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Congo. Ombres et lumières sur le gouvernement Collinet

Anatole Collinet Makosso, nouveau Premier ministre

Dévastés par la gestion peu orthodoxe du Congo ces dix dernières années, les Congolais continuent à se méfier et douter de leur élite. La liesse et l’espoir suscités par la nomination d’Anatole Collinet Makosso (A.C.M) à la primature s’effrite depuis la publication du gouvernement pléthorique de “l’empereur” Sassou, le 15 mai 2021 suivi de sa liste additive le 16 du même mois. Gouvernement composé essentiellement des mêmes dignitaires qui ont plongé la population dans la précarité, nonobstant l’annulation de la dette, les aides tous azimuts et les excédents budgétaires que ce pays a engrangés. Décryptage.

Makosso a commencé sa primature à la manière de « la présidence normale » et de « dialogue », de François Hollande, d’Emmanuel Macron, de Thomas Sankara et de Marien Ngouabi, sans oublier bien sûr la touche de son mentor Sassou décrié du nord au sud. D’emblée, il a voyagé en classe économique entre Pointe Noire et Brazzaville. Il a rendu visite au président du Sénat, au Premier ministre sortant, etc. Il est descendu prier à l’église protestante du Centre-ville comme de coutume avec deux voitures. Il a échangé sans détours avec toute la presse nationale et même les citoyens lambda. C’est dans ce cadre que l’activiste de la diaspora Faye Monama, ancien aide de camp de l’opposant congolais Marc Mapingou qui a bénéficié de son hérité de son répertoire croyant piégé Makosso et le ridiculiser, a au contraire fait sa promotion par des réponses crédibles sur des sujets d’actualité qui ont convaincu plus d’une personne. D’autres parlent tantôt de coup de « com » montée par Makosso lui-même, tantôt des pièges de ses adversaires politiques lui auraient tendus. Des personnes ont décrié cette sortie après avoir suivi Aristide Mobebissi qui parle de la non représentativité du mouvement de cet activiste qui a mobilisé moins de 10 personnes de 12 à 18 h devant France Médias pour une activité.    

S’il est vrai que Makosso a adopté la pédagogie de Thomas Sankara, de Marien Ngouabi et des dirigeants occidentaux basée sur le contact direct avec les gouvernés, toutes classes sociales confondues, cependant, il lui est reproché de festoyer pour une nomination pourtant méritée. Comme un effet d’entraînement, de nombreux ministres ont fêté au milieu des étudiants, des retraités et autres citoyens se trouvant  dans une précarité totale. Ces actes nous rappellent l’empire des Hommes sans foi, ni loi, ni conscience. Parmi ces Hommes, nous pouvons citer entre autres, des ministres que la quasi-totalité de Congolais ne voulait plus voir aux affaires.                           

Les ministres qui effraient

Le 15 mai 2021, nombreux Congolais ont commencé le deuil dès qu’ils ont appris l’entrée au gouvernement des gens pointés du doigt dans divers crimes comme : Pierre Oba, Claude Alphonse N’silou, Charles Richard Mondjo, Raymond Zephyrin Mboulou, Christel Denis Sassou Nguesso, Léon Juste Ibombo, Antoine Nicéphore Fyla de Saint-Eudes, Jacqueline Lydia Mikolo, Gilbert Mokoki, Jean Marc Thystère Tchicaya, Jean Jacques Bouya, Firmin Ayessa. Certes, il faut s’inquiéter du retour en force des supposés criminels au sommet de l’Etat et du désordre que nous offre déjà ce gouvernement avec la publication d’une liste additive gouvernementale faisant entrer le retraité Rosaire Ibara. Mais il n’est pas exclu que les Congolais vivent des lendemains meilleurs, à condition que l’élite joue son rôle. L’élite, ce n’est pas seulement les membres du gouvernement, ni les gens qui conçoivent et véhiculent de fake-news, moins encore des personnes, des partis et associations politiques qui n’existent que sur les réseaux sociaux. C’est plutôt tous les Congolais qui réfléchissent au développement intégral, à la sécurité, au bien-être, à l’avenir harmonieux des Congolais. Oui, tout est possible ! L’exemple d’Anatole Collinet Makosso qui a galéré dans sa vie mais est parvenu au sommet de l’Etat par l’effort, est très éloquent.

Croire et s’élever par l’effort

Le Premier ministre congolais actuel « a roulé sa bosse » partout. Né le 11 mars 1965, il a grandi dans une baraque en planche dépourvue d’électricité. Par manque de moyens financiers, il partait pieds nus à l’école. Passé au collège après le certificat d’études primaire élémentaire(C.E.P.E) , il devrait faire de l’aumône çà et là pour payer le titre de transport de Loandjili village au collège distant de 17 kilomètres. Après avoir  échoué deux fois au brevet d’études moyen général en classe de 3ème, il est exclu du collège. Il se voit obliger de vendre un moment au marché de pointe noire, des poissons ‘‘Makoualas’’ et des pigeons. Par la suite, il fut docker et tenta de passer le concours d’agent de chemin de fer pour devenir aiguilleur mais sans succès.

