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RD Congo: Kabila est-il le dindon de la farce ?

Dans l’un de nos nombreux articles consacrés au capharnaüm politique qu’est la RD Congo, nous le disions clairement: «Entre Kabila et Tshisekedi, il y a un dindon de la farce». Cette expression métaphorique, dotée d’une pointe d’humour, signifie «se faire duper, se faire rouler…». Elle prend corps avec force, surtout, dans le cas de l’accord passé entre deux personnes.

Il s’agit ici en l’espèce du «deal» conclu entre Kabila et Tshisekedi.

Ce jour-là, après certainement des longs entretiens pour évaluer les avantages de l’un et de l’autre, les deux interlocuteurs ont conclu leur accord (verbal ou écrit, peu importe) sur le partage du pouvoir.

Voici, grosso-modo, les termes de l’accord: Tshisekedi, président de la République, devant marcher uniquement sur les tapis rouges à l’extérieur, et Kabila, vrai maître des horloges, devant rester caché…

Malheureusement, il ne l’a fait que sous un voile très transparent. Il ne pouvait en être autrement pour ce dernier dont le pouvoir est l’unique raison de la vie. Qu’est-ce qui s’était réellement passé au moment précis du paraphe? Kabila se disait certainement: «Je l’ai eu, ce nigaud. Je les avais tous eus pour le poste de Premier ministre». Pour sa part, Tshisekedi se frottait les mains en se disant: «Je l’ai eu, ce petit ‘Rwandais’. En tant que Président de la République, je finirai par l’étouffer».

C’est le scénario classique dans un marché de dupes. Chacun croyant avoir trompé l’autre, alors qu’en fin de compte, il y a toujours entre les deux un «dindon de la farce».

Il y a en cela la logique qui veut qu’il y ait un perdant et un gagnant. On ne peut gagner à la fois tous les deux, tout comme on ne peut perdre à la fois tous les deux. Même en foot, il n’y a pas véritablement de match nul. Il y a toujours un gagnant, ne serait-ce qu’en termes du nombre de corners réalisés ou à travers le temps de la possession du ballon…

«Nous allons fouiner…»

Fabien Kusuanika de Télé Tshangu, émettant à partir de Belgique, n’a eu de cesse de proclamer que «le temps est le meilleur allié de la vérité». Il en a fait son credo. Nous voici arrivés au moment que tout le monde attendait de pied ferme, parce que tout le monde savait qu’il en serait ainsi. Parce que tout le monde, du moins toux ceux qui avaient fait un effort pour épouser l’impartialité (neuf dixième du peuple congolais), savait que le deal Kabila-Tshisekedi devait connaître une fin météorique.

Au fond, on attendait que la vérité éclate. Celle-ci a été brutalement jetée sur la place publique. Plus besoin de chercher le bout de papier sur lequel on trouverait les paraphes des deux signataires.

Car, un camp a dit, publiquement: «Nous allons fouiner… (sous-entendu, dans les crimes de sang et économiques que vous avez commis pendant vingt-deux ans de règne dictatorial)».

L’autre a rétorqué, publiquement: «Nous allons fouiner à la CENI et à la Cour Constitutionnelle… (sous-entendu, vous n’avez pas gagné les élections, nous vous avons plutôt ‘nommé’ au poste de Président de la République)».

Les choses ne pouvaient pas être plus claires. La Cour Constitutionnelle devrait normalement se saisir de cette affaire, qui a tous les accents d’une haute trahison.

Mais, en attendant, qui de Kabila et de Tshisekedi dans ce jeu de cache-cache est le dindon de la farce ?

«A malin, malin et demi», Tshisekedi l’a été, en ayant réussi à briser le rêve de Kabila, qui croyait dur comme fer que la formule russe «Poutine-Medvedev» passerait au Congo comme une lettre à la poste.

Le «raïs» Kabila a été joliment roulé dans la farine. Dans ce cas précis, c’est lui le dindon de la farce. Avec un bonnet d’âne. En plus.

Une retraite dorée

Et après ? Certes, ce n‘est pas encore la fin de l’histoire. Mais c’est déjà un bon début, qui permettra de trouver une issue à l’imbroglio qui affecte gravement la sphère politique congolaise.

