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Opinion – Procès Gbagbo, sur la route de La Haye

[Par Armand IRE’]

Le 28 janvier 2016, débute enfin le procès de Laurent Gbagbo contre la Cour Pénale Internationale (CPI). Cinq longues années de détention préventive par une cour aux normes occidentales. Accusé de crimes contre l’Humanité, l’ancien président ivoirien à 70 ans passés est désormais perçu comme une icône, victime des grandes puissances qui dirigent le monde. Il est incarcéré depuis le 29 novembre 2011. Ambiance avant joutes.

Laurent Gbagbo (source : lexpress.fr)

Laurent Gbagbo (source : lexpress.fr)

Comme Harouna Traoré jeune burkinabé et porte-parole d’un comité d’organisation du voyage à La Haye le 28 janvier 2016, de nombreux africains et européens feront le déplacement pour ce procès historique. Plusieurs cars et véhicules de particuliers prendront la route de cette ville des Pays-Bas qui a obtenu un véritable bonus de célébrité depuis que la CPI y a implanté ses quartiers et surtout que Laurent Gbagbo y est embastillé.
C’est dans un nouveau bâtiment sorti de terre, signe de la vitalité financière de la CPI, que celui qu’on accuse d’avoir perdu les élections de 2010 et occasionné la guerre dans son pays sera face à des juges et à une équipe de procureurs conduite par Fatou Bensouda l’ex-ministre de la justice du dictateur Yaya Jammeh de la Gambie et actuel procureur de la CPI depuis le départ d’Ocampo l’homme qui voulait la peau de Gbagbo à tout prix. Cette affaire constamment qualifiée de vide par tous les avertis a déjà usé trois juges, qui ont préféré s’en débarrasser, soit en démissionnant ou en passant la main.

Charles Blé Goudé (source : afriqueinside.com)

Charles Blé Goudé (source : afriqueinside.com)

Le 28 janvier 2016, Laurent Gbagbo ne sera pas seul face aux juges. Avec lui, il y aura Charles Blé Goudé ancien leader estudiantin, président de l’alliance des jeunes patriotes ivoiriens, organisation créée pour manifester pacifiquement contre la guerre déclenchée en 2002 par une rébellion tribale . Le crédo de cet homme de 44 ans que la CPI qualifie de criminel contre l’Humanité est la lutte aux mains nues. Ses actions pacifiques ont dérangé ceux qui pensaient faire une bouchée de la gouvernance Gbagbo en créant et parrainant une rébellion venue du nord du pays. Après sa mémorable sortie lors de l’audience de confirmations des charges en son encontre, l’éphémère ministre de Laurent Gbagbo en charge de la jeunesse piaffe et veut dire la vérité au cours de ce procès.
Maître Seri Zokou, avocat au barreau de Bruxelles qui a rejoint l’équipe de défense du jeune leader ivoirien pense que si le « droit est dit, Charles Blé Goudé ne restera pas en prison ». Les lignes bougent donc dans le monde et en Afrique pour que la longue détention de « l’indocile » Laurent Gbagbo se transforme en libération à la suite d’un procès qui fera date. De nombreux chefs d’Etats africains sous la conduite du mozambicain Joaquim Chissano, du sud-africain Thabo Mbéki et du ghanéen Jerry Rawlings ont écrit une longue lettre à la CPI et à plusieurs organisations internationales pour demander la relaxe pure et simple de celui qui pour de nombreuses voix autorisées – ou pas – a gagné les élections dans son pays mais perdu la guerre face à l’ONU et la France de Sarkozy.

 

 

Affaire Guillaume Soro, Ligne coupée entre Ouaga et Abidjan

[Par Armand IRE’]

Le vendredi 15 janvier 2016, le commissaire du gouvernement (procureur militaire) du Burkina-Faso émet un mandat d’arrêt international en l’encontre de Guillaume Kigbafori Soro président de l’Assemblée Nationale ivoirienne, ex-chef de la rébellion nordiste qui a endeuillé ce pays de l’Afrique de l’ouest durant une décennie. Que reprochent les autorités burkinabées à celui qu’on qualifie de très proche de l’ancien dictateur burkinabé Blaise Compaoré ? Retour sur une affaire d’écoutes téléphoniques qui brouille le réseau entre Ouagadougou et Abidjan.

