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Liberté de la presse et démocratie : deux sœurs siamoises

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Elles sont deux, l’une collée à l’autre. Quand on les sépare de force, les deux meurent. Elles sont comme des sœurs siamoises. C’est l’image que certains donnent de la liberté de la presse, par rapport à la démocratie.

La démocratie est un des régimes politiques pour la gouvernance des nations. Dans ce régime, c’est le peuple qui décide, à travers un système de représentation : le président de la République, les députés et sénateurs sont tous élus par le peuple. Ils doivent donc agir au nom des intérêts du peuple.

On parle de démocratie, aux Etats-Unis, en Europe occidentale et dans quelques autres pays comme l’Inde ou Israël (où les élections législatives viennent de donner la victoire au parti de Likoud, la droite israélienne).

Quand il y a absence de démocratie, c’est la dictature qui triomphe. Dans ce cas, les dirigeants conduisent les affaires de l’Etat à leur guise, et toujours de manière égoïste. Ils écrasent les peuples et se mettent, généralement, à piller les biens du patrimoine national. La plupart des pays du continent africain sont victimes de la dictature. L’exemple le plus frappant est celui du Zimbabwe, où le président Mugabe, 91 ans, est au pouvoir depuis 1987 ; soit 38 ans de règne sans partage.

Que le régime politique relève de la démocratie ou de la dictature, il constitue ce que l’on désigne par le mot « Pouvoir ». Celui-ci, généralement, s’oppose à l’exercice total de la liberté de la presse. En France, par exemple, avant même l’invention de l’imprimerie, la monarchie avait soumis la presse à la censure (c’est-à-dire à l’autorisation préalable) sous peine de mort.

La presse (terme générique pour désigner l’ensemble des médias), quant à elle, est le support d’un message, d’une « lettre ouverte », à grande échelle. Elle dénonce les errements des dirigeants. Le premier périodique (titré « Relation ») fut tiré en décembre 1605, à Strasbourg.

D’où l’antagonisme entre les deux réalités. Ce conflit est resté permanent dans une situation de lutte que le Pouvoir mène à l’encontre de la liberté de la presse. Souvent, les journalistes sont interpellés, intimidés et, dans le pire des cas, emprisonnés ou tués.

En démocratie, cette lutte est subtile (cachée). Elle se traduit, le plus souvent, par ce que l’on appelle la « conspiration du silence ». Quand un média déplaît aux dirigeants, on s’arrange « en silence » pour lui porter un coup fatal : lui arracher toutes les ressources publicitaires. Or, sans publicité, un média ne peut vivre. On utilise aussi l’achat de conscience ou le harcèlement judiciaire.

En dictature, par contre, les choses sont faciles. Les dirigeants utilisent, ouvertement, des méthodes fortes : arrestation arbitraire, emprisonnement, torture, assassinat. Les cas d’assassinats les plus connus sont ceux de Norbert Zongo, en 1998 (Burkina Faso), Anna Politkavskaöa, en 2006 (Russie) et Hrant Dink, en 2007 (Turquie).

Il y a donc un lien étroit entre la liberté de la presse et la démocratie pluraliste, car elles partagent en commun le souci de défendre, du moins les libertés individuelles, sinon les droits fondamentaux de la personne humaine.

Si les prédateurs de la liberté de la presse constituent une force, l’ensemble des personnes et des organisations qui agissent pour le triomphe de celle-ci en est une autre. C’est dans ce cadre que l’Onu a institué la « Journée Mondiale de la liberté de la presse », qui a lieu tous les mois de mai.

Jean-Louis Borloo, l’Afrique et l’électricité

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Jean-Louis Borloo

Jean-Louis Borloo

« D’ici à 2025, le continent africain pourra être électrifié, à 100 %. » Et sortir 600 millions d’Africains de l’obscurité. L’idée est de Jean-Louis Borloo, ancien ministre français, sérieux et optimiste. Pourtant, en Afrique, la déclaration a suscité plus de questions dubitatives que d’enthousiasme.