Il n’y a pas trente-six solutions pour cela: Kabila doit accepter de «libérer» le pays, en prenant sa retraite par ailleurs dorée. Puis, que la classe politique procèdera à une mise à plat, dont l’objectif sera de retourner aux urnes après une période de transition acceptée plus ou moins par tous.

Une transition qui implique des réformes pour des élections dignes de la démocratie. Avec une personnalité idoine à sa tête, sans étiquette politique. Qu’on se souvienne d’Emile Zola qui disait: «Une société n’est forte que lorsqu’elle met la vérité sous la grande lumière du soleil»

A Kabila et à Tshisekedi de s’y appliquer pour le bonheur du peuple congolais, ce souffre-douleur depuis des décennies.

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France

D’autres articles de Jean-Jules LEMA LANDU

Qui a peur des élections… en République Démocratique du Congo ?

[ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE]”C’est pourquoi on empêche ce Fayulu-là de parler, à travers son porte-voix ? On a peur de lui ou quoi ?”, m’a demandé mon petit-fils, âgé de 7 ans, en regardant la télévision. Devant mon silence, il a pris l’initiative de répondre lui-même à sa question : “C’est Kabila qui a donc peur…”. Vérité limpide d’enfant !

RDC : Entre les deux camps, à qui la faute ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Le train de la transition, pour atteindre le cap des élections prévues fin 2017, est toujours hors des rails. Et pour cause. Plus par la persistance des manœuvres dilatoires entretenues par le camp présidentiel que la réalité des ambitions marquée par les leaders de l’opposition. Au point que la communauté internationale et nombre d’observateurs commencent à y voir déjà un « jeu puéril » de mauvais goût.

Rat-race (Course au pouvoir), Chéri CHERIN, 2007 ©horvath.members.1012.at

En témoigne la nomination, à la hussarde, de Bruno Tshibala, le 8 avril, au poste de Premier ministre. En dehors de l’esprit et de la lettre des accords de la Saint Sylvestre (31 décembre 2016). Ainsi, aussitôt nommé, aussitôt contesté. Nommé, puisque étant radié du Rassemblement (coalition de l’opposition), celui-ci constituait pour le régime en place une nouvelle occasion de « diviser pour régner ». Il en était d’ailleurs ainsi de la nomination, en novembre 2016, de Samy Badibanga – encore un autre exclu de l’opposition.

Puéril ! Puisque la manœuvre est cousue de fil blanc ! L’Union européenne, la France et la Belgique ont ouvertement parlé de « manœuvres politiques dangereuses », avec à la clé des menaces. L’Eglise Catholique n’a pas été en reste. Par le biais du cardinal Laurent Monsengwo, archevêque de Kinshasa, celui-ci a comparé la classe politique de son pays à Judas Iscariote. Quant à la nouvelle administration des Etats-Unis, qualifiée, à tort, d’indifférente face à la politique africaine, elle s’est montrée plutôt plus musclée. Nikki Aley, sa représente à l’Onu, a accusé crûment le régime de Kinshasa d’être « corrompu ».

Suffisant pour démontrer que le chemin emprunté par le président Kabila et sa cour mène inexorablement à la catastrophe. Laquelle mettra toute la région de l’Afrique centrale à feu et à sang.

« Kabila voudrait succéder à Kabila »

Quels sont les signes tangibles que laisse apparaître le régime de Kinshasa sur cette responsabilité prévisible ? L’opposition n’aura-t-elle pas sa part à assumer ?

La problématique est simple, car l’opposition, en tant que partie plaignante, ne peut constituer en aucun cas un obstacle à sa propre démarche, qu’elle croit liée à la défense d’une cause juste. A moins de réfléchir à rebours pour voir autrement les choses.

Manifestation de l’opposition à Joseph Kabila le 31 juillet 2016, à Kinshasa.                       ©Eduardo SOTERAS/AFP

Après seize ans de pouvoir détenu par le président Kabila, dont l’exercice de deux mandats de cinq ans chacun (émaillés par ailleurs d’élections floues), et en vertu de la Constitution qui l’interdit de briguer un troisième mandat, c’est l’opposition qui s’est, du coup, placé du « côté du bon droit ». Se serait-elle résolue, du jour au lendemain, à ne plus atteindre son objectif ? Que nenni.

