Les confessions du braqueur Rédoine Faid évadé de prison

[PORTRAIT] La réussite de sa cavale, il la doit en partie aux flics de la BRB qui, à son avis, décident carrément d’être aveugle en sous-estimant les mecs de la Cité. “S’ils avaient mis en place une petite surveillance, ils auraient pu m’attraper. Pour eux, le voyou ne peut-être qu’un gaulois, passer par la centrale. Cela ne peut pas être le Rédoine de Creil. Cet algérien de banlieue de merde. A leurs yeux, on est de la racaille”.

Evolution du journalisme : 7 questions à Danièle Ohayon

[PORTRAIT] Premier volet de cette série: rencontre avec Danièle Ohayon, journaliste à France Info pendant 25 ans, ancienne présidente et cofondatrice de la Maison Des Journalistes. La lycéenne de mai 68, la journaliste radio ayant pris part à la résistance afghane, sa vision de l’avenir de la profession… Danièle Ohayon apporte un éclairage sur les évolutions du journalisme.

Libre comme une cigogne noire

“Quand j’ai débarqué en Italie la première question que les policiers m’ont posée fût quel âge j’avais. Ça me semblait une question très intime, indiscrète. Je ne connais pas ma date de naissance car en Érythrée on ne fête pas les anniversaires. Mais ils insistaient, ils voulaient une date, un chiffre. J’ai ainsi découvert qu’ici c’est très important, alors que pour moi ça n’a rien à voir avec la réalité d’une personne. J’ai inventé. Ma mère disait que je suis né quand Reagan était président. Donc j’ai répondu 1981.”

L’actualité de l’Iliade jouée par des détenus au théâtre

 

« Toute peine a une fin. »

Cette affirmation résonne avec la guerre à laquelle se livrent Grecs et Troyens dans l’Iliade d’Homère. Une histoire mythologique qui devient prétexte pour s’interroger sur les causes de l’abus de pouvoir, sur le manque de respect de la dignité des hommes, mais aussi sur le principe de fidélité à un idéal, sur le sens de l’amitié ou encore sur la beauté de l’intelligence en action.

L’œil de l’exilé a pu assister au premier des dix chants de l’Iliade au Théâtre Paris-Villette, accueillant pendant dix jours, en mai dernier, un projet théâtral hors-norme avec des détenus du centre pénitentiaire de Meaux.

Une nouvelle mise en scène en version réduite aux épisodes I et II du projet original, aura lieu à partir de ce soir à 20 heures, pour trois jours, le 18, 19 et 20 octobre, à Mains d’Œuvres (1 Rue Charles Garnier, 93400 Saint-Ouen).

L’Iliade, une mise en scène resserrée sur le noyau chaud du récit et réduite à l’essentiel, dans l’adaptation d’Alessandro Baricco, à l’image du travail que le metteur en scène Luca Giacomoni a initié en prison.

« L’occasion – nous raconte le metteur en scène – s’est présentée en 2015, au centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin-Neufmontiers, lorsque Irene Muscari, responsable de l’activité culturelle de la prison, m’a proposé de lancer un travail théâtral dans le cadre d’un programme de prévention et de lutte contre le terrorisme. J’ai choisi de traiter le sujet de manière frontale et de raconter cette guerre légendaire entre Achéens et Troyens. » Une histoire où l’épuisement du combat est associé à la nécessité d’une résolution et d’un retour chez soi. L’objectif premier de ce projet culturel qui souhaite reconstruire un intérêt en lieu du rejet mutuel installé entre la société et ceux qui ont contrevenu à ses règles.