En fait, comment s’y prendre dans cette partie du monde, trois fois plus vaste que l’Europe, où la route, en beaucoup d’endroits, est inexistante ? N’est-ce pas mettre la charrue avant les bœufs que de parler d’électrification, avant que tous les pays du continent ne soient en mesure de communiquer par la route ? Kipling ne disait-il pas que « la civilisation, c’est d’abord la route ? »

Ces questions sont pertinentes. Les pays africains ne sont pas reliés entre eux. Quand vous consultez une carte routière du continent, cette réalité saute aux yeux. Vous y découvrez, plutôt, une « Afrique de blocs » : Maghreb, Afrique Centrale, Afrique de l’Est, Afrique de l’Ouest, et Afrique Australe. Sans liens entre eux. On parlera, alors, d’« intégration régionale », comme solution : un concept global.

D’où, en son temps, la préoccupation des Nations-Unies et des organisations sous-régionales africaines de bâtir un réseau de routes transcontinental, long de 56 683 km. Depuis quelques années, ce projet est sur la table, en attendant un financement. Il comprend quatre axes pour la partie est-ouest et trois axes pour la direction nord-sud. L’axe le plus long est celui qui va de Tripoli (Libye) jusqu’au Cap (Afrique du Sud), soit 10 808 km.

En voici donc une vision traditionnelle, qui prend en compte l’importance de la route, aux dépens de quelques autres infrastructures de base. Cette priorité, qui a assuré la grandeur des empires antiques, l’a fait aussi pour l’Europe préindustrielle. Et, à l’heure de la mondialisation, la route continue de jouer un rôle non moins important pour la prospérité du monde.

Est-il valable de bousculer ce schéma quasi-classique, éprouvé à travers les siècles ? J-L Borloo le pense et s’en explique : « L’électricité n’est pas un sujet comme les autres, c’est un sujet en amont de tous les autres. L’électricité, cela veut dire l’accès à l’eau, c’est aussi la réduction de la déforestation, le développement de l’agriculture, la santé, l’éducation… et un coup de pouce au climat. »

Rien n’est moins vrai !

(source : un.org)

(source : un.org)

Or, on peut en dire autant de la route, car l’aphorisme de Kipling, à notre avis, n’a pas pris une seule ride. Ainsi donc, route ou électricité, pour l’Afrique, ne constitue pas en soi un vrai dilemme. Ce qui nous amène à penser que le mégaprojet du Français (investissement de quelque 200 milliards d’euros), axé sur l’électricité, et le projet de l’Onu – pour le moment, mis en veilleuse – privilégiant la route, peuvent cheminer ensemble.

Quitte à harmoniser les deux projets et à trouver leur financement dans une démarche commune. C’est faisable. Après concertation avec la majorité des pays africains pour connaître leur avis sur le sujet, au lieu d’imposer des solutions.

 

 

Apartheid est-il synonyme de racisme ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Le débat est encore loin d’être clos à propos du mot « apartheid » employé récemment par le Premier ministre Manuel Valls, pour qualifier la situation qui prévaut dans les banlieues. Dans une interview du 7-8 février, accordée à « Ouest-France », portant le titre : « La mixité sociale ? Une solution illusoire », le professeur de sociologie Didier Lapeyronnie en donne sa vision.

Didier Lapeyronnie © PHOTO DESPUJOLS ERIC

Didier Lapeyronnie © PHOTO DESPUJOLS ERIC

Si l’enseignant désapprouve l’usage du terme au sens strict, il ne nie pas qu’il y a en France « des formes de ségrégation sociale et raciale. » Il en conclut, en affirmant qu’ « il y a une cécité française sur les réalités sociales. »

Dans sa plaidoirie, il démontre : « Quand les gens sont discriminés pour des raisons de pauvreté, ils finissent par organiser une sorte de contre-monde. » En cela, le professeur me donne à penser aux mouvements altermondialistes qui s’opposent avec véhémence aux Forums de Davos, en Suisse. D’un côté, les nantis qui s’organisent pour défendre leurs acquis afin de s’enrichir davantage ; de l’autre, les déshérités, écrasés, qui affûtent leurs réflexes de survie.

