Visite de Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères à la Maison des Journalistes : « Etre journaliste aujourd’hui, est plus qu’un métier, c’est un combat »

[Par Elyse NGABIRE]

Au lendemain de la célébration de la journée mondiale dédiée à la liberté de la presse, le ministre français des Affaires étrangères et du Développement international, Jean-Marc Ayrault a été reçu à la MDJ. Il portait un message d’espoir et de soutien à tous les journalistes en général et aux journalistes exilés en particulier.

4 mai, journée très attendue à la Maison des Journalistes. Il est 12h20 au 35, rue Cauchy, siège de la Maison des Journalistes (MDJ), une ancienne usine de brosses, quand Jean-Marc Ayrault débute sa visite. Journalistes français et étrangers ont sorti leurs caméras, micros et enregistreurs pour couvrir ce grand évènement. Organisations pour la défense des droits des journalistes, partenaires de la MDJ, amis, etc. s’étaient joints aux journalistes exilés et à l’équipe du personnel de la Maison pour partager l’évènement.

Tout a commencé par une visite guidée des locaux de la MDJ et une rencontre avec les journalistes exilés actuels et anciens résidents. Chacun a eu l’occasion pour expliquer au ministre les raisons de son exil et l’état de la violation de la liberté d’expression et de la presse dans son pays.

(Source : Frédéric de La Mure)

(Source : Frédéric de La Mure)

Pour la directrice Mme Darline Cothière :  « ces hommes et ces femmes sont ceux qui donnent l’état du monde et informent »« Pourtant, regrette-t-elle, ils sont poursuivis, menacés pour avoir dit la vérité. » Comme par exemple cette journaliste syrienne qui a filmé les djihadistes en caméra cachée et a été pourchassée par Daesh jusqu’à son arrivée en France à la Maison des journalistes. Il y a également Ali, yéménite, écrivain qui a écrit sur la situation des femmes dans son pays. Il a été persécuté pour ses textes.

C’est également le cas d’Elyse, une jeune femme journaliste burundaise qui a dû laisser ses trois enfants au pays et de Johnny, journaliste centrafricain dont le frère a été assassiné à sa place. Ces journalistes, explique la directrice de la MDJ, sont nombreux : « A ce jour, plus de 360 issus des pays différents ont été accueillis, hébergés et soutenus par la Maison. »

La possibilité de garder leur plume

Mme Cothière a fait savoir que la MDJ, dans ses activités, offre aux journalistes exilés le choix de continuer la mobilisation de la liberté de la presse à travers notamment L’œil de l’exilé, journal en ligne de la MDJ.

En outre, ces journalistes ont la possibilité d’aller partout en France, à la rencontre des jeunes. Une action qui a une très grande importance, rassure la directrice de la MDJ : « Ils vont témoigner leur parcours d’exil, de la situation de la presse dans leurs pays et surtout de sensibiliser les jeunes générations à vivre ensemble, à la liberté d’expression et à la liberté de la presse. »

(Source : Frédéric de la Mure)

(Source : Frédéric de la Mure)

A ce jour, la MDJ recense plus de 1 00 000 jeunes sensibilisés à travers toute la France et à travers cette opération que la MDJ et ses partenaires ont baptisée Renvoyé spécial. D’ailleurs, elle fête ses dix ans cette année. 

Hommage aux partenaires

Ces actions, reconnaît la directrice de la Maison des Journalistes, sont menées grâce aux différents partenaires : la Mairie de Paris qui a mis à la disposition les locaux du MDJ. La mairie accompagne également dans la réalisation des grands évènements comme les conférences-débats, les expositions d’envergure, etc.

Elle rend hommage de surcroît aux médias parrains qui sont environ une quinzaine, au ministère de l’éducation nationale, de Presstalis qui aide Renvoyé spécial, le Ministère de la Culture et le Ministère de la Justice, etc.

Mme Cothière salue aussi le soutien et l’accompagnement indéfectible de l’ambassadrice des Droits de l’Homme et de toutes les personnes dont les noms n’ont pas été cités mais qui s’impliquent d’une manière ou d’une autre : « Merci à tous. »

(Source : Frédéric de la Mure)

(Source : Frédéric de la Mure)

La directrice de la MDJ dédie l’évènement à tous les journalistes qui, de par le monde, sont actuellement persécutés, ainsi qu’aux héros de Reporters sans frontières, un des partenaires de la Maison .

