Exposition « Beauté Congo » Dizzy Mandjeku livre les secrets de la guitare congolaise

Propos recueillis par Léon Kharomon

Dans « Papaoutai », le tube planétaire de Stromae, la guitare solo jouée tout en finesse entre le synthé et l’accompagnement porte sa marque. Dizzy Mandjeku est l’un des virtuoses encore vivant de la musique congolaise. Il est fier d’impulser depuis quelques temps un mouvement où la guitare congolaise, après avoir conquis toute l’Afrique musicale, tente de se faire une place dans la chanson française. Que ce soit dans le Rap de Youssoufa, comme dans « Les disques de mon père », ou dans « Sapés comme jamais », le carton actuel de Maitre Gims, ou chez l’éclectique Samy Baloji, le rappeur installé en Belgique, la touche congolaise fait recette. Invité par la Fondation Cartier à l’exposition « Beauté Congo » à Paris, Pierre Evariste Dieudonne, alias Dizzy Mandjeku, sous sa double casquette d’auteur-compositeur et d’arrangeur, nous livre les secrets de ce style congolais reconnaissable parmi mille.

Le virtuose lors d’une session radio à la Fondation Cartier à Paris autour de l’expo « Beauté Congo » ( Photo Léon Kharomon).

Le virtuose lors d’une session radio à la Fondation Cartier à Paris autour de l’expo « Beauté Congo » ( Photo Léon Kharomon).

