Entrées par Hicham Mansouri

Arte dresse le portrait du journaliste Ibrahim Cheaib

Arte s’intéresse de nouveau à la Maison des journalistes (MDJ) et dresse le portrait de l’un de ses 14 résidents. Il s’agit cette fois du journaliste libanais Ibrahim Cheaib.

Il s’agit cette fois du journaliste libanais Ibrahim Cheaib. Réfugié en France depuis plus d’un an, Ibrahim était présentateur télé au Liban avant d’être persécuté et contraint de fuir son pays (lire son portrait ici).

Dans le cadre de son projet “Profession : journaliste”, Arte Junior l’a suivi lors d’une rencontre “Renvoyé spécial” (programme de sensibilisation de la MDJ) avec des élèves de seconde d’un lycée de Poissy, avant de l’accompagner à la Maison des journalistes pour faire la rencontre de ses amis résidents Meiirbek Sailanbek (Chine), Hussein Chaker (Syrie) et Ahmed Hassan El Yassiri (Irak).


Ibrahim Cheaib, journaliste en exil (Arte), 3’53’’

https://www.arte.tv/fr/videos/102865-000-A/ibrahim-cheaib-journaliste-en-exil/ 

“De mois en mois la situation empire et, un jour, il est kidnappé par deux hommes armés”. Extrait

 


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“Rendez-vous européen” avec un journaliste irakien

PORTRAIT.  Journaliste irakien exilé en France, son enquête sur les crimes d’honneur a remporté le prix Nirij (Network of Iraqi Reporters for Investigative Journalism) en 2018. Habillé avec élégance, portant une courte barbe soigneusement taillée, Ahmed Hassan affiche une timidité enfantine qui se dissipe rapidement au fil de notre rencontre. Portrait de ce journaliste, également résident de la Maison des journalistes (MDJ).

Ahmed avait 13 ans lorsque la guerre d’Irak éclata en 2003. D’une voix à peine audible, il raconte cette période dramatique et traumatisante durant laquelle il a perdu plusieurs proches. “J’étais terrorisé de voir les chars et les militaires américains occuper des rues devenues désertes. Avant, il y avait une agitation quotidienne des gens sortant des souks…” Cependant, ces temps de guerre n’évoquent pas que de tristes souvenirs à Ahmed. Il dit avoir vécu une enfance aussi heureuse que celles des autres enfants. “Unis, nous avons pu en tant que famille dépasser tous les obstacles. Mes parents ont bien pris soin de nous. On se réunissait le soir et on discutait. Mon père nous racontait des histoires, dont certaines inventées par lui-même. Il n’y avait ni radio ni télévision, car l’électricité avait été coupée. Tout avait été détruit. On entendait juste les tirs, les cris et les pleurs.

     Ahmed est né à Al-Rusafa, l’un des plus vieux quartiers de Bagdad. Situé au cœur de la ville, ses places publiques abritent de superbes monuments. Dès son adolescence, il participe aux diverses manifestations et aux activités politiques. “J’ignorais complètement leurs objectifs (rires) et mon père me demandait continuellement de faire attention.” Afin d’approfondir ses connaissances, Ahmed intègre en 2008 la faculté de sciences politiques de Bagdad. “C’est là où ma vie a changé”, dit-il dans un demi-sourire. “Ça commence par une histoire d’amour avec une jeune fille chrétienne très cultivée. C’est elle qui m’a encouragé à faire du journalisme. D’ailleurs, mon premier article, je l’ai écrit avec elle. ‘Les jeunes d’Irak ont besoin de la vie’, tel était son titre. Les jeunes souffraient énormément à cette époque. Ils ne pouvaient même pas se promener dans les jardins ou au bord du fleuve Dijla. Ils avaient peur des extrémistes et des milices.” 

