Rendez-vous manqué contre les violations sexuelles

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Violences sexuelles et viol ! Un fléau dont on ne parle que mollement, alors que leur capacité de nuisance dans la société est redoutable. D’où la décision de l’Onu d’avoir décrété le 19 juin : « Journée mondiale pour l’élimination de la violence sexuelle en temps de guerre ». C’était en 2015. Mais dans un sens large, l’instance internationale a voulu faire de cette date référence à une « tragédie pour l’humanité ».

Des victimes de violence sexuelle à Goma, en République démocratique du Congo (RDC). Photo ONU/Marie Frechon (archives)

Des victimes de violence sexuelle à Goma, en République démocratique du Congo (RDC). Photo ONU/Marie Frechon (archives)

Nous en étions donc, le 19 juin 2016, à la première date anniversaire. Laquelle vient de passer quasiment inaperçue. Comme si les politiques et les médias s’étaient passé le mot pour laisser les soins aux ONG d’en faire l’écho. Dont la résonance est restée très faible. Pourtant, le mal est là. Et même, allant crescendo. Aussi bien dans les pays du Nord que ceux du Sud.

Aux Etats-Unis, la date n’a pas été célébrée, en fanfare. D’aucuns pensaient que la présence d’une femme à la présidentielle américaine, pour la première fois, allait aiguillonner davantage l’ « instinct féministe » pour la circonstance. Tel n’a pas été le cas. En Europe, où la condition de la femme fait, en général, l’objet de la préoccupation du législateur, la question est passée à la trappe. Sans parler de l’absence brillante à l’appel de l’Afrique et de l’Asie, pourtant, les deux grandes victimes du phénomène. Dans certains pays en conflit, comme en RD Congo, le viol a même pris du galon : il est utilisé comme « arme de guerre ».

C’est dire que le mal est toujours là. Semé aux quatre vents. Quand un journaliste belge le qualifie de « marquage au fer psychologique », et qu’un gynécologue congolais, Dénis Mukwege, en remette une couche, en pensant qu’ « une femme violée est une femme abîmée », il y a de quoi s’alarmer ! Et, il en sait un bon bout de rayon, ce médecin, qui a « réparé » plusieurs milliers de femmes violées, à l’est de la RD Congo. Ainsi, selon les deux regards, le viol atteint gravement sa victime.Tant au plan physique que moral.

Combien sont-elles ces « femmes abîmées », à travers le monde ? Abîmées par les viols et les mutilations ? Les chiffres, selon un rapport de l’Onu, publié en 2010, donnent froid dans le dos, car ils parlent de plusieurs centaines de millions de femmes et filles. Dans un angle global, il se commet 903 viols par jour, à travers le monde, soit 329 708 viols par an (déclarés). Dont 95 136 aux Etats-Unis, 75 000 en France et 52 425 en Afrique du Sud. En pole position. L’inde, qui occupe le 4e rang, a ceci de plus révoltant que les viols y sont publics. Quant aux mutilations, le rapport épingle l’Afrique et certains pays du Moyen-Orient, où 130 millions de filles ont subi cette déshumanisation, entre 2 000 et 2 010.

Sombre tableau ! Pourtant, devant une réalité têtue, l’attrait du sexe restant un mystère. Pour les sociétés modernes (un grand nombre de pays), le viol et d’autres formes de violences sexuelles constituent des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire. En France, le viol est un crime clairement défini par le code pénal, passible de 15 ans d’emprisonnement. Globalement, c’est, déjà, un grand pas contre le mal. A ne pas oublier l’éducation, en la matière. Car, l’ « éducation, c’est le pouvoir », dit-on. Elle est susceptible de contribuer à édifier un monde dans lequel les femmes seront en sécurité. L’Onu a appelé, en appui, à manifester notre désapprobation par tous les moyens.