Avec le concours de son oncle, il repartit au collège et obtint difficilement son brevet d’études moyen général (B.E.M.G) qui lui ouvrit les portes du lycée Karl Marx. C’est là où il fut interné et découvre pour la première fois, le matelas à éponge et les repas équilibrés qu’il ne pouvait s’offrir au domicile familial. Il sort de là instituteur et est intégré dans la fonction publique. Déterminé à embrasser son rêve de droit, il renoue avec les études et devient magistrat. Au sortir de la guerre de 1997, il est présenté à Antoinette Sassou Nguesso par madame Louemba. Il devient directeur de cabinet de madame Sassou et conseiller technique de son mari. Parallèlement, il s’inscrit à l’Université Paris II où il obtient son doctorat d’Etat en droit avant de devenir plus tard, Maître-assistant-enseignant-chercheur. Pendant qu’il démissionne de la présidence pour rejoindre un poste d’enseignant en Afrique australe, M. Sassou le retient et le bombarde ministre de la jeunesse puis, ministre de l’éducation. Progressivement, il prend goût de la politique et se prépare aux hautes fonctions : il se distingue, au point de le confondre au porte-parole du gouvernement ou encore au ministre de la justice, ministre des affaires étrangères qui «  a négocié plus d’une fois les observateurs occidentaux pour valider les scrutins organisées au Congo ». Entre temps, il pond des réflexions de haute facture à travers plusieurs livres et revues spécialisées  qui font la fierté de l’élite congolaise. En toute humilité et dextérité, il joue au médiateur, pacificateur  et aux équilibres auprès de tous les clans du pouvoir et de l’opposition. Décembre 2019, pendant le Congrès du Parti congolais du travail (P.C.T.), il conçoit un mémoire-bilan de ce parti-médiocre, lequel mémoire force l’admiration de la plupart des centaines de délégués. Pendant la présidentielle « piratée » du 21 mars 2021, bien qu’il assiste comme de coutume Guy Brice Parfait Kolelas, son voisin immédiat  et candidat décédé dans des circonstances troubles, il est porte-parole du dictateur. Avec le sale boulot qui convainc ce dernier et notamment pour avoir ramené des populations de la ville de Pointe-Noire et du Kouilou chez Sassou, il est pressenti Premier ministre.

Selon des sources, les services spéciaux et divers milieux occidentaux qui tiennent à la stabilité de la sous-région et particulièrement aux intérêts économiques concentrés à Pointe Noire et au Kouilou, le choix de succéder le premier ministre Clément Mouamba était porté sur deux jeunes cadres du sud Congo. Le franco-congolais, tête brulée et technocrate, Yves Castanou qui maîtrise les sociétés secrètes et les grandes religions, qui « lave les cerveaux » des milliers des gens et Anatole Collinet Makosso.    

Cette longue parenthèse sur Makosso nous rappelle qu’il ne faut jamais désespérer. D’ailleurs, l’histoire de la Corée et de la Malaisie, faisant partie des 20 pays les plus pauvres dans les années 60 et de la Chine pays sous-développé, il y a quelques décennies, aujourd’hui après la détermination de leurs peuples, sont classés parmi les premiers Etats industrialisés du monde.

Les membres de la diaspora congolaise doivent fédérer, intégrer des réseaux, se former sur divers domaines. Ils doivent bâtir des stratégies pour préparer l’après Sassou Nguesso qui semble se dessiner en monarchie témoins : l’entrée au gouvernement de Denis Christel Sassou au poste de ministre de la coopération internationale et de la promotion du partenariat public privé renforçant ainsi son immunité tout en le mettant en contact avec le monde entier.

Bref, ce n’est pas à Makosso qui a toujours dit le droit que nous l’apprendrons qu’avec tous les challenges que le Congo doit faire face, former encore un gouvernement budgétivore de 36 membres pour un État de 5 millions d’habitants, ressemble à l’hôpital qui se moque de la charité. De quoi encourager les Congolais du nord au sud à s’unir pour bannir le tribalisme, cultiver l’amour, le patriotisme, travailler afin de sortir leur pays du gouffre.

Ghys Fortune BEMBA-DOMBE, journaliste congolais, ancien résident de la Maison des journalistes (MDJ). Auteur du livre “De l’Enfer à la Liberté” (2019)

 

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Congo. « Marius chez vous », fin d’une émission populaire

Dimanche, 28 mars, Marius Muhunga, annonçait avec une réelle émotion, la fin des émissions TV « Marius chez vous » sur les réseaux sociaux. Il en était, à la fois, le boss et l’animateur vedette. Pour justifier cette cessation, le journaliste évoquait son embauche à « La voix de l’Amérique ».

Ce média congolais émettait depuis Washington DC, capitale des Etats-Unis. Il croulait sous son audience au zénith. En raison, bien sûr, de son excellence.

Je suivais en direct de cette émission spéciale. Elle était conclue par des avis et considérations des fans, celles et ceux qui aimaient suivre cette télévision :  c’était une pluie de félicitations… et un feu de coups d’émotion. Sans doute sincères ! Je ne m’en cache point, j’ai tissé, moi aussi, en l’honneur de mon éminent confrère, un joli bouquet de « fleurs platoniques ».

Tweet de Marius Muhunga annonçant la fin de « Marius chez vous »

De fait, une telle opportunité, pour un journaliste africain, ne relève pas d’une sinécure. Il doit y avoir, pour ce faire, des arguments qui parlent excellence et mérite. C’est, pour Marius, le couronnement d’une carrière flamboyante. Ne le reçoivent que celles et ceux qui ont fait de leur plume et de leur micro un « distributeur » de vérités ; des journalistes qui savent brasser « rigueur du fond et clarté de la forme », pour l’éclat des valeurs républicaines.

Quant à mon bouquet de fleurs, j’avoue que ce sont des roses avec leurs épines. D’un côté, satisfaction et joie, de l’autre, inquiétude, tout de même. Suivie d’une interrogation angoissante : Marius s’est-il donné le temps de triturer la question autour de son « élection » à cette prestigieuse institution américaine ?

