Articles

Présidentielle en RD Congo : un « Belge à peau noire » dans la bergerie

Par Jean- Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France

« De père et de mère » est une expression forgée par le génie moqueur du peuple congolais. Elle est à l’origine d’une proposition de loi visant à exclure de la présidentielle toute personne dont un des parents n’est pas Congolais. Autrement dit, il faut être Congolais « de père et de mère » pour pouvoir prétendre à ce droit.

Si elle était adoptée par le parlement, cette loi aurait eu le don de barrer la route aux hautes fonctions (président de la République, par exemple) à quelques candidats se trouvant dans cette situation. Son ombre, en dépit de tout, ne continue pas moins de roder autour des institutions judiciaires.

Pourtant, tout le monde savait, à peu de frais, de quoi cela retournait. Le candidat Tshisekedi – il l’était déjà avant la lettre -, avait peur d’affronter certaines personnes, hommes de carrure affirmée. L’un d’entre eux avait fait avec panache carrière de gouverneur… Et un autre, célèbre scientifique reconnu mondialement, dont tout annonçait l’irruption fracassante sur la scène politique.

En voilà tout le sous-bassement de cette notion malheureuse de « de père et de mère ». A bien des égards, elle semble être la réplique de la notion « d’ivoirité ». Laquelle a profondément divisé les Ivoiriens, jusqu’à les avoir poussés à des massacres fratricides innommables.

Le massacre de Goma

On se souviendra du cas du Liberia et de la vengeance sanglante des « Natifs », exercée par Samuel Doe, en 1980, contre les « Congo », immigrés afro-américains. Ces derniers ayant détenu le pouvoir sans partage pendant plusieurs décennies. Il y a à évoquer également, dans ce cadre, l’apartheid en Afrique du Sud…

Pourrie, l’atmosphère politique pré-électorale en RD Congo semble, à tout le moins, épouser ces contours de sang. En vue de se préparer une victoire électorale, sur un boulevard, le président Tshisekedi s’avise à éliminer sur son chemin tout concurrent potentiel. Que les uns cherchent à écarter les autres, par des subterfuges à caractère discriminatoire, n’a jamais été un facteur de paix.

 Cela étant, il y a fort à craindre que la démarche empêtrée par le régime congolais ne débouche sur une catastrophe. La situation, à plusieurs points de vue, étant déjà suffisamment fragile. Si la RD Congo a traversé bien des crises, elle n’a jamais connu de moments aussi pires qu’actuellement.

Or, la théorie de diviser pour régner, mettant en avant le caractère d’origine de gens, est ce qu’il y a de plus lucratif, en Afrique, quand un régime est à la recherche de pérennité. En vue d’atteindre cet objectif, le président Tshisekedi ne lâchera rien. Le massacre de plus de cinquante personnes, à Goma, dans l’est du pays, des manifestants qui protestaient contre la présence des Casques bleus au Congo, en est une preuve irréfutable.

Trois candidats se trouvent dans le viseur du président congolais, dans le cadre de cette élimination fantaisiste. Trois cas comme inscrits dans le marbre. Il s’agit de l’ancien gouverneur de la province du Katanga, Moïse Katumbi ; de l’ex-premier ministre, Augustin Matata Ponyo et du Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018. Chacun, ou réunis pour la cause électoraliste, étant en mesure de donner des sueurs froides au régime en place.

Le premier est accusé d’être métis, donc, de père non Congolais. L’alibi ne peut être plus clair. Le deuxième a des démêlés avec la justice pour détournement supposé des fonds publics. L’affaire a été déjà jugée sans conséquence[MB1] , mais elle a été remise à examen, dès lors que l’intéressé s’est déclaré candidat à la présidentielle. Foulant au pied le principe du droit préconisant qu’une affaire jugée ne peut l’être, une seconde fois : « Non bis in idem ». Enfin, le troisième, le plus visé, est accusé d’être un Burundais… « de père et de mère ».

Promesse d’étincelles

Le Dr Mukwege – puisqu’il s’agit de lui -, un Burundais, c’est le bouquet ! Désigné lauréat prix Nobel de la paix, en 2018, tous les Congolais l’ont porté aux nues. Devenu président de la République, quelques temps après, Tshisekedi en personne lui a publiquement jeté des fleurs, précisant que « c’est un Congolais valeureux ». Le voici aujourd’hui devenu un rebut sur lequel on crache, mais aussi quelqu’un à qui on attribue toutes les nationalités du monde : pour un temps, le Dr Mukwege est un Burundais ; pour un autre, il est un Ougandais ; et, peut-être, très prochainement, il sera qualifié de « Belge à peau noire » dans la bergerie. Bon pour le gibet.

Quant à Katumbi, l’œil du cyclone cherche encore à le braquer avec précision. Alors que le dossier des candidatures se trouve au niveau de la Cour constitutionnelle pour un avis de validation définitif, au plus tard le 18 novembre, il se chuchote que la candidature de l’intéressé fait l’objet d’intenses délibérations sécrètes pour un rejet. Avertis, ses partisans en parlent déjà avec virulence sur les réseaux sociaux, promettant des étincelles, au cas où la candidature de leur champion était invalidée.

Matata Ponyo, lui, a préféré prendre la poudre d’escampette, avant que les portes de Makala (prison centrale de Kinshasa) ne se referment sur lui.

Le climat est donc de tous les dangers. Aussi, la Cour constitutionnelle se doit-elle de dire le droit, à ce sujet, au lieu de faire le jeu du régime. Le scrutin devra être ouvert à tous les prétendants, en conformité avec les prescrits de la Constitution en la matière.

