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La Maison des journalistes rend hommage à six journalistes afghans

[Par Elyse NGABIRE et Mourad HAMMAMI]

Au nom de la liberté des médias et d’expression, la MDJ a observé une minute de silence une semaine après l’assassinat de six journalistes afghans et leur chauffeur. C’était ce vendredi, 28 janvier à 12h30.
7La tristesse, le désespoir, l’impuissance face à la menace grandissante contre le métier de journalisme en Afghanistan, pouvait-on lire dans les visages d’autres journalistes afghans logés à la Maison des Journalistes (MDJ) de Paris. C’est après l’explosion d’une bombe qui a ciblé le bus qui les transportait, ce 20 janvier à Kabul.
Il s’agit de Mariam Ibrahimi, Mehri Azizi, Zainab Mirzaee, Hussain Amiri, Mohammad Ali Mohammadi, Mohammad Jawad Hussaini et Mohammad Hussain (leur chauffeur). Ils travaillaient tous pour la chaîne de télévision Tolo Set en Afghanistan depuis 2004, l’une des plus populaires et plus suivie parmi la cinquantaine de chaînes.
Osman Ahmadi, journaliste afghan réfugié en France depuis 2011, regrette les conditions extrêmes dans lesquelles le métier de journalisme est exercé dans ce pays déchiré par des guerres : « Les journalistes ne bénéficient d’aucune protection dans notre pays. Ils ne sont pas la priorité face à la dégradation générale de la situation en Afghanistan. »
L’attaque a été revendiquée par des Taliban et un avertissement avait été donné à tout le personnel de cette chaîne.
Au nom du Conseil d’administration représenté par Denis Perrin et Prisca Orsonneau, Darline Cothière, directrice de la MDJ, a exprimé la compassion et le soutien à la grande famille des journalistes afghans : « C’est la liberté des journalistes qui est entamée presque partout et nous disons non à cette barbarie. »
L’autre soutien aux journalistes, c’est celui du président afghan qui a condamné ces assassinats, présenté ses condoléances aux familles des victimes sans toutefois annoncé les mesures de sécurité prises.

RDC : Controverse autour de 425 cadavres découverts à Kinshasa

[Par Jean MATI]

425 corps ont été retrouvés naguère à Maluku dans la banlieue de Kinshasa. Au moment où les indiscrétions pointent un doigt accusateur en direction des industries de la mort installées par le régime en place, cette découverte macabre a suscité la réaction de l’opinion nationale mais aussi de la communauté internationale. Elle relance, par ailleurs, le débat sur la question sécuritaire en République démocratique du Congo, un pays dont les droits de l’homme sont bafoués. Les opposants emprisonnés, les contestataires muselés, les journalistes assassinés et voire pousser à l’exil…Telle est la présentation d’un tableau sombre qu’expose le Congo-Kinshasa.

kinshasa
Ce jour-là, une odeur nauséabonde bouchait les narines des citadins de Maluku, une commune située dans le faubourg de Kinshasa, la capitale de la RDC. « Presque tout le monde voulait savoir d’où venait une telle odeur, car ça donnait l’envie de vomir. Est-ce une odeur d’excréments ? Se demandaient les uns. Non, affirmaient les autres. C’était plus que ça ! », Confie un témoin.
A quelques pas de là, dans l’enceinte du cimetière local « fula-fula », les badauds découvrirent une fosse commune. Des corps humains mal enterrés ont refait surface. Ils traînaient à la hauteur de la terre. On pouvait observer les bras, les cheveux, les têtes et autres partie du corps. Une scène effrayante à la manière d’un film d’horreur. De quel monde sortent-ils ces corps ? Ce sont des fantômes ? A priori, à ces questions manquaient les réponses. Trop vite les mots ont pu remplacer le silence. « C’est le Gouvernement qui a fait ça » affirment les observateurs avisés. « Ce sont des Congolais qu’on tue chaque jour. Dans ce pays, l’Etat ne se soucie pas de la protection de la population. Les Congolais sont assassinés par des mains criminelles. Personne ne fait rien. Et rien ne fera rien. Ainsi va la vie au Congo-Kinshasa» soutiennent-ils.
Pour mieux accabler le Gouvernement congolais de son cynisme quant à la façon d’enterrer ses compatriotes, de multiples voix vont s’élever et dire que ces corps seraient ceux des manifestants tués lors des émeutes de janvier dernier à Kinshasa. « L’Etat aurait voulu les inhumer discrètement comme dans ses habitudes. Mais cette fois-ci, les morts ont refusé de mourir », fait savoir un habitant de Maluku.