Je ne sais. S’il l’a fait, c’est tant mieux. Mais, s’il ne l’a pas fait qu’il essaie de « passer de l’autre côté du miroir », comme on dit, pour en savoir plus. Car, à cause de son rayonnement au sein des populations congolaises, par ces temps de la politique nationale faite de bassesse, « TV Marius chez vous » pouvait être la cible de ceux qui voulaient la voir disparaître. Ces ennemis implacables de la vérité. Ces menteurs au sommet de l’Etat.

Dans ce dernier cas, voilà peut-être un joli « coup de réussite » pour Marius, seul, mais certainement un terrible « coup de massue » pour la masse des Congolais progressistes, épris de justice et d’ardent désir de voir le Congo se relever. Autant au pays que dans la diaspora.

C’est mon humble point de vue.

 

 

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France

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RD Congo: “Un homme très intelligent, mais sans conscience.”

Mais, de quelle nationalité est-il, ce fameux Vital Kamerhe ? Un Rwandais ? Que nenni. Un Burundais ? Oui, à travers sa lignée maternelle. Un Congolais ? Encore oui, par brassage. Sa grand-mère étant de la tribu fuleru de Kanvivira et sa mère de la tribu «shi» de Walungu. Toutes deux appartenant aux tribus authentiquement congolaises. Dans la province du Sud-Kivu. Et alors ?

Alors, attention ! Appartenir à une nation relève surtout des sentiments profonds qu’on a pour celle-ci. Jusqu’aux tripes. Lesquelles tremblent d’émotions et peinent atrocement quand la Nation est bafouée ou quand elle est en butte à un danger imminent.

Nation, sang et conséquences

La question de sang autant que celle de la possession avec soit des documents administratifs, justifiant nationalité et autres réalités, n’étant qu’un simple brevet. Or, Kamerhe continue de démontrer, avec pugnacité, que son cœur n’est pas lié à la nation congolaise.

Le cas du maréchal français Pétain -qu’on cite à tort ou à raison-, pour expliquer certaines thèses soutenues au Congo, est un exemple édifiant. Pétain a trahi la France, et quand son nom doit être absolument cité, c’est en termes d’amertume et de rejet. Pour les Français, Pétain ne mérite autre chose que d’être dans la poubelle de l’Histoire.

Pourquoi, aujourd’hui, le cas de Kamerhe défraie-t-il tant la chronique ? Ne savait-on pas que cet homme fut un grand barbouze, pour le compte de la Jeunesse du MPR du dictateur Mobutu, alors qu’il était encore étudiant, au campus de Kinshasa ? Ne savait-on pas que c’est un homme sans caractère, un versatile de la pire espèce, qui varie avec le vent ?

Son itinéraire de gigolo (vivant aux dépens des femmes) et d’hédoniste invétéré n’avait-il pas été établi et raconté jusqu’à plus soif, après ses brillantes études supérieures ? Certes, un homme très intelligent, mais sans conscience.

Hybris grec ou les vertiges de «la démesure»

A partir de là, ne pouvait-on pas conclure très rapidement que c’était un homme dangereux, un traître de carrière, qui a trahi le MPR, l’UDPS et Kabila, son mentor?

Qu’à cela ne tienne, Tshisekedi l’a pris comme son directeur de cabinet présidentiel, en vertu de l’accord qu’ils avaient signé à Nairobi au Kenya. Alors que l’homme, au fond, avait déjà effectué un bon tour de girouette, en retrouvant ses anciennes amours auprès de Kabila, son homme de destin. Tshisekedi l’ignorai-t-il ?

Mais bourde après bourde, qui déshonorent son chef, il va en commettre une autre, à Kigali. De plus grande envergure. Invité dernièrement, au Rwanda, à une fête immense de mariage donnée par un dignitaire rwandais, qui mariait son fils, Kamerhe se perd dans l’hybris grec: «la démesure».

Il offre trente vaches aux mariés et dans un speech, pour traduire le sens de ce geste, il parle des «bonnes relations entre le Rwanda (pays) et le Kivu (deux provinces de la RD Congo)».

Il ajoute, comme ivre: «C’est dans le cadre de nos coutumes.» Juste au moment où on évoque, avec acuité, la balkanisation du pays voulue par le régime de Kigali: annexer le Kivu au Rwanda. Et, pour le reste, couper le pays en plusieurs morceaux.

Rappelons que le père du marié rwandais n’est autre personne que le général Kabarebe, bourreau du peuple congolais. D’où le tollé qui émeut la majorité des Congolais et met en ébullition les réseaux sociaux, où on entend à la fois une chose et son contraire.

Trahison ? Sans doute. Comment peut-on expliquer autrement ce geste d’amitié étalé ostensiblement par Kamerhe avec l’ennemi ? C’est connu de tous que le Rwanda n’est pas un pays ami. Plusieurs rapports de l’Onu, qui parlaient, hier, de massacres commis par les troupes rwandaises en RD Congo, évoquent aujourd’hui, bien qu’en filigrane, l’idée de «génocide».

Levons un coin du voile, ci-dessous, pour apercevoir un bout de vérité sur les origines de celui qui exalte les «bonnes relations entre le Rwanda et le Congo».

Du grand-père «Louis» à Vital

Voici, en résumé, ce bout de vérité. C’est à Kanvivira que les origines de sieur Kamerhe se sont nouées. Un petit coin du territoire congolais où, jadis, coulaient le lait et le miel.

Nous, nous en savons quelque chose, pour y avoir mené plusieurs enquêtes journalistiques, dans le cadre de la Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL). Enquêtes financées par les Pays-Bas. Les archives existent à Kigali, siège à ce jour de cette institution.