Léon Kharomon : Nous sommes venus visiter l’exposition Beauté Congo ici à la Fondation Cartier à Paris et avons eu la chance de tomber sur vous, un monument de la musique congolaise. Vous disiez tout à l’heure qu’un de vos mentors, c’était Franco Lumbo , mais aussi Nico Kassanda. Que pouvez-vous nous dire sur cette génération de grands guitaristes qu’a connus le Congo-Kinshasa.
Dizzy Mandjeku : Je me dis que j’ai eu beaucoup de chances d’écouter ces géants de la musique congolaise. Si, je dis Franco c’est un de mes mentors, mais j’étais plus branché Tino Baroza et Nico. ( Nico Kassanda, Ndlr). Entre temps, j’écoutais Franco aussi, j’écoutais Papa Noël (NEDULE, dit « Papa Noël » Ndlr) aussi. Donc, dans les années 64 quand j’ai commencé à apprendre,ce sont ces gens que j’écoutais. Et puis, j’avais la chance d’avoir un professeur belge qui jouait du jazz et du blues. Mon frère, Mauro Mandjeku, m’a appris deux, trois accords. Mais lui voulait faire un quatuor pour jouer du jazz. Alors, il m’a invité chez lui. Quand j’ai joué ce que je savais jouer, c’est-à-dire «Be sane Muccho », avec des accords, si tu me vois rire… ( rires ), Monsieur est devenu tout rouge ! Alors, lui a commencé à m’apprendre véritablement ce que c’est la guitare moderne. Donc, c’est à partir de ce monsieur là, et en écoutant la rumba, que je me suis formé. J’ai eu la chance aussi de côtoyer quelqu’un comme Guyvano Vangu Jean-Paul que je n’oublierai jamais et qui était mon chef d’orchestre dans le Festival Maquisard. Quelqu’un qui avait eu l’opportunité de remplacer Dr Nico. Moi, j’étais le guitariste mi-soliste, Mavatiku accompagnateur et Johny Bokossa, le grand frère de Chékain comme bassiste. Pour moi, c’était un atelier d’écouter Guyvano jouer. C’est quand j’étais encore aux études à Mbandaka. J’écoutais « Lyly, mwana Quartier » de Guyvano, j’avais la chair de poule. Et j’ai eu la chance d’avoir avec eux un même mentor. L’écouter, c’était un atelier vivant pour moi.
LK : Pour vous qui êtes connaisseur de la guitare, qu’est ce qui explique qu’aujourd’hui la guitare congolaise est répertoriée comme une guitare « typique », au même titre que la guitare espagnole par exemple ?
DM : C’est parce que nous avons un style particulier à nous. Et ici, je veux dire que tous les guitaristes congolais doivent remercier un monsieur, un aristocrate belge qui s’appelle Bill Alexandre. Ce monsieur est venu chez nous dans les années 40, 50. Il faisait partie de l’orchestre de la Sabena qui envoyait des musiciens de Jazz à Kinshasa ( ex Léopoldville).
LK : C’était l’époque des Wendo…
DM : Oui, mais, les Wendo, c’était l’époque d’une musique typique au pays. Mais, ce monsieur, c’est lui qui a fait que les guitaristes congolais aujourd’hui sont presque tous des virtuoses. Je peux vous citer les Dali kimoko, les Diblo Dibala, les Alain Makaba, les Felix Manuaku, Les Niawu, les Bongo Wende, un guitariste comme Popolipo, tous, ce sont des virtuoses, parce qu’on vient de cette école là. Ce monsieur a emmené une guitare qu’on appelait Lepson Gibson et il a joué pour la première fois dans la chanson, si vous vous rapellez « ah baninga ba ngai nasala ko boni… »,le son pur que vous entendez dans la guitare là, c’est lui. C’est lui qui a inspiré tout le monde. C’est lui qui a fait que les guitaristes congolais- à l’époque on pensait que c’était les Jimmy et autres qui jouaient de la guitare folklorique typique, mais lui est venu avec la guitare moderne. C’est lui qui a inspiré les Tino Baroza, les Niko, etc…Donc, on a commencé par là. C’est ce qui a fait qu’on a beaucoup de guitaristes virtuoses. C’est la chance qu’on a eu d’avoir ce monsieur. On est tous dépendant de ce monsieur là.
LK : Vous commencez votre carrière en quelle année et dans quel groupe ?
DM : J’ai commencé l’apprentissage avec mon frère ainé en 1964. J’étais encore aux humanités. Mon père était médecin, en ce moment là il était assistant médical. On l’a muté à Mbandaka. C’est à Coquilhatville que j’ai appris la guitare avec monsieur Vanbroust Eghen. Lui, il était touche-à-tout. Il était le contemporain du plus grand guitariste belge de tous les temps, Réné Thomas et de Django Renhardt. C’est lui qui m’a appris à jouer des chansons de Montgommery. Ça, c’est en 1964. Mais en 1966, j’étais déjà à l’université Lovanium (Louvain). Autant que les Ray Lema, les Paki Lutula. Et c’est à ce moment que j’ai formé un orchestre avec Ya Lokombe Camille. Et avec ceux qui deviendront plus tard les musiciens des Grands Maquisards comme Nkodia Franck qui est mort, Bopol Masiamina. J’ai créé mon orchestre qui s’appelait Nouvel horizon. C’était à Kinshasa. A côté de moi, il y avait Yosa Taluki, le guitariste qui était dans le «Diamant bleu » après le départ de Guivano pour l’African Fiesta. Il y avait aussi Mayansi, leur trompettiste et leur chef d’orchestre. Moi j’ai formé mon orchestre et le Vieux Moyina est même devenu mon contre-basiste à ce moment là. Donc, j’ai commencé comme ça. Un orchestre de quartier. Mais en 1968, j’ai fait partie de l’orchestre de Johnny Bokelo. Grand guitariste de variétés. Parce qu’en ce moment là, Philo Kola qui le faisait est parti dans l’African Fiesta. Cesquin Molenga est parti dans l’African Fiesta. J’ai commencé à répéter chez le Vieux Diunga Djeskain dans Super Negro. Il y avait un drummer là-bas, Jeff, qui est allé dire à Johnny Bokelo : « Il y a un garçon qui étudie à Lovanium (Louvain) et qui joue de la guitare comme Raymond Brent. Voilà encore un de mes mentors. On m’appelait petit Raymond Brent en ce moment là. C’est ainsi que j’ai commencé dans Konga 68. Si vous vous rappelez la chanson « Tambola na mokili diye, omona makambo » c’est Portos qui jouait la guitare rythmique, c’est moi qui bougeais son levier, parce qu’il ne savait pas faire au même moment le vibrato. ( Rires )
LK : Et après vous évoluez comment ?
DM : La même année, il y eut l’orchestre « Les Maquisards », « Le Festival des Maquisards… »
LK : Avec Ntesa Dalienst ?