Si l’opposition n’est pas un obstacle, selon la force de l’argumentation qui précède, la faute incomberait donc à l’autre partie, qui cherche visiblement à se maintenir au pouvoir. Contre vents et marées.

On y voit, d’abord, son souci à recourir à la notion de « consensus ». Or, on ne peut s’appuyer sur cette notion que lorsqu’il y a un différend entre protagonistes. En tout état de cause, il n’y en a pas un, en l’espèce, si ce n’est le fait qui relève de la Constitution obligeant le président Kabila à céder le pouvoir et à organiser, pour ce faire, des élections dans le délai prescrit par les accords de la Saint Sylvestre. Il s’agit là, dans les deux cas, « de la Loi et de sa force ». Face auxquelles on ne peut faire de la résistance.

Et puis, que vaut la notion de consensus, sinon « un bon moyen de chantage sentimental exercé sur les opposants », comme le souligne le dictionnaire Vocabulaire politique (Presses universitaires de France) ?

Chantage ? C’est-ce que le camp présidentiel a tenté d’utiliser, subrepticement, aussi bien lors du dialogue emmené par Edem Kodjo, médiateur désigné par l’Union africaine (février – novembre 2016), que des pourparlers organisés sous les auspices des évêques catholiques (décembre 2016 – mars 2017).

On y voit, ensuite, comme signe incontestable de torpillage ou d’attentisme suspect, le silence du pouvoir sur le nom de l’éventuel dauphin du président Kabila. Si élections il y aura, fin 2017 ou un peu plus tard, quelle est la personne qui y portera les couleurs du parti du président sortant ? Silence radio, qui ne signifie rien de moins que « Kabila voudrait succéder à Kabila ». C’est aussi clair que de l’eau de roche.

Syndrome de Peter Pan

Sans titre n°4, Moridja KITENGE, 2015 @moridjakitenge.com

La conclusion, après cette démonstration, coule de source. Le pouvoir de Kinshasa est responsable de

cette impasse politique. « Responsable et coupable », à l’inverse de la fameuse formule de Mme Dufoix : « Responsable mais pas coupable ».

Quant à l’opposition, son fardeau est léger. Si des ambitions s’y expriment, cela va soi. Rares, en effet, sont des cas où dans un groupement politique les gens détestent de sortir du lot pour occuper la place de leader. Mais si ces ambitions sont exploitées par le camp adverse pour diviser, on est plus dans le schéma classique de faire de la politique. Dans ce cas, on verse proprement dans le machiavélisme, faisant de la partie qui « subit », c’est-à-dire l’opposition, une victime. Celle-ci est donc « non coupable ».

En attendant, c’est l’impasse. Et le peuple congolais continue de trinquer. Contrairement à ce qu’écrit François Soudan, le directeur de la rédaction de Jeune Afrique (n° 2935-2936, du 9 au 22 avril 2017), à propos de la classe politique congolaise : « En termes de psychologie, le phénomène porte un nom : le syndrome de Stockholm, l’amour du prisonnier pour son geôlier », je parlerai, pour ma part, du syndrome de Peter Pan. Ce mal qui fait qu’un adulte se prenne toujours pour un enfant et se comporte comme tel. Voici l’image minable que donne la classe politique congolaise !

RD Congo : les dangers du report de la présidentielle

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Prévue en novembre, la présidentielle en RD Congo est reportée en avril 2018. Ainsi en ont décidé les participants au « Dialogue national », le lundi 17 octobre, à Kinshasa, capitale du pays. Initié par l’Union africaine (UA) pour aider à l’organisation des élections, ce forum a été récusé par les principaux partis politiques d’opposition, qui n’ont donc pas participé à ses travaux. Faute d’entente sur quelques points essentiels avec le gouvernement, et alliés.

