Focus sur l’Ukraine, un reportage collectif

[Par Marta Fallani,  John Chitambo Lobe et Behzad Qayomzada, René Dassié]

Une image de la guerre civile à Donietsk  (Juillet 2014)

Une image de la guerre civile à Donietsk
(Juillet 2014)

Ukraine, les images d’une guerre oubliée :

L’article de Marta Fallani

Mardi 5 août, la Rédaction de la Maison des journalistes a reçu Marina Bodrichenko, porte-parole du Collectif citoyen pour la paix en Ukraine (http://frudialogue.wordpress.com/), venue apporter son témoignage sur la guerre civile dans le Sud-Est de l’Ukraine.

Activiste russe d’origine ukrainienne, Marina Bodrichenko vit en France depuis sept ans.
Le Collectif citoyen pour la paix en Ukraine dans lequel elle milite s’est donné pour mot d’ordre d’ “appeler les médias européens, russes et ukrainiens à une couverture plus objective et suivie de la crise ukrainienne”.

Marina arrive à la Maison des journalistes avec un grand sac en papier. Elle en sort des grands panneaux sur lesquels sont collées des dizaines de photos. Maisons détruites, personnes qui tentent de s’en échapper, une vielle dame assise dans son salon désormais dévasté. Et puis, des enterrements, des mères qui pleurent devant des cercueils blancs, des hommes qui serrent dans leurs bras les corps sans vie d’enfants.

Ce sont des images de la guerre. Les photos arrivent de Donetsk, la région du sud-est de l’Ukraine, où habite une minorité de Russes, parmi lesquels les « rebelles » qui s’opposent au gouvernement qui a pris le pouvoir à Kiev. Ces images sont très récentes. Les dernières photos datent le 27 juillet 2014. Cependant, on ne les voit pas dans les journaux occidentaux. « Internet est plein de vidéos d’amateurs, de photos prises par les gens du lieu. Moi-même je traduis souvent les vidéo du russe, mais je n’en trouve aucune trace dans la presse occidental », s’étonne Marina Bodrichenko.

Samedi 2 août, le collectif, des activistes des ONG humanitaires, des citoyens ukrainiens, russes et français, ont manifesté à Paris pour demander un “cessez-le-feu immédiat”. Cette date a été choisie exprès, pour rappeler le « massacre d’Odessa » du 2 mai 2014. Ce jour-là, 38 « rebelles » pro-russes avaient été tués, lors d’une guérilla organisée par des groupes d’extrême droite qui soutiennent le gouvernement de Kiev.

Jusqu’à présent, aucune investigation internationale n’a été ouverte pour identifier les auteurs de ce massacre. « Ce qui se passe dans le Sud-Est de l’Ukraine est une véritable guerre civile », analyse Mme Bodrichenko, qui dénonce par ailleurs la « manipulation des informations par l’occident », désireux de « garder l’équilibre politique actuel » au détriment des civils. Selon les données publiées par les autorités russes et considérées comme fiables par l’OTAN, 730.000 Ukrainiens auraient fui le conflit pour se réfugier en Russie.

Crèdit photo L: isa Viola Rossi

Crédit photo L: isa Viola Rossi

L’interview à Marina Bodrichenko :

Propos recueillis par John Chitambo Lobe et Behzad Qayomzada

Vous avez crée le premier collectif de citoyens russes et ukrainiens à Paris. Pourquoi ?

Manifester, dans quel but ?

Par rapport à votre prochaine manifestation publique, où, quand et comment aura-t-elle lieu?

Qu’est-ce que vous pensez de l’opinion publique française ?  

En ce qui concerne les enjeux de ce conflict, quel est votre avis ?

Le rêve d’empire soviétique de Vladimir Poutine : 