 

 

 

Entretien avec Elyse Ngabire, grande reporter politique burundaise : « On ne choisit pas d’être réfugié »

[Par Lisa Viola ROSSI]

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Depuis septembre 2015, Elyse Ngabire est réfugiée en France, à la Maison des journalistes. Journaliste burundaise du Groupe de presse Iwacu, en charge des questions politiques, elle était également la coordinatrice des émissions réalisées avec les quatre anciens Chefs d’Etat burundais. Jusqu’à septembre 2015, quand neuf agents ont tenté de l’arrêter à son domicile.

AssisesTours2016-6Vendredi, 28 août 2015. Elyse Ngabire avait signé un article intitulé « Fini le dialogue ! » qui critiquait la non tenue des promesses par le président Pierre Nkurunziza, à sa prestation de serment pour un troisième mandat contesté. La journaliste enquêtait au même temps sur les origines du premier vice-président de la République qui commençaient à produire des polémiques dans l’opinion burundaise. Le pouvoir ne les a pas tolérées, et il a engagé des poursuites policières. De peur d’être emprisonnée comme cela a été le cas en 2010 ou d’être tuée, la plume d’Iwacu a décidé de quitter le pays pour sa sécurité.

Aujourd’hui, Elyse Ngabire est inscrite à l’Université Paris 1, Master 2 Recherche, Société en Développement. Du coup, elle continue d’exercer son métier de journaliste. Elle collabore avec L’œil de l’exilé , le journal de la MDJ. Elle est aussi correspondante du Groupe de presse Iwacu en France et en Europe. Interview.

Comment et quand as-tu découvert ta vocation de journaliste ?
C’est lorsque j’ai terminé mon bac que je me suis rendue compte que je voulais devenir journaliste. Nous sommes en 1996. Malheureusement, dans mon pays, il n’y avait pas d’école de journalisme et je me suis contentée de faire la Faculté Médecine pendant deux ans.
Mais l’idée de devenir journaliste ne m’a pas quittée et j’ai décidé en 2000 d’abandonner la Médecine. En 2001, je me suis inscrite à l’Université Lumière de Bujumbura, Faculté des Sciences de la Communication. Il ne s’agissait pas non plus d’études de journalisme mais de quelque chose de semblable qui m’en rapprochait un peu et me permettait de postuler pour ce métier. J’ai terminé en 2006 et j’ai été recrutée deux ans plus tard au Groupe de presse Iwacu comme journaliste en charge des questions politiques.

Comment est née ta passion envers la res publica ? Est-ce que ta lutte pour la démocratie est née à un moment précis ?

Melchior Ndadaye (source : rfi.fr)

Melchior Ndadaye (source : rfi.fr)

Oui. En 1993, j’avais exactement 17 ans et le Burundi organisait les premières élections démocratiques depuis son indépendance le 1er juillet 1962. Mes parents et quelques membres de ma famille étaient pour le changement et ils ont voté pour le président Melchior Ndadaye. Toutefois, trois mois après sa victoire, le président Ndadaye est tué ainsi que ses proches collaborateurs par une clique de militaires qui n’avaient rien compris de la démocratie et de la volonté populaire.
Même si je n’avais pas l’âge requis pour voter (18 ans), je suivais tout de même les campagnes électorales. Depuis cette époque, la politique est ma préoccupation et je me sentais très engagée à l’idée de défendre la liberté d’expression, qui est l’un des piliers de la démocratie.

Est-ce qu’il y a un sujet auquel tu es particulièrement liée, un objet qui a un sens spécial pour toi ?
Le statut de la liberté. C’est un symbole fort pour moi. J’estime que la liberté constitue le pilier si bien dans le métier de journalisme que dans d’autres secteurs de la vie. Il est la pierre angulaire de la démocratie.