Ce petit coin s’appelle «Plaine de la Ruzizi». La rivière Ruzizi, qui y coule depuis des millénaires, sépare géographiquement le Rwanda, le Burundi et la RD Congo. Un véritable «Croissant fertile», dirait l’historien !

Tout y est en effet luxuriant: une terre extraordinairement fertile ; une chaleur torride engendrant des myriades de moustiques, mais dotée des vertus nourrissant la terre; de très belles femmes, plantureuses, issues du brassage de sang burundais, rwandais et congolais… On parle même, qu’on trouve dans ce mélange une dose «homéopathique» de sang ougandais et tanzanien.

Les Chinois, en coopération avec l’Etat colonial belge, en 1954 (déjà ?), furent tombés en extase devant ces terres bénies. Ils y plantèrent de la canne à sucre et y installèrent, par ricochet, une usine de sucre, à travers la société dénommée SUCRAF. Les vestiges de cette grande entreprise existent à ce jour.

Cette plaine est située au Sud Kivu, entre Bukavu, capitale de cette province et Uvira, un district. C’est dans cette plaine mythique que s’activait la bourgade de Kanvivira. C’est là qu’arriva, par un jour de soleil au zénith, en 1920, un homme dénommé Kamere Nyamutse (Kamere sans «h»), un hutu d’origine burundaise. C’est un agriculteur, jeune et vigoureux. Il était âgé d’environ vingt ans. Kanvivira fait partie des terres de la tribu des Bafuleru. Une tribu accueillante, comme c’est le cas d’ailleurs de toutes les tribus congolaises.

Mais, Kanvivra est une espèce de creuset où se brassent quasiment toutes les tribus de cette partie du pays : Bembe, Shi, Lega, Nyindu… et beaucoup de migrants, venus des pays voisins. On y cultive tout. Et tout y pousse comme par magie. Etait-ce la raison principale pour laquelle cette bourgade devait attirer en son sein beaucoup de monde ? De fait, à ce jour, la plaine de la Ruzizi constitue un véritable temple de métissage de sang. L’homme va où il y a à manger.

Crime de lèse-majesté

Le chef des Bafuleru accueillit avec enthousiasme le sieur Kamere, à qui on attribua un champ. Il aurait été baptisé et aurait porté le prénom de «Louis». Il se maria à une jolie mufuleru, répondant au nom de Maua, fleur en kiswahili. Et tout le hameau, en ce jour, fut en effervescence.

«Un frère lointain se marie à la nôtre, c’est une grande joie», se tapait-t-on la poitrine. En fait, dans les coutumes bantoues, un mariage mixte était vu (et est encore vu) comme une alliance qui ajoute à la puissance «des tribus en couple». De cette union naîtront plusieurs enfants, dont un garçon, le père de Vital.

Il sera tout de suite baptisé dans une église catholique de la place, en 1930, et portera les nom et prénom de Constantin Kamere Nyamutse. Il aurait fréquenté l’Ecole Moyenne de Nyangezi (structure éducative coloniale pour la formation des auxiliaires de bureau), dans les environs de la ville de Bukavu. Lorsqu’il est engagé dans la même ville à la Pharmakina (société cultivant le quinquina, pour sa transformation en Allemagne en quinine contre la malaria), il a légèrement plus de vingt ans. Il se marie à Bukavu à la dénommée Alphonsine Nemberwa Mwankingi (en vie), et Vital verra le jour en 1959.

Après la Pharmakina, Constantin Kamere Nyamutse est attiré par le prestige dont jouissaient, à l’époque, les agents de l’Etat. Il s’engage à l’Administration publique et fait le tour des mutations, avec sa famille, dans plusieurs provinces. D’où la maîtrise par Vital Kamehre des quatre langues vernaculaires du pays.

Congolais, Kamerhe l’est donc, en dépit de tout et de son nom qui est burundais. Ce nom n’est pas du tout du Sud-Kivu, singulièrement de la région de Walungu, chez les Bashi. D’où il est originaire, selon sa lignée maternelle. Chez ces derniers, on trouve des noms communs plutôt comme Buhendwa, Mugaruka, Bisimwa, Hamuli, Muhigiri, etc. Jamais les Kamerhe.

Dommage que l’histoire de Vital Kamerhe soit une suite ininterrompue de scandales politique et financière. A l’interne. Mais trahir le pays est un crime de lèse-majesté. Qui mérite procès et expiation de la faute en prison. Si Tshisekedi refuse de s’en séparer, il en payera le prix. Tôt ou tard. Mais finalement, que disons-nous ? Tshisekedi et Vital Kamerh ne se trouvent-ils pas sur la même trajectoire de trahison, les deux, depuis longtemps ?

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France

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RD Congo – En cas de guerre, le Rwanda va nous broyer

Actuel coordonnateur de la plateforme politique LAMUKA, Adolphe Muzito, a mis les pieds dans le plat. En envisageant de faire la guerre contre le Rwanda, pour le retour de la paix à l’est de la RD Congo, à l’initiative de de cette dernière, il a soulevé une question à la fois lancinante et thérapeutique. C’était au cours d’une conférence qu’il a tenue, lundi 23 décembre à Kinshasa.

Pour la conscience collective congolaise, le Rwanda constitue la source principale de grands maux dont souffre le Congo, depuis plus de vingt ans. Pour en finir avec ce calvaire, il faudra absolument, selon Muzito, que les deux pays croisent le fer.