« Le théâtre existe pour réunir la société humaine – affirme Giacomoni -. Depuis toujours, les hommes se réunissent pour faire vivre des histoires qui sont comme des énigmes, lumineuses et inquiétantes à la fois. Le théâtre est ce rendez-vous, ce moment “de vie dans la vie” destiné à organiser momentanément le chaos, à recomposer ce qui est fragmenté. Dans cette perspective, la fonction du metteur en scène est simple : il s’agit d’organiser le rendez-vous. Le metteur en scène est là pour réunir les conditions nécessaires afin que les acteurs et les spectateurs puissent vivre une seule et même expérience, le plus intensément possible. »

Abordant ce récit de guerre comme un écho de notre temps, le travail mené par la dramaturge, Marta Fallani, s’attache à adapter les vers de l’épopée mythologique aux voix et aux corps de chaque acteur-narrateur. « Chacun a ainsi interpréter son rôle en partant de sa propre vie la compréhension du récit et apporter ainsi sa touche personnelle au récit collectif », témoin Fallani. « C’était un ovni pour le nouveau groupe de détenus à qui il fallait donner envie de participer à l’aventure, et dont un seul avait dû assister à une représentation théâtrale dans toute sa vie ». Il a fallu d’abord s’apprivoiser et déjouer les a priori et stéréotypes. « Ceux qui sont resté dans le projet – on lit sur la publication éditée lors de la première mise en scène au Théâtre Paris-Villette -, ils ont perçu l’intensité et les lignes de force du texte millénaire qui dissèquent la mécanique du conflit avec soi-même, avec l’autre, avec la société́, et entre directement en résonance avec leur vécu ». 

Luca Giacomoni est metteur en scène et directeur artistique de la Cie TRAMA

Parallèlement à son cursus universitaire en Lettres et Philosophie (Université de Bologne, Italie), Luca étudie la danse et le théâtre. Quelques années plus tard, il s’oriente vers la mise en scène et intègre l’École Internationale de Théâtre Jacques Lecoq à Paris. Il complète sa formation avec Eugenio Barba et les acteurs de l’Odin Teatret sur le projet Università del Teatro Eurasiano.

Pendant cinq ans il suit le travail de Gennadi Bogdanov, héritier de la biomécanique théâtrale de Meyerhold, jusqu’à la réalisation de Georges Dandin. En 2009, il participe à un stage du Théâtre du Soleil. Suite à cela, Ariane Mnouchkine lui prête la salle de répétition à la Cartoucherie de Vincennes pour poursuivre le travail entamé. Plus de cent personnes se manifestent pour suivre l’atelier et forment un groupe de recherche international : c’est la naissance de la compagnie TRAMA.

Parallèlement aux productions théâtrales, l’action artistique de la compagnie s’oriente vers les écoles d’art, les maisons de retraite, les hôpitaux et les foyers d’accueil afin de créer un contact avec des publics différents et retrouver la source d’un théâtre vivant. Il invite par la suite des artistes de renom comme Yoshi Oïda, Richard Schechner, Germana Giannini, Joëlle Bouvier ou Alain Maratrat qui viennent animer des sessions et préparer le groupe aux interventions. Luca Giacomoni travaille actuellement à la création d’un lieu, à Paris, entièrement dédié à la narration et à l’art du récit.

L’œil de l’exilé a rencontré le réalisateur Luca Giacomoni. Interview.

Pensez-vous qu’il est correct de définir votre travail comme « théâtre engagé »?

« Je crois qu’une œuvre d’art, en tant que telle, est toujours “engagée”. L’art dramatique n’y échappe pas. L’expérience que nous vivons au théâtre (si elle est “juste”, au sens musical du terme) remet nécessairement en cause nos comportements habituels, notre pensée et la compréhension ordinaire que nous avons de la vie. C’est un acte politique et radicalement intime à la fois, qui ne nous laisse pas tranquille. Ça nous remet en question. En ce sens, le théâtre est toujours engagé : il a le pouvoir de nous éduquer, de nous ouvrir à un monde plus vaste, plus complexe, plus riche. »

Comment une série d’épisodes change-t-elle la préparation de la compagnie par rapport à un spectacle?