En France, ce combat est réel. Il ne s’y traduit pas seulement en termes matérialistes, mais aussi par la différence de couleur de peau que l’on désigne par le mot « racisme ». Un « gros mot » que tout le monde évite subtilement de prononcer… puisque il est grossier, par essence. A la place, on préfère utiliser un « euphémisme » élégant. Pourtant, Camus pensait que « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. » Un chat, c’est un chat.

Le professeur Lapeyronnie n’a pas dérogé à la règle. Pour contourner la difficulté, il a plutôt employé l’expression « ségrégation raciale » qui, sur le plan sémantique, fait glisser le sens en l’atténuant. Mais la formule qu’il propose, en guise de solution, est sans équivoque. N’épousant pas la thèse de la « mixité sociale », l’enseignant affirme : « Si on ne peut pas vivre ensemble dans le même quartier, on peut le faire dans une même société .» N’est-ce pas là de l’ « apartheid ? »

raaQu’est-ce que l’ « apartheid », sinon le fait de séparer les races dans leur espace résidentiel ? Le modèle est sud-africain : Blancs d’un côté, Noirs, Indiens et métis de l’autre. En France, Blancs d’un côté, Noirs, Arabes, et Blancs pauvres (assimilés), de l’autre…selon la proposition du professeur sociologue. C’est bonnet blanc et blanc bonnet.

La solution n’est pas dans la « séparation », mais plutôt dans l’ « élimination » des préjugés. C’est le poison. La solution est dans l’unité tant mentale que dans celle qui rapproche les gens dans la vie pratique de tous les jours, où les inégalités sont atténuées. Or, « Il est plus facile de désagréger un atome qu’un préjugé », disait Einstein. Mais, tout est possible, à travers l’éducation et la volonté de fraterniser … si un jour, la France des « Lumières » le veut.

Terrorisme : Boko Haram pris en chasse ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

L’Afrique, à travers l’Union africaine (UA), vient de décider de neutraliser la secte islamiste Boko Haram. Né, au nord-est du Nigeria, en 2000, ce monstre a déjà massacré, depuis 2009, plus de 13 000 personnes. Non sans ambitionner, à l’heure qu’il est, d’étendre son influence dans les pays voisins du Nigeria. Et, partant, de propager son idéologie de terreur, à travers les zones sahéliennes et de l’Afrique centrale.

Il s’agit du Cameroun, déjà atteint dans ses provinces de l’extrême nord, par quelques incursions sanglantes début janvier ainsi que du Niger et du Tchad. D’où l’urgence pour les chefs d’Etat des pays africains, réunis fin janvier pour le 24e sommet de l’organisation à Addis Abeba, en Ethiopie, de braver les élans de la secte, mieux, de la décapiter.

Mais, quelque salvatrice soit-elle, la décision de l’UA est arrivée sur le tard, car depuis plusieurs années, Boko Haram n’a eu de cesse d’ameuter le Nigeria et la communauté internationale, en perpétrant massacres, viols collectifs et rapts de masse nauséeux. Souvent sans susciter l’émoi public, à l’aune du crime, ni au Nigeria ni en Afrique !

(Source : bbc.co.uk)

(Source : bbc.co.uk)

C’est devant cette incurie que Boko Haram s’est épanoui, après avoir pris des racines dans les Etats nordiques de Yobe et de Borno, et s’être ravitaillé en hommes, à travers la pauvreté et l’illettrisme, terreau des candidats à la violence. Il convient de signaler que dans ces régions du Nigeria, 60 % des populations vivent avec moins de deux euros par jour, alors que 83 % des jeunes, de 5 ans à 15 ans, sont totalement illettrés.