Mais cet homme politique, qui compte parmi les grandes pointures de la scène congolaise, ne s’est pas laissé emporter par un lyrisme populiste. Certes, il a évoqué la guerre, mais aussi le temps pour la réforme d’une armée en lambeaux.


Il est apparu (à l’exclusion de tout sondage à caractère scientifique) que l’idée de faire la guerre au Rwanda était l’idéal pour la restauration de la paix à l’est du pays…


«Si vis pacem para bellum», clame une expression latine. Autrement dit, «si tu veux la paix, prépare la guerre».

Le fond du discours du leader de LAMUKA s’intègre, en partie, dans cette logique. Pour ce faire, le va-t’en-guerre congolais s’est répandu dans toutes les directions.

Il s’est appuyé, notamment, sur l’aspect finance. Car, réformer une armée, tel qu’il le préconise (pour s’engager dans une guerre préméditée), implique beaucoup de moyens à disposition: capacités didactiques dans le domaine militaire et autres; armement moderne, temps de réarmement, moral… argent liquide. Moyens que la RD Congo n’a pas, pour le moment, et qu’elle n’aura certainement pas, à moyen terme.

Quoi qu’il en soit, la proposition de Muzito a plu à la majorité des Congolais. Dès le lendemain, les réactions ont fusé de partout. La diaspora congolaise n’a pas été en reste. Il est apparu (à l’exclusion de tout sondage à caractère scientifique) que l’idée de faire la guerre au Rwanda était l’idéal pour la restauration de la paix à l’est du pays, mais aussi en vue de la réappropriation de la souveraineté nationale confisquée. Autant que pour venger de nombreuses humiliations que le régime en place à Kigali continue d’infliger au peuple congolais.

Epouvantail à moineaux

Les enjeux sont sur la table, comme on dit. Mais si, par hypothèse, cette guerre advenait quelles qu’en soient les circonstances, la RD Congo tiendrait-elle devant l’armée rwandaise ? Question pertinente.

La réponse est non. A moins que le peuple congolais cesse ses divisions mortifères.

A ce propos, l’Histoire nous en dit long. Ce ne sont ni les dimensions géographiques, ni l’importance démographique d’un pays, qui conditionnent la victoire dans une guerre. Et encore moins les ressources financières faramineuses dont il disposerait. Le secret est dans l’unité et la détermination d’un peuple, forteresse inexpugnable des ressources morales qui soutiennent un soldat face à l’ennemi. Surtout quand la cause est juste.


La victoire dans une guerre n’est liée ni au nombre, ni à la puissance des armes, et encore moins à l’intervention de la richesse d’un pays.


«Un soldat sans moral est un épouvantail à moineaux», disait le général vietnamien Nguyên Giap.

Pour étayer notre thèse, évoquons très brièvement deux cas que l’Histoire raconte, lesquels ne manquent pas du piquant. En premier lieu, il s’agit de Numance, une petite ville de l’Espagne antique. Elle résista durant vingt ans, au IIème siècle avant notre ère, face à la puissante armée de conquête romaine.

Cette ville finit par tomber, grâce à des pratiques militaires peu honorables utilisées par le fameux général romain, nommé Maximilien. Il ordonna l’encerclement de Numance, sans laisser aucune possibilité d’approvisionnement en vivres pour ses habitants, pendant plusieurs mois. Nombreux d’entre eux décédèrent par inanition et le reste finit ainsi par se rendre. Avec honneur !

Le deuxième cas, beaucoup plus emblématique, est celui qui se rapporte à la Bataille des Thermopyles, en 480 av. J.-C. L’Empire perse sous Xerxès 1er s’est mis à cœur d’envahir la Grèce, c’est-à-dire les cités réunies d’Athènes et de Sparte. La bataille fut âpre entre dix mille soldats perses (appelés Immortels) contre trois cents combattants grecs, sous le commandement du roi Leonidas. L’enjeu de la bataille: le défilé des Thermopyles, un passage étroit, qui commandait l’accès à la Grèce centrale.

Les «Immortels» furent écrasés comme des mouches par la vaillance de trois cents hommes de Leonidas. La victoire était certaine pour les Grecs, s’il n’y avait eu cas de trahison. En fin de compte, les Perses l’emportèrent, mais sans gloire.

Dans l’histoire contemporaine, sous nos yeux, la puissante Amérique de Trump est en train de plier bagages en Afghanistan, la queue entre les pattes. Après vingt ans d’engagement militaire sans succès contre des groupuscules islamistes.

Ces exemples montrent, en général, que la victoire dans une guerre n’est liée ni au nombre, ni à la puissance des armes, et encore moins à l’intervention de la richesse d’un pays. A l’exclusion, bien sûr, de l’utilisation des armes nucléaires.

Kagame : figure tutélaire

La perspective de guerre entre la RD Congo et le Rwanda, du moins pour le moment et peut-être dans dix ans, entre dans ce cadre. Rien de comparable entre les deux grandeurs, en ce qui concerne leurs dimensions géographiques autant que leur importance démographique.

La RD Congo est, géographiquement, quatre-vingt-neuf fois plus grande que le Rwanda (2.345.000 km² contre 26.338 km²). Pareil pour la démographie dont le premier pays est huit fois plus grand que le second (presque cent millions d’habitants contre douze millions d’habitants).


Les critiques qu’on soulève contre le chef de l’Etat rwandais sur sa dérive autoritaire est indéniable, mais le reste n’est pas si négatif.