Est-ce que tu te souviens d’une interview ou d’une rencontre qui t’a particulièrement marquée ?
Durant mes huit ans de métier, j’ai réalisé plusieurs interviews qui m’ont marquée personnellement et j’en garde trois en mémoire. La première, c’est avec Mgr Simon Ntamwana, archevêque de Gitega. Une large opinion estimait qu’il soutenait le pouvoir du Cndd-Fdd mais à la suite de son interview, tout le monde était étonné de constater qu’il regrettait de sa gestion du pouvoir.
La deuxième interview, c’était avec le président de la Commission Terre et Autres Biens (CNTB) Mgr Sérapion Bambonanire, un homme très controversé et très contesté dans l’opinion nationale.  Quand je l’ai rencontré, il a révélé la décision du gouvernement de rendre aux Hutu les terres qui leurs avaient été prises lors du massacre de 1972. Bambonanire ignorait que cette opération devait passer sous silence. Cette interview a provoqué un scandale dans la classe politique, en le forçant à rétracter ses propres mots.
Troisième interview, c’est avec le député Manassé Nzobonimpa, un ancien militant du Cndd-Fdd et ancien compagnon de lutte de Nkurunziza. Je l’ai rencontré à l’extérieur du pays où il s’était réfugié suite à une mésentente entre lui et le président Nkurunziza. Mon interview a été également un scoop.

Est-ce que tu as une personnalité de référence, un exemple à suivre ?
Oui, deux personnalités : Nelson Mandela et Gandhi. Ils ont beaucoup lutté pour la non- violence, contre la discrimination et pour la liberté.

Elyse Ngabire montre l’édition du 28 août 2015 du journal Iwacu (source : leprogres.fr)

Elyse Ngabire montre l’édition du 28 août 2015 du journal Iwacu (source : leprogres.fr)

Est-ce qu’il y a un reportage ou un projet que tu es particulièrement fière d’avoir réalisé ?
Pendant deux ans, j’ai travaillé sur un projet intitulé « Si Ma Mémoire Est Bonne » qui abordait les enjeux et le contexte sociopolitique du Burundi en les analysant au travers de l’histoire récente et lointaine du pays.
A l’issue du projet, le journal Iwacu pour lequel je travaille et auquel je reste très attachée a sorti un livre de 149 pages. Les articles ont eu un grand succès. Ils ont été très appréciés et d’une richesse inouïe.
En outre, en 2014, j’ai coordonné un cycle d’émissions avec quatre anciens chefs d’Etat burundais. C’était la première fois qu’ils témoignaient sur leur gestion du pouvoir, leurs réussites et leurs échecs. Ce cycle a connu un très grand succès d’audience dans la conjoncture électorale burundaise.

Est-ce que tu peux donner une définition à ton sentiment de l’exil ?
Il est difficile de le définir car ça me fait vraiment très mal quand je réalise que je n’ai pas le droit de vivre dans mon pays.
J’ai l’impression d’avoir tout perdu : mon pays surtout. Je suis repartie à zéro. Or, dans mon pays, j’envisageais d’entreprendre plusieurs projets professionnels et privés, ce qui n’est pas le cas dans ma situation actuelle.

Comment tu te sens maintenant ?
Ça me fait très mal au cœur parfois quand j’y pense. La mort dans l’âme, je n’ai pas le choix parce que je me dis qu’au moins je suis en sécurité en France. J’ai pu sauver ma vie, c’est ça qui est essentiel.

Est-ce que l’exil t’a changée ? En quel sens ?
Oui, il m’a changée à la fois de manière positive et négative. En France et la MDJ, j’ai rencontré des journalistes qui viennent de presque partout dans le monde. Et nous avons tous un dénominateur commun : nous avons été poursuivis, persécutés, nous avons laissé nos familles derrière nous, etc… parce que nous avons dénoncé les abus de pouvoirs dictatoriaux dans nos différents pays. Cela m’a permis de comprendre que les journalistes prennent des risques au nom de la liberté et du respect des principes démocratiques. Ça c’est le côté positif.
Toutefois, je regrette que nous ne soyons pas soutenus par nos confrères ou consœurs journalistes français. J’aurais souhaité qu’ils nous aident à intégrer notre métier. C’est dommage que des journalistes exilés soient obligés de changer de métier parce que c’est difficile de trouver une place dans les médias français. Il est vrai que la langue constitue un handicap pour certains journalistes exilés mais c’est également compliqué celles et ceux qui parlons le français. Et c’est l’avenir de tout un métier qui est en danger.

