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Le Président d’urgence

L’Etat d’urgence qui dure depuis 2 ans va finir le 18 juillet si le Président Erdogan ne le prolonge pas. Même si l’Etat d’urgence disparaît de la Turquie, avec le nouveau pouvoir octroyé par son nouveau Président, la Turquie a un “Président d’urgence” ce qui est devenu une situation normale.

Le Président de cette “Nouvelle Turquie” Recep Tayyip Erdogan a juré sur la Constitution puis est officiellement devenu “l’hyper président” de son pays. Mais est-il un dictateur, un démocrate ou entre les deux ?

Après son vœu à l’Assemblé Nationale, il a réalisé une grande cérémonie dans son palais. Pendant la cérémonie présidentielle, il a accueillie à peu prés 10.000 personnes et parmi eux, les leaders des pays comme la Somalie, le Soudan, le Pakistan, le Venézuela…

Dans son palais, le Président Erdogan, qui a gagné l’élection présidentielle avec 53% des votes le 24 Juin 2018, a aussi accueilli les leaders des groupes religieux. De plus, des artistes, des personnalités connues et des représentants de la société turque.

Une entrée digne d’un sultan

Quand Erdogan entre dans son palais (construit par lui et composé de 1.150 chambres), il est salué par 101 tirs artillerie. Cette cérémonie présidentielle animée par les soldats turcs qui historiquement chantaient pendant les guerres de l’Empire Ottoman afin de faire peur aux ennemies “Mehter Takımı”, ont cette fois-ci chanté pour le Président Erdogan.

Enfin, les soldats qui symbolisent toutes les anciennes armées de l’Etat turque étaient aussi présents avec leurs costumes traditionnels.

Un cadeau présidentiel: limoger 18.000 personnes grâce à une loi

Un jour avant cette cérémonie, l’hyper-président élu par son peuple, Erdogan, déclarait une nouvelle loi décret en utilisant l’Etat d’Urgence. Avec cette lois, il a limogé 18.000 fonctionnaires de l’Etat. Au menu des licenciements décidés par décret : soldats, polices, professeurs et académiciens.

La dernière prolongation de l’Etat d’urgence va finir le 18 Juillet. Pendant sa campagne électorale le Président Erdogan a annoncé la fin probable de l’Etat d’urgence. En effet, à quoi sert l’Etat d’urgence maintenant que le Président s’est donnée tous les pouvoirs au détriment de la démocratie grâce au décret.

1) La tête de pouvoir exécutif est Erdogan

En Turquie, il n’y a plus de premier ministre. En tant que Président, la tète du pouvoir exécutif se limite à Erdogan. Le Président va choisir ces ministres. Et le nouveau Président de la Turquie va choisir ses adjoints comme il veut.

Avant, le régime turque parlementaire avait comme en France un Conseil des ministres. Le Premier Ministre était à la tête de ce Conseil. Désormais, il n’y avait plus de Conseil des ministres.

2) La nomination des hauts fonctionnaires à la main du Président

Erdogan a le droit de nominer les hautes fonctionnaires. Cela veut dire qu’il peut choisir les hauts juges ou les hauts procureurs, ou bien il peut licencier ce types de fonctionnaire comme il veut.

3) L’Etat d’urgence est toujours possible

Avec le nouveaux système, le Président a le droit de déclarer l’Etat d’urgence quand il veut. L’Assemblé Nationale a le pouvoir d’abroger.

4) Le pouvoir d’interpellation de l’Assemblé Nationale n’existe plus

L’Assemblé Nationale ne peut plus interpeller les ministres ou le Conseil des ministres. Mais le Président a le droit d’interpeller les ministres ou ses adjoints.

5) Il n’y a plus de questions parlementaires à l’oral

Dans le nouveau système, l’Assemblé Nationale turque ne peut plus poser les questions parlementaires verbales. Dans l’ancien système, les questions parlementaires écrites ont pu être poser aux députés ou aux ministres. Maintenant, les questions parlementaires écrites ne sont plus posées au Président, ni aux adjoints du Président.

6) Le budget de l’Etat

Erdogan va définir et proposer le budget de l’Etat à l’Assemblé Nationale. En tant que Président, il va définir les dépenses de l’Etat. Avant c’était le Conseil des ministres qui proposait le projet de loi a l’Assemblé Nationale. Comme dans les démocraties. A titre d’exemple, le nouveau ministre de l’Économie et des Finances est le beau-fils d’Erdogan.

Selon la mise en oeuvre du système présidentiel, les discussions autour de la “dictature” va continuer sous le régime d’Erdogan. Mais ce qui est acquis durablement, c’est son statut d’hyper président ou un “Président d’urgence” qui n’as plus besoin du pouvoir de l’Etat d’urgence pour exercer son emprise sur la démocratie turque.