 

Cet article a été le début de sa carrière, durant laquelle Ahmed a collaboré avec huit journaux plus ou moins indépendants. Mais il n’était pas au bout de ses peines. “J’ai rencontré des difficultés dans les salles de rédaction. On nous demandait alors de nous plier aux pressions des partis politiques et des financiers. J’ai toujours refusé”, lâche-t-il avec beaucoup de fierté. “Ces institutions diffusaient un discours haineux contre certaines composantes du peuple irakien. Pour elles, le terrorisme était sunnite, et les milices qui tuent et volent étaient chiites… En réalité, sunnites comme chiites souffrent des milices et du terrorisme. Aucun des deux ne représente la volonté du peuple irakien, pas plus que le gouvernement parachuté par les forces américaines. Ici, je ne souhaite exprimer aucune sympathie avec le régime de Saddam Hussein, qui était pire pour le peuple irakien, d’autant qu’à son époque il n’y avait même pas de journalisme.

     C’est cette absence d’un journalisme indépendant et professionnel qui a poussé la nouvelle génération à se lancer dans des aventures professionnelles numériques. C’est le cas d’Al Alam Al Jadid – Le Nouveau Monde –, fondé en 2013 et dirigé par Ahmed Hassan. Le journal espérait contourner l’emprise économique et éditoriale des partis politiques sur les médias. “Depuis 2003, les gouvernements successifs ne cessent de faire l’éloge d’un prétendu paysage médiatique libre et ouvert à une opinion critique. Ceci est un mensonge auquel bien des démocraties ont malheureusement adhéré, probablement pour des raisons économiques.” Pour appuyer ses propos, Ahmed Hassan évoque un rapport de l’association de défense de la liberté de la presse en Irak – dont il est l’un des fondateurs–, qui relate les violations ayant ciblé des journalistes entre 2010 et 2020. En l’espace de dix ans, au moins 90 journalistes ont été assassinés et 350 ont été la cible d’agressions ou de tentatives d’assassinat par des groupes armés affiliés au pouvoir. “Nous n’avons pas vu la justice ou le gouvernement bouger pour punir les responsables de ces crimes. C’est l’impunité totale”, s’indigne Ahmed. 

À ce climat d’insécurité pour les journalistes viennent s’ajouter des problèmes hérités de la dictature. “Les autorités continuent à appliquer des lois qui datent de l’époque de Saddam Hussein. Les symboles de l’État – président, président du parlement, Premier ministre, etc. – sont intouchables”, estime Ahmed.

L’exil en France

Ahmed a commencé à réfléchir à l’idée de quitter le pays après l’assassinat de plusieurs amis et collègues journalistes. Mais c’est lorsqu’il a vu son nom figurer sur une liste des prochaines cibles qu’il a pris sa décision. Il n’a alors pas beaucoup hésité sur la destination. “La France est un état laïc; et puis j’aime cet équilibre entre le socialisme et le capitalisme. Je m’intéresse à la sociologie française depuis mes études à l’université et je pense que j’aurai plus de chances de réussir professionnellement dans une ville comme Paris.” Arrivé en France en septembre 2020, Ahmed envisage de reprendre ses études en master puis doctorat de sociologie politique.

Souvenir

     Ahmed hésite un peu avant de nous montrer un objet auquel il est attaché. “Toutes les affaires auxquelles je tenais sont restées à Bagdad. Ma bibliothèque, mon bureau, et bien sûr ma maison”. Il jette un regard sur sa montre numérique et enchaîne : “S’il y a un objet précieux que j’ai apporté avec moi, c’est cette montre. Je l’ai achetée à Bagdad un mois avant de venir en France. Elle contient un agenda qui m’aide beaucoup dans mon travail de journaliste. J’avais un problème avec l’exactitude avant de posséder cette montre. Mes amis ajoutaient toujours deux heures aux rendez-vous qu’ils me donnaient (rires).”  Mais ces retards n’étaient pas le fait seulement de ses oublis : “ Bagdad est connue pour la piètre qualité de ses transports publics, ainsi que ses embouteillages dus à l’état des routes, aux travaux interminables et aux checkpoints. Il est difficile d’honorer plus de deux rendez-vous par jour. Même les étrangers sont conscients de cela, c’est pourquoi ils ne s’installent pas loin de Karrada, où se concentrent les médias. À Bagdad on vous demande souvent de préciser ‘rendez-vous européen ou irakien?’.” Pour l’heure, ses rendez-vous sont parisiens, mais pourra-t-il un jour retourner à Bagdad et y exercer librement son métier ?  