Le général Gilbert Diendéré (source : lemonde.fr)

Le général Gilbert Diendéré (source : lemonde.fr)

17 septembre 2015, des bruits assourdissants de bottes résonnent à Ouagadougou, capitale du Burkina-Faso, petit état sans façade maritime de l’Afrique de l’Ouest. Des militaires du tout-puissant régiment de sécurité présidentiel- RSP- d’où est issu le premier ministre de la transition Isaac Zida, font irruption dans la salle du conseil des ministres et enlèvent plusieurs membres du gouvernement et le président de la République. Le coup d’Etat du général Gilbert Diendéré inamovible patron de cette unité sous Blaise Compaoré (et mis sur la touche par les autorités de la transition) vient d’être perpétré. Il durera quelques jours avant de s’achever lamentablement par la reddition du général félon et la mise au pas par une insurrection populaire appuyée par l’armée
Quelques jours après cet autre épisode sanglant de l’histoire du peuple du Faso, des écoutes téléphoniques sont mises en ligne par le journaliste français d’origine camerounaise Théophile Kouamouo et Matt Bouabré un cybernaute ivoirien vivant aux USA . Ces écoutes sont des conversations entre Soro Guillaume le président de l’Assemblée Nationale ivoirienne et Djibril Bassolé ancien ministre des affaires étrangères burkinabè et proche parmi les proches de Blaise Compaoré. Dans la conversation les deux hommes parlent du soutien à accorder aux putschistes que l’union africaine qualifie de terroristes. Soro Guillaume promet une aide financière à Djibril Bassolé pour faire régner la terreur dans le Burkina et desserrer ainsi l’étau autour du général Diendéré et de ses hommes encerclés par l’armée régulière alors qu’ils étaient retranchés à Kosyam, le palais présidentiel du pays des hommes intègres.

Djibril Bassolé (source : iciabidjan.com)

Djibril Bassolé (source : iciabidjan.com)

Après la publication de cette conversation, on assiste à ce qu’on a appelé la « putschtape » ou « l’affaire des écoutes téléphoniques ». Plusieurs enregistrements sont portés à la connaissance du grand public via les réseaux sociaux. On écoute avec ahurissement la conversation entre Soro Guillaume et le général Diendéré alors refugié à la nonciature apostolique de Ouaga.
Soro nie les enregistrements, son ex-ami Isaac Zida premier ministre de la transition et d’autres responsables burkinabés dont l’actuel président de l’Assemblée Nationale burkinabée les confirment. Ce dernier a vu sa tête mise à prix lors de l’entretien entre Soro Guillaume et Djibril Bassolé. Au cours de ce entretien de plus de dix minutes, le patron de l’ex-rébellion ivoirienne révèle avoir fait tué Ibrahim Coulibaly dit IB, le chef historique de cette rébellion et son rival pour le contrôle de celle-ci. Il fut tué après la prise du pouvoir d’Alassane Ouattara alors qu’il combattait aux côtés des français et de l’Onu pour mettre fin au pouvoir Gbagbo.

Soro Guillaume (source : ivoirebusiness.net)

Soro Guillaume (source : ivoirebusiness.net)

Autre aveu de Soro Guillaume le meurtre sur tir à bout portant de Désiré Tagro, ancien ministre de la justice de Laurent Gbagbo et son porte-parole au moment de la crise postélectorale. Malgré tout Soro Guillaume se débat tant bien que mal et l’affaire semble se tasser même si entre-temps les déboires judiciaires de Soro Guillaume à Paris la remettent au goût du jour. En effet, rattrapé par la plainte de Michel Gbagbo le fils ainé de Laurent Gbagbo qui l’accuse de l’avoir séquestré et emprisonné injustement à la chute de son père, Soro a été contraint de quitter Paris où planait sur sa tête un mandat d’amener que la juge Sabine Khéris, doyenne du tribunal de première instance de Paris, voulait coûte que coûte exécuter.
Le répit n’aura donc été pour l’enfant terrible de la politique ivoirienne que de courte durée. Le Burkina veut sa tête et Abidjan proteste mollement sans pour autant le déculpabiliser. Un communiqué de la présidence ivoirienne estime que le mandat d’arrêt à l’encontre de Soro Guillaume s’est fait «… au mépris des règles et des us et coutumes en la matière… » et que cela doit se « …régler par la voie diplomatique et dans le respect des accords qui lient les deux pays afin d’éviter tout différend entre les deux états… ». A coup sûr le processus de criminalisation du chef de l’ex- rébellion nordiste ivoirienne est enclenché et nul ne sera étonné de voir dans les temps à venir la CPI lever l’écrou sur les mandats d’arrêts en l’encontre du camp Ouattara, mandat d’arrêt ou figurerait en première place le nom de Soro Kigbafori Guillaume.