© Junior Kannah, AFP | Un soldat de la Monusco fait le guêt, le 20 septembre 2016 à Kinshasa, devant les bureaux saccagés du parti d'opposition UDPS

© Junior Kannah, AFP | Un soldat de la Monusco fait le guêt, le 20 septembre 2016 à Kinshasa, devant les bureaux saccagés du parti d’opposition UDPS

 Or, cette décision complique davantage l’équation qu’elle n’en apporte une solution. Etant donné que le nœud du problème réside entre les partisans du report, évoquant les « problèmes logistiques », et ceux qui tiennent à sa tenue, selon les termes de la Constitution, c’est-à-dire en novembre.

Pour les premiers, le report profite au maintien à ses fonctions du président Kabila dont le dernier mandat s’arrête, le 19 décembre prochain. Et, sur lequel pèsent les soupçons de vouloir s’éterniser au pouvoir. Plusieurs faits de manipulations dans ce sens le démontrent.  Pour les seconds – leur position est ferme -, la tenue de la présidentielle à la date prévue ainsi que le départ du président Kabila ne sont pas négociables.

Manifestants de l’opposition à Kinshasa ©jeuneafrique.com

A l’œil nu, tout concourt à une confrontation majeure entre les deux camps. Il s’agit d’ailleurs d’un vieux bras de fer, ponctué d’épisodes sanglants, en raison du refus du dirigeant congolais de se prononcer sur son départ ou non du pouvoir. Le dernier en date, il y a un mois, à Kinshasa, a occasionné la mort de plusieurs dizaines de manifestants, tués par les forces de sécurité.

Le scénario n’est pas très loin de ce qui s’est passé au Burkina Faso, au Burundi et au Congo-Brazzaville. Les quatre cas ont pour dénominateur commun le refus des présidents en place de quitter le pouvoir. Le Burkina a échappé au déluge, mais le Burundi et le Congo-Brazzaville en font les frais. Bien sûr, à des degrés différents : le Burundi est à feu et à sang, tandis que la rébellion armée renaît au Congo-Brazzaville. Rien n’indique qu’elle va s’arrêter au niveau de simple noyau.

Quelle sera le développement de la situation, en RD Congo, où l’instabilité politique a pris des racines, couronnée par la situation de guerre à l’est du territoire ?

©lemonde.fr

Joseph Kabila ©lemonde.fr

La vraie réponse est dans le rapport de forces politiques entre les deux camps. A cet égard, l’opposition non signataire des accords issus du dialogue contesté est plus musclée. A en juger par la popularité qu’elle jouit auprès du peuple, dont un grand pourcentage de jeunes sont au chômage. Ceux-ci (entre 15 et 35 ans) constituent près de 55 % des 70 millions de personnes que compte la population congolaise. L’influence de l’Eglise Catholique, majoritaire au pays, n’est pas négligeable. Celle-ci est du côté du peuple. Quant au pouvoir et alliés, ils ne comptent, en principe, que sur les forces armées, composées de 70 000 hommes.

Toute la crainte est là. En Afrique, il n’y a pas de bataille purement politique. Le président Kabila ne va-t-il pas s’appuyer sur son armée pour mater les rébellions en chaînes qui vont certainement naître, de partout ? Le peuple congolais va-t-il continuer de rester à la traîne ? Et, à la remorque des dictateurs, depuis 1965 ?

Les dangers que toute la région de Grands Lacs, et au-delà, ne s’embrase sont plus que perceptibles. Quel sera le rôle à jouer, dans cette perspective, par la communauté internationale ?

 

 

 

RDC : Beni, une barbarie absurde !

[Par Jean MATI]

Depuis quelques mois, la ville de Beni, à l’Est de la République démocratique du Congo vit une situation d’insécurité dramatique. D’après les sources onusiennes, plusieurs personnes seraient mortes assassinées.  

Récemment, les hommes en uniforme portant la tenue des FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo) ont massacré 69 personnes à coup de machette, pillé des mortiers et des baïonnettes à Rwaghoma, près de Beni. De tels événements déplorables sont récurrents depuis 2014 dans cette région.

Le gouvernement congolais ne cesse, pour sa part, d’attribuer ces actes ignobles aux rebelles ougandais de l’ADF (Forces démocratique alliées – Armée de libération de l’Ouganda), des mains criminelles qui opèrent avec facilité en l’absence de l’autorité publique.