Et de déclarer aux différents invités que la Maison des journalistes a besoin d’eux plus que jamais.

La Maison des Journalistes ou la Maison de la liberté

Selon Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères et du Développement international, à travers les actions que la MDJ mène, elle doit désormais être baptisée « La maison de la liberté ».

D’après lui, c’est un lieu unique au monde, un refuge, pour des femmes et des hommes venus de toute part : « C’est un foyer, pour ceux qui, par conviction et par sens du devoir ont dû fuir leur pays ou en ont été chassés pour un seul motif : l’exercice de leur mission d’informer.»

(Source : Frédéric de la Mure)

(Source : Frédéric de la Mure)

C’est un lieu de reconstruction personnelle, poursuit le ministre, d’apprentissage, de découverte d’une autre société, d’un autre monde. Il estime que c’est aussi un symbole qui est celui de la solidarité associative, celle qui fait honneur à la France.

M. Ayrault salue l’action de RSF et de tous les médias qui sont associés à la MDJ, à tous les partenaires et surtout à la Mairie de Paris : « Durant 14 ans, vous contribuez à la faire vivre. »

Des inquiétudes

« La France, déclare le ministre des Affaires étrangères, observe avec inquiétude et parfois sur les frontières de l’Europe, une recrudescence des restrictions à la liberté d’informer : les attaques, les intimidations à l’encontre des journalistes et des médias. » C’est le cas de la Russie, de la Turquie, de l’Afghanistan, de l’Egypte, de l’Erythrée, du Burundi, etc. « Face au terrorisme, la liberté de la presse et les droits de l’homme ne peuvent et ne doivent jamais être considérés comme une contrainte. Au contraire, le droit de s’exprimer librement est une arme contre l’obscurantisme et la folie barbare. Ces droits doivent s’exercer chaque jour», clame-t-il.

Pour lui, la presse joue un rôle fondamental dans l’information des citoyens sur des phénomènes transnationaux. Ainsi, elle a besoin d’une soutien indéfectible des autorités politiques, démocratiques. M. Ayrault pense à la récente publication des Panama Papers qui est le résultat du journalisme d’investigation : « Les journalistes font leur travail, c’est ensuite aux autorités politiques, démocratiques de faire le leur, de prendre le relais. »

Des engagements sans suivi

Toujours selon Jean-Marc Ayrault,  il y a dix ans que la résolution 1738 du conseil de sécurité des Nations unies s’engageait à renforcer la protection des journalistes dans les conflits armés.

Dix ans plus tard, poursuit-il, l’adoption en mai 2015 de la résolution 2222 appuyait cette priorité en rappelant aux parties à accomplir leurs obligations en matière de la protection de la presse, de prévention et de la lutte contre l’impunité pour les auteurs des crimes contre les journalistes. Pourtant, constate-t-il, ces deux textes fondateurs ne sont toujours pas mis en œuvre : « C’est pourquoi les priorités de Reporters sans Frontières pour la création, par exemple, d’un mandat spécial auprès du secrétaire général des nations unies sont à soutenir. »

(Source : Bahram Rawshangar)

(Source : Bahram Rawshangar)

« Il faut en effet de nouveaux outils » promet-il. Il estime qu’on peut voter et adopter tous les textes qu’on veut mais si rien n’est fait pour les mettre en œuvre et pour assurer leur suivi, ils créent au contraire la désillusion. Et de déclarer la détermination de la France à contribuer afin de trouver une solution, pour qu’on puisse progresser le droit partout.

« Etre journaliste aujourd’hui, plus qu’un métier, c’est un combat, c’est une responsabilité d’enquêter, d’expliquer, celle d’ouvrir nos concitoyens à la complexité au monde, de faire toute la lumière sur les grands évènements parfois au péril de sa vie », reconnaît le ministre.

D’après lui, c’est tout l’honneur de la profession, surtout l’honneur de la France de soutenir la Maison des Journalistes et de défendre ainsi de manière concrète la liberté d’expression et d’opinion et ceux qui la portent.

Enfin, il rend  hommage à tous les journalistes français, étrangers, ceux de Charlie Hebdo : « La France est consciente de ses devoirs, elle veut rester fidèle à ses valeurs. C’est un combat permanent. »

Et d’adresser son message de solidarité : « Tous les journalistes exilés qui sont venus ici sont les bienvenus dans la République française. »

 

Retrouvez la galerie photo de l’évènement ici.

La visite du Ministre en vidéo :

La conférence du Ministre :