Ils sont 24 à concourir. Ce n’est pas excessif. Qu’on laisse, pour une fois, seules les urnes exprimer le choix du peuple. En attente, depuis des décennies, de voir établie « la personne qu’il faut à la place qu’il faut ». Selon le peuple. Et non selon le désir d’un individu, ou un groupe d’individus, comme c’était le cas en 2018.

Crédits photos : © DR

Présidentielle/RD Congo :  David contre Goliath

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France

Depuis dimanche 8 octobre, le tableau des candidats à la présidentielle de la République démocratique du Congo 2023 est complet. Ils sont 25 prétendants sur la ligne de départ. Le président sortant, Félix Tshisekedi rempile pour un second mandat, à côté des poids lourds de l’opposition que sont Martin Fayulu, Moïse Katumbi ou Matata Ponyo. Y compris le Dr Mukwege pour le compte de la société civile. Et consorts.

Jamais élections n’auront suscité autant de frénésie que de paroles vaines, jusqu’à la bêtise. En raison du contexte tout particulier qui les caractérise : le vide du pouvoir. Mais, aussi, paradoxalement, le plein de moyens de communication et la vitesse qu’ils donnent à l’information. Tout se sait. A la minute près.

Mais, frénésie, pourquoi pas intérêt, alors que cette dernière dimension intègre les éléments constitutifs d’une élection ? Parce que, à vrai dire, depuis que le général Mobutu a confisqué la démocratie, en 1965, la politique en RD Congo est devenue l’objet de folklore. Par la force ou par la fraude, on y accède pour détourner les deniers publics, faire bombance et tourner le peuple en bourrique.

 Il y va ainsi d’élections en élections. Y compris celles auxquelles le peuple est appelé à participer, en moins de trois mois. Au fait, si les hommes passent, le système de prédation qu’ils ont érigé à tous les niveaux du fonctionnement de l’Etat demeure intact. Félix Tshisekedi ne s’en est pas écarté. Au contraire, il y a remis une couche. Népotisme, tribalisme, chapeautés par un début de dictature redoutable, sont des faits indéniables, qui ont émaillé son quinquennat.

Cas Mukwege : en délibération

Les exemples en cela sont légion. Mais, on en choisira que le plus illustratif d’entre tous et, sans doute, le plus discréditant. Il s’agit de cette promesse faite, en fanfare, par le chef de l’Etat, en juin 2021, à Butembo, dans l’est du pays : « Tant que je n’aurai pas réglé le problème de sécurité dans l’est du pays, je considérerai n’avoir pas réussi mon mandat ». A tout le moins, une telle promesse au peuple a valeur de serment.

Bien plus, depuis, le phénomène a pris de l’ampleur. Selon la déclaration de la représentante de l’ONU en RD Congo, Madame Bintou Keïta, sur les antennes de RFI, mercredi 11 octobre, neuf personnes par jour perdent la vie, du fait des violences des groupes armés. Et ce, depuis le mois de janvier 2023. Plusieurs provinces en font actuellement les frais, apprend-on des sources concordantes, jusqu’aux portes de Kinshasa.

Qu’en dire, sinon réclamer haut et fort la démission du chef de l’Etat, pour parjure ? Dans d’autres cieux, c’est une affaire entendue. Sans autre forme de procès.

© Valeriano Di Domenico

La question reste donc posée, parce qu’au sommet de l’Etat, on n’en a pas conscience. Mais, surtout, parce qu’il y a une nouvelle donne dans le paysage politique. Il s’agit de l’entrée dans la danse électorale d’un groupe d’opposants populaires, diplômés, crédibles, sinon ayant montré leur efficacité pour la promotion de la chose publique.

Ils s’appellent Martin Fayulu, vainqueur des élections de 2018, mais privé de sa victoire par l’ancien président Joseph Kabila (situation désignée par la diplomatie française de « compromis à l’africaine »), Moïse Katumbi, ancien gouverneur de la province du Katanga, Augustin matata Ponyo, ancien premier ministre, économiste de haute volée et les autres, Delly Sesanga, juriste apprécié.

Mais le plus coriace des challengers face au président sortant, c’est le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018. De son état, médecin gynécologue-obstétricien, le Nobel est aussi professeur des universités ; bâtisseur affirmé – ayant construit plusieurs écoles, ainsi que le célèbre hôpital spécialisé de Panzi, à Bukavu, le tout dans la province du Sud-Kivu -, pasteur adulé dans sa ville natale de Bukavu, polyglotte et écrivain de talent, avec à son actif plusieurs ouvrages, dont le tout dernier intitulé « La force de la femme ».

Bien sûr, sa popularité ne crie pas sur tous les toits comme celle, jadis, attribuée à l’ancien président américain Obama, aux Etats-Unis. Néanmoins, le Dr Mukwege est dans l’esprit de la plupart des Congolais. En situation de délibération.

Qu’en penser ? Un tel homme intelligent, travailleur acharné, qu’accompagne une probité indubitable, serait-il incapable de « réparer » le pays, à l’instar de ce qu’il réalise dans son hôpital, en « réparant » des milliers de femmes violées ? En quoi l’image, pour ceux qui l’ont critiquée, est-elle fausse ? L’image n’est-elle pas l’une d’expressions de la pensée et même des figures de style préférée en journalisme, en particulier ?