Réaction du gouvernement
Dans la précipitation, le gouvernement de Kinshasa, craignant une mauvaise publicité à l’extérieur du pays, réagit. Mais c’est une riposte tardive. La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. A l’ère du développement des réseaux sociaux, les informations se propagent vite. Les photos et les vidéos macabres circulent déjà sur Facebook, Whatsaap, Viber, Youtube…La presse internationale est déjà au courant ? Oui, ça c’est sûr !

Evariste Boshab (source : http://24hcongo.com/)

Evariste Boshab (source : http://24hcongo.com/)

Par l’entremise de son Vice-Premier ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab, le pouvoir de Kinshasa va présenter les faits à sa manière. Les 425 corps découverts dans la fosse commune de Maluku seraient des cadavres qui pourrissaient dans les chambres froides de la morgue de l’Hôpital général de Kinshasa. « Ce sont des fœtus de morts – nés et des corps d’ inconnus décédés des morts naturelles. C’est une pratique courante en RDC où les familles ne possédant pas de moyens abandonnent leurs proches à la morgue», soutenait Evariste Boshab. Pour étayer sa version de thèse privilégiée, le pouvoir de Kinshasa offrira un spectacle désolant en mode « Syndrome Timisoara ». Le lendemain, les médias d’Etat sont à l’Hôpital général et filment les cadavres des indigènes qui se trouvaient à la morgue. Le gouvernement de Kinshasa brandit cela comme des pièces à conviction et promet de les enterrer dignement. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait avec les 425 cadavres de Maluku ? Pourquoi en RDC les autorités ont perdu tout le caractère du sens moral ?

Le pouvoir de Kinshasa ou l’ « ante-peuple » congolais
Cette représentation cynique du pouvoir de Kinshasa ne va pas apaiser la colère. Mais elle va plutôt jeter de l’huile sur le feu. L’opposition qualifiera cette découverte macabre de « charnier ». L’opposant historique Etienne Tshisekedi parlera même de l’ « escadron de la mort ». Le régime en place est démasqué. Il y a trop de contradictions dans les discours des représentants de la Majorité présidentielle. Lambert Mende, ministre de la Communication et des Médias change de registre et refuse de parler de la « fosse commune ». Il invente une expression : le « tombeau commun ». Les membres de sa famille politique rectifient et préfèrent dire la « tombe commune ». Quelle négation !

(source : http://www.un.org/)

(source : http://www.un.org/)

Dans ce cas de figure, il faut faire appel à l’extérieur. Les Occidentaux doivent mener l’expertise. Ici, il faut pas compter sur nos autorités et surtout pas sur la justice, estime une partie de l’opinion nationale. Comme il fallait s’y attendre, l’ONU intervient finalement et exige l’exhumation des corps afin de mener une enquête approfondie en vue d’établir les circonstances de leur mort. Le pouvoir de Kinshasa fait obstruction.
En attendant de connaître les résultats des experts, force est de déplorer la culture de banalisation qui a atteint son paroxysme en République démocratique du Congo. Les morts ne sont plus respectés. Ces Congolais à qui on a « chosifié » à Kinshasa, ne méritaient-ils pas d’être enterrés dignement ?