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Nous, les ennemis du terrorisme islamique

Comme tous les français, j’ai été attristée par l’attaque à la préfecture de police de Paris, le jeudi 3 octobre. Mais ma tristesse, peut être, dépasse celle des français, car je suis aussi kurde syrienne. Je me présente toujours comme française d’origine kurde. En Syrie, je n’avais pas le sentiment d’être citoyenne, mais j’en suis devenue en France ; une citoyenne. J’ai deux cœurs, un français et un kurde. Aujourd’hui, mes deux côtés sont brisés.

Dimanche soir, le 6 octobre 2019, j’ai suivi le débat avec les invités au France 5 venus parler du film “Sœurs d’armes” de Caroline Fourest.

J’ai été stressée en écoutant la journaliste Caroline Fourest et l’actrice Amira Casar, en ayant peur qu’ils se trompent au sujet de mon pays. La présence de l’écrivain Patrice Franceschi, auteur de ‘Mourir pour Kobané‘, connu pour son engament pour la cause kurde me rassurait.


En tant de kurde, je sais que les ennemis d’Erdogan ne sont pas les islamistes mais les kurdes. J’ai peur, non seulement pour les kurdes, mais aussi pour les français.


J’étais fière d’écouter ces trois gens formidables, qui mettent en lumière la lutte des femmes kurdes. Pour moi, l’apparence des femmes Peshmerga est un symbole de la destruction de l’État Islamique ; nous savons que les femmes kurdes ont combattu des membres de Daech et le film de Caroline Fourest montre aussi cela.

Donc j’ai eu un sentiment partagé : triste pour la morte de policiers à la préfecture, mais rassurée par l’existence des combattants kurdes et leurs amis français.

Lundi matin, le 6 octobre, les réseaux soucieux étaient saturés par le tweet de Donald Trump qui a décidé le retrait des soldats américains du côté syrien de la frontière avec la Turquie.

En tant de kurde, je sais que les ennemis d’Erdogan ne sont pas les islamistes mais les kurdes. J’ai peur, non seulement pour les kurdes, mais aussi pour les français.

L’expérience de bataille d’Afrine, baptisée “Opération Rameau d’Olivier” par l’armée turque contre les forces kurdes, avait rempli cette zone kurde laïque de comportements religieux islamiques étrangers aux habitants de cette région.


Aujourd’hui, si on laisse à nouveau la Turquie rentrer au Rojava, cela augmentera encore les activités d’État Islamique.


Avant cette bataille, mes amis du Rojava m’ont parlé du mode de vie civile et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ils me poussaient à venir voir sur place cette démocratie incroyable, malgré la guerre et les ennemis de la liberté.

Tout cela s’est écroulé avec l’offensive de l’armée islamique aux ordres d’Erdogan. Cette armée qui considère les kurdes comme des ennemis contrairement aux islamistes intégristes.

Aujourd’hui, si on laisse à nouveau la Turquie rentrer au Rojava, cela augmentera encore les activités d’État Islamique.

Je parlerai un jour du rôle d’Ankara qui soutient les islamistes. En attendant je vous partage le lien d’un film qui vient de paraitre intitulé  “Turquie… La sage-femme qui a créé ISIS” de Shiar Nayyo. Ce film qui explique comment la Turquie a participé activement à la création de l’Etat Islamique.


Je n’arrête pas de me poser la question, plus précisément, depuis l’attentat du 7 janvier 2015 contre Charlie Hebdo : que puis-je faire ?


Mardi matin, j’ai suivi à la télévision l’hommage rendu aux quatre fonctionnaires de la préfecture de police de Paris, tués ce 3 octobre lors de l’attaque perpétrée par Mickaël Harpon.

La révélation de la découverte d’une clé USB appartenant à Mickaël Harpon aggrave la situation. Selon Le Parisien, cette clé contient trois éléments à charge: “des fichiers informatiques avec de nombreuses vidéos de décapitation de Daech”.

En tant que journaliste et écrivaine française et kurde, je me trouve concernée deux fois par cette interconnexion: le terrorisme islamique en Syrie qui touche la France. Je suis consternée par mes deux cœurs qui battent en même temps, le français et le kurde.

Je n’arrête pas de me poser la question, plus précisément, depuis l’attentat du 7 janvier 2015 contre Charlie Hebdo : que puis-je faire ?

Et je pense que je pourrais faire plein de choses. Le rôle que je pourrais jouer, c’est d’expliquer comment nous pouvons libérer les bons musulmans des mauvais, et également sauver l’image de l’Islam des escrocs qui la manipulent !