Le dictateur Yahya Jammeh, battu

On a évoqué, au début, la présence de la « parole vaine », en voilà une, explicite ! Quand on parle, en public, de ce qu’on ignore… on glisse vite vers la bêtise. Boileau ne conseillait-il pas sans cesse : « Evitez la bassesse »

Qu’on s’entende sur la personnalité d’un Nobel : c’est un « grand ». Ailleurs, c’est une autorité dont la voix porte, et qui mérite respect. Dans l’imaginaire collectif, un Nobel est un personnage qui habite le nouvel Olympe, au-dessus de nos têtes. Aussi voit-on rarement un Nobel descendre de son piédestal pour une arène politique. Ce qui démontre pour le médecin congolais son ardent désir de servir son peuple, en perdition, aux dépens de toutes les autres considérations.

C’est que le Nobel congolais, du coup, a accepté de « jouer le jeu » : l’arène politique est comme un ring de boxe, où on se donne des coups. Il devra porter les coups contre son adversaire, mais des coups francs… et il en a plein dans son carcois, pour vaincre. C’est vrai qu’il se trouve en face d’un président en exercice, bien loti, soutenu en plus par ce qu’on qualifie de « prime du sortant ». Mais, l’histoire pointe, parfois, des paradoxes ahurissants, où un David parvient à battre un Goliath.

Le cas de la Gambie, en décembre 2016, est encore présent dans la mémoire. Adama Barrow, candidat de l’opposition unie, simple fonctionnaire, a battu le dictateur Yahya Jammeh, réputé féroce multi millionnaire, au pouvoir depuis 22 ans.

Cela peut être possible en RD Congo. Pourvu que l’opposition s’unisse et que chacun oublie son ego, au bénéfice du pays à l’article de la mort.

Pendant ce temps, des propositions se forgent et s’échangent. On voit acceptée, en majorité, une composition « idéale » de tête, formée du Dr Mukwege, auréolé de son estime internationale, comme président de la République, Fayulu, chevronné en politique, comme Premier ministre, Katumbi, à l’Intérieur, Matata Ponyo, à l’Economie et Sesanga à la Justice…

Si jamais ces élections ont lieu…

Brésil : la réélection de Lula signe-t-elle le retour de la presse libre ?

Pendant plus de quatre ans, l’ancien président Jair Bolsonaro a nourri une chasse aux sorcières contre la presse brésilienne et ses journalistes. Plus de 150 jours après l’investiture de Luiz Inácio Lula da Silva, qu’est devenue la presse muselée ? Peut-on dire aujourd’hui qu’elle est de nouveau libre au Brésil ? L’Œil de la maison des journalistes fait le point. 

Marqué par les attaques contre la presse, le Brésil a également subi des atteintes à la démocratie au sens plus large. Le 8 janvier 2023, alors que des millions d’électeurs ont fait leur choix concernant le nouveau président du Brésil, des émeutes éclatent à Brasilia, capitale fédérale du pays, pour contester les résultats.

Plus de 300 personnes sont arrêtées le soir-même, des centaines de pro-Bolsonaro ayant pris d’assaut les bâtiments administratifs. 

En déplacement en Floride au moment de l’émeute, Jair Bolsonaro avait reconnu avoir partagé « accidentellement » une vidéo contestant les résultats de la présidentielle, galvanisant ses supporters.

De nombreuses critiques et accusations ont miné la presse, soupçonnée d’avoir fomenté une élection truquée avec Lula. Depuis 2018, tout était bon pour museler les journalistes : campagnes de harcèlement en ligne, insultes, dénigrement de leur travail…

Le journaliste brésilien, « ennemi du peuple »

Né en 1988 à Rio, Artur Romeu a vécu une grande partie de sa vie dans la capitale, avant de passer en France entre 2013 et 2015 pour un master en droit de l’humanitaire. Il travaille dans le domaine depuis 15 ans, principalement au Brésil mais également dans toute l’Amérique latine. Engagé en tant que stagiaire chez RSF en 2015, Artur a pris la direction du bureau depuis novembre 2022.

« Il est difficile d’avoir une idée concrète » des sujets les plus compliqués à couvrir selon lui, car la violence envers la presse existait bien avant la présidence de Jair Bolsonaro.

« Depuis 2010, le Brésil est le second pays avec le plus grand nombre de journalistes tués en Amérique latine derrière le Mexique », soit 30 personnes. Leurs points en commun ? Tous travaillaient dans des petites et moyennes villes, et couvraient l’actualité locale et quotidienne. 

Des journalistes « invisibilisés » dans la presse brésilienne et les grandes rédactions du sud-est, mais qui demeurent les premières victimes des violences et poursuites judiciaires.

Le cyberharcèlement est devenu monnaie courante pour les journalistes, surtout pour les plus populaires et les plus présents en ligne. 

Photo de Sam McGhee

« Le gouvernement Bolsonaro a su s’attaquer à la presse et créer cette image du journaliste ennemi du peuple dans l’imaginaire collectif, et les grandes chaînes sont particulièrement visées. »

En 2022, RSF a fait un travail d’enquête sur les journalistes face aux réseaux de la haine : en 3 mois, durant la période électorale, l’équipe a relevé plus de trois millions d’attaques sur Twitter (contenu offensif, insultes…). Le gouvernement bolsonarien a opéré un « coup de force pour décrédibiliser la presse et contrôler le débat public. » 

Une situation que le gouvernement Lula tente aujourd’hui d’inverser, notamment grâce à la création d’un observatoire national des violences contre la presse, sous l’égide du président Lula.