 


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Hussein Chaker : “J’ai une relation spirituelle avec la France”

Portrait de Hussein Chaker

Je m’appelle Hussein Chaker. Je suis un kurde syrien. Je fais partie de ces gens qui naissent accusés de séparatisme ou d’opposition au pouvoir en place”. C’est par ces mots que Hussein Chaker, journaliste Kurde syrien réfugié en France et résident de la Maison des journalistes, se présente.

Hussein est, en 1980, à Hassaké dans le nord-est de la Syrie. Comme beaucoup de ses amis d’enfance, il est vite confronté aux difficultés liées à sa langue maternelle et à son identité kurde.A l’école primaire je ne savais pas parler un mot d’arabe. C’est étrange, car je connaissais par cœur des versets de Coran. Les débuts étaient trop durs. Mais, avec le temps, je suis devenu très bon, surtout en expression écrite. J’étais meilleur que mes amis arabes (rires). Je n’avais besoin d’aucune aide pour faire mes devoirs. Je suis quelqu’un d’autonome de nature. Cela a peut-être joué un rôle, je pense.”

Ludwig Deutsch – In the Madrasa [1890], © Gandalf’s Gallery

Au collège, en parallèle par l’enseignement classique, Hussein a intégré un Kuttab, une école traditionnelle soufie. Mon père voulait absolument que j’ai ce double enseignement. Pour lui c’est une manière de pratiquer la culture locale et de la sauvegarder”. Les katatib [pluriel de Kuttab] datent d’au moins mille ans. Dans cette institution, Hussein a étudié la littérature, la philosophie, et même les mathématiques. Ce sont également des lieux de débat où on peut discuter de la culture, de la poésie et même de la politique. Là aussi j’étais brillant. Pour moi c’était aussi une manière de m’affirmer. Cette façon de s’imposer par les études cache le complexe du traitement qu’on nous impose nous les kurdes. J’aime la langue arabe. Je la considère non seulement comme ma seconde langue mais aussi comme ma seconde langue maternelle.”

Un service militaire (très) obligatoire 

Une fois le baccalauréat obtenu, Hussein part à l’université… Non, pas encore. Hussein est appelé au service militaire obligatoire. Il est devenu soldat dans la ville de Homs. Son séjour dans l’armée devait durer un an et demi mais il a finalement duré 3 ans et vingt jours ! En effet, à cause du décès du président Hafez el-Assad [1930-2000], l’armée a décidé de prolonger son service, comme c’était le cas pour d’autres jeunes comme lui. Le régime avait peur des perturbations et voulait s’assurer d’une transition politique calme du pouvoir à son fils Bachar. Qu’est ce que j’ai appris de l’armée? c’est vrai que j’ai manié les armes et tout, mais je n’ai rien appris d’utile… Si, probablement deux choses : la méditation, le fait d’être seul face à la nature surtout pendant les tours de garde. Le reste, que des maladies physiques. Mon visage a aussi changé. Les rides sont apparues trop vite”. Mais le plus triste dans cette histoire aux yeux de Hussein est d’avoir servi une armée qui allait, par la suite, retourner ses armes contre ses propres citoyens (“printemps arabe” à partir de 2011 notamment). Aujourd’hui, c’est une période très douloureuse de ma vie (soupir). Comment osent-ils utiliser leurs armes et nous bombarder, alors qu’il n’y avait aucun ennemi externe. Juste pour défendre le despotisme et anéantir la révolution?!