Des membres de l'Alliance des forces démocratiques de RDC (Source : news.vice.com)

Des membres de l’Alliance des forces démocratiques de RDC
(Source : news.vice.com)

Force est de noter qu’au vu de ce qui se passe à l’est de la RDC, les autorités congolaises ont toujours montré leurs limites concernant la situation sécuritaire dans cette partie du pays. Le pouvoir en place n’a jamais proposé un projet sérieux et crédible pouvant permettre de combattre les groupes armés qui naissent à l’Est comme des champignons. Par ailleurs, l’actuel président Joseph Kabila, issu d’une rébellion qui a mis le pays à feu et à sang, n’a jamais endossé le costume de chef d’une nation frappée par la guerre.

L’Est du Congo est le théâtre de conflits armés depuis fin 1996, date à laquelle l’Alliance des Forces pour la libération du Congo (AFDL), dirigée par le maquisard Laurent Kabila a lancé l’opération « Marche sur Kinshasa ». Avec l’aide des voisins Burundi, Rwanda et Ouganda, l’AFDL a réussi à chasser du pouvoir le dictateur Mobutu. Mais avec quelles conséquences ?  Les alliés et leur rébellion ont dévasté le pays en détruisant tout sur leur passage, les foyers des réfugiés hutus (Massacre de Tingi Tingi), par exemple ! Ce fut une véritable tactique de « terre brûlée ».

Une fois au pouvoir à Kinshasa, le régime Kabila (père et fils) qui a pactisé avec les forces étrangères n’a jamais su combattre les éléments, qui ont été hier alliés, aujourd’hui, adversaires. Face à la prolifération des groupes armés, le régime en place s’est vu dépassé et incapable.

De ce fait, il est donc difficile pour ne pas dire impossible que le Congo retrouve la paix dans sa partie Est compte tenu notamment de la difficulté de désigner les protagonistes du conflit. En outre, les enjeux économiques, les guerres financées par les multinationales pour mieux exploiter les richesses du pays, sont en partie générateurs de la dite situation.

 

RD Congo : Kabila est-il maintenant sorti du bois ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

« Partira ou partira pas ? ». De type taiseux, par nature, le président congolais, Joseph Kabila, n’a jamais daigné répondre à cette question. A certains médias rompus à l’exercice des questions-pièges, il savait trouver des mots justes pour botter en touche. Place était laissée, alors, à toutes les spéculations, jusqu’au transfèrement impromptu, vendredi 20 mai 2016,  en Afrique du Sud, de son principal opposant Moïse Katumbi. Pour « raisons de santé », avance-t-on.

Joseph Kabila (source : REUTERS)

Joseph Kabila (source : REUTERS)

Au fil du temps, cette question devenait lancinante, la présidentielle, prévue en novembre, ne projetant aucune ombre à l’horizon. Or, son second et dernier mandat arrive à échéance, à la fin de l’année 2016. Dans six mois.

Pourtant, vaine était cette question, car, la réponse n’avait jamais été difficile à trouver. Dès lors que le président congolais, par le truchement de ses acolytes, cherchait à modifier la Constitution afin de rempiler pour un troisième mandat, la voie était ouverte pour permettre des déductions solides. Au fait, modifier le texte fondamental ne doit pas être dicté par un motif anodin…

La réponse était donc là, quand, pour des manœuvres électoralistes, il précipita l’application de la division territoriale, en juin 2015, à seule fin de découper la province du Katanga (sud-est) en trois. L’astuce était de mettre hors jeu Moïse Katumbi, ancien gouverneur et transfuge du parti présidentiel, dont la popularité, insolente, commençait à toucher la côte d’alerte pour la survie du régime Kabila.

Dans la peau du fascisme

La réponse était donc là, quand il procédera, ouvertement, à placer à tous les postes stratégiques, pour son soutien politique et militaire, les originaires de la province du Maniema (terres de sa mère). Pour l’illustrer, nous citerons les postes de Premier ministre, de ministre de la Justice, de président de la Cour Constitutionnelle et de commandant de l’Armée de terre. Ces hommes, tous du Maniema, constituent le socle du pouvoir de Kabila, à côté de la Police et des services de sécurité qui sont, eux, dirigés par les originaires de l’ex-province du Katanga, région natale de son père.