« Pourtant, nous avons encore dans le pays des “zones de silence” pour les journalistes. Si nous évoquons par exemple la censure dans ces zones, les populations peuvent parfois avoir une difficulté d’appréhension. » 

Environnement et agriculture, bêtes noires du journalisme au Brésil

Des « zones de silence » que le journaliste Pierre Le Duff corrobore. « Dans de nombreuses régions rurales du pays tel le centre-ouest, l’agriculture et les grandes propriétés rurales sont les principales sources de richesse et pourvoyeurs d’emplois. » 

Actuellement en freelance pour plusieurs médias télévisés, radio et presse en ligne au Brésil depuis près de cinq ans, Pierre Le Duff a accepté de se confier au micro de la MDJ. 

Selon le journaliste, « tous les sujets liés à l’agro-négoce, ayant trait aux droits de l’Homme et à l’environnement » sont très compliqués à couvrir et traiter. Les pesticides, l’usage de l’eau, la déforestation, les incendies, le travail esclave... Demeurent pour la plupart du temps tabous.

Une de ses collègues en a fait la douloureuse expérience, « à la suite d’un reportage sur les incendies historiques qui ont ravagé le Pantanal en 2020. Ma collègue a reçu un message du fils d’un fermier que nous avions interviewé », lui annonçant qu’elle et son équipe ne pourraient « plus revenir dans la région. » 

« Son père nous avait déclaré avoir recours au brûlis agricole, pratique pointée du doigt comme la principale cause des incendies qui avaient pris des dimensions gigantesques. C’est une simple intimidation, reçue après la publication de notre reportage. » 

Pierre Le Duff interpelle toutefois sur « l’assassinat l’an dernier du journaliste britannique Dom Phillips en Amazonie, qui nous rappelle qu’être étranger n’est pas un gage de protection » au Brésil.

« Quiconque enquête de près sur des sujets aussi sensibles que les activités criminelles en Amazonie ou dans d’autres régions isolées du Brésil se met potentiellement en danger. »

Une polarisation du débat politique pour museler la presse

La méfiance envers les médias étrangers est également très présente : « nous sommes d’autant plus suspects d’être partiaux dans notre couverture. Mais les plus susceptibles d’être confrontés à l’hostilité des militants d’extrême-droite, ou au harcèlement en ligne, restent les journalistes des grands médias brésiliens, aussi très critiques du gouvernement de Bolsonaro. »

Pierre Le Duff temporise néanmoins, et rappelle qu’il n’a jamais été menacé personnellement car il a « peu couvert des sujets très sensibles », telles que les élections ou l’Amazonie. 

Pourtant en-dehors de ces sujets, « les Brésiliens sont plutôt ouverts quand il s’agit de parler aux journalistes. Ils ont un rapport décomplexé à l’image, ce qui facilite les choses pour la télévision. Mais la politique, depuis la campagne présidentielle de 2018, est un thème que certains ne veulent tout simplement pas aborder. »

Pour beaucoup de citoyens du pays, le refus de s’exprimer s’explique « par la crainte que l’on détourne leur propos pour servir un discours de gauche ou les intérêts du camp adverse. » 

Après quatre ans d’une politique mortifère contre les médias, les pro-Bolsonaro sont « convaincus que les journalistes sont tous de gauche et anti-Bolsonaro, au point d’abandonner toute déontologie dans l’unique but de l’accabler. C’est une réalité depuis 2018, et cela s’est encore accentué pendant la campagne présidentielle de 2022. » 

Femme, journaliste et brésilienne : la triple-peine

Le franco-brésilien Bruno Meyerfeld, pigiste indépendant et pour Le Monde depuis 2019, dénote « qu’il est toujours plus difficile de travailler sur des sujets locaux lorsqu’on est brésilien plutôt qu’étranger. » 

Les thèmes les plus compliqués à traiter demeurent à ses yeux la corruption et le détournement d’argent au niveau local.

« Parler d’un député, un conseiller municipal ou un maire qui détourne des fonds ou participe à une activité illégale représente un très grand risque » pour les Brésiliens, « de même qu’évoquer l’orpaillage. » 

Mais s’attaquer aux organisations paramilitaires et milices s’avère être le plus dangereux : « les policiers et les militaires bénéficient d’une grande impunité au Brésil, surtout à Rio », témoigne Bruno Meyerfeld.

S’il n’a personnellement pas reçu de menaces ou pression, « il m’est arrivé d’être pris à partie par les pro-Bolsonaro. Les journalistes étrangers peuvent alors être menacés physiquement. »

En 2019, en reportage dans l’Amazonie peu de temps avant la crise diplomatique entre Macron et Bolsonaro, Bruno a ressenti « une vraie hostilité des communautés locales participant à la déforestation. » 

Tentative d’intimidation et d’espionnage ont alors été le mot d’ordre « mais il n’y a pas eu de menace directe, plutôt des attitudes » dangereuses. Dans ce genre de situation, « si vous restez, on ne peut garantir ce qui va arriver. » 

Bruno Meyerfeld prend l’exemple de l’interview d’un élu bolsonariste dans le nord-est du pays, qui avait pour slogan « si tu bouges, je tire », et entreposait des fusils dans son bureau. Son assistant portait lui-même une kalachnikov, et un mannequin vêtu d’un gilet pare-balles se tenait dans la pièce. 

« Il arrive que des interviewés posent leurs pistolets sur la table ou les présentent en évidence, notamment à Brasilia où il y a beaucoup d’armes », de quoi rendre l’interview bien plus anxiogène.