 

 

Côte d’Ivoire : Alassane Ouattara, le dictateur élu

[Par Armand IRE’]

« Atakokélé » qui signifie en malinké, l’une des langues du nord ivoirien : « un coup KO » ou ne pas rater son coup. « Un coup KO » c’est le slogan d’Alassane Ouattara pour la campagne présidentielle de 2015 qui a débuté le vendredi 9 octobre dernier dans une Côte d’Ivoire non réconciliée et en proie aux démons facteurs de la crise militaro-politique que traverse ce pays depuis 1999.

Alassane Ouattara (crédit : news.abidjan.net)

Alassane Ouattara (crédit : news.abidjan.net)

L’actuel homme fort des lagunes veut gagner absolument au premier tour qui aura lieu le 25 octobre prochain. Coup de projecteur sur une présidentielle obscure qui ne restera pas dans les annales.
Le pays peine à sortir de la crise post-électorale de 2010 qui a exacerbé les tensions et divisé profondément l’ancien havre de paix ouest africain dont la cohésion se conjugue désormais dans les profondeurs de l’incertitude… voire de l’inconnu. Arrivé au pouvoir dans les chars de l’ONU et des soldats français agissant sur les ordres de Nicolas Sarkozy, Ouattara est toujours en quête d’une légitimité que lui refuse obstinément un grand nombre de leaders politiques et citoyens ivoiriens. L’engorgement des prisons par ses opposants, le chantage, la violence et même les meurtres n’ont réussi à faire de l’ancien élève du lycée Zinda Kaboré de Ouagadougou, le président de tous les ivoiriens. Le vainqueur de la guerre post-électorale de fin 2010 peine à se tailler un costume de démocrate malgré l’organisation de cette présidentielle.
Voici un scrutin pour lequel il a placé des garde-fous pour ne pas perdre. Il est à la fois arbitre, juge de touche, joueur et cerise sur le bulletin de vote, financier de ses adversaires. En effet en dehors de toute procédure légale, il a fait décaisser par le Trésor ivoirien environ 150 000 euros (100 millions de francs CFA) pour chaque candidat retenu. Des sources bien informées affirment que Ouattara a une cagnotte de 15 millions d’euros (10 milliards de FCFA) pour convaincre les ivoiriens à voter pour lui. Tous les panneaux publicitaires du pays sont entre ses mains, ainsi que les médias d’Etat.
Enfreignant à nouveau les règles constitutionnelles, il a installé un conseil constitutionnel à ses ordres avant la fin du mandat du désormais célèbre Yao Ndré. Il a maintenu dans ses fonctions de président de la commission électorale, celui qui fut l’un des artisans du déclenchement de la crise post-électorale de 2010, Youssouf Bakayoko qui avait choisi (on s’en souvient) le QG de campagne d’Alassane Ouattara pour annoncer les résultats de la présidentielle de 2010.

Le dictateur élu par… la communauté internationale

Mamadou Koulibaly (source : ivoirebusiness.net)

Mamadou Koulibaly (source : ivoirebusiness.net)