Présenter au théâtre une série d’épisodes signifie présenter chaque soir un spectacle diffèrent. Dix spectacles d’une heure, avec une distribution mixte d’acteurs professionnels et d’amateurs. Tout ceci a plusieurs conséquences : avant tout, faire le deuil de l’idée traditionnelle de spectacle – c’est à dire une “machine” bien huilée qui fonctionne sur une structure de rendez-vous clairs et définis ; puis accepter le côté “brut” des différentes représentations, à la lisière entre forme fixe et improvisation ; enfin, tâcher de tenir le fil du récit à l’intérieur d’une narration fragmentée et dense de rebondissements comme celle d’Homère. Un véritable tour de force !

Pourquoi choisir cette œuvre?

Pour être fidèle à Homère, et respecter l’envergure de cette guerre, son immensité, sa démesure. Pour dire l’épuisement du combat, et rendre sur scène la densité de l’épopée, nous avons choisi un geste théâtral fort : 10 représentations d’une heure pour porter chaque soir une partie de l’histoire, en temps réel. Représenter un spectacle en 10 dix jours veut dire inviter le spectateur à une expérience qui rappelle à la fois les fêtes dionysiaques de la Grèce ancienne et, plus très de nous, la construction des séries.

Le théâtre en prison: quelles ont été les plus grandes difficultés dans la réalisation de ce projet ?

Avant tout, le manque d’écoute et d’attention. Il est très difficile de faire comprendre à des amateurs – et à des amateurs qui vivent dans les conditions dures de la détention – que l’art dramatique est un travail exigeant, sérieux, qui demande toute sorte d’effort : arriver à l’heure, se préparer, travailler en groupe, rester concentrés, se donner au travail. Tout ceci est évident pour les professionnels, mais ce n’est pas le cas pour les amateurs. C’était – et c’est encore aujourd’hui – la plus grande difficulté… Il nous a fallu du temps. Petit à petit, il s’est installé un climat de confiance et tout le monde s’est investi à 100% dans le projet. Mais ça nous a demandé neuf mois de travail, un véritable accouchement. Aussi, nous avons souvent fait face à l’inertie à contre-courant de la vie en prison : la rigidité des horaires, la lenteur des procédures administratives, la fatigue des participants, les blocages d’un secteur de la prison, etc. La liste est longue.

Est-ce la première fois que vous travaillez avec des détenus?

Oui, c’est la première fois. Mais le désir est là depuis très longtemps.

Y a-t-il un “code” que vous devez posséder pour travailler dans ce domaine ?

Je ne parlerais pas de “code”… Disons plutôt que ça demande encore plus de patience, de sensibilité et de détermination que d’habitude.

Sur scène, on écoute les chansons d’une chanteuse iranienne : pourquoi ce choix ?

Au théâtre, le chant et la musique sont là pour raconter ce que les mots ne peuvent pas dire. C’est une autre couche, plus fine, invisible, qui soutient et donne profondeur à la narration. Quand j’ai écouté Sara, j’ai trouvé dans sa voix et dans les chants traditionnels persans la même couleur, la même force et la même ampleur d’horizon que je retrouve dans les mythes d’Homère. Je ne saurais pas le dire autrement.

Quels étaient ses objectifs initiaux ? A-t-il été possible de les atteindre ? Comment ont-ils évolué ?

Je travaille depuis le début de l’aventure avec deux objectifs : d’un côté, tenter de comprendre l’énigme de la guerre à travers un récit collectif, à travers les efforts conjoints d’un groupe d’acteurs ; de l’autre côté, questionner la notion de virilité, et porter sur scène la beauté (et la difficulté) d’être un homme. Homère m’a aidé à m’approcher du premier objectif ; les détenus que j’ai rencontrés à Meaux ont fait le reste.

Êtes-vous satisfait du résultat?

Oui et non. Depuis que nous avons été au Théâtre Paris-Villette, nous avons eu énormément de satisfactions, humaines et artistiques. Mais le “goût du plat” n’est pas tout à fait celui que je souhaite. Le récit n’est pas encore assez fluide, vivant. La structure générale n’est pas assez solide. Simplement, il nous faut encore du temps. Mais nous avons repris le travail à la rentrée et je suis très confiant pour les résultats à venir car l’équipe artistique est vraiment extraordinaire.