DM : Non, d’abord l’orchestre de Rochereau. Retour de Montreal, l’orchestre s’est rebellé. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé là-bas. J’entre pas dans les cuisines intérieures. Les musiciens ont quitté. Michelino, Guyvano, Johnny Mokusa, Sam Mangwana ont quitté l’African Fiesta (de Rochereau, Ndlr). Et ils ont formé avec l’appui de Monsieur Ilosono, qui était le secrétaire particulier de Mobutu, l’orchestre « Festival de Maquisard ». Et un jour, nous nous sommes rencontrés à la cité de l’OUA, en 68, lors d’une réunion de chefs d’Etats africains. Il y avait tous les 4 grands orchestres de cette époque là : Ok. Jazz qui jouait avec Kobantou et le Konga Succès qui jouait avec le Festival de Maquisards. Mais comme ils cherchaient un guitariste de Variétés, alors que moi j’étais guitariste de jazz, ils ne m’ont pas accepté. Mais quand ils m’ont vu jouer avec Bokelo, tout le monde me dit d’attendre un peu…( rires )
LK : C’est dire qu’à l’époque, on était très pointilleux : on faisait une nette distinction entre guitariste de jazz et guitariste de variétés.
DM : Oh, oui !
LK : Mais aujourd’hui, on ne fait plus cette différence…
DM : Il y a eu Jimmy Yaba dans Zaïko par exemple qui faisait aussi…(guitariste de Jazz..) Mais aujourd’hui, les choses ont changé. (ça fait plus de trente ans que je vis en Europe). On m’a engagé dans le Festival de Maquisard, le lendemain, c’était un samedi. On quitte la cité de l’OUA,on me fixe rendez-vous à Bandal, chez la deuxième femme de Monsieur Ilossono, Maman Jeannine, et là je rencontre le grand patron, qui me donne tout ce que je veux : un scooter, du mobilier, etc..A ce moment là, j’étais toujours étudiant à Lovanium (Louvain). C’est comme ça que j’ai commencé dans le Festival des Maquisards.
LK : Quels sont les meilleurs souvenirs de votre carrière ?
DM : Justement, l’année d’après, en 1969, notre patron (M.Denis Illossono, Ndlr) a eu des problèmes politiques. C’est lui qui avait Vis-à-vis, Un-deux-trois, à l’époque Alex Bar…
LK : C’étaient ses propriétés, Vis-à-Vis, Un-deux-Trois » ?
DM : Je ne sais pas s’il louait ou si ça lui appartenait en propre ? Mais le fait est que nous étions bloqués lors d’une tournée à Mbuji Mayi. Et à partir de Mbuji –Mayi, c’était sauve-qui-peut, chacun devrait rentrer à Kinshasa comme il l’entendait. Moi, j’ai eu la chance de partir avec un avion militaire. Arrivés à Kin, on a commencé à faire des répétitions. On répétait déjà depuis Mbuji-Mayi. Mais, les ténors de l’orchestre, comme Michelino, qui était quelqu’un de très important dans l’orchestre, un des plus grands compositeurs, est parti dans l’African Fiesta. La section cuivre, ils sont partis dans l’African Fiesta, les Barami, sont partis dans l’OK Jazz. Toute l’ossature est partie. Ce qui fait que je suis resté avec Dalienst, Diana et Lokombe et on s’est dit : On continue ! C’est à partir de ce moment que je me suis vraiment éclaté à la guitare. 1969, avec mon jeune frère, Majeda. On avait aussi un ex aequo comme Attel Pierre, Emile Mbumba. L’African Fiesta, c’était vraiment l’émulation entre nous. Si vous écoutez toutes les chansons qu’on a faites, les Delia, Obotama mobali ndima pasi, les Maria Mboka, les Jaria…
LK : C’était sous ton doigté ?
DM : Majeda et moi. On se partageait moitié-moitié. Après ça, il y a les frères Soki qui sont venus me trouver. Ils m’on dit : nous voulons que tu nous arranges nos morceaux comme tu le fais dans le Grand Maquisard. C’est ainsi que j’ai arrangé les morceaux comme « les Getou Salay, comme les Musoso, etc…avec Shaba Kahamba.
LK : Donc, vous avez aussi une casquette d’arrangeur…
DM : Tout à fait. Jusqu’aujourd’hui. Ecoutez ce que j’ai fait avec les trois anges de Choc Stars : Pauvre Pasteur Debaba, Carlyto, le frère en Christ, et Defao . Ecoutez le Bouda de Oro, je me suis vraiment éclaté la dessus.
LK : En dix minutes, ce sera impossible de résumer votre très longue carrière. Mais une question que je ne pourrais manquer de vous poser : c’est en lisant un journal hier, Le Monde, où l’on parle de la musique congolaise. On a remarqué que la guitare congolaise, après avoir conquis pratiquement toute l’Afrique, est en train de s’implanter dans la musique moderne en Europe. A travers des artistes de rap, des artistes de variétés.
DM : Oui, tout à fait. Come avec Samy Baloji…
LK : Oui, en Belgique, on peut citer aussi Stromae..
DM : Oui, c’est moi qui suis co-auteur et co-arrangeur de « Papaoutai ».
LK : Un succès mondial… On a retrouvé la touche de la guitare congolaise. Mais, il y aussi Maïtre Gims, qui a fait un clin d’œil dans deux morceaux de son nouvel album ( « Mon cœur avait raison », Ndlr).
DM : Je suis précurseur dans ce mouvement, et je suis content que Maître Gims le fasse.
LK : Il y a aussi Youssoufa , le fils de Tabu Ley qui fait ça… dans ( Les disques de mon père). On parle même d’une « congolisation » du rap français.
DM : Absolument. Et je suis fier d’avoir impulsé ce mouvement. Vous avez vu les awards que Stromae a gagnés!
LK : En deux mots, sur le plan technique, qu’est ce qui fait la particularité de cette guitare dite «congolaise »?
DM : Ecoutez. La guitare congolaise demande beaucoup de dextérité. En fait, ce qu’on appelle « Seben », c’est-à-dire le moment que les Cubains appellent Mambo …-je viens de Cuba et de Colombie où je viens d’ajouter aussi de la musique congolaise. Et la semaine prochaine mon orchestre « Oyemba » joue, avec un orchestre cubain. Justement, je « congolise » aussi la musique cubaine. ( rires).
LK : Donc, le projet continue..
DM : Oui, ça continue. Je suis vraiment content que les Jeunes rentrent là-dedans Je disais, pour ne pas perdre le fil des idées. Cette guitare demande beaucoup de virtuosité. Et nous nous basons sur le folklore. Les anciens, c’est-à-dire, les Franco, les Nico l’ont impulsé. Quand vous écoutez un sebene mutwashi de Nico ,c’est magnifique. Quand vous écoutez un sebene bakongo chez Franco, c’est magnifique. Et puis, les jeunes, nous sommes venus. Et on a ajouté, on a ajouté…et c’est ce qui fait que cette guitare a une particularité, une identité. Les autres Africains nous ont copiés.