Pain béni pour Abubakar Shekau, leader actuel du groupe ? En partie, car la secte terroriste qui ne comptait, au départ, que quelques centaines de membres (éparpillés), totalise, pour le moment, quelque 30 000 combattants (sous un commandement unique). De fait, c’est, aujourd’hui, une armée solide, prête à engager des batailles décisives… et à engranger des victoires contre un ennemi sans envergure.

Des hélicoptères tchadiens Mi-8 à Fotokol au Cameroun, le 1er février 2015 après une opération dans les environs de Gamboru, au Nigeria. AFP PHOTO / STEPHANE YAS

D’où la pertinence de quelques questions que soulève l’analyse sur l’engagement militaire des pays africains contre Boko Haram. Nombreux sont ceux qui estiment irréaliste la proposition de l’Union africaine d’engager une force de 7 500 hommes, face à la puissante secte nigériane. Le deuxième couac se rapporte à la « thèse souverainiste » du Nigeria, qui rejette toute idée de « solution internationalisée ». Enfin, l’issue des élections prévues le 14 février…. Si Jonathan Goodluck n’est pas réélu, il faudra attendre de connaître la perception du nouveau président sur le problème posé.

Comme quoi, le projet d’une force africaine contre Boko Haram reste encore à affiner ! Mais, en attendant, peut-être avec l’accord tacite des autorités nigérianes, le Tchad a décidé de faire cavalier seul. Depuis début février, l’aviation tchadienne bombarde les positions de la secte islamiste, qui tentait de s’emparer de la ville de Maiduguri, au nord du Nigeria.

Est-ce le début des solutions africaines aux problèmes africains ? That is the question…comme disent les Anglo-saxons.

« Charlie Hebdo » : des leçons pour tous ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Le 7 janvier, le terrorisme islamiste a frappé « Charlie Hebdo » et tué plusieurs personnes. Jamais journal n’avait encaissé pareil coup, décimant presque tous les membres de sa rédaction. En cause, le sacré, pour les tueurs, et la foi dans les principes démocratiques, pour les victimes. Ne se retrouve-t-on pas, ici, devant un véritable dilemme ?

JesuisCharlie photo Muzaffar Salman (4)La France est démocratique. La mobilisation, en un tournemain, de quelque quatre millions de manifestants, en est une preuve indéniable. C’était autant exemplaire que le fait odieux lui-même, à l’origine d’une telle effervescence. De toute manière, les choses ne se seraient pas passées autrement dans ce pays, héritier présomptif de l’esprit des Lumières, quand la liberté d’expression, une des valeurs républicaines fondamentales, était violemment heurtée.

Ainsi, ces valeurs étaient-elles inscrites dans le cœur des victimes de « Charlie Hebdo », car elles étaient le produit de la France de Voltaire et de Montesquieu. En toute circonstance, en France, cette « dimensions » doit être prise en compte.

L’autre « dimension » relève du sacré. Un domaine dont la complexité va jusqu’à l’infini. D’où cette locution latine « credo quia absurdum », qui veut dire « je crois, parce que c’est absurde ». Pour l’islam, la reproduction de l’image du prophète Mahomet est un blasphème. On n’y touche pas. C’est comme cela, tandis que dans l’Eglise catholique, « Dieu-Le Père » est représenté à travers un vieillard richement barbu. Sans dommage. Tout est donc question de foi de chacun.

Or, quelques journaux occidentaux, dont « Charlie Hebdo », forts du principe de la liberté d’expression, garanti par des textes fondamentaux, avaient reproduit l’image du prophète en caricature. Touchant hardiment au sacré pour près de deux milliards de musulmans. C’est une autre « dimension » non négligeable. Même si celle-ci se retrouve gangrenée, par l’islamisme, qui « tue au nom de Dieu » et pense au rétablissement de califats anachroniques.

Ces deux « dimensions », malgré tout, ne se devaient-elles pas un respect mutuel ? En visite aux Philippines, le pape François n’a pas dit autre chose.