Le président syrien Bachar al-Assad

Une fois le baccalauréat obtenu, et le service militaire obligatoire terminé, Hussein décide de partir à Damas, la capitale, pour étudier le journalisme et réaliser son rêve d’enfance. Depuis petit je voyais mon père écouter la radio. J’adorais la voix de la radio. Mais c’est surtout en commençant à corriger les erreurs politiques et de langue des présentateurs télé et en remarquant leur manque de neutralité que ma volonté de devenir journaliste s’est confirmée”. Mais les formations étaient trop techniques. Une perte de temps pour Hussein qui voulait aller vite. Ses conditions économiques devant la cherté de la vie dans la capitale l’ont contraint à s’arrêter au bout d’une année pour retourner à Hassaké, sa ville natale, pour étudier le droit cette fois. Pour moi, c’est une condition pour comprendre la société. Certains pensent qu’il suffit d’apprendre des lois par cœur. Non. Le droit est une discipline globale. Pour mettre en place des lois il faut comprendre la société et prendre en compte les aspects politique, humains, économique, etc.

Le double enseignement (classique et traditionnel), le service militaire et les études universitaires ont déjà forgé la personnalité de Hussein. Il devient alors très actif sur les questions liées à la culture kurde. On travaillait en marge des organisations politiques kurdes prohibées officiellement mais encore tolérées à l’époque par le régime.”

Le printemps avorté

Hussein se retrouve rapidement sur la liste des ennemis du régime qui a arrêté plusieurs de ses amis. Il fuit alors vers le Liban jusqu’aux prémices du printemps syrien. Il revient pour y participer.J’avais espoir d’un changement. Pour avoir, enfin, une démocratie. En effet, début 2011 le printemps arabe éclate et n’épargne pas la Syrie. Tout le monde connaît la suite : le régime a réprimé violemment les manifestations causant des milliers de morts et le pays bascule alors dans une guerre civile.Le régime a même libéré des terroristes des prisons pour nous terroriser. De la sorte, il a obligé la révolution à prendre les armes et les choses se sont compliquées”. L’histoire est en effet compliquée et Hussein insiste souvent sur ce point. Il n’hésite pas à nuancer et à préciser qu’il simplifie quand cela est nécessaire. Il estime, par exemple, qu’il y avait, au tout début de la révolution, comme une sorte d’alliance entre certaines parties kurdes et le régime. Des kurdes comme moi ont rejoint la révolution, tandis que d’autres ne l’ont pas fait. C’est la nature humaine. Le régime prenait en compte ce facteur et tentait de garder les kurdes à l’écart de cette lutte. C’est ainsi qu’il n’a pas, par exemple, bombardé les régions kurdes. Il a aussi naturalisé des kurdes auxquels il avait auparavant ôté la nationalité. D’un autre côté, nous [les kurdes] n’avons pas l’habitude d’utiliser la violence car on vivait dans les plaines et non pas les montagnes qui encouragent la lutte armée. Malheureusement, le terrorisme est vite apparu et les kurdes ont été obligés de prendre les armes pour se défendre et même à s’allier aux américains… L’histoire est plus compliquée que ça mais j’essaye, encore une fois, de simplifier les choses”.