Une tension qui peut mener à la mort des journalistes étrangers, tel Dom Philips le 5 juin 2022, mais le risque incombe particulièrement les journalistes brésiliens, « dont le meurtre peut passer inaperçu. Ils ne bénéficient pas de la même protection, nous avons le statut, la nationalité et le média en plus pour nous soutenir. »

Une situation encore plus terrible pour les femmes journalistes du pays, dans une société « très misogyne », où l’intimidation et la marginalisation des femmes sont ancrées dans la culture. Le Brésil est l’un des pays avec le plus de féminicides, conduisant à beaucoup de violences domestiques. Le journalisme n’échappe pas à la règle, où Bruno Meyerfeld constate « une grande différence de traitement. » 

Menacées publiquement et physiquement, elles auront vécu l’enfer sous la présidence Bolsonaro. L’ancien président ainsi que ses fils ont tenté de « détruire la vie de deux journalistes brésiliennes », notamment celle de Patricia Campos Mello, auteure d’une vaste enquête sur le parti Bolsonaro

De grandes campagnes d’intimidations et de harcèlement en ligne ont rythmé leur quotidien pendant toute la présidence.

Tous les obstacles que doivent traverser les acteurs des médias brésiliens ne les empêchent pas d’aller jusqu’au bout de leurs investigations, ni d’aider les journalistes étrangers si besoin. Pour Bruno, la « grande générosité » des journalistes brésiliens est une réalité. 

« Ils prennent des risques considérables car ils sont passionnés par le métier, ils ont conscience du poids de la vérité dans un pays à la démocratie fragile. Ils ont une culture de l’investigation bien plus forte qu’en France, parfois ils nous offrent même des sujets pour nous aider. Il n’y a aucune animosité ou rancœur de leur part envers les autres journalistes », témoigne-t-il. 

Mais avec l’investiture du président Lula, notre intervenant évoque « un pays globalement apaisé, à la sortie d’un cycle politique très dur. » Avec les centaines d’arrestations suite aux émeutes du 8 janvier, les pro-Bolsonaro « ont compris qu’ils risquent de finir en prison et que la justice peut sévir », conduisant à moins de violences dans les rues.

Du chemin reste cependant à parcourir pour proclamer le retour de la presse libre et indépendante au Brésil : le pays occupe toujours la 110ème place du classement RSF, et continue d’attenter à la vie des journalistes. Reste à savoir si l’observatoire des violences contre la presse permettra bientôt de protéger les reporters et consolider la liberté de la presse.

Maud Baheng Daizey

Sénégal : tentation du « 3e mandat » en embuscade ?

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France

A dix mois de la présidentielle, l’année prochaine, le Sénégal est en ébullition. La tension se cristallise autour de la question ayant trait au « troisième mandat » du président Macky Sall.

L’histoire se répète, car le même problème s’est posé en 2011, quand le président Abdoulaye Wade, son prédécesseur, s’est avisé de rempiler pour la troisième fois. Après ses deux mandats autorisés. Le drame, c’est que cette entreprise s’accompagne toujours d’un bain de sang.

La notion de « troisième mandat » n’est pas un phénomène politique typique du Sénégal.

C’est une formule qui fait florès en Afrique, puisque au moins quatre autres présidents, auparavant, ont adopté la même ligne de conduite afin d’assouvir leur soif du pouvoir : le Burundais, Pierre Nkurunziza, en 2015, le Congolais Joseph Kabila, en 2016, le Guinéen Alpha Condé, en 2019 et l’Ivoirien Alassane Ouattara, en 2020.

Si seul Kabila n’est pas parvenu à ses fins, son échec autant que la réussite de ses trois compères ont été éclaboussés sang.

Partout dans le monde, le pouvoir attire et se dispute, mais le concept de « troisième mandat » semble une spécificité africaine.

Qu’en est-il ? Il s’agit tout simplement du non-respect des termes de la Constitution. Ce fait est comme l’arbre qui cache la forêt, sous lequel s’entremêlent plusieurs éléments associés, opposés aux principes de la démocratie classique.

De tous, domine l’idée de « chefferie » ou l’image de chef coutumier omnipotent, super intelligent et irremplaçable.

« Trop de pays restent à la merci de satrapes dont l’objectif unique est de rester au pouvoir à vie », explique le philosophe et écrivain Achille Mbembe. De là, à truquer les élections ou à modifier les Constitutions, pour gagner en longévité, il n’y a qu’un pas.

En faut-il plus pour établir un lien avec la situation qui prévaut actuellement au Sénégal ? Le président Macky Sall, qui arrive à la fin son deuxième et dernier mandat, en février prochain, ne semble pas vouloir s’en aller. Mais, il ne se prononce pas.

Un troisième mandat illégitime

Dans ce déni des règles démocratiques supposé, on y note la ruse, le refuge au juridisme ainsi que le recours à la brutalité aveugle.

Eléments relevés au Burundi, en RD Congo, en Côte-d’Ivoire et en Guinée, comme dispositif préparant le passage à l’acte. Surtout, dans cette façon de taire les intentions et, de ce fait, de faire tourner l’opinion en bourrique… Abdoulaye Wade a également pratiqué ces méthodes.

Là, c’est le côté pile. Or, sur l’autre versant, le décor a toujours été à la contestation véhémente. A travers un bras de fer sanglant engagé entre pouvoir, d’une part, et partis d’opposition, de l’autre.