L’opinion de René Dassié

Nostalgique de la puissance soviétique, Vladimir Poutine avait qualifié l’effondrement de l’URSS de « plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle ». Et même s’il avait tempéré en ajoutant que « Ceux qui ne regrettent pas la disparition de l’URSS n’ont pas de cœur, mais ceux qui voudraient la refaire n’ont pas de tête », le maître des destinées de la Russie depuis quatorze ans n’a jamais caché son ambition de refaire de son pays une puissance internationale.
Exit donc la résurrection du Grand Empire, eu égard à l’impossibilité de remettre en cause la souveraineté de la plupart des Etats qui s’en sont détachés il y a un peu plus de deux décennies.
Vladimir Poutine qui sait pouvoir compter sur une forte majorité de l’opinion publique russe qui désormais approuve sa politique diplomatique dans la construction de l’Union eurasienne, sorte d’URSS light capable de faire face à l’Union européenne, à la Chine et aux Etats-Unis. Il s’agit en somme d’un bloc géopolitique autour de son pays, rassemblant la Russie et la plupart des républiques issues de l’URSS. Avec l’économie libérale, mais pas la démocratie et les droits de l’homme.
L’acte de naissance de ce bloc à caractère économique, bâti sur le modèle de l’Union européenne a pris la forme d’un traité signé le 29 mai dernier par trois Etats fondateurs, la Russie, le Kazakhstan et la Biélorussie. D’autres États qui ont fait partie de l’Union soviétique ont aussi exprimé leur désir de rejoindre ce projet qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2015. Il s’agit notamment de l’Arménie, du Kirghizistan et du Tadjikistan.
Dans la stratégie de M. Poutine, les accords diplomatiques ne constituent pas le seul ticket d’entrée dans ce nouveau club. Le président russe veut pouvoir compter sur les pressions, y compris militaires, pour parvenir à ses fins.
Il y a eu ainsi l’invasion de la Crimée, venant après celle de l’Ossétie du Sud en 2008 sous le prétexte officiel de défendre les Russes ethniques ou porteurs d’un passeport russe, dans ces anciennes Républiques soviétiques.
Il y a maintenant l’Ukraine, qui goûtait au pluralisme démocratique depuis la Révolution orange de 2004 et dont une partie du territoire a sombré depuis quelques mois dans un conflit meurtrier, entre l’armée régulière et des séparatistes pro-Russes. Vladimir Poutine que les Occidentaux accusent d’attiser ce conflit verrait dans l’Ukraine, eu égard à sa population, ses infrastructures industrielles et son agriculture, un des piliers du nouvel édifice régional qu’il entend bâtir.
« A l’époque soviétique, il était tout simplement impossible d’imaginer que l’Ukraine et la Russie puissent être des Etats différents (…). Mais cela est arrivé. Et quand la Crimée s’est soudainement retrouvée dans un autre Etat, la Russie a senti qu’on l’a non seulement volé, mais carrément pillé. Et qu’est-ce qu’a fait la Russie ? Elle a baissé la tête », déclarait-il dans un discours d’une heure devant des parlementaires des deux chambres réunies, et en présence de nombreuses personnalités russes, lorsqu’il signait, le 18 mars dernier, le traité d’intégration de la Crimée à la Russie.
En Occident, les visées hégémonistes de Vladimir Poutine passent mal. Les Etats-Unis ont clairement exprimé leur opposition à la création d’une Union eurasienne pilotée par Moscou. « Cela ne portera pas le nom d’URSS. Cela portera le nom d’union douanière, d’Union eurasiatique etc., mais ne nous y trompons pas. Nous en connaissons les buts et nous essayons de trouver le meilleur moyen de le ralentir ou de l’empêcher», laissait déjà entendre fin 2012 l’ex Secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton.
Réagissant au conflit dans l’est de l’Ukraine dans lequel ils voient la main cachée de Vladimir Poutine, l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis ont pris de nombreuses sanctions économiques contre la Russie. Notamment le gel des avoirs et une interdiction de voyager concernant des proches de Vladimir Poutine. L’UE a aussi décidé d’interdire de nouveaux investissements dans l’exploitation du pétrole, du gaz et des minerais en Crimée et à Sébastopol ainsi que dans les infrastructures des projets de transports et de télécommunications de la région. Des sanctions que le président américain, Barack Obama, a promis d’accroitre.
Pour de nombreux analystes, ces sanctions non seulement ne suffiraient pas à faire fléchir le président russe, mais pourraient s’avérer contre-productives. M. Poutine a répliqué, en sortant sa vieille arme de l’embargo sur les produits agroalimentaires en provenance des pays condamnant sa position. Son premier ministre, Dimitri Medvedev a de son côté menacé d’interdire le survol du territoire russe pour les compagnies aériennes effectuant des liaisons entre l’Europe et l’Asie via la Sibérie, la route la plus courte.

Gaza-Mali : l’indignation sélective de l’extrême gauche française

[Par René DASSIE’]

L’extrême gauche française qui manifeste en faveur des populations de la bande de Gaza s’était montrée indifférente l’année dernière aux souffrances infligées par les islamistes aux populations du Nord-Mali.

Photo tirée de www.africapresse.com

Photo tirée de www.africapresse.com

Depuis le déclenchement début juillet dans la bande de Gaza de l’offensive militaire israélienne contre le Hamas et le Jihad islamique palestinien en réponse aux tirs de roquette sur plusieurs grandes villes de l’Etat hébreux, l’extrême gauche française mène la charge à Paris, contre Tel-Aviv.
Au menu, multiplication des sorties médiatiques d’indignation face aux bavures de l’opération « Bordure protectrice », haro sur le gouvernement Hollande taxé de complicité avec Israël, mais surtout, défi des interdictions administratives de manifester. Ainsi, alors que le Hamas désormais sûr de sa victoire médiatique eu égard au déséquilibre des forces et de victimes de part et d’autre rejette toute proposition de cessez-le-feu qui accorderait un répit aux populations gazaouites, le Parti de Gauche de l’outrecuidant Jean-Luc Mélenchon ne voit dans ce conflit qu’une « monstrueuse punition collective infligée à la population, enfermée dans Gaza par ses bourreaux ».
Evidemment, pas un mot n’a été prononcé de ce côté-ci contre les débordements antisémites qui ont ponctué les manifestations à Paris et en banlieue, plongeant la communauté juive de France dans une profonde inquiétude.

L’année dernière, la même extrême gauche s’insurgeait contre l’opération « Serval », un secours militaire apporté par la France au Mali, un pays d’Afrique de l’Ouest considéré comme une démocratie exemplaire, dont la stabilité était fortement compromise par une invasion djihadiste partie du Sahel.
Alors que les Maliens assistaient impuissants à l’instauration dans le nord de leur pays d’un Etat religieux basé sur la charia par les islamistes du Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et leurs affidés d’Ansar Dine, Jean-Luc Mélenchon jugeait « condamnable » l’initiative française soutenue par la communauté internationale. Dans la même lancée, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot traitait « Serval » d’ « intervention néocoloniale sous leadership français ».
Même les prémisses de la vie selon la charia, les mains et pieds de voleurs coupés sur la place publique à Gao dans le nord du Mali par les justiciers islamistes, la suppression des droits des femmes soumises à un code vestimentaire contraignant ou sommées de rester cloîtrées chez elles n’avaient pas ébranlé les certitudes d’Olivier Besancenot et ses amis qui, pourtant, lors de leurs manifestations anti-guerre à Paris claironnaient « l’humain d’abord ».
On sait qu’en France, les formations de l’extrême, NPA qui avait présenté une candidate voilée aux élections régionales en tête, ambitionnent de devenir des partis de masse et manœuvrent pour séduire les banlieues à majorité musulmane. Ceci explique peut-être cela.

