Le migrant africain subsaharien et l’Europe

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Il y a environ 15 ans, le 3 août 1999, découverte macabre à l’aéroport de Bruxelles-Zaventem. Deux adolescents guinéens sont retrouvés morts de froid et d’hypoxie dans le train d’atterrissage d’un avion de la Sabena Airlines. Ils voulaient, par tous les moyens, atteindre l’Europe.

Ils n’étaient pas moins conscients des risques qu’ils prenaient, en ayant cette sacrée audace. Mais, ils n’avaient pas le choix entre la vie et la mort… face à la famine.

Sebastiao Salgado – série Africa – Korem camp – Ethiopia, 1984  © Sebastião Salgado  Amazonas Image

Sebastiao Salgado – série Africa – Korem camp – Ethiopia, 1984 © Sebastião Salgado Amazonas Image

De cet épisode marquant, par sa singularité, aux « noyades de masse », au large des côtes espagnoles, italiennes et grecques, la réalité dans l’optique de l’émigration africaine n’a pas varié d’un iota. Dans l’imaginaire collectif, la conception de l’Afrique face à l’Europe participe à un manichéisme absolu : l’Europe, c’est le paradis, l’Afrique l’enfer.

Là réside, depuis les trois dernières décennies, toute la problématique sur l’afflux des migrants africains du sud du Sahara vers l’Europe. Avant cette période, la majorité des Africains subsahariens qui vivaient en Europe, particulièrement en France, étaient d’anciens combattants, dits « tirailleurs sénégalais ». Certains de ces héros s’étaient échoués dans l’Hexagone, sans attirer à l’excès, la xénophobie des Français.

L’après-guerre 1914-1918 est une période florissant en Europe, qualifiée d’ailleurs de « Belle Epoque ». Cette magnificence est répercutée, en Afrique, déjà « dépecée » par la Conférence de Berlin, 1884-1885. De grandes œuvres sociales et économiques sont entreprises ou parachevées ( routes, hôpitaux, écoles… ). Avec, à la clé, après la Seconde Guerre mondiale, l’émergence des idées politiques. Malgré les affres de la colonisation, l’« indigène » commençait à respirer et à aspirer à un avenir digne d’un homme libre.

Puis, patatras ! Sonna l’heure des indépendances, en 1960. Mal préparées et acceptées du bout des lèvres par les colonisateurs, celles-ci produisirent, à cause ou en dépit de ce mauvais départ, des effets contraires aux attentes des peuples : guerres d’ego, corruption, néocolonialisme, destruction de l’outil économique… avec pour conséquence majeure la famine.

La famine, en Afrique, est un terrible fléau comparable à la peste, en Europe, au Moyen Age. L’on sait, entre autres, que les Européens ont émigré en masse en Amérique du Nord, fuyant la peste et ses effets néfastes. Quand les Africains font tout pour débarquer en Europe, seulement 3 personnes sur 10 y accèdent à cause de noyades à répétition – les statistiques, à cet égard, sont effroyables- . Les Africains subsahariens fuient, en premier, la faim.

L’Europe qui se targue d’avoir des racines chrétiennes et, surtout la France qui, avec l’Afrique, a des liens historiques de « sang versé » à la bataille de la Marne, à Verdun, et ailleurs, se doivent d’être attentives à l’appel récent du pape François, appel à la compassion. Le migrant africain subsaharien est un « cas à part ». Le rejeter sans égards, c’est oublier la « dette de sang » envers l’Afrique dont a parlé, un jour, François Hollande.