Cliquez sur le lien  ci-dessous pour écouter l’interview audio avec l’artiste : 

Dizy Mandkeku : Interview par Léon Kharomon

 

 

Diendéré, un aventurier !

[Par Jean Mati]

L’auteur du putsch de ce mois-ci au Burkina Faso,  le général Gilbert Diendéré, l’homme de l’ombre, s’est affiché publiquement sans trop savoir pourquoi  avant de se plier à la volonté du peuple burkinabé. Ce dernier ne voulait en tout cas pas du coup d’Etat au pays des  hommes intègres. Qui était derrière les agissements de ce type mystérieux ? Pourquoi ce factotum du pouvoir Compaoré a pu faire ça ?

Gilbert Diendéré

Gilbert Diendéré

L’annonce de la prise du pouvoir par la force du général Gilbert Diendéré et de ses hommes, a provoqué de vive réaction. Personne ne pouvait cautionner un nième coup d’Etat à l’ancienne Haute-Volta, un pays qui a connu de nombreuses situations similaires notamment celles de  1983 et surtout  de 1987, soldée par la liquidation du capitaine Thomas Sankara. D’emblée, ce coup de force a pu réveiller des sentiments d’angoisse et d’inquiétude. Le Burkina prenait en effet un autre virage pour tourner définitivement la page de l’épisode Compaoré. Fallait le faire. Fort malheureusement, cet imbroglio orchestré par le général Diendéré et les militaires de la direction du Régiment de la sécurité Présidentielle (RSP) de l’ancien Chef de l’Etat, n’avait qu’un seul but : arrêter le temps. En outre, empêcher la vérité de triompher.