Ouattara est donc en campagne avec pour unique challenger sérieux…Alassane Ouattara. Les jeux sont faits et le résultat semble connu d’avance. Ce qui a irrité et poussé l’ancien président de l’Assemblée nationale Mamadou Koulibaly ainsi que l’ex-ministre des Affaires Etrangères puis premier président de la commission de l’union africaine, Essy Amara à retirer leurs candidatures. Le premier a interpellé la communauté internationale en poussant un véritable cri du cœur : « qu’est-ce que Ouattara vous a donné pour fermer les yeux sur la souffrance de la population, votre capacité à punir les régimes dictatoriaux diminue lorsqu’il s’agit de Ouattara ». A-t-il martelé au dernier meeting de la coalition nationale pour le changement (Cnc-opposition véritable) à Yopougon dans la banlieue nord d’Abidjan, le mercredi 7 octobre 2015.
Assurément, Ouattara est le chouchou de la communauté internationale notamment l’ONU et de la France. A Abidjan, la représentante du secrétaire général de l’ONU, Aichatou Mindaoudou est une antiGbagbo viscérale qui lors de la crise post-électorale avait signé avec quelques intellectuels africains une déclaration incendiaire pour demander à Laurent Gbagbo de laisser le pouvoir à Ouattara. François Hollande quant à lui ferme les yeux sur les exactions et les atteintes multiples aux droits de l’Homme du régime Ouattara. Voulant sans doute préserver les énormes intérêts des entreprises françaises dans l’ex fleuron du pré-carré gaulois, l’Elysée évite de regarder de trop près la gouvernance Ouattara.
Curiosité intéressante de ce scrutin, de nombreux candidats y compris Alassane Ouattara lui-même mènent leur campagne au nom de Gbagbo. C’est à qui promettra aux populations la libération de l’ex-président détenu par la CPI, ou qui se pavanera en meeting avec des « gbagboistes » tombés sous son charme. Rappelons que c’est désormais huit candidats au total dont deux dames qui briguent les suffrages des électeurs dans une présidentielle dont le principal enjeu est le taux de participation.

 

 

Côte d’Ivoire : Rapt et assassinats d’enfants : psychose et interrogations

[Par Armand IRÉ]

A Abidjan capitale économique ivoirienne un phénomène inquiétant prend de l’ampleur : celui du rapt et assassinats d’enfants. En pleine année électorale dans ce pays qui peine à retrouver une cohésion sociale, s’installe une psychose et les interrogations se multiplient. Lucarne sur une situation en passe de devenir un fléau.

Des enfants en Côte d'Ivoire [Image tirée du reportage de la correspondante de l'UNICEF, Eva Gilliam, 2012 (source : unicef.org) ]

Des enfants en Côte d’Ivoire [Image tirée du reportage de la correspondante de l’UNICEF, Eva Gilliam, 2012 (source : unicef.org) ]

Mareau Bénitier n’avait que 5 ans. Sorti à quelques mètres de la maison paternelle pour s’acheter son goûter du jour, il n’est plus jamais rentré. Son frêle corps a été retrouvé une semaine plus tard au bord de la lagune à la base navale de Locodjro dans la commune d’Attécoubé au nord d’Abidjan, avec un pied et la tête emportée. Il est le visage médiatisé de la douleur de plusieurs familles ivoiriennes. En moins d’un mois 25 enfants ont été selon la version officielle, kidnappés et tués ou dans le « meilleur » des cas, portés disparus. A Abidjan en cette année électorale, la psychose qui ne s’est d’ailleurs pas vraiment éloignée, ressurgit de plus belle et la population de ce pays de l’Afrique de l’ouest, ensanglanté par une guerre politico-militaire et une crise postélectorale tout aussi meurtrière ne sait vraiment à quel saint se vouer désormais face à ce qu’une ivoirienne a qualifié de « nouvelle plaie pour la nation ivoirienne ».

Des crimes qualifiés de rituels, les « brouteurs » et la propagande politique

Les étranges mutilations observées sur le corps des victimes font penser à des crimes rituels. Le petit Mareau Bénitier aux dires de sa mère Nina-Olywann Guinan a été enlevé par un jeune de leur quartier selon un témoin. Ce jeune selon les infos fournies par la mère endeuillée devant les caméras de la télévision ivoirienne au cours d’une émission grand public de grande écoute, ferait parti « d’un groupe de brouteurs et qu’il ne serait pas à son premier forfait ». Les brouteurs ce sont ces jeunes gens qui écument les cyber-cafés ivoiriens ou qui connectés depuis leurs domiciles ciblent des pigeons sur le net et arnaquent des naïfs à tour de bras avec à la clef des sommes faramineuses. Le phénomène s’est amplifié au point qu’une brigade policière chargée de lutter contre ce mal a vu le jour depuis des années à Abidjan. Le désarroi est à son paroxysme. Les familles victimes et les ivoiriens ont été empêchés par les autorités ivoiriennes de manifester alors que ces mêmes autorités et l’opposition ivoirienne ont manifesté main dans la main devant l’ambassade de France à Abidjan lors des attentats contre Charlie Hebdo ! Pis seulement 1 million de CfA soit environ 1500 euros ont été remis à chaque famille de victime.