Gaza, quand le nombre de victimes ne paraît pas choquer

[Par CHICHI]

La guerre entre Israël et la Palestine, c’est une vieille histoire sanguinaire. Elle continue de faire couler du sang. Espérons que la communauté internationale tranche bientôt en faveur d’une paix durable au bénéfice des deux peuples du Moyen­ Orient, puisque même des enfants et des femmes innocents sont souvent les victimes de ces guerres incessantes déclenchées depuis 1948, année de la création de l’État d’Israël. D’où les problèmes des frontières et d’ailleurs les Palestiniens ont des revendications sur le territoire israélien. Il s’ensuit alors que ces deux peuples sont toujours en guerre perpétuelle.

Le ciel de Gaza, illuminé par les bombardements et les bâtiments en flammes  [Photo tirée de www.linfo.re]

Le ciel de Gaza, illuminé par les bombardements et les bâtiments en flammes
[Photo tirée de www.linfo.re]

La région voit toutes sortes de tuerie, d’enlèvement et de bombardement. L’insécurité et l’instabilité politique sont devenues la règle.

D’où vient cette différence de traitement face à des désastres humanitaires majeurs ?

Puisque le nombre de morts ne paraît pas choquer l’opinion publique, quels sont les éléments qui polarisent l’attention sur la guerre entre Israël et Hamas, et pourquoi ceux qui meurent en Syrie ne suscitent pas le même intérêt ?

Gaza, je refuse que le Proche-Orient me soit conté

[Par Armand IRE’]

“On a entendu des cris à Rama,
Des pleurs et de grandes lamentations:
Rachel pleure ses enfants,
Et n’a pas voulu être consolée,
Parce qu’ils ne sont plus.”

Mathieu 2:18.

Photo crédits : MOHAMMED ABED/AFP/Getty Images

Les filles de Hasan Baker, 60-ans, pleurent lors de ses funérailles dans la ville de Gaza, le 22 Juillet 2014. [ Crédits photo : MOHAMMED ABED/AFP/Getty Images ]

Comme Rachel la mère hébraïque de la bible, les femmes ne cessent de hurler à Gaza car leurs enfants, leurs nouveaux nés ne sont plus. Des familles crient de douleur à Tel-Aviv, elles ont ras-le-bol d’un conflit qui tue la vie.
Qui va les sauver de Tsahal, du Hamas et de l’indifférence de la communauté internationale?

Laissez au moins vivre les enfants…pitié !

Je refuse que le Proche-Orient me soit conté, épargnez moi le compte d’un conte macabre. Je refuse le décompte sous les décombres.
La vallée de larmes et de sang ne cessera donc jamais sa crue sur la terre dite sainte?!

Stop ça suffit…ils veulent vivre tout simplement…ces enfants.

 

 

La guerre israélo-palestinienne : Hamas, quel avenir ?

[ Par Larbi GRAÏNE ]

La guerre entre la Palestine et Israël, c’est-à-dire entre deux nations n’est pas vue par certains comme telle. Elle opposerait plutôt le Hamas, présenté comme une organisation terroriste d’obédience islamiste à l’Etat d’Israël. Cette accusation de terrorisme oriente d’emblée les lectures qu’on peut faire d’un conflit pourtant décrit au départ comme relevant de la colonisation.

Dévastation à Shejaiya, le quartier résidentiel de  Gaza  City, le 26 Juillet 2014. [ Photo: Majdi Fathi / NurPhoto / Corbis ]

Dévastation à Shejaiya, le quartier résidentiel de Gaza City, le 26 Juillet 2014. [ Photo: Majdi Fathi / NurPhoto / Corbis ]

Il est vrai que le mouvement national palestinien a profondément changé, comme a changé tout aussi profondément son environnement international. Branche palestinienne des Frères musulmans, le Hamas offre au mouvement panislamiste sa première victoire politique en remportant les législatives de janvier 2006, devançant ainsi historiquement la branche mère, qui en Égypte, ne réussit à s’emparer (temporairement) du pouvoir que six ans plus tard. Les Frères musulmans ont placé le combat contre les Juifs et la destruction d’Israël au centre de leur doctrine. Ils ont en fait de la violence leur credo. Seuls les Frères d’Égypte qui affrontent une autre réalité durent y renoncer.

 

Naissance du Hamas

Le Hamas apparaît sur la scène politique en 1987 après que l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) conduite par Yasser Arafat qui alors était le seul représentant de la révolution palestinienne, eut amorcé un changement dans son attitude en acceptant de reconnaître l’Etat d’Israël dans ses frontières de 1948 ainsi que l’idée de partager avec lui le territoire. L’Autorité palestinienne fruit d’un accord avec Israël, voit le jour dans des conditions de difficultés extrêmes. Le Hamas rejette en bloc les accords de paix israélo-palestiniens. Il est du reste aiguillonné par la première Intifada de décembre 1987, un mouvement populaire de désobéissance civile qu’il va grandement soutenir. Très vite l’Autorité dirigée par Yasser Arafat chef historique de la révolution palestinienne,  entre en conflit avec les islamistes  qui dans un premier temps, préfèrent s’auto-exclure du jeu politique en boycottant l’ensemble des échéances électorales. Deux événements vont pousser le Hamas à changer de tactique : le déclenchement de la seconde Intifada en 2000 qui survient dans un contexte marqué par un contrôle militaire de plus en plus strict et la mort de Yasser Arafat en 2004. Le Hamas prône désormais la participation à la vie politique nationale. Il en sort du renforcé de l’épreuve des urnes en raflant à la majorité absolue les sièges de l’assemblée nationale. Dès sa prise de pouvoir, le premier ministre hamasiste Ismaïl Haniyeh, pointe la corruption du Fatah et sa mauvaise gouvernance. Ce succès retentissant ne lui ramène pas  pourtant la reconnaissance du monde occidental.