Prochaines étapes de ce projet?

Après les représentations au Théâtre Paris-Villette, les 10 épisodes ont été retravaillés avec une distribution composée uniquement d’acteurs professionnels et d’ex-détenus afin de peaufiner la narration et structurer davantage la mise en scène. Nous travaillons aussi à la diffusion en région parisienne et en France, selon différentes modalités : l’intégrale en 10 dates d’une durée 1h (un épisode par soir) ; l’intégrale en 5 dates d’une durée de 2h30 avec entracte (2 épisodes par soir) ; ou bien des épisodes isolés d’une durée d’1h.

Prochain rendez-vous le 18, 19 et 20 octobre, à la Mains d’Œuvres (1 Rue Charles Garnier, 93400 Saint-Ouen), à 20 heures. Pour en savoir plus cliquez ici.

Leila Shahid : Le cinéma est beaucoup plus expressif que l’essai politique

[Par Hicham MANSOURI]

Cet article a été publié en partenariat avec le journal Kezako du Festival de Douarnenez

Leila Shahid

Après 27 ans d’absence, la grande Leila Shahid – l’ex-ambassadrice de la Palestine en France, Irlande, Pays-Bas, Unesco puis Union Européen – est de retour au festival de Douarnenez. Elle y voit « comme un signe du destin » car elle vient remplacer Omar Barghouti, qui n’a pas pu venir pour cause d’empêchement familial. « Je ne pouvais qu’accepter l’invitation car j’aime ce festival et je lui dois bien ça », raconte-t-elle avec sincérité.

Avant de participer au débat sur l’occupation de la Palestine jeudi, elle a pu voir plusieurs films pendant trois jours. «J’adore le cinéma. J’ai toujours pensé que le cinéma est un moyen beaucoup plus expressif que l’essai politique parce qu’il est un art… ça touche aussi les émotions » nous explique l’ancienne diplomate palestinienne.

 

Un festival révélateur

Pour Leila, le festival est très bien organisé. La preuve? Elle évoque notamment la qualité, les longues files d’attente et la musique « qui rend les gens heureux » selon son expression. «Quand je vois ça, je me dis que la France va bien. Dans le milieu politique on a besoin d’actions comme celles de ce festival. Je dis bravo aux organisateurs et aux bénévoles ! »

En souhaitant au festival plus de soutien à l’avenir, elle nous promet déjà qu’elle sera là avec son mari pour la prochaine édition, en tant que spectatrice.

Les portraits intersexes de Maurizio Leonardi

[Par Hicham MANSOURI]

Cet article a été publié en partenariat avec le journal Kezako du Festival de Douarnenez

Quinze portraits de militants intersexes. Voilà le travail qu’expose le photographe italien Maurizio Leonardi à la Galerie le Cri Suspendu. Pour ce natif de Naples, l’idée de faire ce projet lui est venue il y a trois ans, après sa rencontre en marge du festival de Douarnenez, avec Vincent Guillot, le porte-parole de l’Organisation Internationale des Intersexes. « Avant, je ne comprenais pas de quoi on parlait exactement. J’ai donc suivi tous les débats et les films avant de rencontrer Vincent. » Sa première photo, ça a justement été celle de Vincent. Pour Maurizio, l’idée n’est pas de faire des portraits de militants engagés pour leur lutte, mais de situations humaines simples. « Je suis resté ami avec tous », se réjouit l’artiste.

La rencontre

Le Cri Suspendu, qui abrite l’exposition, est un espace partagé qui permet de travailler autour de « l’écologie globale », c’est-à-dire à la fois l’écologie de la personne et celle de l’environnement. Il s’agit d’une structure de création artistique transdisciplinaire, notamment entre arts et sciences. « La rencontre sur un objet commun entre scientifiques et artistes va déplacer le sujet sur un territoire autre. Ce nouveau territoire est celui du possible et qui permet de faire face à la complexité du monde », détaille Jean-Luc Aimé, artiste associé de cette structure et qui est également compositeur, poly-instrumentiste, producteur artistique. Le procédé de travail est de réitérer la création à chaque fois. Autrement dit de changer, à chaque fois, d’équipes artistiques et de production tout en interrogeant le même sujet.

