À dix jours de la fin de session parlementaire, prévue pour le 15 juin et au cours de laquelle le nouveau gouvernement congolais doit être investi, les négociations entre la coalition CASH de Félix Tshisekedi et le FCC de Joseph Kabila sont au point mort. Les deux camps ne s’accordent toujours pas sur la répartition des postes au sein du futur gouvernement.
La dernière réunion de négociations qui s’est tenue mardi soir à Kinshasa a tourné court. La réunion n’aura duré que quelques minutes pour se conclure sur un constat d’échec, avant même que la question du gouvernement à proprement parler ne soit abordée.
En cause : la décision lundi du chef de l’État Félix Tshisekedi de procéder à des nominations à la tête de la Gécamines et de la Société Nationale des Chemins de fer Congolais (SNCC), sans l’aval du nouveau Premier ministre.
Des nominations jugées “illégales”
Une décision jugée “illégale” par les pro- Kabila, qui n’ont pas fait mystère de leur mécontentement dès le début de la réunion.
Pour Constant Mutamba, avocat et cadre de cette coalition, elles “violent l’article 81 de la Constitution” car elles n’ont pas été contresignées par le nouveau Premier ministre. L’avocat menace de saisir le Conseil d’État.
“On ne peut pas éternellement bloquer tout un pays”, abonde un cadre du parti présidentiel.
Une lecture contestée par Me Kapiamba, le président de l’Acaj (Association congolaise pour l’accès à la justice). Pour lui, le chef de l’État a agi en vertu de l’article 60 de la Constitution de l’État, alors que l’ex-Premier ministre est démissionnaire et que le nouveau Premier ministre n’est pas encore formellement investi, faute d’accord sur la composition du gouvernement. “On ne peut pas éternellement bloquer tout un pays“, abonde un cadre du parti présidentiel.
Mais au- delà du débat juridique, c’est aussi le choix de Gabriel Kyungu pour diriger le conseil d’administration de la société nationale des chemins de fer (SNCC) qui dérange, estime une source au FCC. Ce proche de Moïse Katumbi, ne fait pas partie de la coalition au pouvoir. “C’est un message subliminal de la part du chef de PPRD Joseph Kabila”, explique cette source pour qui le Raïs laisserait ainsi entendre à ses partenaires qu’il pourrait au besoin se chercher de nouveaux alliés.
“Nous n’en sommes pas à la rupture, mais nous sommes bloqués”
Une pierre d’achoppement de plus en tout cas dans des discussions déjà bien difficiles. “Nous n’en sommes pas à la rupture, mais nous sommes bloqués”, reconnaissait mercredi l’un des négociateurs du président Tshisekedi tout en accusant ses partenaires d'”entraver” les discussions avec des “manœuvres dilatoires” et de “refuser de céder” la moindre parcelle de pouvoir.
Les deux camps n’arrivent pas se mettre d’accord sur ce que doit être la répartition des postes entre les deux coalitions. Pas question côté FCC, largement majoritaire dans les deux assemblées de concéder aux pro-Tshisekedi plus 24% des postes ministériels, quand ces derniers en réclament 45%, avec pour argument “qu’ un poste de président “devrait peser” plus” dans les négociations que “quelques députés”, explique l’un des négociateurs.
Bref, des positions encore très éloignées. Sans oublier l’épineuse question des postes régaliens, revendiqués par les deux camps, qui augure là aussi de tractations houleuses et n’a pas encore été abordée. Signalons que les plateformes de Tshisekedi et Kabila optent pour une coalition gouvernementale n’aspirent aucun confiance au sein de la classe politique, ni à la société civile et, moins encore à la presse congolaise qui constate que les violations des droits humains restent très élevées en 2019, selon l’ONU.
Les agents de l’État sont plus que jamais pointés du doigt en ce moment, ils sont même responsables selon l’ONU, d’au moins 73% des exactions comptabilisées sur tout le territoire national, contre 53% en décembre. A noter le nombre très élevé d’exécutions extrajudiciaires : au moins 47 dont 7 femmes, soit plus d’une par jour. Au total, l’ONU relève 574 violations, soit plus qu’en novembre ou décembre 2018, et sur ces 574, un bon tiers sont des violations à caractère politique.
Au moins une cinquantaine de personnes, pour l’essentiel des militants des droits de l’homme et des journalistes, ont fait l’objet de menaces ou d’attaques et ils ont eu besoin, dans les quatre semaines qui ont suivi l’enterrement à Kinshasa de sphinx de Limite Monsieur Étienne Tshisekedi (le père de l’actuel président Félix Tshisekedi), mesures de protection des Nations- unies. Nascimento Christian Journaliste politique.