Cet ordre de grandeur s’inverse totalement lorsqu’il s’agit de mettre en balance la qualité de l’armée rwandaise et celle de la RD Congo. Pour le moment, le pays de Kagame possède une armée capable de rivaliser avec les armées tchadienne et angolaise. Les deux armées bien organisées et classées en ordre utile, en Afrique subsaharienne, en termes de qualité d’hommes et d’armement. A part l’Afrique du Sud.

Le soldat rwandais est aguerri. C’est quelqu’un qui connaît le chemin des combats, depuis la prise de Kigali en 1994. Ils sont en majorité de l’ethnie tutsie, déterminés à défendre leur droit d’être Rwandais et de vivre dans ce pays en tant que tels. Ils se reconnaissent tous en Kagame, leur figure tutélaire. Et ils sont prêts à mourir pour lui, et pour le Rwanda.

Les critiques qu’on soulève contre le chef de l’Etat rwandais sur sa dérive autoritaire est indéniable, mais le reste n’est pas si négatif. Le Rwanda est en train de se construire sur l’unité de tous les Rwandais, hutus, tutsis et twas.

Ainsi donc qu’il s’agisse d’aujourd’hui ou d’une période de dix ans après, en attendant que la RD Congo se réveille, la guerre contre le Rwanda serait un coup de poker. Aujourd’hui, les troupes rwandaises feraient une promenade de santé, de Goma à Kinshasa.

Dans dix ans, elles entreprendraient la même partie de plaisir, car, Kagame ou ses successeurs auront démultiplié, par dix, la force de frappe de l’APR (Armée patriotique rwandaise). A moins que…

Un effet placebo

Et, alors ? Était-t-il excessif d’utiliser le terme «broyer» dans notre titre ? Que nenni. Loin d’être un jugement de valeur (subjectif), la réflexion livrée ci-haut relève d’une preuve empirique acceptable.


On ne peut parler de réforme de l’armée sans envisager la reconstitution de l’Etat.


Pour le moment, le Rwanda est une puissance militaire en Afrique des Grands Lacs, alors que l’armée congolaise ressemble à une cohorte, couverte d’oripeaux puants, puisqu’uniquement guidée par les intérêts personnels. Sans référence morale.

En cas de guerre, personne n’acceptera de mourir pour Kabila. Ni pour personne d’autre, d’ailleurs, puisque l’Etat n’existe plus. L’Etat -s’il faut le nommer- dont le «sommet illusoire» constitue une caverne d’Ali Baba. Muzito l’a apparemment oublié. On ne peut parler de réforme de l’armée sans envisager la reconstitution de l’Etat.

Tout compte fait, l’adresse du leader de LAMUKA a eu le don de créer un effet placebo dans la conscience du peuple congolais, humilié depuis des lustres par le Rwanda. Par cette simple idée d’évoquer le mot «guerre» contre ce pays, plusieurs Congolais ont chantonné l’hymne national: «Debout Congolais». Thérapeutique !

Cependant, l’avertissement doit rester de mise: la guerre, c’est la guerre. On sait quand elle commence, on ne sait jamais quand elle se termine. Parler «d’annexer le Rwanda» était fort imprudent de la part du coordonnateur de LAMUKA, puisque si les rapports de force ne venaient à s’équilibrer, c’est plutôt le Rwanda qui annexerait le Grand Congo.

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France 

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Guinée: le troisième mandat présidentiel, un virus contagieux en Afrique

Plusieurs présidents de pays africains souhaitent changer la Constitution Nationale de leur pays… pour briguer un troisième mandat présidentiel. L’exemple russe Poutine – Medvedev, repris en République Démocratique du Congo par le duo Kabila – Tshisekedi, ne fait pas d’émule en Afrique, au contraire.

En Guinée, le président Alpha Condé, pourtant opposant de longue date aux dictatures, se laisse lui aussi tenter par ce troisième mandat. Au risque d’embraser les foules déterminées à faire respecter la Constitution pacifiquement.


Comment un Alpha Condé, opposant historique qui dénonçait avec tant de vigueur ses prédécesseurs, peut-il se rabaisser à ce point alors qu’il a plus de 80 ans?


Dans son discours du jeudi 19 décembre 2019 à la télévision nationale R.T.G, le président Alpha Condé a expliqué aux guinéens qu’il soumettra à referendum le projet d’une nouvelle Constitution.

En effet, le ministre de la justice a déjà supervisé la nouvelle version de la Constitution. Et le texte a déjà été envoyé au président de l’Assemblée Nationale, puis à la Cour Constitutionnelle, qui selon le ministre de la justice, a rendu un avis favorable.

Comment un Alpha Condé, opposant historique qui dénonçait avec tant de vigueur ses prédécesseurs, peut-il se rabaisser à ce point alors qu’il a plus de 80 ans?

Les conséquences d’un troisième mandat en Guinée aura un écho en Afrique

Si le troisième mandat présidentiel passe en Guinée, il est certain que la Côte d’Ivoire et le Sénégal emboiteront le pas, car ils ont déjà des velléités allant dans ce sens.

En Côte d’Ivoire, la déclaration d’Alassane Ouattara est claire: il veut se représenter en 2020.

De même, le mandat d’arrêt émis contre son opposant politique Guillaume Soro est un autre exemple.


Le Président Alpha Condé associe la mascarade déguisée sous le label de «consultation». Mais ce n’était qu’une manœuvre dilatoire (processus tendant à gagner du temps) destinée à servir d’alibi pour légitimer le coup d’Etat Constitutionnel en Guinée.


Au Sénégal, le fils de l’ancien Président Karim Wade est toujours en exil. Sans oublier l’emprisonnement des opposants politiques du Président sénégalais Macki Sall.