Hamed Bakayoko (source : news.abidjan.net)

Le ministre Hamed Bakayoko (source : news.abidjan.net)

Hamed Bakayoko le ministre de l’intérieur ivoirien tout en affirmant qu’il prenait des mesures pour lutter contre ce phénomène y a ajouté sa touche politicienne en affirmant que « les jaloux veulent ternir l’image du pays ». Son patron à savoir le chef de l’état ivoirien Allassane Dramane Ouattara qui face à l’ampleur de la situation a écourté son séjour d’Addis-Abeba ou il participait au sommet de l’Union Africaine (UA), n’a trouvé de mieux à faire que d’accuser les réseaux sociaux. Pour lui cette situation a été « amplifiée par les réseaux sociaux ».

Au moment ou nous écrivons ces lignes la commune balnéaire de Port-Bouet au nord d’Abidjan la mégapole ivoirienne est fermée au reste du pays pour cause de manifestation de la population qui voulait coûte que coûte se faire justice après la découverte de restes d’enfants dans le sac d’un individu pratiquant de sciènes occultes. La police du quartier n’a pu venir à bout de la détermination de la population et s’en est tiré avec trois officiers blessés. Il a fallu la rescousse de la CRS et des éléments du centre de commandement et d’opérations-CCDO- pour qu’un calme précaire revienne. « L’heure est grave » comme on le dit à Abidjan et les populations n’accusent plus seulement les brouteurs mais tournent aussi leur regard accusateur du coté des politiciens en cette année électorale car un silence inexpliqué entoure le sort des quelques coupables aux mains de la police.

Adèle Khudr, Représentante Résidente de l'UNICEF en Côte d'Ivoire (source : trust.org)

Adèle Khudr, Représentante Résidente de l’UNICEF en Côte d’Ivoire (source : trust.org)

La principale organisation mondiale de défense des droits de l’enfant, l’UNICEF est préoccupée par la situation et sa représentation d’Abidjan s’est fendu d’un communiqué sans équivoque :« L’UNICEF est profondément préoccupé par les enlèvements d’enfants et les corps mutilés retrouvés, » a déclaré Adèle Khudr, Représentante de l’UNICEF en Côte d’Ivoire. « Ces actes sont inacceptables, constituent des violations graves de droits de l’enfant, et les autorités ivoiriennes doivent tout mettre en œuvre pour retrouver rapidement les individus qui ont commis ces crimes pour qu’ils soient traduits en justice. »

A Abidjan plusieurs parents on retiré leurs enfants des écoles.

Côte d’Ivoire : Le grand « exorcisme » ?

[Par Armand IRE’]

Judiciairement le compte à rebours démarre sur la vérité de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. Du côté de la Cour Pénale Internationale (CPI), l’autre bras de la justice des vainqueurs et du pouvoir d’Abidjan, les dates se mettent en place pour juger les présumés coupables de la sanglante et brève guerre d’après élection de 2010. Elle est elle-même résultante de la rébellion armée de 2002 et de règles électorales mal ficelées. La justice nationale et internationale réconciliera-t-elle un pays en lambeaux ?

Laurent Gbagbo (source : cameroonvoice.com)

Laurent Gbagbo (source : cameroonvoice.com)

A la CPI, en attente de jugement après la confirmation des 4 chefs d’accusation à son encontre après une longue procédure de confirmation des charges (la plus longue de l’histoire de la cour pénale internationale), Laurent Gbagbo sera fixé sur la date exacte du début de son procès à partir du 4 novembre, après la conférence de mise en état. L’ancien président  de la République de Côte d’Ivoire est incarcéré depuis plus de trois ans au pénitencier de Scheveniggen, dans la banlieue de La Haye aux Pays-Bas.