Enfin, la phase des « réactions en chaîne », en guise de conséquences, à laquelle on assiste, est faite de sang, de revanche et d’incompréhension. Et si cette dernière persiste, elle débouchera sur un cercle vicieux, avec la probabilité de cheminer vers une forme de vendetta, autrement dit ce « choc des civilisations » dont on parle.

La situation appelle donc à résoudre ce dilemme, tout cornélien, en observant la modération. Dans tous les cas, c’est la règle d’or. Car, on sait que dans les démocraties occidentales, la notion de liberté n’est pas sans limite (il y va souvent de l’autocensure), tout comme on ne peut pas exclure la notion de retenue face au sacré, car si Dieu lui-même n’était modéré, il ne serait pas Dieu. L’Afrique doit en tirer aussi des leçons : garder la « mesure », en toute chose. Détruire et tuer flirtent avec l’extrémisme. Comme c’est le cas, aujourd’hui, au Niger.

Rukaya a été capturée avec ses deux enfants, dont un nourrisson de neuf mois. RFI/ Nicolas Champeaux

Rukaya a été capturée avec ses deux enfants, dont un nourrisson de neuf mois.
RFI/ Nicolas Champeaux

Le Burkina, l’Afrique et l’an 2015

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Comme d’habitude, en 2014, l’Afrique a croulé sous le poids de ses maux : dictature, corruption, coteries, absence criante d’idéal d’excellence, etc. Mais, en novembre, le Burkina Faso s’en est offusqué et a manifesté sa colère. Pour une fois, la pression de la rue a fait tomber un dictateur, Blaise Compaoré, au pouvoir pendant 28 ans. Est-ce un signe positif pour 2015 ?

Burkina Faso (source : la-croix.com)

Burkina Faso (source : la-croix.com)

Mobutu-KedhafiUn retour rapide sur quelques événements, à travers le continent, nous place devant un terrible paradoxe. Citons-en deux, à titre d’exemple : l’après-Mobutu, en République démocratique du Congo, et l’après-Kadhafi, en Libye. La chute de ces deux despotes, renversés par les armes, ont conduit au déluge, plutôt qu’aux effets escomptés : la démocratie. Depuis, les guerres n’ont cessé au Congo, tandis que la Libye se délite, chaque jour, à l’œil nu.

Or, les institutions instaurées par Compaoré n’étaient en rien différentes de celles qui étaient établies hier ou qui sont encore en place aujourd’hui, presque partout : une sorte de despotisme éclairé, à l’« africaine », avec l’existence d’une opposition et d’un parlement bidons, à la coupe du pouvoir. Le mal est qu’au fil des années, cette idéologie avait fini par se cristalliser et devenir un « principe normal » de la vie politique, toléré, et même accepté – au bas mot – par les peuples. Au point que Congolais et Libyens ne manquent pas, aujourd’hui, de regretter les régimes autoritaires.

constitutionLe Burkina Faso échappera-t-il à ce schéma ? Réponse à la normande, tant que l’autocratie sera encore vue, en Afrique, comme un « phénomène de société ». C’est la racine du mal, dont le spectre se profile à l’horizon 2015. En cette année, des élections vont se dérouler dans plusieurs pays. Les chefs d’Etat d’une dizaine d’entre eux se  proposent de modifier les Constitutions pour leur permettre de rempiler. Il s’agit de la République démocratique du Congo, du Burundi, du Rwanda, du Bénin, pour ne citer que ceux-là.

A en décrypter leur attitude, il est clair que ces chefs d’Etat, malgré le cas à tonalité pédagogique du Burkina Faso, sont décidés d’aller jusqu’au bout de leurs ambitions. Au Rwanda, par exemple, les milieux officiels croient dur comme fer que la « démocratie à la rwandaise » n’a de leçons à recevoir de personne. Comment, dans cette hypothèse, envisager l’avenir politique du continent avec optimisme,  sans y voir de beaux désordres, en perspective ?