 

Soldats de Hamas en Palestine [Photo tirée de http://islamic-hdwallpapers.blogspot.fr ]

Soldats de Hamas en Palestine [Photo tirée de http://islamic-hdwallpapers.blogspot.fr ]

Déclaré « terroriste » par les Etats-Unis

Élu en 2005 comme président de l’Autorité palestinienne, Mahfoud Abbas du Fatah, ne cache pas son animosité envers le Hamas dont il promeut l’image d’un mouvement dangereux. Mahfoud Abbas ne bronche pas lorsque les États-Unis, suivis bientôt par d’autres pays européens classent le Hamas parmi les organisations terroristes.  Il va sans dire que les émotions médiatiques pèsent de plus en plus sur l’issue d’un conflit. On a vu du reste nombre de commentateurs pro-palestiniens rabâcher  sur les circonstances à l’origine de l’offensive israélienne sur Gaza déclenchée le 8 juillet 2014. Tous ont à cœur de prouver que Hamas n’a pas commis l’enlèvement des personnes qui a donné prétexte à l’armée israélienne  d’intervenir. Or le Hamas veut montrer qu’il a une stratégie et qu’il s’en tient à ses objectifs. Depuis le début des hostilités, le parti islamiste ne cesse de clamer haut et fort qu’il n’accepterait pas le principe d’un cessez-le-feu comme celui défendu par l’Egypte d’Al Sissi. Le Hamas a déclaré qu’il y consentirait que si Israël lève le blocus de l’enclave palestinienne, cesse ses bombardements sur Gaza, libère les 50 prisonniers palestiniens échangés en 2011. Autre demande de Hamas : la réouverture du poste-frontalier de Rafah avec l’Égypte.

 

Des roquettes en nombre

En outre, Hamas paraît avoir renforcé ses capacités militaires durant ces 5 dernières années en se dotant de roquettes pouvant atteindre des objectifs jusqu’à 160 km. Pratiquement c’est le triangle névralgique Haïfa – Tel-Aviv-Jérusalem qui est concerné. Il a creusé des tunnels partout pour cacher son arsenal. L’armée israélienne peine à localiser ces caches attendant davantage de renseignements pour les démanteler. Elle sait que tout cessez-le-feu est de nature à arranger les affaires de son ennemi. Il n’y a pas meilleure façon d’encourager les Palestiniens à développer leur production de roquettes que de les laisser tranquilles.

Pour autant le parti islamiste n’est pas en aussi bonne posture qu’il le prétend. En exhibant ses capacités destructrices face à Tel-Aviv, le Hamas se condamne tôt au tard au désarmement. Du reste, sa gestion des différentes incursions de l’armée israélienne, a fait baisser l’estime que la population avait envers lui. Si Hamas joue sa survie, en tentant de gagner une légitimité qu’il n’a plus, à coup sûr l’issue de cette énième confrontation avec l’État hébreux , le conduira à mille renoncements.

 

 

 

Comment peuvent-ils dire qu’« Une mauvaise élection vaut mieux que pas d’élection du tout » ?

[Par Sékou Chérif Diallo] C’est le comble du mépris envers les populations qui ont “ingénument” cru aux valeurs de la démocratie. Oui ! Vous avez raison. La démocratie a des valeurs immenses et mon attachement à ces valeurs va au delà de l’obstination et frôlerait le fanatisme. Suis-je un utopiste dont la naïveté est plus qu’endémique ? Certainement pas. Mais, pourquoi les immenses possibilités offertes par la démocratie sont-elles discriminatoires ? Pourquoi violent-t-ils le droit de vote et le respect de la volonté exprimée par la majorité si toutefois, la démocratie se définit comme telle ? Une catégorie géo-localisable, facilement identifiable et de surcroît numériquement importante assiste sans défense à la violation permanente de leurs droits de choisir ses dirigeants.

Siège de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de Guinée. [Source : nostalgieguinee.net]

Siège de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de Guinée. [Source : nostalgieguinee.net]

Pourquoi ? La raison est simple. Pour des considérations d’ordre économique essentiellement, des acteurs disposant d’un sceau institutionnel arrive avec une certaine habileté et en fonction du contexte, à glisser entre les lignes des “notes” de bonnes intentions et de principes démocratiques savamment choisis mais qui sonnent faux. Avec des déclarations aux contours sémantiques extraordinaires, ils parviennent à berner les électeurs qui, en quittant les bureaux de vote exultaient déjà d’avoir exercé son droit de vote et naturellement ils s’attendaient au respect de ce droit. Mais la désillusion ne tardera pas à s’installer dans les esprits. Le vainqueur aux urnes n’est pas le vainqueur proclamé. De façon récurrente cette réalité semble intégrer les mœurs politiques dans nos différents Etats à la démocratie balbutiante. Ces pratiques malsaines des entreprises politico-économiques renforcent le doute chez les afro-pessimistes qui s’interrogent sur les vagues de contestations suivies de violences qui découlent des élections en Afrique. Dans un article publié en 2002 et intitulé : « La fraude électorale « démocratique », Yengo Patrice écrivait : « Le suffrage universel, loin d’être l’expression de la volonté populaire, devient le moyen par lequel le système politique se perpétue et, par le fait même, exclut les populations comme par le passé. Là où celles-ci font l’apprentissage du droit à l’expression, les élites, elles, travaillent à la mise en œuvre du plébiscite dans la ligne des anciens partis uniques. » Dresser un tel réquisitoire contre la pratique de la démocratie en Afrique n’est pas un fait nouveau et les arguments avancés par les analystes politiques sur cette réalité sont le plus souvent convaincants. Mon ambition à travers cet article n’est pas de procéder à la recension de tous les écrits sur les élections en Afrique et les fraudes qui les caractérisent. Je ne pourrais le faire dans un seul article. L’objectif est d’exprimer des sentiments d’amertume et de déception objectivement justifiés selon moi, sur les paramètres géostratégiques aux relents essentiellement économique qui entrent en jeu dans une élection en Afrique au détriment de l’expression de la majorité. Comme tout citoyen lambda je croyais aveuglement aux cautions “démocratiques” qu’attribue la communauté internationale aux élections en Afrique. Oui ! La fameuse communauté internationale difficilement localisable sur une carte, mais chaque pays africain reconnait “sa” communauté internationale en fonction des affinités et des intérêts qui les lient.