A Abidjan les autorités ivoiriennes ont fixé le procès de 83 anciens proches collaborateurs et partisans de Laurent Gbagbo au 22 novembre 2014. Parmi ces personnalités qui passeront aux Assises, il y a : Simone Gbagbo son épouse, son dernier premier ministre  l’universitaire et économiste Gilbert Aké M’bo, Pascal Affi Nguessan ancien premier ministre et président du FPI, le parti de Laurent Gbagbo, et Aboudrahamane Sangaré ami de combat et intime du reprouvé de Scheveniggen.

L’opposition dénonce un procès politique et accuse Allassane Dramane Ouattara de refuser une véritable compétition électorale lors de la présidentielle de 2015.

Des jurés contestés pour des raisons ethniques

Pascal Affi N’guessan (source : free.niooz.fr)

Pascal Affi N’guessan (source : free.niooz.fr)

Lors d’un point de presse tenu le lundi 20 octobre au siège provisoire de son parti à Abidjan, Pascal Affi N’guessan (qui bénéficie d’une liberté provisoire) a stigmatisé la duplicité du gouvernement. Face aux journalistes, le président du principal parti d’opposition s’est interrogé en ces termes : « ce procès est-il nécessaire ? En quoi contribue t-il à la normalisation, à la paix et à la réconciliation nationale ? Comment le gouvernement peut-il dire, à l’issue du dernier conseil des ministres, qu’il continue de tendre la main à l’opposition et ouvrir en même temps les portes des prisons pour y conduire les opposants et les enfermer à perpétuité ? ». Il aussi dénoncé la mise en place d’un jury ethnique puisque selon lui tous les jurés à ce procès sont « des membres de l’ethnie de l’actuel chef de l’Etat. »

Une réconciliation très incertaine

 Jean-Pierre Bemba (source : jeuneafrique.com)

Jean-Pierre Bemba (source : jeuneafrique.com)

La réconciliation n’est pas pour demain dans un pays qui peine toujours à retrouver sa cohésion suite à une crise politico-militaire aiguë qui perdure depuis 1999 et dont les points principaux sont la rébellion de 2002 et la sanglante crise postélectorale de 2010. A moins que la justice ne réussisse là où la politique a échoué… mais pour cela il aurait fallu tant à la CPI qu’à Abidjan juger les véritables coupables de la crise ivoirienne. Ces procès vont donc s’ouvrir au moment où dans des cercles avisés l’on se demande si la Cour Pénale Internationale donnera l’autorisation à Laurent Gbagbo d’assister aux  obsèques de sa mère décédée 3 jours après son retour d’exil de plus de trois ans du Ghana voisin. Ses partisans qui le réclament aux obsèques soulèvent la « jurisprudence Bemba » du nom de l’homme politique congolais Jean-Pierre Bemba qui avait pu sortir de la CPI pour assister aux obsèques de son père en 2009.

 

Des apatrides en Côte d’Ivoire : réalité ou fiction politique ?

[Par Armand IRE’]

La célèbre cantatrice Barbara Hendricks, revenue d’une mission en Côte d’Ivoire pour le compte du Haut Commissariat Réfugiés – HCR- dont elle est ambassadrice de bonne volonté, a brossé un tableau peu reluisant de la situation des apatrides dans ce pays.

Visite de Mme Barbara Hendricks, Ambassadrice de bonne volonté pour le HCR au bureau de Côte d'Ivoire Cote d'Ivoire  (source : http://data.unhcr.org/)

Visite de Mme Barbara Hendricks, Ambassadrice de bonne volonté pour le HCR au bureau de Côte d’Ivoire Cote d’Ivoire (source : http://data.unhcr.org/)

