MALI – Après le coup d’État, quelles conséquences pour la liberté de la presse ?
/dans Afrique, Liberté d'informer /par Alexandre Garnier
Aucune déclaration n’a encore été faite pour garantir les droits de presse depuis l’arrivée des militaires au pouvoir. Les journalistes maliens espèrent malgré tout une amélioration de leurs conditions de travail.
Au mois de juin 2020, un mouvement de contestation au président Ibrahim Boubacar Keïta éclate dans les rues de Bamako. La tension atteint son paroxysme pendant la manifestation du 10 juillet, réprimée dans le sang par le pouvoir. De nombreux journalistes sont pris pour cibles par les forces de l’ordres et agressés par des manifestants.
Dans l’après-midi, le président malien est finalement mis aux arrêts par les militaires putschistes.
Le 18 août, l’armée se soulève à son tour contre le président malien. Au matin, une mutinerie éclate dans une base militaire de Kati à 15 km de Bamako. Olivier Dubois, correspondant de Libération au Mali, tente de couvrir la mutinerie, mais il est frappé et menacé avec une arme par les rebelles. Le quotidien annonce le soir que le journaliste est sain et sauf et ne souffre d’aucune blessure. Dans l’après-midi, le président malien est finalement mis aux arrêts par les militaires putschistes.
Contrairement au précédent coup d’État de 2012, la prise du pouvoir du 19 août a été préparée en amont. Le lendemain, l’armée annonce la création du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) composé des généraux à l’origine du putsch.
Dans leur première déclaration, les généraux reprennent de nombreux éléments qui cristallisent la colère populaire mentionnant notamment le «clientélisme politique», «la santé aux plus offrants», la rupture entre le peuple et ses gouvernants, l’insécurité et le terrorisme.
La Maison de la Presse malienne note cependant que les militaires n’ont pas fait mention de «garantie des libertés fondamentales – dont celles relatives à la presse et à l’expression».
« Les militaires inspirent autant d’espoir que d’inquiétude » / France 24
Aucun contact n’a pour le moment été établi entre le CNSP et les associations de presse, hormis un communiqué commun demandant un allègement du couvre-feu pour les journalistes. L’interdiction de libre circulation instaurée entre 21 heures et 5 heures dans un premier temps, puis de minuit à 5 heures depuis le 21 août gênant le fonctionnement normal des médias.
La démission d’Ibrahim Boubacar Keïta, l’espoir d’une amélioration des conditions
«Depuis que les militaires sont au pouvoir, nous n’avons pas enregistré de cas d’atteinte à la liberté d’expression» reconnaît Boubacar Yalkoué, président du Mouvement de protection de la presse contre les violences.
«La liberté d’information a été pour le moment respectée au Mali. Après le renversement par des militaires d’un pouvoir démocratiquement élu, on ne peut pas dire qu’on ait confiance à 100 %. Nous avons l’espoir qu’ils ne s’en prennent pas à la presse, mais nous émettons malgré tout des réserves pour le moment.»
L’autre menace qui plane sur la presse malienne depuis la pandémie du Covid-19 est la crise économique.
«La presse malienne bénéficie en temps normal de contrats avec les institutions, mais avec la crise sanitaire toutes les activités ont été limitées ce qui s’est répercuté sur les entreprises de presse» pointe Boubacar Yalkoué.
«Il avait été question de mesures de soutien économique, mais nous n’avons rien reçu jusqu’au basculement du pouvoir, et étant donné la situation actuelle il y a peu d’espoir de les obtenir. On se dirige vers des périodes difficiles pour la presse.»