Les opération de vote en Guinée lors du premier tour. © Youri Lenquette. AFP

Les opération de vote en Guinée lors du premier tour.
© Youri Lenquette. AFP

Encore un qui accuse la communauté internationale ! Allez-vous continuer à accuser les autres de vos malheurs ? Cette question revient souvent dans les débats. Je réponds par la négative. Mais certaines accusations peuvent se justifier. Il faut savoir que l’opinion nationale dans son désespoir et à la recherche d’une oreille attentive à ses aspirations accorde assez du crédit aux positions et déclarations de sa “communauté internationale” à elle. Par exemple, en temps de crises dans nos pays, la fréquence d’écoute et d’audience des médias étrangers reste accrue et cela témoigne en partie du capital confiance qu’accordent les citoyens africains aux regards extérieurs de sa situation. Cette quête de vérité et de légitimité ne devrait pas être trahie pour une raison ou une autre, même au nom d’une prétendue stabilité à préserver qui, d’ailleurs, souffrirait d’un calcul économique pour la stabilité des affaires. Qui a énoncé cette maxime que : « l’argent n’aime pas le bruit. » Ma petite expérience dans le milieu de l’observation électorale dans mon pays me donne le droit de dénoncer certaines pratiques qui, selon moi, sont antidémocratiques et inadmissibles surtout quand elles sont entretenues par ceux qui sont sensés attribués une note à une élection. Cette mission plus qu’exaltante était surtout pleine d’enseignements sur les capacités à concilier dans un processus électoral les enjeux et les rôles des acteurs impliqués. Mais aussi et surtout le contraste sidérant d’un côté entre ce qui est politiquement correct et qui est mentionné élégamment dans les déclarations et rapports, et de l’autre côté, les débats dans les coulisses ou encore le contenu des informations recueillies sur le terrain. Pour un non-initié, il est toujours difficile de cerner les différents paramètres qui entrent en ligne de compte dans les prises de positions publiques. Toutefois, il faut s’habitué à rencontrer de façon abusive ces expressions toutes faites dans tous les rapports d’observation électorale en Afrique : “la mission salue – encourage – déplore – recommande”’. Ce jeu d’acteurs à différents niveaux reste très éloigné des perceptions des citoyens sur les notions de suffrage universel et de transparence quand elles se rendaient massivement dans les bureaux de vote sous un soleil de plomb pour accomplir leur droit de choisir ses dirigeants. La Guinée est un petit pays qui n’intéresse pas assez la communauté internationale, me disent certains, surtout quand j’ai tendance, à leurs yeux, à tout dramatiser. Oui ! La Guinée est un petit pays mais les valeurs démocratiques doivent être appliquées partout de la même manière avec la même rigueur. Je termine cette deuxième partie de la série de réflexions sur les fondamentaux non négociables d’une démocratie vraie en Guinée par cet extrait d’une allocution de Kofi Annan au Sommet de l’Union africaine à Maputo en 2003 : « La démocratie ne se résume pas à la tenue d’élections. Elle exige que chacun, y compris le gouvernement et le parti au pouvoir, respecte l’Etat de droit. Elle exige des institutions viables qui garantissent les droits fondamentaux de tous les citoyens, y compris des minorités. Elle exige la vigilance constante d’une société civile dynamique. »

Printemps arabe : Les femmes vont-elles faire leur révolution ?

[Par Maha HASSAN]

Traduit de l’anglais au français par Quentin Davidoux.

Cliquez ici pour lire l’article en arabe paru dans le blog de Maha Hassan, le 1er Avril 2014.
Cliquez ici pour lire l’article en anglais paru dans le site du Heinrich Boell Stiftung, le 24 Avril 2014.

Je suis venue au monde comme une femme : avant la révolution syrienne.
Je ne nie pas avoir oublié parfois que je suis une femme, préoccupée par l’écriture et la vie, et obsédée par mon pays qui oscille entre les berges de la mort. Au moment où j’ai commencé à écrire, j’avais longtemps ignoré  que j’étais une femme. L’éducation masculine que j’ai reçue m’a poussée à renier mon sexe et je sentais mon infériorité du fait de ma féminité ; par ailleurs les modèles féminins apparus dans les domaines littéraire et médiatique ne m’ont jamais captivée, le rêve qu’ils poursuivaient n’ont jamais du reste croisé le mien.

Protester contre le harcèlement sexuels et la échecs de la police. Syndicat de la presse. Photo: Hossam el-Hamalawy. Creative Commons LizenzvertragThis image is licensed under Creative Commons License.

Protester contre le harcèlement sexuels et la échecs de la police. Syndicat de la presse. Photo: Hossam el-Hamalawy. Creative Commons LizenzvertragThis image is licensed under Creative Commons License.

Mes rêves étaient masculins. Je m’identifiais aux hommes ; j’étais l’un d’entre eux : Sartre, Nietzsche et Hegel, puis Kafka et Proudhon, et, finalement, dans la période précédant mon éveil féministe, Dostoïevski, Kundera et beaucoup d’autres, tous, en fait. Dans ma vie privée, je rencontrais beaucoup de femmes exceptionnelles, mais aucune n’était une célébrité de la littérature ou du cinéma ; ainsi, à l’époque, je ne me rendais pas compte de leur distinction car mon jugement sur les autres était lié à ce qu’ils écrivaient.