Afin d’écraser la révolution, le régime annonce dans les journaux et la télévision qu’il va appeler un grand nombre de jeunes pour rejoindre l’armée. Hussein faisait partie de la tranche d’âge annoncée. Il quitte alors le pays pour se réfugier au Kurdistan irakien. Là-bas, j’ai travaillé comme préparateur et présentateur de programmes télévisés. Mon émission parlait de questions liées à la philosophie politique, sur le radicalisme par exemple”. Avec la montée du terrorisme de Daesh (“l’État islamique”) en Syrie et en Iraq (2014), il reçoit des menaces de mort car on le considérait comme quelqu’un qui diffusait l’athéisme. “Je ne faisais que poser des questions. Mais des questions précises sur l’Islam et les droits Humains, l’Islam et les droits des minorités, ou encore le patrimoine islamique. J’organisais des débats et il y avait des pour et des contre”. Hussein est contraint de changer continuellement d’adresse et parfois de ville. En 2016 il fuit vers la Turquie pour s’installer à Gaziantep avant d’entrer en contact avec l’organisation Reporters Sans Frontières (RSF) pour demander de l’aide et obtenir, en 2019, un visa pour la France. “J’ai une relation spirituelle avec la France. C’est le pays de la laïcité et moi je suis laïc. Je sens que la langue française est proche de la langue kurde et de mon cœur. J’ai lu la charte des droits de l’homme de la révolution et j’ai regardé son film plusieurs fois et je continue d’ailleurs à le revoir de temps en temps. J’ai vu les églises construites au style gothique. Je croyais que cette architecture existait uniquement en Italie. Ça existe aussi chez nous et ça date de l’époque des Croisades. C’est un véritable exemple de brassage des civilisations entre l’orient et l’occident.”

Un souvenir

S’il y a un objet précieux pour Hussein c’est Mem et Zin”, un recueil de poèmes (Diwan en arabe) écrit en 1692 par Ehmedê Xanî (1650-1707). “Ce Diwan, connu dans la culture kurde, parle d’une histoire d’amour impossible entre Mem et la princesse Zîn.” Hussein considère l’auteur comme la première personne à conceptualiser, de manière ‘claire et moderne’, l’idée d’un “nationalisme kurde”.

” Il est aussi, probablement, le premier poète soufi à écrire des poèmes pour enfants. C’est un modèle pour moi. Cet ouvrage, qui date d’environ 4 siècles, jouit d’une grande valeur scientifique et émotionnelle. Il m’a accompagné partout le long de mes voyages. Je l’ai lu et relu plusieurs fois. Il me rappelle que je suis kurde et que l’amour n’est pas facile. Je suis attiré par les histoires d’amour impossibles. Rien que de le regarder stimule mon humanisme”, conclut Hussein.


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Gökkuş : “Je fais passer des sentiments et non des messages”

Capture d'écran de Take a Breath

Réalisateur et journaliste turc réfugié en France, Beraat Gökkuş continue à s’inspirer de sa vie parisienne pour faire des films. Après The Lost Pen, qui a remporté le prix du meilleur réalisateur et le meilleur film SmartFone Flick Fest 2020 (Australie) et le Festival International du Film Africain sur Smartphone, c’est le tour de Take a Breath; un film qui s’inspire du confinement pour traiter de la liberté d’expression. Il est déjà sélectionné pour le festival Super9Mobile (Portugal). Ancien résident de la Maison des journalistes, Beraat répond aux questions de L’oeil de la MDJ. Entretien.

Comment as- tu vécu les deux confinements?

C’est une expérience à la fois étrange, difficile et intéressante. C’est quelque chose que je n’ai jamais vécu. Je pense que c’est le cas pour des millions de personnes à travers le monde. C’était difficile, mais on a eu le temps de nous découvrir nous même. On commence à avoir l’habitude de rester chez soi. C’est intéressant pour quelqu’un comme moi qui sort beaucoup et ne passe que peu de temps à la maison. Sur le plan psychologique c’était dur, notamment avec le fameux “papier de sortie” [attestation de déplacement]. Soudain on sent cette autorité qui nous interdit de sortir “car ce n’est pas bien pour nous”. C’est liberticide comme action. Le second confinement a été encore plus difficile à mon avis. Les gens étaient plus solidaires pendant le premier. C’est ce qu’on a vu avec les applaudissements de 20h qui ont presque disparu pendant le second.

Et l’idée du film?