Aujourd’hui, même libre, l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, reste inéligible au regard de la loi sénégalaise.

Libre Parole au journaliste M.B Bah


“Nous dénonçons une injustice, nous défendons les droits constitutionnels… Conséquence, nous sommes parmi les plus opprimés.


En Guinée, tous les massacres qui ont eu lieu au cours des dernières années, ainsi que la plupart des conflits sanglants sont liés à des situations politiques et/ou ethniques.


Les victimes sont les mêmes depuis toujours, tandis que les détenteurs de forces publics sont les bourreaux.


Depuis 2010, une centaine de jeunes a été assassinée sans qu’aucune enquête ne soit diligentée.


Je m’intéresse aux Droits de l’Homme et l’indignation est grande.


Je suis toujours ému en regardant les archives historiques qui montrent quarante années de lutte.”

Bah M.B, journaliste guinéen en exil

Alpha Condé associe la mascarade déguisée sous le label de «consultation». Mais ce n’était qu’une manœuvre dilatoire (processus tendant à gagner du temps) destinée à servir d’alibi pour légitimer le coup d’Etat Constitutionnel en Guinée.

Le FND (Front National pour la Défense de la constitution) organise une marche le lundi 6 janvier 2020 et une série de marches continue à partir du 13 janvier. L’objectif est de protester contre le projet d’une nouvelle Constitution ainsi qu’un troisième mandat pour Alpha Condé.

L’opposition annonce son intention de boycotter et d’empêcher la tenue de l’élection législative prévue pour février 2020. Elle exige par exemple la fin des communales et communautaires par l’installation de chefs de quartiers et de districts.

Pour éviter de nouvelles violences, en prélude aux marches pacifiques appelées par le FNDC, il est important de protéger le droit de manifester pacifiquement.

Selon le site visionguinée.info, Alpha Condé interdit toutes les manifestations dans les zones minières. «Toute manifestation qui sera faite subira la rigueur de la loi.»

Cette interdiction annonce un climat tendu entre pouvoir, opposition et FNDC. Pourtant, manifester pacifiquement est un droit fondamental en Guinée : article 10 de la Constitution.

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RD Congo: notre maison brûle, Kabila et Tshisekedi s’en moquent

Quand notre maison brûle, c’est parmi ce qu’il y a de plus grave dans la vie. La RD Congo est en train de brûler. Et de se consumer. Demain, si les Congolais ne font attention, il n’en restera plus que d’amas de ruines fumants. Le grand feu a été mis sur ce domaine immensément riche, mais dont les propriétaires sont comme ensommeillés, le 24 décembre 2018.

C’était le jour fatal, au cours duquel Joseph Kabila, en plein jour, passait la torche de pyromanie à Félix Tshisekedi.


«Il y a une étrange satisfaction à toucher le fond du désespoir; l’excès du malheur procure une espèce de sécurité, havre de grâce pour l’âme naufragée qui n’ose plus croire.»

Julien Green


Une partie du peuple fanatisée, militants de l’UDPS (parti présidentiel), festoyait avec ses tripes. Ivre de la duperie dont elle était l’objet de la part de Kabila. L’autre partie, sans doute consciente de la dérive en cours, demeure à ce jour dans l’incompréhension.

Mais, depuis, on assiste à une division du peuple, en deux camps qui s’affrontent. Ils en sont aujourd’hui à l’usage du verbe et de quelques actions repréhensibles: injures, imprécations, brutalités de chiffonniers (jusqu’à brûler les effigies de Tshisekedi, par les kabilistes, et vice-versa).

Demain, que sait-on ?

Toutefois, l’hypothèse penche à y voir un engagement corps-à-corps, par paliers successifs, jusqu’à une guerre civile. La brèche est déjà largement ouverte, pour cette phase ultime.

C’est, il faut l’avouer, le plus grand fait d’arme, la plus grande œuvre d’intelligence machiavélique jamais réalisée par le «raïs» du Congo et ses affidés.

Contrairement au dictateur Mobutu, en dépit de tout, celui-ci effectua un chemin inverse: l’unité du peuple. Il faut lui en savoir grandement gré.

L’Afrique noire est-elle maudite?

Qui en douterait, alors que Kabila est le seul chef d’Etat africain -de la race de vipère-, à défier la logique triptyque de «trois E»: Emprisonnement, Exécution, Exil.

Tel n’est-il d’ailleurs pas l’héritage inaliénable des dictateurs?


L’année 2019 doit être considérée comme une année blanche. Presque sans gouvernement…


Mugabe du Zimbabwe l’a échappé belle, à cause sans doute de son passé glorieux, en qualité de père de l’indépendance de son pays. Tout comme, pour échapper à un des châtiments décrits ci-dessus, le «raïs» trouve encore son salut dans la division du peuple.

Certes, il existe l’autre versant de l’histoire, qui ne manque pas d’éclat. Il s’agit de ce que nous pourrions appeler le «Panthéon africain» -Mémorial imaginaire-, où resteront à jamais inscrits en lettres d’or les noms des héros, tels Nyerere (Tanzanie), Mandela (Afrique du Sud) ou Chissano (Mozambique)…

Y compris tous ces dignes fils du continent, fauchés à l’aube de leur vie politique qui promettait d’être magnifique, comme Lumumba (RD Congo), Cabral (Cap Vert) ou Sankara (Burkina Faso)…

De génération en génération ! Est-ce à cause de ce sang noble, versé innocemment par les méchants, que Serge Michailof et Alexis Bonnel ont pensé que le continent constituait de «dangereux chaudrons où bouillonnent misère et frustrations?»