La réponse était donc là, quand le régime prenant la peau du fascisme, bâillonnait toute voix discordante et, au pis-aller, réprimait dans le sang toute manifestation populaire contre ses dérives staliniennes. Combien sont-ils aujourd’hui en prison, ces jeunes faisant partie de mouvements citoyens qui pensent, en s’appuyant par ailleurs sur la Constitution, que Kabila n’a plus le droit de se représenter aux élections ?

(Source : Le Congolais)

(Source : Le Congolais)

La réponse n’était-elle pas là, quand Kinshasa, s’étant rendu compte de la pirouette de l’opposant Tshisekedi (en convalescence, à Bruxelles), qui ne voulait plus de la tenue du « fameux dialogue  national», s’était échiné à corrompre son entourage ? Qu’aurait-il été, ce « dialogue national », sinon rien de moins qu’une manœuvre destinée à aider Kabila à se maintenir au pouvoir ? Comme vient, d’ailleurs, de le prouver la décision de la Cour constitutionnelle, le 11 mai, statuant sur « le maintien de Kabila à son fauteuil jusqu’à l’élection de son successeur ». Sans préciser le délai. Légitimant ainsi le « glissement » (propre au lexique politique congolais) dont tout le monde prévoyait…et redoutait. Car, du « glissement politique » au « glissement chaotique », il n’y a qu’un petit pas à franchir.

Les épisodes dans ce sens abondent. Mais revenons au « cas Moïse Katumbi », non seulement aujourd’hui à l’affiche de l’actualité, mais également révélateur, sans contredit, des intentions de Kabila de s’incruster au pouvoir. Le feuilleton commence quand l’ex-gouverneur du Katanga décide de claquer la porte du PPRD, le parti présidentiel, en septembre 2015. Dès cet instant, il était déjà dans le viseur de Kabila, et de ce fait, soumis à toute sorte de brimades : suspicions malencontreuses, interpellations à répétition, menaces téléphoniques de mort… La dernière pièce du drame se joue, au début du mois de mai, quand le ministère de la justice procède au tricotage d’une accusation (sans preuve) contre Katumbi, liée au « recrutement de mercenaires étrangers » pour renverser les « institutions démocratiques » de la République, alors que quelques temps auparavant celui-ci venait de se déclarer candidat à la présidentielle.

Attention, avis de tempête !

Là, c’était le bouquet ! Katumbi est traîné devant la justice, à Lubumbashi, capitale de l’ex-province du Katanga. Mais, plus les audiences se multipliaient, plus l’acte drainait des foules devant le Palais de justice. Au point de craindre des émeutes, susceptibles de faire tache d’huile, à travers le pays. D’où la nouvelle de la maladie du « recruteur de mercenaires » et de son transfèrement sans délai, en Afrique du Sud, pour des soins médicaux, assure-t-on. Quelle charité, à rebours, exprimée, du coup, par le même gouvernement accusateur ! En Afrique, on le sait, le mérite d’un adversaire politique, c’est sa mise à mort.

Moïse Katumbi Chapwe (source : AFP)

Moïse Katumbi Chapwe (source : AFP)

Ainsi, le « cas Katumbi » appelle-t-il trois hypothèses, à notre avis : 1. L’intéressé est réellement malade (il n’est pas un robuste, du point de vue de la santé, c’est vrai) ; 2. Il feint d’être malade pour éviter la gueule de loup (ce qui n’est pas plausible, car c’est un homme de caractère) ; 3. Kabila s’est arrangé pour éloigner un adversaire de poids, autrement dit une « relégation politique » qui ne dit pas son nom. Car, le candidat présidentiel sorti de l’ex-province du Katanga était le seul adversaire qui l’inquiétait, Tshisekedi, 83 ans, n’ayant pas de dauphin à l’aune de son gabarit, J.P. Bemba condamné à 25 ans de réclusion, par la Cour pénale internationale, tandis que le reste des opposants ne représentant que des menus fretins. Dignes, pour le président congolais, de n’en faire qu’une bouchée.