C’est pendant le second confinement justement. Je vis dans un appartement de 30 mètres carrés. Il fallait donc sortir marcher. Je le faisais chaque jour. Alors que je marchais un après-midi, j’ai remarqué les changements dans les couleurs des arbres. C’était le début du printemps. Il y avait quelques rayons de soleil. Et tout à coup j’ai senti une grande envie d’enlever mon masque, de respirer naturellement et de profiter de la nature. Je voulais me libérer. C’est donc comme ça que l’idée du film m’est venue à l’esprit.

Malgré cette sensation d’étouffement dans le film, il y a un message d’espoir…

Je ne sais pas. Pour moi le film traite d’une question politique : un manque de liberté. Marcher sans masque est devenu une façon de se libérer et d’exercer cette liberté. C’est quelque chose que nous n’avons pas toujours constaté avant la crise du Covid 19 et le confinement. Il y a bien sûr un espoir avec les images et le son. Mais moi ce que je veux faire passer ce n’est pas des messages, mais des sentiments. Une fois ces derniers transmis, c’est à chacun de déduire les messages qu’il veut capter.


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L’Oeil de la MDJ se dote d’une nouvelle stratégie

L’œil de la Maison des journalistes est en train de se moderniser. Après l’arrivée de Christophe Joly, notre rédacteur en chef, et Hicham Mansouri, le chargé d’édition, c’est le moment pour une nouvelle stratégie de développement. Présentée le 20 janvier dernier, la nouvelle stratégie réaffirme la place des journalistes résidents et des partenariats éditoriaux.

En présence d’une quinzaine de journalistes résidents (anciens et actuels), c’est Darline Cothière, directrice de la MDJ (également directrice de publication de L’œil), qui a donné le coup d’envoi de ce nouveau départ, résumé en trois grands axes: plus de partenariats, plus de visibilité et plus de reconnaissance des journalistes de la Maison des journalistes.

Le chargé d’édition a ensuite développé les principales nouveautés qui seront apportées au journal. Il y a d’abord la place qui sera donnée à la chronique avec les plumes d’anciens résidents à l’instar de Larbi Graïne, Sakher Edris, Shiyar Khaleal et Ghys Fortune. Ensuite, toujours du côté contenu, le format vidéo sera renforcé. Afin de dépasser l’obstacle de la langue, les journalistes pourront – grâce aux partenariats avec des universités et des écoles de traduction – écrire également en arabe et en anglais (en plus du français). Enfin, des partenariats éditoriaux qui seront entrepris pour permettre aux journalistes et au journal de gagner en visibilité.

© Davy Goma Louzolo

Plus largement, cette nouvelle feuille de route réaffirme la place des journalistes réfugiés dans ce projet, en mettant leur reconnaissance dans le paysage médiatique français au cœur de ses priorités et en offrant un accompagnement personnalisé dans le processus d’intégration professionnelle des journalistes résidents (formations, stages et mise en réseau).

À la fin de cette rencontre, réduite en nombre pour cause des mesures sanitaires liées au Covid 19, un temps d’échange avec les journalistes présents a permis l’émergence de nouvelles idées pratiques qui ont été rapidement intégrées au projet. Il s’agit notamment d’une série de formations qui seront dispensées par des anciens résidents de la Maison des journalistes.

À rappeler que L’œil de la Maison des journalistes est une plateforme numérique dédiée à la liberté de la presse et d’expression. Répertorié par le ministère de la Culture et la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) parmi les médias en ligne reconnus[1], le journal permet aux journalistes résidents (demandeurs d’asile et réfugiés) de continuer à informer sur ce qui se passe dans leur pays et à donner un regard original sur l’actualité française[2].

[1] Numéro CPPAP : 0523 Z 93080

[2] Le journal reste également ouvert aux contributeurs externes.