Enfant, ma bibliothèque était remplie de livres de Camus, Sartre et Colin Wilson ; j’ai grandi comme un homme et c’était à eux que je m’identifiais. Peut-être qu’inconsciemment je détestais ce que j’étais : une femme.

Les textes de Nawal el Saadawi étaient nouveaux pour moi. Ce monologue me repoussait et ne me concernait pas. Je ne lisais pas les textes de Ghada Al Samman ou d’autres auteures arabes, et même des écrivains arabes, dont les textes me laissaient de marbre avec leur narcissisme, leur immaturité intellectuelle en quête d’une identité – d’une unicité, peut-être…

En grandissant, je fus soudain confrontée aux tabous sociaux. Je découvris que d’autres ne me voyaient pas comme moi je me voyais. Je ne me présentais pas comme une femme, mais ces gens-là, d’un coup de crayon (cette expression tombe à point nommée) me plaçaient dans la boite étiquetée « femme » et je subissais leur mépris et leur manque de respect. Dans un minibus à Alep, un jeune homme tenta de me violenter, et lorsque je le repoussai – comme son égal et non comme une créature inférieure à un homme –, il dit d’un ton menaçant qui me fit peur : « Ferme-la ou je te frappe devant tout le monde ! » . Je me tus, en victime, et subis ma peur. A ce moment-là, je réalisai que j’étais une femme, et que mon identité dans les sociétés de l’est était déterminée par mon corps, non par mon esprit. Jour après jour, les barrières s’érigeaient toujours plus hautes devant moi, juste à cause de ma condition de femme. Beaucoup d’opportunités m’étaient refusées à cause de ce corps de femme, un corps, croyait-on, qui contenait un esprit différent de ceux des hommes.

En remontant mon chemin (encore un cliché) dans le monde des femmes, je me suis considérée comme une étrangère parmi elles. Car, dans l’environnement où je vivais, les femmes sont des dictionnaires d’elles-même, très différent du monde de ces hommes qui m’éduquèrent : mes pères. J’eus de nombreux pères : Sartre, mon père spirituel ; mon père biologique ; Khaled, mon père intellectuel ; et bien d’autres…

Je me suis retrouvée comme une étrangère dans le monde des femmes : des tentatrices, des mangeuses d’hommes avec de la ruse, de l’intuition et une foule d’autres qualités que je ne comprenais pas. Troublée, je comptais me trouver un endroit qui me correspondrait mieux, et un ami me dit : « Une vraie femme couche avec des douzaines d’hommes sans qu’aucun ne le découvre. Tu es trop transparente ». Mes amis considéraient que la féminité chez une femme vient de sa capacité à tourmenter les hommes, or, j’étais très loin de la tourmenteuse idéale : à travers mes lectures et mon éducation, j’avais appris à croire en l’égalité parmi les êtres et au respect mutuel. « Transparence » était mon mot d’ordre dans la vie, et je finissais par être accusée d’un manque de féminité. Moi, une femme élevée dans le scepticisme, avec Descartes, Nietzsche et la pensée rationnelle, comment pouvais-je m’en tenir à une féminité consistant à suggérer mais jamais déclarer, flirter et manipuler, approcher et reculer… ? Des garçons plus jeunes que moi m’enseignèrent la chose : fais-le danser, mais garde-le dans l’incertitude…et j’échouais. En cherchant à me rapprocher des hommes, je découvris aussi leur hypocrisie ; une hypocrisie qui, à de rare exceptions près, était en quête d’une compagne libérée, une sœur ou une femme, qui ne se révélerait devant personne d’autre.

Je baissai les bras. Je ne suis pas un homme fourbe, une femme dissimulatrice. Je suis une écrivaine. Je me réfugiai dans la narration et commençai à réévaluer ces femmes que j’avais précédemment ignorées. Et J’écrivis.
Je n’ai aujourd’hui pas l’intention de discuter des portraits des femmes dans mes récits, ou même de Daughters of the Wilderness, la nouvelle qui représente mon manifeste artistique, dans lequel j’annonce que je suis devenu une femme, là où un jour je m’étais détournée de mon sexe, convaincue que l’œuvre de l’écrivain n’avait rien à voir avec son genre biologique.
Je ne suis pas si féministe que ça, mais lorsque j’écris – écrire étant une des pierres angulaires de mon identité – je prends le parti des victimes, des plus faibles, et il est toujours clair pour moi que, en gros, la femme est constituante de ce parti, même si ce n’est pas toujours l’homme qui la rabaisse.
Marquez a dit qu’il était né pour raconter des histoires, et je crois que n’importe quel romancier contient cette vérité en lui. Moi aussi, je suis née pour raconter des histoires, mais notez bien : je suis née femme et j’ai laissé mon pays parce que j’étais une femme ; serais-je née homme, j’aurais subie moitié moins d’épreuves que ce que j’ai subi en étant une femme. Être une femme, c’est subir deux fois plus de douleurs : une part pour l’être humain et une part supplémentaire pour la femme.

A l’âge que j’ai maintenant, je ne crois pas que le sexe influence l’écriture, mais, alors que j’écris, une magnifique voix résonne : la voix de ma grand-mère, la voix de femmes disparues, et de celles qui restent, torturées, enchaînées, effrayées ; un chœur enfoui profondément en moi qui chante lorsque j’écris, et, voltigeant à travers mes textes, me rappelle le fait que je suis, comme elles, une femme.

La révolution en tant que femme : Lorsqu’un air printanier a atteint la Syrie.
Lorsque commença la révolution en Syrie, j’allai là-bas dans le même état d’esprit : comme une femme qui embrasse de nouveaux horizons et qui les sent avec son capteur interne… Un mélange d’instinct biologique et de connaissances acquises lors d’une vie de lectures et d’expériences théoriques.