Alors, « partira ou partira pas ? ». Ce qui est sûr, pour tous ceux qui en doutaient encore, c’est que Kabila vient de sortir du bois. Tout est maintenant clair comme de l’eau de roche : « Il ne partira pas », dirait le philosophe. Les exemples du Burundi et du Congo-Brazzaville, juste à côté de Kinshasa, sont d’ailleurs là pour le stimuler à agir dans ce sens. Avec, toutefois, un avis de tempête, à l’horizon… comme au Burundi. Car la jeunesse congolaise, à l’instar de celle de toute l’Afrique, n’est-elle pas restée s’accrocher au vocable magique, forgé en Tunisie, de « UNTEL DEGAGE » ?

Les Congolais divisés en politique, unis par le ballon rond

[Par Jean MATI]

La sélection nationale congolaise de football a été sacrée, dimanche 7 février, championne d’Afrique, après sa victoire 3-0 en finale contre le Mali, de la 4e édition de CHAN (Championnat d’Afrique des Nations) 2016 qui vient de se terminer au Rwanda.

Déjà vainqueurs de la première édition qui s’est déroulée en 2009 en Côte d’Ivoire, les Congolais viennent d’inscrire à nouveau leur nom dans le palmarès du football africain. Avec deux trophées remportés en sept ans, la RDC devient ainsi la nation la plus titrée du Chan, cette compétition réservée essentiellement aux joueurs évoluant sur le Continent africain. Des scènes de liesses et de jubilation de tout le peuple congolais ont été observées à travers l’étendue de la République. La consécration des fauves congolais arrive au moment où le pays est en proie des débats politiques houleux. Prochainement, la République démocratique du Congo, devra normalement organiser les élections. Et le président sortant au pouvoir depuis 2001, Joseph Kabila dont le mandat s’achève cette année, n’a pas le droit de se représenter selon la Constitution qui prévoit deux mandats.

(Source: CYRIL NDEGEYA / AFP)

(Source: CYRIL NDEGEYA / AFP)

Si la victoire a pu faire la joie de toutes les factions politiques de la RDC, comme on a pu le remarquer sur les réseaux sociaux, où tant les politiciens de la majorité présidentielle mais aussi des opposants politiques postaient des messages de soutien aux footballeurs congolais, trop vite, les discordances sont apparues. La récupération politique est devenue monnaie courante en période d’élections. Les résultats sportifs influant beaucoup la population. Il faut se rappeler qu’après la victoire de la RDC en quart de finale contre le Rwanda, une partie du public congolais avait réclamé le départ du Président Kabila, tout en lui rappelant la fin prochaine de son mandat. Par contre, lors de la victoire des Congolais en demi-finale, contre la Guinée, une scène similaire s’est reproduite, mais cette fois-ci avec les deux camps, celui de l’opposition et de la majorité présidentielle.

Kabila Wumela vs Kabila Oyebela

Deux concepts ont été lancés : « Oyebela » (sois prévenu, fais attention, en lingala) par l’opposition, cette dernière avertit les dirigeants que leur main-mise sur le pouvoir est bientôt terminée. Par contre, les autorités parlent plutôt de « Wumela »  (Demeurer, rester) ». Ils réitèrent leur soutien au Chef de l’État. Pour eux, le Président en exercice peut rester éternellement au pouvoir tant qu’il fait des bonnes choses.

Émeutes à Kinshasa en janvier 2015 (Source: Papy Mulongo/AFP)

Émeutes à Kinshasa en janvier 2015
(Source: Papy Mulongo/AFP)

Les manifestations qui ont suivi la victoire de la RDC en finale, le week-end dernier, ont occasionné une série de bavures des hommes en uniforme. Durant les évènements ceux qui scandaient des slogans hostiles au pouvoir en place, ont été arrêtés. Le général de la police, Célestin Kanyama, qui a évoqué les mesures de « l’Ordre Public » a pu justifier longuement les arrestations arbitraires à l’antenne de la Télé nationale Congolaise. Curieusement, à la fin de son intervention, il s’est fait même applaudir par le journaliste ! Un beau moment d’intégrité journalistique, toutefois, il ne faut pas perdre l’information essentielle de vue : félicitations aux Léopards de la RDC.