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Lecture – “Hot Maroc”, chronique d’une presse dont l’objectif est de diffamer

hot maroc livre

Le roman Hot Maroc de Yassin Adnan se déroule entre la dernière décennie du règne de Hassan II et la première décennie du règne de Mohamed VI (jusqu’à 2009). Écrit en arabe et publié au Maroc en 2016, le livre, qui vient d’être traduit en français, est une chronique attrayante et sarcastique des changements, des défaites et des contradictions politiques et sociales que vit alors le Maroc. Des paraboles jusqu’à Internet en passant par les «années de plomb» jusqu’à la «nouvelle ère» du règne de Mohamed VI, bienvenue dans ce Maroc chaud.

C’est à travers le personnage central de Rahal Laaouina que Yassin Adnan fait le diagnostic des tares de la société marocaine et des maux politiques qui rongent le pays. Tout au long du roman, l’écrivain dessine les lignes de la personnalité de Rahal : timide, peureux, «évitant les lumières», «il ne se vengeait de ses ennemis qu’en rêve».

Un jeune puceau, qui se contentait de «relations» imaginaires, convaincu d’avoir hérité d’une malchance qui le condamne, un homme «entouré de scénarios noirs», terrorisé par la répression et la mort.

Rahal —et avec lui le lecteur— va découvrir des points forts dans chacune de ces faiblesses.

Son incapacité à avoir des relations avec des filles l’a par exemple incité à développer une aptitude impressionnante à connaître la vie des gens dans les moindres détails, se rapprochant ainsi du travail d’un indicateur: «Rahhal s’attachait à tout savoir de ses amis . Ainsi se laissait-il submerger par les rapports précis et exhaustifs qu’il s’astreignait à préparer sur eux, pour servir l’étrange amitié qu’il leur vouait. Mais qui dit amitié ne dit pas toujours amour».

Pourtant, Rahal qui avait jusque-là soigneusement évité les lumières et s’était habitué à se mouvoir dans l’ombre se retrouve soudain en plein cœur de ce qu’il avait fui, sous les projecteurs de la police et de la politique. Ainsi se met-il à travailler pour la campagne électorale du parti d’un proche du roi et à collaborer en tant qu’agent électronique des services secrets.

“Meurtre symbolique” des opposants par les journalistes au Maroc

Le roman aborde avec audace l’émergence des médias en ligne à la botte du pouvoir, spécialisés dans la diffamation et le «meurtre symbolique» des opposants.

Des médias qui ont pullulé de manière remarquable ces dernières années. À l’instar de ce qu’on peut trouver dans d’autres pays de la région au lendemain de la vague dite des «printemps arabes», « Hot Maroc » n’est qu’un site Internet parmi d’autres, qui abritait une armada de bouchers, armés de couteaux électroniques toujours prêts à l’emploi pour affronter les «gauchistes de la dernière heure qui se languissaient encore du temps maudit des idéologies» et «ces islamistes qui se languissaient d’un califat calqué sur la prophétie» entre autres «ennemis de la patrie» parmi les journalistes opposants qui «profitent de la liberté d’expression dont jouit notre pays pour s’opposer à nos intérêts suprêmes».

Le site veille aussi à éviter «la dérive» du débat public sur Internet. Comme les autres sites de ce genre, il jouit d’un soutien haut placé, se trouve à l’abri de toute poursuite judiciaire et ne s’encombre pas du droit de réponse ou du «droit à gémir», selon l’expression de l’un des personnages.


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Les confessions du braqueur Rédoine Faid évadé de prison

[PORTRAIT] La réussite de sa cavale, il la doit en partie aux flics de la BRB qui, à son avis, décident carrément d’être aveugle en sous-estimant les mecs de la Cité. “S’ils avaient mis en place une petite surveillance, ils auraient pu m’attraper. Pour eux, le voyou ne peut-être qu’un gaulois, passer par la centrale. Cela ne peut pas être le Rédoine de Creil. Cet algérien de banlieue de merde. A leurs yeux, on est de la racaille”.