Michel Kafando

Michel Kafando

Ceci nous pousse à analyser le comportement agité du putschiste Diendéré. D’abord le langage utilisé le jour de sa prise du pouvoir. On a constaté que son discours était creux et vide de tout sens. « Nous sommes passés à l’acte pour empêcher la déstabilisation du Burkina », a-t-il dit.  Rien d’autre n’a été évoqué par le nouveau président. Dès lors, on pouvait comprendre que les motivations des putschistes étaient ailleurs. Ensuite, la manière dont les choses se sont passées, par exemple, le fait de neutraliser le président de la Transition Michel Kafando et le Premier ministre Isaac Zida. Des façons arbitraires qui ne font que renforcer l’image assez négative que traînent derrière eux les dirigeants politiques africains quant à leur façon de prendre le pouvoir par les armes. Franchement, ce fut un coup d’Etat de trop ! Le peuple burkinabé ne méritait pas un tel événement en dépit de la grande bataille révolutionnaire menée et remportée haut la main  l’année dernière.

Par ailleurs, l’officier Gilbert Diendéré vient d’inscrire une nouvelle note dans son palmarès criminel en occasionnant la mort d’une dizaine des burkinabés. L’homme déjà connu pour son rôle majeur dans l’assassinat de Sankara n’a pas les mains propres. Sa petite phrase  « Le putsch  est terminé » apparaît comme une injure, une offense au peuple burkinabé.  Quand l’Afrique va-t-elle finir avec ces démons et ces coups d’Etat ?  A tous ces personnages qui n’accordent aucune importance au jugement de l’Histoire… quel sort faut-il leur réserver ?

Jean Mati

LE PRINTEMPS ARABE, LE BURKINA ET LES COUPS D’ETAT

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

« Coup de grâce » aux dictatures vacillantes, à la suite du Printemps arabe, décembre 2010, et du coup de balai, novembre 2014, qui en est suivi au Burkina Faso, telle a été l’idée qui avait accompagné ces événements palpitants. Nombreux, à bon droit, ont vite conclu à l’amorce d’un effet papillon qui allait secouer les cocotiers. C’est raté : car, en lieu et place, ce sont des coups d’Etat qui se succèdent.

Des soldats du Régiment de sécurité présidentielle dispersent des membres du Balai citoyen, une organisation citoyenne qui a soutenu le précédent coup d'Etat contre Blaise Compaoré, à Ouagadougou au Burkina Faso, le 20 septembre 2015. AFP/SIA KAMBOU  (source : lexpress.fr)

Des soldats du Régiment de sécurité présidentielle dispersent des membres du Balai citoyen, une organisation citoyenne qui a soutenu le précédent coup d’Etat contre Blaise Compaoré, à Ouagadougou au Burkina Faso, le 20 septembre 2015. AFP/SIA KAMBOU (source : lexpress.fr)

Hormis la Tunisie qui, bon an mal an, sort la tête de l’eau, tous les autres pays qui ont cédé aux sirènes du cri révolutionnaire tunisien et égyptien « Untel dégage… » sont dans la zone de turbulences. En guerre pour le contrôle du pouvoir, le Yémen et la Libye sont à l’agonie. Le Burundi, à l’exemple du Burkina Faso embarqué par le Printemps arabe, est au bord de la guerre civile.

Dans le lot, seul le Burkina est resté bien en selle, empruntant le chemin de la démocratie suivi par la Tunisie. Un parcours, jusqu’au mercredi 16, sans effusion de sang ni chasse aux sorcières. Comme en Egypte et en Tunisie. En somme, une transition qui attendait de recevoir un vibrant satisfecit, surtout de la part de l’Afrique subsaharienne qui, face au désastre, est à la recherche d’un signe symbolique d’espoir.

C’est sous ce ciel sans nuages, juste à la veille des présidentielles prévues pour le 11 octobre prochain, que le général Diendéré crée la surprise, en fomentant un coup d’Etat. Autant anachronique que vide. A l’image des coups d’Etat ourdis il y a quarante ans, quand les mensonges prévalaient, sans scrupules, sur la vérité. Et quand la jeunesse était plutôt oisive. Aujourd’hui, un tel scénario n’est plus envisageable.