Est-ce que tu penses que l’exil c’est plus compliqué pour une femme que pour un homme?
C’est plus compliqué pour une femme surtout quand elle n’est pas avec sa famille. On n’a pas le cœur tranquille. Chaque fois, on se dit qu’il peut lui arriver quelque chose de mal. Et dans le contexte où la procédure de réunification familiale prend beaucoup de temps, vous comprenez pourquoi une femme doit s’inquiéter.

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L’intervention d’Elyse Ngabire aux Assises du journalisme de Tours 2016

Comment t’es-tu sentie et te sens-tu en France en tant que journaliste réfugiée ?
Je me sens plus ou moins en sécurité. Malgré les derniers attentats, je reste persuadée que je ne suis pas ciblée personnellement. La sécurité c’est quelque chose de très important pour moi compte tenu du contexte de violence dans lequel se trouve mon pays depuis le 26 avril dernier à la suite de la décision du président Nkurunziza et de son parti de briguer le troisième mandat contre l’Accord d’Arusha et la Constitution burundaise.
En tant que journaliste réfugiée, je déplore l’absence de soutien des professionnels des médias français. Nous sommes un peu laissés à nous-mêmes et le risque d’abandonner ce métier est grand pour certains confrères et consœurs réfugiés.

Comment tu te vois dans 5 ans ?
Je souhaite ardemment continuer mon métier de journaliste et être un reporter spécialiste des questions en rapport avec le Burundi et pourquoi pas ailleurs dans le monde. Mon désir, c’est également celui d’aider des Burundais qui veulent écrire mais qui ne savent pas où commencer de réaliser leur rêve.

Quel est le message que tu considères le plus important à passer à l’opinion publique internationale ?
Des situations conflictuelles contraignent souvent des populations en général et des journalistes en particulier à quitter leurs domiciles et s’installer ailleurs. Le cas des journalistes réfugiés est très particulier. Les organisations des professionnels des médias sont appelés à agir vite pour que l’intégration professionnelle suive le chaleureaux accueil qui nous est reservé à la Maison des journalistes.
Aux citoyens des pays qui accueillent des réfugiés, je leur exhorte de traiter ces derniers avec humanisme car on ne choisit pas d’être réfugié.

 

« Ecrire, ce n’est pas un bon boulot » : Moneim Rahma, une plume exilée du Soudan

[Par Lisa Viola ROSSI]

Pour lire la version en arabe traduite par Samih Elsheikh, cliquez ici

« Je me sens très très triste. Ecrire des poèmes, ce n’est pas un bon boulot. Parce que c’est une source de douleur, ça m’affecte et ça me rappelle nos souffrances ». Abdelmoneim Mohamed Ahmed Rahmallah est un poète, écrivain, activiste originaire d’El-Damer, ville de la région du Nile au Soudan du Nord, exilé à Paris depuis mai 2015. Actuel résident de la Maison des journalistes, il se trouvait à La Haye aux Pays-Bas juste une semaine après les attentats à Charlie Hebdo, le 15 janvier 2015, afin de retirer le prix Pen International pour la liberté d’expression. «Tout au long de mes études, mes talents de poète se sont révélés. J’ai gagné, lorsque j’étais lycéen, le prix national de poésie. Pourtant, j’ai dû faire des études de Commerce, parce que ma famille était pauvre et que je ne pouvais pas me dédier aux Arts comme j’aurais voulu».

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Moneim Rahma

Moneim Rahma ne pouvait pas pourtant s’éloigner de sa passion, le journalisme. En 1986, une fois diplômé de l’Université du Caire, branche de Khartoum, d’une Maitrise en Commerce, il trouvait un emploi au journal Al Adwa comme comptable. De là il commençait à écrire des articles et avant d’être enfin reconnu en tant que journaliste. « Au même moment, – se souvient-il – j’entamais des activités de militant, lors de forums, de soirées poétiques et de manifestations culturelles, contre le projet arabo-islamique mené par  le Front National Islamique (FNI)».