Pourtant, c’est la politique qui commande l’économie et le reste. Le pays de Mandela, un des géants économiques de l’Afrique, nous en donne un exemple patent. Depuis le glissement de la politique dans le népotisme et la corruption, l’économie sud-africaine est à la traîne. Le taux de croissance pour 2014, selon les prévisions, doit graviter autour de – 0,6 %. Un bilan très négatif.

D’où l’éclipse sur 2015. Même si, avec l’espoir que le taux global de croissance du continent dépasse, en 2014, les 7 % réalisés en 2013. Car, des résultats statistiques à la jouissance du pactole, il y a toujours loin de la coupe aux lèvres.

Afrique : La Tunisie se détache du lot

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Parmi les trois pays impliqués dans le « Printemps arabe », seule la Tunisie a tiré son épingle du jeu. En témoigne l’élection, lundi 22 décembre, de Béji Caïd Essebsi, du parti laïc « Nidaa Tounès ». Avec 55,68 % des voix. Et cela, après quatre ans d’une transition relativement apaisée.

Béji Caïd Essebsi (Source : AFP / humanite.fr )

Béji Caïd Essebsi (Source : humanite.fr )

C’est le premier président démocratiquement élu, depuis 1956, date de l’indépendance du pays. Sans contestations de la part de l’opposition. Un des cas rares à rapporter dans les annales de la politique africaine. Pourtant, la voie empruntée par la Tunisie pour parvenir à ce bon résultat n’était pas pavée de roses. Mais elle a tenu bon, les yeux fixés sur l’objectif à atteindre : la réalisation de la démocratie.

Dès le départ, la Tunisie s’est détachée du lot, par une sorte de pragmatisme politique, qui a su maintenir intacte la cohésion nationale. Les deux grandes tendances religieuse et laïque, déclinées en partis politiques, ne se sont pas regardées en chiens de faïence. En dépit de quelques accrochages parfois entachés de sang. Ceci a permis de mettre en œuvre tout le processus de démocratisation, du projet de la Constitution, à l’élection présidentielle, en passant par les législatives. Un véritable parcours du combattant ! Quitte à consolider ce précieux acquis, dans la paix, en vue d’engager le pays sur la voie du développement.

Une « nouvelle Tunisie »

Si, en Tunisie, des voix discordantes se sont élevées pour décrier l’âge très avancé (88 ans) du nouveau président ainsi que son passé, en tant qu’acteur au sein d’anciens régimes autocratiques de Bourguiba et de Ben Ali, celui-ci ne semble s’en tenir qu’ à sa promesse de campagne : offrir aux Tunisiens une « nouvelle Tunisie ».

Où seraient donc passés les deux autres pays, compagnons du « Printemps arabe », à savoir l’Egypte et la Libye ? La première, presque à la hussarde, a retrouvé ses anciennes amours : la dictature militaire : après avoir éliminé, avec une rare férocité, « Les Frères musulmans » et après s’être fait élire président, « à l’africaine ». Une véritable chienlit. De son côté, à la peine, la Libye est en train d’agoniser. Sous le feu allumé par des factions armées pour le contrôle du pétrole… sans compter d’autres objectifs cachés.

Dans les autres pays

Pour sa part, l’Algérie continue d’être gouvernée par un homme malade et sénile, par la volonté d’une caste, chevillée au pouvoir. Erigée en principe d’Etat entre Arabes et Négro-Africains, la discrimination divise les Mauritaniens. La paix sociale y est relative. Sans parler d’élections souvent contestables.
Quant à l’Afrique subsaharienne, elle n’a cessé de défrayer la chronique. En mal. Avec, en tête d’affiche, les guerres ethniques, la famine, les maladies… en permanence… Et, pour l’heure, l’amendement constitutionnel pour le maintien des dictateurs au pouvoir. Osera-t-elle, cette Afrique, lever les yeux, vers le Nord, pour contempler la levée du soleil démocratique qui éclaire déjà le visage de la Tunisie ? Pas sûr, étant donné l’ego de la plupart de ses dirigeants.

Le cas de la Tunisie, à plus d’un titre, devrait interpeller l’Afrique. Pour une sévère autocritique.