« La rencontre sur un objet commun entre scientifiques et artistes va déplacer le sujet sur un territoire autre. Ce nouveau territoire est celui du possible et qui permet de faire face à la complexité du monde. »

Un désir commun

Les fondateurs partagent un désir commun : faire coïncider travail de création artistique et regard de citoyen(ne)s sur la situation du monde qui les entoure. Un risque d’utiliser l’art à des fins militantes ? « Non, il ne s’agit pas d’une instrumentalisation. C’est tout à fait l’inverse qui est vrai », tranche Jean-Luc. « Quoi qu’on dise, l’art est toujours politique. Tu peux, en tant que créateur, ne pas donner de portée politique à ton art… Mais celle-ci sera là que tu le veuilles ou pas. Ce n’est pas toi qui décides. »

La rencontre entre le Cri suspendu et Maurizio Leonardi a eu lieu grâce au Collectif la Rumeur que le photographe italien a cofondé en 2014 avec sa consœur Fanny Pennin. La Rumeur ce sont quatre artistes qui travaillent en argentique et en noir et blanc sur des sujets sociaux. « On est en recherche d’un local pour pouvoir mener des ateliers d’initiations de la photo. Pour l’instant on le fait en marge des expositions. On essaie aussi de le faire au sein des écoles », explique Fanny.

Simon Brochard (SOS Méditerranée) : « Les gens n’ont pas attendu qu’on soit là pour partir »

[Par Hicham MANSOURI]

Cet article a été publié en partenariat avec le journal Kezako du Festival de Douarnenez

Marin à bord de vieux gréements, Simon Brochard s’est installé voilà cinq ans à Douarnenez pour se former à la fabrication des voiles. Une heure du documentaire « Les migrants ne savent pas nager », a suffi pour le convaincre à rejoindre la cause de SOS Méditerranée et s’engager dans le sauvetage humanitaire des migrants en mer Méditerranée. Depuis, il a contribué, à bord de l’Aquarius, au secours d’une douzaine de bateaux près des côtes Libyennes.

Simon Brochard

Comment tu t’es engagé dans l’humanitaire ?

L’an dernier, j’étais au festival de Douarnenez. J’ai été à la projection du film Les migrants ne savent pas nager, ça a été un choc. On voyait des gens monter dans des bateaux, qui, techniquement, ne peuvent pas traverser la mer.

 

C’est-à-dire ?

Aucune des embarcations que j’ai vues n’aurait pu faire la traversée. Ce sont des « bateaux » qui sont, par définition, en état de détresse. En tant que marin, si quelqu’un est en détresse en mer, on doit le secourir. Ça fait partie de notre ADN.

 

Les mouvements anti-migrants vous accusent de travailler « main dans la main » avec les passeurs…

C’est un mensonge ! La preuve c’est qu’en 2014, donc avant que les ONG interviennent, la marine italienne menait déjà des opérations de sauvetage. Au bout d’un an l’Union européenne a renforcé la surveillance des frontières, mais ça n’a pas fait diminuer les départs de la côte libyenne. Les gens n’ont pas attendus qu’on soit devant pour partir.

 

Quel moment t’a le plus marqué ?

C’est quand j’ai vu 195 personnes entassées sur une planche d’à peine dix mètres de long entourée d’une sorte de chambre à air. Les gens étaient tellement serrés qu’ils ne pouvaient même pas communiquer entre eux. Le moindre mouvement ou la moindre vague peut mettre fin à leur aventure.

Beaucoup de personnes périssent noyées, mais d’autres meurent pendant la traversée à cause de la promiscuité et du mélange d’eau et d’essence qui leur fait perdre conscience. Leur dernier réflexe est souvent de mordre leurs voisins. Les rescapés nous disaient, en nous montrant leurs bras mordus : « On a essayé de les relever mais c’était trop tard…».