Une situation toujours instable pour la liberté de la presse au Mali
Depuis le précédent coup d’État de 2012, la liberté de la presse au Mali a été mise à mal à de nombreuses reprises. Pendant les mois qui ont suivi le putsch de mars, plusieurs arrestations ont été ordonnées par les autorités militaires.
L’arrivée au pouvoir de Ibrahim Boubacar Keïta en septembre 2013 n’a pas entraîné d’amélioration pérenne du droit de presse au Mali qui prend la 108e place du classement mondial de la liberté de la presse de Reporter sans Frontière en 2020.
Le 29 janvier 2016, Birama Touré journaliste pour l’hebdomadaire d’investigation Le Sphynx était porté disparu. Cette affaire remonterait jusqu’au fils du président, Karim Keïta, et mettrait en cause les services de sécurité de l’État qui aurait retenu le journaliste captif et l’auraient torturé pendant près d’un an et demi.
Plus récemment, les élections présidentielles 2018 ont été marquées par une recrudescence de la censure et de violences contre les journalistes. En mai, le journal Mali Actu était poursuivi et trois de ses journalistes enfermés pendant cinq jours pour la diffusion du communiqué d’une association qui appelait à la démission du ministre de l’Emploi.
Durant les manifestations du mois de juin, la Maison de la Presse du Mali dénonçait les nombreuses attaques de journalistes par les forces de l’ordre. Fin juillet, cinq journalistes de la chaîne TV5 Monde étaient interpellés par des agents en civil à leur arrivée à Bamako. Au moment de l’entre-deux-tours, Radio Renouveau FM, média d’opposition, était sommée de quitter les ondes « jusqu’à nouvel ordre ».
En fin d’année, un haut gradé de l’armée malienne démissionne de la Commission Vérité-Justice-Réconciliation (comité de surveillance des violations des droits humains au Mali) après avoir été mis en cause dans l’agression d’un journaliste. Celui-ci raconte avoir été menacé, frappé et forcé à boire sa propre urines dans les locaux de la commission nationale.
D’autres articles





GUINEA. THE PRESS AGAINST THE MILITARY JUNTA







RD CONGO : LA FEMME, LE SEXE ET LE PRÉSIDENT


LA RD CONGO ET LES MARCHANDS DE RÊVES

RD CONGO. DE MOÏSE TSHOMBE À MOÏSE KATUMBI ?


RD CONGO. TSHISEKEDI EST-IL FICHU ?

RD Congo-Rwanda, à l’heure de vérité biaisée

Le Séparatisme en France et en Afrique


Annuler la dette de l’Afrique. Et après ?



















France-Afrique : Macron a gagné. Et, après ?

Trump s’occupera-t-il de l’Afrique ?




Afrique du Sud : la vision de Mandela trahie




En Afghanistan, les talibans répandent encore et toujours la peur auprès des journalistes02/05/2023 - 2:26
La fin de l’espoir pour les journalistes afghans ?09/01/2023 - 4:28
SYRIE. La difficile intégration des citoyens-journalistes dans l’industrie des médias29/12/2022 - 2:00
Iran : les femmes, « l’avant-garde de la révolution » nationale09/12/2022 - 12:00
Afghanistan: women’s journalists cry of alarm23/11/2022 - 10:32
War in Afghanistan : one year under the Taliban regime08/11/2022 - 9:57
Afghanistan : un an sous le régime des Talibans08/11/2022 - 9:17
ELYAAS EHSAS : COUVRIR LA GUERRE LORSQU’ON Y EST NÉ 03/11/2022 - 9:29
Karzan Hameed, journaliste Kurde exilé, “ Il a toujours son nom : Irak, mais le pays n’existe plus” (#Portrait)01/08/2021 - 12:07
Ahmad Muaddamani, journaliste syrien exilé: « Les Misérables » me rappelle ma situation22/07/2021 - 12:44
ISRAËL – Le logiciel espion de NSO Group traque les journalistes en toute impunité19/07/2021 - 2:52
Les morts peuvent-ils migrer et demander l’asile ?19/07/2021 - 3:50
RENCONTRE. Ignace Dalle, le récit de carrière d’un véteran de l’AFP15/07/2021 - 10:21
PORTRAIT. Avec Anas, photojournaliste syrien, «dans sa maison»12/07/2021 - 1:50
IRAN. Élection présidentielle : Aggravation de la crise hégémonique et du contrôle politique15/06/2021 - 4:10
Dara (dessinateur iranien) : “Des jeunes vivent la liberté sans en avoir conscience”10/05/2021 - 3:27
Ibrahim Cheaib : La Maison des journalistes m’a sauvé !10/05/2021 - 1:48
Syrie. Du béton, de la guerre et de la reconstruction06/05/2021 - 3:37
IRAK/IRAN- Les illusions de la levée du blocus et de l’accord sur le nucléaire (3/3)26/04/2021 - 9:04
IRAK-IRAN. Les illusions de la levée du blocus et de l’accord sur le nucléaire (2/3)22/04/2021 - 8:19