protection internationale pour Makaila est un triomphe de la liberté d’expression et des droits de l’homme dans le monde. Retour sur le parcours d’un combattant de la plume.

Le jeune journaliste tchadien a été expulsé de deux pays africains : le Sénégal et la Tunisie. Il aura fallu attendre la France, un pays européen pour lui venir à la rescousse. En Afrique, il est extrêmement rare qu’un homme ou une femme devienne célèbre pour avoir été expulsé d’un pays. Mais dans un contexte aussi politisé que celui de l’ « Affaire Makaila Nguebla », l’occasion faisait sans doute le larron. Dès les premiers faits établis, on a imaginé une vieille histoire rocambolesque racontée par les sages conteurs africains sur un arbre qui cache toute une forêt. Officiellement, il a été expulsé du Sénégal vers la Guinée Conakry, en raison d’un séjour illégal mais cela ressemble fort à un simple prétexte. Les raisons évoquées par les autorités sénégalaises n’ont pas été convaincantes. Mais au-delà de cela, on pouvait bien penser que leurs motivations étaient ailleurs. Qui était derrière cette démarche ? Pourquoi Makaila Nguebla faisait-il peur ?

Pleins feux sur Makaila Nguebla

Né le 31 décembre 1970 à Ndjamena, la capitale tchadienne, Makaila Nguebla est issu d’une famille modeste. Ses noms ont une signification plus particulière. D’abord Makaila est un nom arabe d’origine africanisée, c’est-à-dire Mikail qui veut dire l’ange de la pluie ou des verdures. Nguebla, ensuite, veut dire la famille élargie.

A l’âge de 9 ans, Makaila perd son père. Élevé par sa mère, Makaila fréquente l’école Bololo à Ndjamena , le collège d’enseignement général N° 2 et le lycée technique commercial d’où il sort plus tard avec un Bac. Avec ses 1,72 m et 70 Kg, Makaila aurait pu faire un bon sportif, mais son intérêt pour le journalisme le pousse à créer son blog. En 2000 , il suit une formation à l’Institut tuniso-canadien en administration commerciale en Tunisie. En 2005, Makaila est expulsé de la Tunisie vers le Sénégal. Toujours politique ? Une petite odeur de ça. A Dakar, Makaila se reconstitue et s’arme de nouveau. Il intègre l’Institut Supérieur de Communication et de Journalisme. Après avoir obtenu son diplôme en journalisme, Makaila rejoint la radio « Manoore ». Selon les observateurs avisés, la notoriété de Makaila à Dakar serait à la base de son expulsion vers la Guinée.

Makaila est un homme de principe. Il est loin d’être ce prototype de personne qui épouse facilement l’inconscient populaire. Disposant d’un charisme naturel, Nguebla a une aura révolo qui cache pas mal sa gentillesse. Le natif de Ndjamena est aussi un vrai leader qui mène son peuple vers une direction grâce à son combat. L’option qu’il favorise est le changement au Tchad, c’est-à-dire le « dictateur Deby doit dégager ! » et laisser la place à la nouvelle alternative. Comme un militaire au front, la plus grande arme de Makaila Nguebla est bel et bien son blog – http://makaila.over-blog.com/ . Ce dernier fait tabac sur les réseaux sociaux et est bien présent dans le paysage médiatique francophone.

Pour M. Nguebla, son engagement militant résulte dans le fait que son pays, le Tchad, est soumis à une dictature extrême qui suscite une prise de conscience individuelle et collective basée sur un sursaut national pour trouver une solution à la démocratie et à un État de droit.

Malgré son combat pour le changement dans son pays, Makaila se veut juste un citoyen tchadien, journaliste, blogueur et militant des droits humains qui aspire à vivre chez lui dans le respect et la dignité . En attendant qu’il y ait une nouvelle donne au Tchad, Makaila garde toujours son foulard au cou en signe de combat. Une grande bataille pour la liberté d’expression et l’égalité des peuples.