Demain, le même scénario risque de se répéter, au Sénégal, si le président Macky Sall persiste à présenter sa candidature. En effet, depuis dimanche 16 avril s’est mise en place une coalition dénommée « M 24 », comprenant partis politiques d’opposition, société civile et syndicats, en vue de se mettre sur la route du chef de l’Etat.

Elle projette l’organisation d’une première manifestation monstre, le 12 mai prochain. Ce sera alors un véritable test pour elle.

Enfin, on en est là qu’aux simples hypothèses. L’année 2023 continue encore son cours. Rien n’empêche que la situation bascule du côté du bon droit. Quoi qu’il en soit, le cas du Sénégal interpelle, car ce pays constitue l’une des vitrines de la démocratie, en Afrique. Avec coups d’Etat : zéro.

GUINEE CONAKRY – La liberté de la presse attaquée

Pour avoir diffusé les opérations de dépouillement de vote en direct (dans un contexte de fraude massive), la Haute Autorité de la Communication a suspendu le site d’information Guinéematin.com pour un mois. C’est une décision lue dimanche soir sur les ondes des médias d’État. Le fondateur du site, dans une interview accordée à l’émission les grandes gueules ce matin de mardi 20 octobre, indique que la décision ne lui a même pas été notifiée !

C’est par les réseaux sociaux que j’ai appris la suspension de mon site alors que mes reporters étaient encore sur le terrain. J’ai demandé à Ahamed, un ami qui est commissaire de la HAC, quelle loi interdisait à mon média de diffuser sur notre page Facebook en direct le dépouillement des bulletins de vote ? Personne n’a su me donner la réponse ! Mon avocat m’indique que la loi n’interdit pas au site de diffuser en direct le dépouillement.” 

Plus grave, cette décision émane d’un ancien journaliste chevronné devenu président de la HAC, Boubacar Yacine Diallo. Il est le fondateur de la radio horizon FM et il fut le président de l’urtelgui, l’union des radios et télévisions guinéenne. Puis il a bénéficié d’un décret présidentiel le nommant président de la HAC.

Et c’est un effet de mode qui se diffuse en Guinée Conakry. Avant 2020, ce poste de la HAC était un poste électif, donc soumis à un eélection. Dorénavant c’est un poste attribué par le pouvoir. Le pouvoir exécutif s’empare de toutes les instances électives en transformant les modes de désignations par décrets. Ce qui permet à l’exécutif de décider à la place du peuple.

Alors que la Guinée Conakry a reculé de trois points sur le baromètre de la liberté de la presse l’année dernière, passant de la la place 107 à 110, les médias privés continuent d’être la cible du pouvoir exécutif de Conakry. Aujourd’hui, c’est au tour du fondateur du site guinéemat.com de faire l’objet d’un acharnement de la part de l’État. Qui sera le prochain victime de l’injustice médiatique ?

Nous profitons de cette tribune pour saluer et encourager nos confrères de Guinée Matin. Informer les citoyens en ces lendemains d’élection contribuent à la démocratie.

D’autres articles

GUINEE CONAKRY – Au lendemain des élections présidentielles, le chaos

Ils avaient 13, 14 et 18 ans. Tués par balle alors qu’il fêtait la supposée victoire de leur candidat à la présidentielle, l’armée n’a pas fait dans la demi-mesure. Ces règlements de comptes ne sont pas isolés. Tout porte à croire que des fraudes ont eu lieu un peu partout en Guinée lors de cette élection qualifiée d’illégale, puisque le Président sortant a modifié la Constitution unilatéralement pour se présenter à un 3ème mandat. 

Le 18 octobre 2020, l’élection présidentielle a tourné à la fraude électorale à ciel ouvert. Des preuves vidéos confirment ces soupçons. 

Se faire élire par des armes, plutôt que par des urnes 

Dans les fiefs du parti au pouvoir, notamment à Kankan, des militants épaulés par les forces de sécurité ont fraudé sans vergogne pour espérer faire gagner l’élection. Une première vidéo montre un agent de sécurité prendre plusieurs bulletins de vote pour les remettre à une seule personne qui part s’isoler pour voter. Tout porte à croire que cet électeur y va pour ajouter illégalement des votes au candidat Président Alpha Condé dans son fief à Kankan. 

Une deuxième vidéo montre un membre du bureau de vote confortablement assis. Il coche plusieurs bulletins de vote désignant Alpha Condé. On entend des personnes autour du fraudeur lui dire de faire vite car un délégué arrive. L’ensemble se passe en langue malinké. Découvrez cette vidéo en cliquant sur ce lien

Autres méthodes utilisées pour faire gagner le candidat, enregistré un nombre de votant supérieur au nombre d’inscrits dans un bureau de vote, malgré la présence de la Cedeao (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) et de l’Union Africaine présentes pour surveiller le bon déroulement du scrutin. En lieu et place du terrain, les surveillants des élections préfèrent se prélasser dans le luxueux confort de leur hôtel. Ils dressent leurs oreilles afin d’écouter les déclarations fallacieuses des Présidents en place qui légitiment les dictatures en Afrique au détriment de l’intelligence des peuples africains qui restent dominés par l’illettrisme. Il s’agit de Cellou Dalein Diallo. 

Selon le site Tribune Ouest, bien introduit en Guinée, et qui a pu prendre connaissance des premières estimations à la sortie des urnes, Alpha Condé aurait perdu le vote des Malinkés en Haute-Guinée, son fief historique, ainsi que celui des Soussous en Basse-Guinée. 