Selon la chanteuse et les nouvelles autorités ivoiriennes, ceux-ci sont au nombre de 700.000. Les « apatrides ivoiriens », sujet qui suscite bien des débats et qui a occupé une part non négligeable dans les causes de la crise ivoirienne. Retour sur un sujet brûlant, objet d’une communication lors de la conférence sur l’apatridie organisée le lundi 29 septembre 2014 à Paris par le HCR et le journal Le Monde diplomatique.
Dans un pays qui vit une vive tension politique découlant d’une crise armée qui a débuté en 2002, avec au centre la question de l’éligibilité d’un candidat qualifié d’étranger, il faut marcher sur des œufs lorsqu’il s’agit d’aborder l’épineuse question de l’apatridie. Lors des fameux accords de Linas-Marcoussis, accords signés dans le cadre de la résolution de la crise et difficilement appliqués par les partis en conflit, la question des apatrides avait été mise sur le tapis. Selon la table ronde initiée par le Président français d’alors Jacques Chirac, il fallait à tour de bras naturaliser des personnes, qui en disposition des articles 17 à 23 de la loi 61-415 abrogée par la 72-852, font des personnes nées en Côte d’Ivoire de parents étrangers, des Ivoiriens qui (dans le cadre du droit du sol qui a cédé la place ensuite au droit du sang) n’ont pas exercé leur droit à la nationalité ivoirienne mais sont devenus des Ivoiriens de facto. Le paradoxe ici, pour qui connaît ce pays de l’Afrique de l’ouest, c’est qu’il avait, avant la guerre, un bon état civil. Les personnes n’ayant pas pu bénéficier d’une déclaration de naissance pouvaient obtenir un jugement supplétif par voie de justice et cela d’une manière simplifiée. Des audiences foraines se sont déroulées sur toute l’étendue du territoire, malgré quelques soubresauts et ce pour permettre à chaque Ivoirien d’avoir une identité. Alors, d’où viennent ces nombreux apatrides ? Il va sans dire que cette récurrente question des apatrides en terre ivoirienne répond à des visées électoralistes.

Désormais une simple déclaration suffit
Il fallait créer un « bétail » électoral acquis à la cause du chef de l’état ivoirien actuel dont la nationalité a toujours été sujette à caution car, pendant longtemps, il a bénéficié de la nationalité burkinabée et ce, jusque dans l’exercice de fonctions de prestige et à l’international lorsqu’il était le représentant de l’Afrique au FMI dans les années 80. Avoir le courage de dire qu’il faut naturaliser plus d’un million de burkinabés qui vivent en Côte d’Ivoire depuis des décennies et qui n’ont jamais manifesté le désir d’être Ivoiriens, comme le stipule le code de nationalité, est, comme on le dit à Abidjan « le vrai point » de cette campagne médiatique sur les apatrides. De toute façon, désormais en Côte d’Ivoire l’acquisition de la nationalité en dehors du droit du sang ne passe plus par la naturalisation mais par une simple déclaration et ce depuis le 23 août 2013. Résultat d’une loi votée par les députés et qui a entraîné une véritable colère de plusieurs élus de ce parlement monocolore et de l’opposition mais surtout de la population.
L’Apatridie est un fléau qui existe dans le monde et qui touche dix millions de personnes. En embouchant la trompette de la lutte contre ce fléau, le Haut Commissariat des Refugiés-HCR- et ses partenaires tel que l’OFPRA-Office Français de Protection des Refugiés et Apatrides- et des organisations des Droits de l’Homme entendent mettre fin au calvaire de millions de personnes qui n’ont pas d’existence officielle. Un exemple, celui de l’Ouzbèque Anastasia Trévogin qui parce que, née dans un avion entre Moscou et Tbilissi, n’a jamais pu avoir un pays à cause de la dislocation de l’URSS. Son histoire, qui cependant s’achève bien grâce à la France est celle, sans heureux dénouement, de dix millions d’apatrides dans le monde parmi lesquels l’on a parfois compté des personnalités célèbres comme Daniel Cohn-Bendit qui a recouvré sa nationalité allemande il y a seulement quelques années.

Daniel Cohn-Bendit  (source : commons.wikimedia.org)

Daniel Cohn-Bendit
(source : commons.wikimedia.org)

 

 

Côte d’Ivoire, Présidentielle 2015 : Retour à la case 2010 ?

[Par Armand IRE’]

Photo tirée de ceici.org

Photo tirée de ceici.org

On prend les mêmes et on recommence, serait-on tenté de dire au vu des récents développements de l’actualité préélectorale de 2015 en Côte d’Ivoire. Le renouvellement du bureau de la commission électorale indépendante-CEI- et les échauffourées inters-partis n’augurent pas d’un horizon arc-en-ciel pour les ivoiriens, traumatisés par plus de 10 ans de crise politique.