Le 30 juin 1989, le FNI s’empare du pouvoir par un coup d’état militaire. Il dissout tous les partis politiques, les organisations de la société civile et les associations culturelles. Il suspend finalement la publication des journaux. « Les ennuis et surveillances de mes activités ont commencé à ce moment-là, m’empêchant de participer aux activités culturelles ». A cette époque, il est témoin de vastes arrestations d’intellectuels, d’écrivains et poètes hostiles aux putschistes.  Et le phénomène des « Maisons fantômes » a vu le jour. En 1991, son domicile est mis sous surveillance rapprochée. Craignant d’être arrêté et transféré dans une maison fantôme, Moneim Rahma s’enfuit à Asmara, avec l’aide d’amis du Front populaire de la libération d’Erythrée.

C’est après trois ans passés en Erythrée qu’il découvre le caractère répressif du régime. « J’ai ainsi commencé à émettre des critiques quant à ces pratiques, ce qui a mis ma vie en danger, en m’obligeant à fuir vers l’Ethiopie voisine ».

A Addis-Abeba, le journaliste-activiste travaille au service presse du Bureau du Golfe. Il y écrivait des articles sur la situation au Soudan, la guerre d’épuration ethnique et les répressions. Il utilisait le pseudonyme d’Amara Mohamed Saleh, en raison d’une forte présence d’agents de la sûreté soudanaise en Ethiopie. Trois ans après, en 1997, il rejoignait le Mouvement Populaire de Libération du Soudan (MPLS). « J’avais refusé tout enrôlement et entraînement militaire. J’ai insisté sur le fait que je tenais à ma liberté en ma qualité d’écrivain et poète » précise-t-il.

En 2001, Moneim Rahma a été transféré à Nairobi, au Kenya, pour travailler à la radio « Soudan Radio Service », spécialisée dans l’éducation. « Cette radio, financée par des institutions américaines, s’intéressait à l’éducation civile. Elle était émise en neuf langues, j’étais le responsable du service arabophone ». Il démissionna en 2005, après la signature de l’accord de paix global (CPA). Il retourna donc à Kurmuk dans la province du Nil Bleu au Soudan après sa libération par l’armée populaire (MPLS/A) pour y travailler comme responsable de la communication dans l’administration civile mise en place par l’armée populaire. Un an après, à Juba, il fondait l’organisation « Soudan de la Culture et des Arts » qui s’intéressait à toutes les cultures soudanaises et œuvrait, grâce à du théâtre itinérant, à la diffusion de la culture de paix entre les différentes ethnies, religions et traditions.

Après le théâtre, Moneim Rahma s’intéressa au cinéma. En 2009, il fondait, avec un groupe de cinéastes, l’association « Groupe du Cinéma Soudanais », et grâce au soutien du ministère de la Santé, il produisit quelques courts-métrages éducatifs sur la santé des enfants.

نهر النيل

Le Nil Bleu

En 2010, l’écrivain décide de participer à la gestion de la campagne électorale du candidat du MPLS, Malik Agar, pour le poste de Gouverneur de la Wilaya du Nil Bleu. « J’étais chargé du volet média de la campagne. Malik Agar a gagné les élections malgré les tentatives de fraudes du parti du Congrès National (NCP). J’ai été nommé Conseiller en information au sein du gouvernement élu ». En février 2011, Moneim Rahma fondait la revue El Zarqaa, la voix du gouvernement de la Wilaya, « une première dans l’histoire de la région », précise-t-il.

Le 1er septembre 2011, un attentat au vice-gouverneur de la région pousse Malik Agar à réunir en urgence le conseil des ministres. Les forces du gouvernement central qui avaient planifié tout cela, ont immédiatement été déployées et l’état d’urgence a été décrété sur ordre personnel du Président El Bashir qui limoge Malik Agar.