Cedeao et Union africaine: des organisations qui ont pour but de conforter les dictateurs en place grâce aux fraudes lors des élections démocratiques 

Pour se maintenir au pouvoir, le Président en place et candidat Alpha Condé n’a d’autre choix que d’utiliser la fraude. Avec ses acolytes de la Cedeao, il sait que la CENI (Commission électorale nationale indépendante) va valider les résultats. En Afrique, les immenses défaites stratégiques peuvent être sans conséquence. Par exemple, c’est bien la Cedeao et l’Union Africaine qui se pavanait au Mali, faisant croire que le Président élu était légitime, qu’il n’y avait pas eu aucune fraude. Quelques jours après ces élections, l’ampleur de la fraude ne faisait aucun doute. Le peuple malien décidant sans aide de renverser l’usurpateur avec l’aide de l’armée. 

Ces deux instances sont là pour légitimer aux yeux du monde les élections organisées par des dictatures. Elles permettent la mise en place des basses besognes du pouvoir qui se servent de la démocratie comme d’un jouet. Le mois prochain, ce sera au tour de la Côte d’Ivoire d’aller voter pour leur président. 

C’est à nouveau la Cedeo qui encadrera ces élections. Prenant goût aux jeux de pouvoir, ils n’hésitent pas à intervenir dans le processus des élections pour soutenir le dictateur en place ! Non seulement, la Cedeao condamne sans réserve l’opposition ivoirienne à bout de nerf et proche de la désobéissance civile depuis qu’ils ont appelé, ce qui est leur droit, au boycott de l’élection présidentielle. Fait aggravant, l’Union Africaine et la Cedeo ne se sont pas gênées par la violation constitutionnelle qui comme en Guinée Conakry a été transformé pour permettre un troisième mandat au dictateur en place, en l’occurrence Alssane Ouattara. 

En Guinée Conakry, on compte les morts 

En Guinée Conakry, l’opposant charismatique Cellou Dalein partant de son expérience, s’est auto-déclaré vainqueur de l’élection. Il s’est basé sur les procès-verbaux à la sortie des urnes. La liesse populaire s’est alors emparée de Conakry, les rues se sont remplies et la ferveur était à la hauteur de l’attente d’une fin de règne souhaité par la population. Ces scènes ont également eu lieu en Guinée forestière, en Moyenne et en Basse Guinée. 

À Conakry, les forces de sécurité à la botte du pouvoir, ont tué dans la soirée du 19 octobre 2020 trois jeunes élèves selon un communiqué du parti UFDG de Cellou Dalein Diallo. Il s’agit de Thierno Nassirou Sylla, 13 ans, Mamadou Saîdou Diallo, 14 ans et Abdoulaye Diombo Diallo, 18 ans. 

Que s’est passera-t-il dans les prochains jours en guinée ? La CENI confirmera-t-elle les résultats des urnes ? Ou cautionnera-t-elle les fraudes en proclamant le candidat du RPG illégal ? Le chaos menace la Guinée Conakry.

D’autres articles

GUINEE CONAKRY – L’élection présidentielle réveille la haine ethnique

Après une campagne électorale marquée par un regain de violences dans les fiefs de l’opposition et du parti au pouvoir, dont un mort à Conakry, environ cinq millions d’électeurs sont appelés à voter ce dimanche 18 octobre 2020. Les guinéens éliront à nouveau un homme ou une femme qui prendra les destinées des 12 à 13 millions d’habitants durant les cinq prochaines années. Plus exactement, ce sera cinq ou six ans. Cinq si l’on respecte la constitution légitime. Il faut en revanche ajouter une année supplméentaire selon la nouvelle constitution controversée adopté dans des conditions ubuesques.

En lice, 12 candidats (dont deux femmes) pour un seul fauteuil. Les projecteurs seront tournés vers le président sortant, candidat à sa propre succession. Candidature illégale puisque la Constitution de 2010 empêche l’exercice du troisième mandat. 


C’est dans ces violences que Mamadou Saïdou Diallo, 14 ans, élève en classe de 8ème année, a été tué.


Un challenger est également à surveiller: Cellou Dalen Diallo, ancien premier ministre de Lansana Conté. Le rififi a lieu principalement entre ces deux candidats. Rififi le mot est tendre, car leur chamaillerie tue des guinéens, en traumatisent d’autres et font bruler la flamme de la haine. 

Le parti au pouvoir chahuté par la foule

Mardi 29 septembre 2020 vers 15h30, une prétendue attaque attribuée aux militants du principal opposant Cellou Dalen Diallo a peut-être eu lieu après le meeting tenu par Ibrahima Kassory Fofana, premier ministre et directeur de campagne d’Alpha Condé (le Président en exercice).

Cette scène s’est déroulée au stade Elhadj Saîfoulaye à Labé, situé dans le quartier Konkolah. Alors que le premier ministre quittait les lieux, sa délégation a subi une attaque violente par plusieurs individus incontrôlés. Conséquence, sept véhicules ont été caillassés et l’une des voitures s’est encastrée contre un mur en cherchant à éviter les casseurs.

Voici la version officielle du gouvernement de Guinée Conakry: «Mardi, 29 septembre 2020 – C’est avec une grande amertume que le Gouvernement apprend l’attaque dont a été l’objet le cortège de son Excellence Ibrahima Kassory Fofana, Premier Ministre de la République de Guinée et Directeur de campagne du candidat du RPG Arc en ciel».