Les accord de Linas-Marcoussis [Image tirée de dailymotion.com / Ina.fr]

Les accord de Linas-Marcoussis [Image tirée de dailymotion.com / Ina.fr]

Une commission électorale consensuelle et équilibrée, voilà le vœu de l’opposition et de nombreux ivoiriens. Dans sa mise en place, cette commission qui date des accords de Linas-Marcoussis- du nom du centre national français de Rugby situé dans les communes éponymes où a eu lieu du 15 au 26 janvier 2003 la signature des accords inter-ivoiriens sensés ramener la paix en terre ivoirienne- présentait toutes les caractéristiques d’un détonateur à retardement. Commission uniquement composée alors par les partis politiques et mouvements armés signataires de l’accord. Ceux qui pour le pouvoir se sont étripés dans une guerre devaient donc arbitrer une compétition électorale à laquelle ils prenaient tous part. Charybde en Scylla.

Youssouf Bakayoko, la rebelote fatale ?

Youssouf Bakayoko / imatin.net

Youssouf Bakayoko / imatin.net

La suite est connue. Le mauvais arbitrage de la présidentielle de 2010 par toutes les entités institutionnelles chargées de valider le processus électoral aurait conduit à la mort, officiellement, de 3000 ivoiriens et personnes vivant en Côte d’Ivoire et de plus selon plusieurs décomptes quasi-officiels. N’ignorons pas les milliers d’exilés et refugiés. Celui par qui le malheur est arrivé s’appelle Youssouf Bakayoko, ancien député et ministre du Pdci-Rda, le plus vieux parti de Côte d’Ivoire ; il avait, à trente minutes de minuit, heure qui marquait la fin des trois jours francs accordés par la loi à la commission électorale pour transférer les procès-verbaux des résultats au conseil constitutionnel , déclaré qu’ « il n’est pas encore minuit ». On le verra un jour plus tard prononcer des résultats globaux sans détails à l’hôtel du golf, QG de campagne d’Allassane Dramane Ouattara le candidat opposé au président sortant Laurent Gbagbo. Cette proclamation donnant Ouattara vainqueur est battue en brèche 24h après par Yao Ndré le président du conseil constitutionnel qui ensuite, avec détails et arguments, dénoncera des irrégularités dans le scrutin suite à une saisine de Laurent Gbagbo, notamment sur l’opacité et les attaques physiques poussées, perpétrées sur des électeurs et agents de bureau de vote dans le nord du pays par des partisans de l’actuel chef d’état ivoirien et qui étaient pour la plupart en armes.

Le poker menteur continue

Pascal Affi N'Guessan / fr.wikipedia.org

Pascal Affi N’Guessan
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La mise en place donc de la nouvelle commission électorale indépendante démontre que la Côte d’Ivoire est toujours en crise car cette institution est calquée sur celle issue des accords de Linas-Marcoussis comme nous l’avons écrit plus haut. Alors, pourquoi une telle commission dans un pays dont on dit qu’il est sorti de crise ? Les hommes politiques ivoiriens, toutes tendances, en acceptant ce remake qui a engendré des milliers de cadavres en 2010, sont loin de la volonté de leurs militants et du peuple ivoirien. La preuve, c’est que le FPI -Front populaire ivoirien- de Laurent Gbagbo a été au bord de l’implosion parce que son actuel président Pascal Affi Nguessan a décidé unilatéralement de l’entrée du parti dans cette commission. Un vote en interne a mis fin à cette crise intra muros qualifiée de séisme dans le paysage politique ivoirien et le parti est sorti de la CEI suite à la victoire du « non ». On assiste donc de nouveau à un vaste poker en Côte d’Ivoire. On met en place les ingrédients qui ont entraîné la déflagration de 2010 et on accuse tous ceux qui le contestent d’être des ennemis de la paix. Sans oublier qu’à tout moment,les armes peuvent tonner comme récemment à savoir le 19 septembre 2014 jour de la commémoration du déclenchement de la rébellion armée de septembre 2002. Ce jour-là, les nouvelles autorités ivoiriennes ont annoncé qu’Akouédo, la plus grande base militaire ivoirienne située dans la banlieue abidjanaise avait été attaquée. Croisons les doigts.