Je m’engageai dans la révolution en tant que femme. Une femme qui croyait à son rôle, non comme une fonctionnaire au sein des systèmes des parties politiques, associations ou croyances majoritaires, mais comme une personne entrant spontanément dans la chaîne et la trame de l’expérience des autres : de leurs douleurs, leurs injustices, leur rébellion, leur liberté…
La révolution entame sa quatrième année, et de jour en jour, la marée de sang, de mort et de destruction augmente.

Une femme… pardon : je voulais dire une révolution à laquelle nombreux rêvaient : une femme belle et impartiale balayant une histoire d’injustice, de discrimination et de désespoir imposé transformée chaque jour en cadavre pour réapparaître le suivant, l’espoir serré dans son poing.
Une femme… pardon : je voulais dire une révolution qui sait qu’elle doit traverser un champ de mines placé en travers de ses espoirs les plus chers, traverser une foule d’hommes, l’un après l’autre essayant de la couvrir d’un voile, de la dissimuler, de la guider, comme s’il était son mari légal et officiel.

Djihad, islamisation, militarisation, chacun avec leurs objectifs et étapes soigneusement définis. La révolution est passée de main en main, de slogan en slogan ; elle esquive et glisse à travers et au-delà des camps des belligérants et en ressort inaltérée, franchissant carrefour après carrefour, barrière après barrière, d’une prison idéologique à une autre, la tête haute et sur les lèvres : « Je suis la Révolution ; je ne suis pas comme vous. »
Beaucoup d’hommes se prétendent son protecteur, pour la représenter et faire respecter sa légitimité ; ils y sont aidés et encouragés par des femmes, alors que les filles de la révolution souffrent et sont violentées. Mais la révolution… pardon, la femme, qui connaît et comprend les stupidités de ses enfants, tant légitimes qu’illégitimes, ceux qui frappent à sa porte et affirme en pleurant qu’elle est leur, elle leur ouvre la porte à tous, car la femme… pardon, la révolution, rejette la discrimination.

C’est son coté sentimental, sa faiblesse peut-être, qui l’empêche de claquer la porte sur ceux qui viennent, animés de bonnes intentions, ou de mauvaises, pour l’aider. Aujourd’hui, elle est femme, femme au sein d’une révolution : c’est la formulation adéquate, la formulation qui transmet sa justice et sa droiture.
Un révolutionnaire ne respectant pas la femme ne mérite pas la gloire de la révolution. Quiconque essaye de soustraire la femme ou de la faire taire est contre les deux, femme et révolution.

Quiconque enlève les femmes est contre les deux ; quiconque empêche les femmes d’obtenir ce qui leur appartient de droit, qui leur jette de la mie de pain comme compensation de leurs pertes, est un ennemi de la femme et de la révolution.
Lorsque la femme est en danger, la révolution est en danger, la société est en danger, l’homme est en danger. La femme est la base de la révolution. La révolution est en danger si la femme est en danger : la femme est la pierre de touche de la révolution.
La révolution est en danger lorsque Samira Khalil, Razan Zeitouneh et bien d’autres femmes et hommes sont retenus par ceux qui affirment être les enfants de la révolution. Les deux femmes ont été enlevées le 10 décembre 2013 par un groupe d’hommes armées anonyme qui a attaqué le Centre de documentation des violations de Douma, ville proche de Damas. Ils ont enlevé les deux activistes, ainsi que deux de leurs collègues masculins, Wael Zeitouneh (le mari de Razan) et Nazim Hamadi, dont on est toujours sans nouvelle à ce jour.

C’est ce qu’est la révolution, comme l’histoire des femmes : les ennemis brandissent des slogans abscons, s’abritant derrière pour atteindre leurs buts, pendant que la révolution, ou la femme, demeure la moindre de leurs préoccupations.
La même chose se vérifie à travers l’histoire schizophrénique des hommes : les hommes qui défendent les droits de femmes avec lesquelles il n’ont aucun lien biologique ou légal bafouent ces mêmes droits chez eux pour bien montrer que ce sont eux qui dirigent.
Certains hommes blanchissent leurs dossiers honteux avec un liquide nettoyant magique appelé « les problèmes des femmes ». Ainsi, dans la révolution, nous pouvons aussi trouver ceux qui tentent de dissimuler les sombres taches qui gangrènent leurs pensées, comportement et intentions, avec cette javel occulte qu’est la révolution.

On ne peut pas se fier à ce qui ne peut pas être féminisé. Les révolutions qui ne peuvent pas être féminisées ne sont vouées qu’à devenir des champs de batailles et des massacres mutuels. La révolution se porte bien si la femme en son sein se porte bien. La révolution se porte bien quand tous baissent la tête devant les femmes et brandissent haut leurs images, comme l’ont fait d’autres nations. Les Français, par exemple, brandissent toujours l’image de Marianne, inébranlable, plus puissante que les portraits de leurs dirigeants. Marianne, l’incarnation de la république française, la femme à bonnet dont les statues et les peintures sont à l’honneur lors des célébrations républicaines, qui fait jeu égal avec le drapeau. Le choix du nom, cela dit, demeure un mystère. Marie-Anne était un prénom très populaire au XVIIème siècle, et souvent utilisé comme un diminutif pour « le peuple ». Sous la révolution, Marianne en vint à symboliser la liberté et la République. Elle servit d’inspiration pour nombre d’œuvres, comme le tableau d’Eugène Delacroix La Liberté guidant le peuple.

La révolution est une femme. Libre, elle n’a pas besoin de pères, de guides ou de chefs. Elle a besoin d’enfants qui travaillent avec l’amour et la foi du changement, et de prendre fait et cause pour les femmes (en particulier) et pour l’espèce humaine.