Ils l’ont dit dans leur ouvrage intitulé «Notre maison brûle au sud».

Est-ce à cause de ce sang-là, encore une fois, que Moussa Konaté s’est résolu à écrire, sans fard, «L’Afrique noire est-elle maudite?»

Questions pertinentes s’il en est ! De fait, c’est comme s’il y avait malédiction quelque part.

Le cas de la RD Congo, à tout le moins, serait en train de l’illustrer. Avec un certain brio. Car, pendant que «leur maison est en train de brûler», les leaders politiques congolais, eux, se paient de mot et ne se préoccupent que de leur avenir pour les prochaines échéances électorales, prévues en 2023.

L’année 2019 doit être considérée comme une année blanche. Presque sans gouvernement… celui-ci n’ayant joué que le rôle de figurant depuis qu’il a été mis en place, du fait de la dualité toxique dont il est l’émanation: la coalition FCC-CACH.

C’est dans ce contexte désolant que nous voyons Tshisekedi sortir pour parler au peuple; Fayulu envisage son retour à Kinshasa, transporté triomphalement en chef coutumier, promettant d’annoncer une formule-panacée en cette fin décembre; Moïse Katumbi se voue à la création d’un parti prophétique susceptible d’amener la RD Congo en Terre promise, à l’instar de Moïse biblique…

Kabila dictera sa «réapparition», dans ses linceuls en haillons, obstiné à revivre coûte que coûte. Misérables!

Habari

Nouveau nerf sensible

Qu’a-t-il dit, Tshisekedi, vendredi 13 décembre? En réalité, rien de valable. Sous d’autres latitudes, le discours sur l’état de la Nation est un moment idyllique. C’est un moment de communion intense, où le chef communique à son peuple le «substrat» de la marche de la nation: ce qui a été fait, ce qui est en train de se faire et ce qui se fera. Concrètement. Pas en termes de campagne électorale.

Dans la situation singulière de la RD Congo, le peuple s’attendait à toucher du doigt un «nouveau nerf sensible» dans les propos du président de la République, propre à rompre avec le passé néfaste kabiliste et à impulser une nouvelle donne pour des lendemains meilleurs.

Les Congolais, en dépit du spectacle truculant dont on a voulu dédier à la circonstance, n’ont finalement eu droit qu’à une logorrhée, de presque trois heures. Une sorte de «marronnier», en langage journalistique, c’est-à-dire des choses simples, répétitives, que tout le monde connaît.

Où a-t-il jeté la question de Minembwe ?

Où a-t-il enfoui les pistes de la disparition des quinze millions de dollars, volés par son cabinet ?

Où a-t-il caché les restes du Tupolev et personnes qui s’y trouvaient ?

S’était-il justifié des accusations sur ses manigances avec Museveni, à propos de la dette que la RD Congo réclame à l’Ouganda, à titre de dommages sur le massacre que les troupes de ce dernier pays ont perpétré dans la ville de Kisangani ?

Avait-il oublié que les minerais dont il a longuement parlé sont entre les mains de Kabila ?

Voilà, la philosophie de malheur d’un président qui ne veut pas «fouiner»… Le peuple congolais n’est pas si bête qu’on le croit. Encore une fois, Tshisekedi a raté l’occasion de se disculper et, par ricochet, de redresser la barre. Il est dos au mur.

Les politiques congolais sont tous médiocres

Il en est de même de Fayulu, de Katumbi, de Bemba et compagnie. Ils n’ont d’yeux qu’à leurs propres intérêts. La bataille qu’ils engagent, pour les échéances qui se profilent en 2023, n’augure rien de bon, tant ils sont tous médiocres.


Nous sommes passés de l’image de la «maison qui brûle» à celle «du fond de l’eau».


Car, l’essentiel, pour le moment, était d’affaiblir Kabila et de neutraliser sa capacité de nuisance. Or, ce dernier, tel un phénix de la mythologie grecque, vient de renaître de ses cendres. Ce n’est point pour amuser la galerie. Il est en train de poursuivre un but: celui de récupérer son trône. A tout prix.

Nous ne cesserons de le répéter. Ceux qui voient la chose autrement se trompent. Alors, à quoi servent discours et mouvements de repositionnement auxquels nous assistons? Quelle est la part du peuple qui, aujourd’hui, a touché le fond, se trouvant au plus mal? Rien du tout.

Curieusement, il se tait. Tranquille. C’est comme s’il faut approuver cette pensée «terrible» de Julien Green qui dit: «Il y a une étrange satisfaction à toucher le fond du désespoir; l’excès du malheur procure une espèce de sécurité, havre de grâce pour l’âme naufragée qui n’ose plus croire.»

Nous sommes passés de l’image de la «maison qui brûle» à celle «du fond de l’eau». Sans solution apparente pour le peuple congolais. Dommage ! C’est, en parallèle, tout le sens d’un faux anniversaire, 24 décembre 2019, sur lequel nous avons volontairement mis un black-out. Puisqu’il n’en est pas un.

 Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France

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RD Congo : les carottes sont cuites

[POST-ÉLECTORAL] Les carottes sont cuites. Félix Tshisekedi est désormais le cinquième président de la RD Congo. Il en sera ainsi pendant son mandant de cinq ans, jusqu’en 2023. Pour autant, cela n’efface pas comme par enchantement le contentieux post-électoral, puisqu’il y en a un. Qui jure avec les “mensonges des urnes”. Celui-ci aura constitué, en droit, un cas de “jurisprudence”, en matière d’élection en Afrique. Et ouvert, pour les Congolais, une plaie à vif du tribalisme.