Le premier point commun que je trouve dans la majorité des tueurs au nom de l’Islam, c’est que ces gens sont nés en Europe et qu’ils ne parlent pas bien la langue arabe, la langue du Coran. Ils ont appris l’Islam radical par des malfaiteurs qui ont leurs agendas politiques. Donc cet Islam, soit-disant djihadiste, n’a rien avoir avec l’Islam que nous l’avons connu et vécu dans les pays arabes.


Nous avons besoin aujourd’hui en France, je pense, de présenter une autre image de l’islam ; une histoire ouverte, tolèrante et libre.


Je parle toujours, comme écrivain, de ma grand-mère kurde musulmane qui m’a inspirée pour écrire mes premiers romans en arabe. Halima était la mère d’un fils communiste ; mon père.

Elle voyait mon père boire de l’alcool et elle priait près de lui en s’adressant au ciel pour protéger son fils. Gamine, je n’avais pas encore trouvé mon chemin. J’ai avoué à ma grand-mère que je suis athée, et en même temps, je l’accompagnais à la mosquée de quartier pendant le mois de Ramadan et je priais avec elle.

Ma grand-mère ne me l’a jamais reprochée, elle m’acceptait comme j’étais en espérant que Dieu m’oriente vers le bon chemin.

Voici un Islam que les tueurs ne connaissent pas, un islam spirituel et tolérant. Je suis née musulmane, d’un père laïque et d’une mère pratiquante, mais j’ai eu la chance de vivre la religion comme une tradition, pas comme une confession sacrée.

Ma mère n’hésitait pas à goûter, par curiosité, le verre de mon père, puis elle demandait à Dieu de la pardonner. Ma mère, ma grand-mère et beaucoup des femmes et d’hommes musulmans voyaient le Dieu comme tolérant, pas comme un gardien de prison, cette image imposée par les escrocs qui appellent à tuer les autres au nom de Dieu !

Grâce à mon éducation, j’ai grandi avec la critique de cette tradition et j’ai échappé à l’enfermement d’un culte éternel. 

Nous avons besoin aujourd’hui en France, je pense, de présenter une autre image de l’islam ; une histoire ouverte, tolèrante et libre.

Je pense énormément aux enfants français de Daech, ceux qui étaient avec leurs parents en Syrie ou en Irak. Ces enfants vont jouer un jour leur rôle en France, c’est pourquoi je me sens responsable de me lutter pour l’avenir, même si le présent est encore noir pour moi et je ne sais pas a qui le tour demain d’être encore assassiné par ce terroriste, mais il ne faut pas baisser les bras, nous avons besoin d’ouvrir un dialogue libre pour arracher les garnis terroristes, car Daech est une tendance cultuelle et moral, et pour la détruire, il ne faut une arme culturelle.

Nous pouvons combattre ce terrorisme en ouvrant les portes aux défenseurs de la liberté: les kurdes en Syrie. Il faut les protéger militairement et politiquement, et aussi communiquer avec “les intellectuels” engagés en faveur de la liberté religieuse culturelle.

La guerre contre Daech est divisée en deux flancs : sur le terrain en Syrie, et en France ; et partout, pour la gagner, il nous faut chacun lutter à sa manière.

Je suis une femme kurde française, mon combat est en France, contre les idées terroristes qui menacent mon pays “Kurdistan” et menacent également le futur de mon pays “France”. Nous, kurdes libres, femmes combattantes, journalistes, écrivains, chercheurs… notre grande responsabilité aujourd’hui est de travailler ensemble. Nous sommes tous des cibles de Daech, et nous sommes tous leurs ennemis.

Solidarité avec les journalistes et syndicalistes turcs

[APPEL A LA SOLIDARITÉ] La répression en Turquie contre les journalistes et syndicalistes se poursuit inexorablement mettant en cause l’existence même de la liberté d’expression et de la liberté syndicale : cinq de nos confrères, dont une responsable syndicale, viennent de se voir condamnés à de lourdes peines de prison ferme.

Des journalistes turcs oubliés dans les prisons d’Erdogan crient à l’aide !

[LIBERTÉ D’INFORMER] “Nous sommes des journalistes oubliés dans la prison de Silivri”, ont déclaré 19 journalistes turcs dans une lettre publiée sur Internet la semaine dernière. Détenus depuis plus de deux ans, les 19 journalistes ont déclaré : «Nous qui n’avons pas d’autre métier que le journalisme, nous disons que nous ne voulons pas être oubliés et que nous attendons que justice soit rendue».

“J’ai vu la haine de la société envers le journal pour lequel je travaillais”

[TÉMOIGNAGE] Entretien avec un journaliste turc exilé: “J’ai vu la haine de la société envers le journal pour lequel je travaillais”. “Même avant le coup d’Etat, on dormait dans nos bureaux au cas où la police arriverait, histoire qu’on ait le temps d’informer nos lecteurs en temps réel de ce qui se passait”.