Le lendemain, des combats se sont déclenchés dans la ville de Al Damazine, entre l’armée populaire et l’armée régulière. « J’ai essayé de m’enfuir, à pied, en direction de la ville de Al Kurmuk, après avoir laissé ma voiture à Al Damazine. A 15 km au Sud de la ville, j’ai été arrêté par l’armée régulière. A partir de ce moment-là, j’ai été torturé, une partie de ma moustache a été coupé et l’autre partie a été brûlée avec un briquet…. J’ai été jeté dans un véhicule militaire et isolé dans un vieil entrepôt. Ils m’ont battu, les interrogatoires se succédaient. Ils m’ont cassé le genou droit parce que j’avais une rubrique dans la revue d’El Zarqaa, intitulée « Coup de bâton sur le genou ». J’ai perdu 10 dents. Ces tortures se sont poursuivies pendant des semaines et des mois ». Une commission militaire a été créée à l’intérieur de la prison : « J’ai été accusé d’avoir planifié un coup d’état, d’avoir travaillé pour le compte de l’étranger, d’avoir appelé à un état laïc et combattu l’islam et l’arabisme ». La commission a rendu son jugement à la peine capitale, le 23 novembre. Un autre jugement à la peine capitale a été rendu à son encontre et à 17 autres membres du mouvement populaire. Suite à la campagne locale, régionale et internationale en faveur de sa libération, le 18 août 2012 Moneim Rahma est mis en résidence surveillée à l’île de Touti. Il ne peut exercer aucune activité, sous menace de sa sécurité et celle de sa famille. Les jugements à la peine capitale ne sont pas annulés.

C’est à partir de ce moment qu’il  commence à planifier sa fuite vers l’Ethiopie, en mars 2013. « Sous l’égide de l’Union Africaine et sa protection, j’ai pris part auprès de la délégation du mouvement populaire Nord (MPLS/Nord), aux négociations de paix avec le gouvernement soudanais  à Addis-Ababa. Depuis le début de l’année 2014, beaucoup de changements ont vu le jour dans l’attitude des pays de la région. Un front tripartie entre l’Ethiopie, l’Egypte et le Soudant s’est créé autour du barrage de la Renaissance en Ethiopie, accompagné des accords sur la sécurité, ce qui a transformé la capitale éthiopienne en foyer pour les activités de la sûreté soudanaise. Les autorités éthiopiennes ont même commencé à menacer certains membres du mouvement de les remettre aux autorités soudanaises et demandant aux autres de quitter leur territoire. Ce qui m’a poussé à anticiper sur une telle décision le 1er mai 2015 ».

A Paris, Moneim Rahma continue d’écrire, tous les jours, de l’aube au coucher du soleil, dans sa chambre à la Maison des journalistes. « J’écris mon deuxième roman et au même temps je me dédie à la rédaction d’un scénario d’un film», fait-il savoir, et ajoute : « Je suis en train de lutter tenacement pour m’intégrer : je participe au fait à l’organisation de concerts et à la production radio. Si je peux accéder à Internet et à l’écriture, si je peux rester en contact avec d’autres personnes, ça ira très bien. Beaucoup de demandeurs d’asile n’ont même pas un toit ni un adresse avant de commencer leurs démarches… » Toutefois le journaliste n’attend que sa famille, restée au Soudan, puisse le rejoindre. Et les démarches sont chronophages, malgré la bienveillance des dispositifs français. « J’aime le peuple français qui est très accueillant et plein d’humanité. Je respecte son gouvernement qui est le seul qui a accueilli les négociations de paix au Soudan en supportant les partis d’opposition… ». La passion politique lui fait briller les yeux, ses actes sont au fait bien liés à sa pensée : « Aime tes parents et joins l’Humanité » est le slogan de l’écrivain.

 

 

La diaspora burundaise manifeste à Paris

[Par Elyse NGABIRE]

Samedi, 11 juin entre 14 et 18 heures à l’Esplanade des Invalides à Paris. Les manifestants demandent à la Cour pénale internationale de poursuivre le « tyran » Nkurunziza, responsable du massacre des citoyens au Burundi et condamnent le silence coupable de la communauté internationale.  Lire la suite

L’Amant et la Vision (ou Mauvaise Prédiction)

[Par Abdelmoneim Mohamed Ahmed RAHMALLAH]

arCi-dessous la poésie interprétée en arabe et ensuite commentée par l’auteur (à partir du minute 18’37”)dans l’émission Couleurs du monde – Scène ouverte avec Zé Boïadé, le Rudi Flores trio, Puppa Lëk Sèn, Lillabox et Farnaz Modarresifar (Enregistrement le 06 juin 2016 à 20h au Studio 105 de la Maison de la Radio)