Le printemps, les femmes et la culture.
L’an dernier, en mai 2013, j’ai pris part à un forum d’une manifestation culturelle ayant lieu pour marquer la fondation du PEN au Liban, et faisant partie d’une série d’événements organisées en collaboration avec PEN international, et avec le support du festival de Hay. La discussion au forum tournait autour des révolutions arabes et des femmes.

Ce qui fut alors dit à propos des droits des femmes semble maintenant presque complaisant à la lumière des derniers événements en Syrie : ce serait comme tenter de sauver un livre d’un bâtiment en flamme s’écroulant autour de ses occupants. J’ai souligné mon rejet de la militarisation de la révolution et de l’arrivée au pouvoir des groupes islamistes parce que j’étais sûr qu’ils supprimeraient le peu que les femmes avaient réussi à obtenir. J’ai dit qu’il n’était possible de ne parler des droits des femmes qu’en temps de paix, que les femmes elle-mêmes pourraient être les grandes perdantes en temps de paix comme en temps de guerre. J’ai révélé le niveau de despotisme dans la société arabe, affirmant que les sociétés arabes sont profondément despotiques, et que ce despotisme dans nos pays est complexe, comme des couches sédimentaires. Si l’on retire la couche du despotisme politique, on trouve le despotisme religieux. En retirant celle-ci, le despotisme familial est révélé. cycles après cycles, la plupart emmenée par une femme qui, comme l’homme, est la victime de chacune de ces couches, mais est finalement aussi la victime du despotisme de l’homme, quand bien même celui-ci fut peut-être lui-même la victime d’une oppression antérieure. C’est comme si la femme habitait dans un champ de clôtures de barbelés. A la fin, la femme est la grande perdante, perdante en temps de paix comme en temps de guerre. Et maintenant, alors que des révolutions ont lieu autour d’elles, révolutions pour lesquelles elles n’ont pas le choix de prendre les armes (principalement par le fait que la majorité des femmes s’y oppose, encore que cela soit un problème profond et épineux lié à la recherche des tendances instinctivement pacifiques des femmes et de leur prédilection pour l’esprit de famille, l’habitude et des processus de changement rationnels et sans confrontation), les femmes n’abandonnent pas et poursuivent leur lutte non-violente au sein de cycles verrouillés de violence.

Une discussion sur les violences commises par tous les partis ne signifie à aucun moment que nous mettons sur un pied d’égalité la victime et l’auteur, mais cela implique d’obliger les femmes à entrer dans une lutte qui n’est pas la leur en leur qualité de citoyenne et d’égaler le partenaire qui s’engage en politique, dans la société civile ou dans des actions d’aide publique, tout en payant parallèlement deux fois ce que paierait un homme. A la fin, pour une écrasante majorité, elle est un objet et un symbole, jamais une entité indépendante. En temps de guerre elle est une otage, en temps de paix l’honneur de la famille : dans les deux cas un symbole avec des valeurs génériques et jamais une personne en soi. Les femmes sont la fille, l’honneur et la honte, la première de la famille, puis du clan, puis des environs, puis du pays.

Les femmes prises dans la révolution ne se sentent pas immédiatement concernées par leurs droits. Bien sûr, quelques faibles efforts sont faits par des collectifs de femmes et des associations qui œuvrent pour informer et contrôler la situation des femmes en Syrie et les violations de leurs droits, mais au regard des massacres et des meurtres de masses, de tels efforts semblent irréalistes.
La femme perd parce qu’elle met ses droits de côté, parce qu’elle rejoint les hommes dans une révolution qui, selon elle, va garantir ses droits en tant que citoyenne et le concept même de citoyenneté, ce qui devrait nécessairement lui assurer ces droits et l’égalité. Mais tout ça n’est que théorie, parce que la réalité, c’est que les révolutions dans les pays avoisinant ont laissé la place à des régimes dictatoriaux, des régimes dictatoriaux de nature différente certes, mais, pour la femme, une dictature religieuse n’est pas moins dangereuse et abusive qu’une dictature politique. Les Syriennes ne sont pas descendues dans la rue pour défendre les conseils de la Charia ou la mise en place de punitions islamiques. Elles sont descendues dans la rue pour la défense de concepts civils et contemporains : pour la justice et l’égalité.

Il y a ensuite la tyrannie sociale, lorsque les femmes souffrent de l’autoritarisme masculin : le diktat du frère, du mari, du fils du voisin ou du cousin. Tous ces hommes ont des droits sur la femme parce qu’elle porte leur honneur et leur honte. Il n’y a pas de période de post-oppression : à la tyrannie d’aujourd’hui en succède toujours une autre.

La plus profonde couche de tyrannie que les femmes doivent combattre est celle de l’homme réactionnaire, l’ombre dissimulée derrière tous les hommes occidentaux qui les empêche de considérer la femme comme leur égal. La présence des femmes aux conférences culturelles et politiques est symbolique. Au fond d’eux, les hommes pensent que la femme leur est inférieure, qu’elle a besoin de conseils, et certaines femmes s’identifient à ce courant de pensée masculin, elles oppressent leurs semblables et souscrivent avec une infériorité subconsciente à cette idée que l’homme est un protecteur. Elles se blottissent contre les hommes et recueillent les bénéfices : contentement, protection et sensation de sécurité.

Parce que la femme est la garante de l’honneur, et parce que tous les hommes ont le droit d’intervenir dans ses affaires pour protéger cet honneur, il en résulte que même ces femmes qui se sont élevées contre le régime se sont heurtées à la religion et à l’autorité patriarcale une fois le pouvoir du régime mis en pièces. C’est ce qu’il s’est passé pour Samira Khalil et Razan Zeitouneh qui se sont battues contre le régime et le despotisme politique, et sont devenues en fin de compte les premières victimes de la révolution « patriarco-religieuse » qui, identique en cela au régime, réprima leur liberté et les enferma.