Cette version a été fortement nuancée par le représentant de l’Etat dans la région, le préfet de Labé, Elhadj Safioulaye Bah. Dans l’émission les GG sur les ondes Espace FM de Guinée Conakry, le préfet s’est très clairement exprimé:

«Le premier ministre n’était nullement ciblé. Depuis le matin, dès 8 heures, la population s’est rassemblée au stade. Une forte animation et beaucoup de personnes y étaient. L’événement s’est très bien passé, jusqu’au départ. C’est là que les jets de pierres ont eu lieu, uniquement à la fin du cortège. Je ne dirai même pas le mot «cortège» car il n’y avait quelques véhicules. Le véhicule de notre premier ministre n’a pas été atteint. A priori, il n’était pas visé. Il faudrait que cela se sache !»

Le préfet ose continuer: «Il y a des personnes qui sont incontrôlées, peut-être qu’ils ont eu des promesses qui n’ont pas été tenues et qu’ils ont réagi en fonction de cela. En tous les cas, s’il s’agissait d’un sabotage, dès le matin, ils auraient saboté cela. Nous avons ouvert une enquête pour essayer de trouver ceux qui sont auteurs des jets de pierres et les raisons qui les ont amenés à faire cela

Le parti d’opposition ethniquement pris à partie

Ce dimanche 11 octobre, c’est le cortège de l’opposant, leader de L’UFDG, Cellou Dalein Diallo qui a été attaqué à Kankan, fief du pouvoir traditionnel d’Alpha Condé.

L’accès à la ville a été bloqué dimanche par un groupe de militants «RPG ARC en Ciel». Ces jeunes ont barricadé l’entrée principale de Kankan par des troncs d’arbres entrecoupés et entreposés ça-et-là sur la chaussée.

Le cortège de Cellou Dalein Diallo a décidé finalement de rebrousser chemin pour éviter des affrontements. Mais cette fuite n’a pas suffi et ce qui s’en suit est anormal, surtout si l’on précise que toutes les violences dont nous allons vous parler ont eu lieu alors que le « Ministre de la défense nationale » et le « Ministre de l’administration du territoire et des affaires politiques » sont tous les deux présents à Kankan.

Mais leur présence n’a en rien dissuadé ou gêné les loubards. En effet, les jeunes du RPG ne se sont pas limités à bloquer le cortège du Président de l’UFDG. Ces racailles s’en sont pris (encore !) aux militants massivement mobilisés pour accueillir leur leader.

Beaucoup d’entre eux ont été bastonnés et blessés. Leurs motos ont été volées ou calcinées. Mais pas que. Les boutiques et magasins des commerçants issus de la même communauté ont été pillés et saccagés.

Pourquoi tant de violence ?

Au-delà des luttes de pouvoir, c’est la triste mais logique conséquence des discours à relent ethnique qui fleurissent dans les discours d’hommes politiques guinéens. Qui plus est, des types dangereux car extrémistes bénéficient des largesses du pouvoir. Parmi ces extrémistes, nous devons citer au moins ceux du mouvement RPG (auteur de ces violences) notamment Talibi Dabo de la coordination régionale du RPG, ainsi qu’Oumar Diakité lui-même maire RPG de Kankan, sans oublier Moussa Dian Condé du syndicat des transports. A eux trois, leur haine et leur rage rempliraient tous les fleuves de Guinée Conakry !

Cette haine basée sur l’ethnie est grave. Il faut être sérieux. Tant d’exemples nous montrent à quel point des personnes partageant un même territoire et une même langue, sont capables de rentrer dans une logique de génocide. Nous n’en sommes pas là. Mais la situation ne se limite pas à ces exemples dans les fiefs de chacun, elle s’étend à l’ensemble du territoire de Guinée Conakry.

Par exemple, à Conakry, la capitale guinéenne a été la scène de violents affrontements ce jeudi 8 octobre 2020 faisant un mort. Idem deux jorus plus tard, cette fois à Yattaya Fossidet, dans la commune de Ratoma.

Des accrochages ont éclaté entre des partisans du RPG Arc-en-ciel et de l’UFDG, entraînant un mort et des dégâts matériels, selon nos confrères de Guineematin.com. Plusieurs partisans de l’UFDG quittaient la T6 pour se rendre à Sonfonia, via Yattaya. A l’arrivée de leur cortège à cet endroit, où des partisans du RPG Arc-en-ciel battaient campagne, les choses ont très mal tournées.

Suite aux échanges peu amicaux, les deux camps se sont affrontés à l’aide de jets de pierre. Les opposants du président en place ont pris le dessus sur leurs adversaires. Ils ont saccagé le stand du RPG Arc-en-ciel, installé au niveau de ce rond-point, incendiant le groupe électrogène et les matériaux de sonorisation qui étaient sur les lieux. Après leur passage, certains militants du parti au pouvoir ont mené des représailles, en s’attaquant à des commerces situés dans les alentours et appartenant aux partisans de l’UFDG.

C’est dans ces violences que Mamadou Saïdou Diallo, 14 ans, élève en classe de 8ème année, a été tué.

Élections mis à part, ces violences sont avant tout une tragédie pour toute la Guinée Conakry. Chacun peut penser comme il veut pour analyser le présent, mais quelles seront les suites ? Qu’est-ce qu’il y a après ? Les responsables politiques ne semblent pas se rendre compte ni admettre leur responsabilité dans ce déferlement de haine. Dimanche, l’élection présidentielle aura lieu. En espérant qu’aucun guinéen, qu’il est 14 ans ou plus, ne sera à son tour victime des démons politiques guinéens.

D’autres articles