Traduction de Perrine Lenaert

1. Un oiseau blanc, la nuit, pur comme un mirage
S’envole au loin, pris dans l’obscurité
Et l’étoile qui me parle, scintille et puis s’éteint
Doucement, vint mourrir en mon sein

Lumières de ville, paupières gonflées
Tours érigées, soleil masqué
Un jardin cimenté
Sans plantes et sans enfants

Toi qui peux améliorer le sort
Toi qui rend les souhaits possibles
Nourris-moi!
Car la douleur habite mon coeur
Car la douleur coule dans mes veines
Elle absorbe toute joie, toute vie
Elle étrangle mon âme et l’abandonne en peine

Grand-Père pourtant nous avait bien appris
A prier pour de paisibles nuits
Le premier soir à chaque croissant de lune
Je fondais mes espoirs, priant la bonne fortune

Seigneur de l’abondance et de l’aridité
Du renouveau, de l’immobilité
Ton amour est la clef
Rend moi plus confiant que je puisse voir plus loin
Je te serais loyal, parcourant mon chemin

Grand-Père était un sage
Et son esprit, serein
Connu dans le village
Pour attirer le bien

Ö toi qui marche seul sur Terre
Toi qui dispense partout ton amour généreux
Restes éveillé et restes ouvert
La vision claire, la lumière dans les yeux

Un jardin cimenté
Sans plantes et sans enfants
Et cette vision
Ne prédit rien de bon

2. Geste spontané, impulsion d’un moment
J’écris sur notre amour
C’est à propos d’un coeur
A propos d’un battement

Pluie apaisant la chaleur de l’été
Ton amour est le bourgeon devenu fruit juteux
Essentiel comme la respiration
Constant comme une inspiration

Tel le fruit qui doucement mûri
Tel le rire et le jeu des enfants
Tel l’ambiance toujours vive des hommes dans le café
Tel la nécessité de partir travailler

Enveloppante fumée
Rituel et tradition
Acacia et hénné
Ont sublimé ta peau

3. Le vide de ton absence
Mes pieds se figent
Quand je veux qu’ils avancent

La femme de coeur
Devenue coeur de pierre
Que la peur et le manque
Ont maintenant recouvert

Les souvenirs de joie commencent à disparaitrent
Et les couleurs présentent dans ces spectres
Se changent en lumière morne
En images vides de sens
Etalant sur toutes choses le vide de ton absence

L’herbe devînt épineuse
Les feux éteints dans les foyers
La rage a vaincu le bon fond
Le coeur ravivé ses démons
La gaine tremble face au couteau
Et la nuit me laisse sans repos

Pas besoin de nier l’évidence
L’amour pourrait encore se transformer
Comme il transforme les crieurs et leurs voix
En un chant de promesses
Comme il transforme la hâche
En une main qui carresse

Il fait danser les blés
Il rassemble les êtres.

 

sunrise-nile

Afrique : l’heure de la justice a-t-elle sonné ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

L’heure de la justice, en Afrique, contre les crimes impunis, a-t-elle sonné ? Les deux procès qui viennent de s’y dérouler semblent l’indiquer. Le 30 mai, à Dakar, au Sénégal, c’est Hissène Habré, l’ancien président du Tchad, qui était devant les juges, tandis que le 31 mai, à Abidjan, en Côte d’Ivoire, ce fut le tour de Simone, l’épouse de l’ancien président Laurent Gbagbo. Lui-même retenu à la Cour pénale internationale (CPI), à la Haye, aux Pays-Bas.
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Burundi. Violation des libertés politiques : Agathon Rwasa, victime de sa « popularité » ?

[Par Elyse NGBABIRE]

Le président du parti FNL et premier vice-président de l’Assemblée Nationale s’est vu refuser la rencontre avec la population dans les provinces de Gitega, Cibitoke et Karusi. Pour Aimé Magera, porte-parole de M. Rwasa, il s’agit ni plus ni moins que de l’intolérance politique envers ce « grand » opposant.

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