Le scénario laisse perplexe

L'ex-président Compaoré  (source  lemonde fr)

L’ex-président Compaoré (source lemonde fr)

Le coup d’Etat au Burkina relève d’une manœuvre cousue de fil blanc par les proches de l’ex-président Compaoré pour reprendre le pouvoir afin des préserver leurs avantages, puisqu’ils étaient exclus du processus électoral en cours. De ce point de vue, la similitude est sans appel avec le coup d’Etat du général Sissi, en Egypte, en juillet 2013.

Mais la vacuité du coup d’Etat du principal collaborateur de l’ex-président du Burkina va au-delà du regard porté sur les intérêts matériels. Le général Diendéré fut un des fidèles affidés de Compaoré dans tous les mauvais coups qu’a connus le Burkina Faso vingt-sept durant le règne de ce dernier. Notamment dans l’assassinat de l’ex-président et emblématique Thomas Sankara et de celui du journaliste Norbert Zongo. Le procès de ces dossiers macabres, parmi beaucoup d’autres autant graves, était attendu. Ce sont-là les raisons profondes du coup d’Etat.

Le général Diendéré (source : fr.africatime.com)

Le général Diendéré (source : fr.africatime.com)

Quel était, malgré tout, sa chance de survie, puisqu’il était déjà consommé ? Le scénario laissait perplexe. Hier, les coups d’Etat se réalisaient quasiment sous l’indifférence des peuples. Tel n’est pas le cas, aujourd’hui.

A l’intérieur, la société civile et la jeunesse étaient sur les dents, depuis l’annonce de ce coup de force militaire. La majorité des unités de l’armée (en dehors de la RSP, la garde prétorienne de l’ex-président, responsable du putsch, cantonnée dans la capitale), rejetait le coup d’Etat. Dimanche, la majorité de ces unités avait quitté leurs bases, en province, et encerclaient déjà la capitale.

A l’extérieur, contrairement aux habitudes des pays africains qui adoptent généralement le silence devant les événements de cette nature, le Tchad et le Niger ont ouvertement demandé le retour dans leurs casernes des putschistes. La France, par la voix du président Hollande, était sur la même longueur d’ondes.

Quant à la a Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), celle-ci était sur la brèche, dès vendredi 18, à travers une délégation de médiation composée des présidents Macky Sall du Sénégal et Boni Yayi du Bénin. Les deux dirigeants tentaient de concilier, jusque lundi 21, les positions encore assez divergentes entre les protagonistes.

L’ensemble de tous ces éléments indiquait que le coup d’Etat du général Diaendéré était mal parti. Lundi, à la nuit tombée, les unités qui encerclaient Ouagadougou s’étaient emparées de la ville sans résistance de la part des putschistes.

Heureux dénouement de ces événements qui avaient tout d’un drame à plusieurs dimensions. Encore une fois, le Burkina vient de donner à l’Afrique une leçon à suivre.

 

 

 

CAMEROUN: PAUL BIYA À L’ÉPREUVE DE LA VIEILLESSE

[Par René DASSIE’]

Président d’un pays en crise sociale et sécuritaire qui voit chaque jour s’accumuler les prémisses d’une agitation sociale de grande ampleur, Paul Biya, le chef d’État camerounais, mène la vie de détachement et d’insouciance d’un homme sur le retour.

(source : cameroonvoice.com)

(source : cameroonvoice.com)

Après s’être offert presque un mois de soins et de cure de jouvence dans une clinique huppée de Baden-Baden, station thermale et centre de villégiature du sud-ouest allemand, le président camerounais, qui était officiellement en « court séjour privé » selon la formule consacrée, a regagné Yaoundé dimanche, dans l’après-midi.

Et bien que l’escapade outre-Rhin du dirigeant octogénaire n’était en rien officielle, toute sa foule habituelle d’obligés – le président de l’inutile et coûteux Sénat camerounais, son homologue de l’Assemblée nationale, le Premier ministre et une partie de l’équipe gouvernementale – était à l’aéroport pour l’accueillir.

Même l’ambassadeur d’Allemagne à Yaoundé, Holger Mahnicke, s’est cru lui aussi, obligé de sacrifier son dimanche pour se joindre à la foule des courtisans de « l’homme-lion », célébrant son retour.

Peut-être sa façon à lui de remercier le président-vacancier et dépensier, d’avoir jeté cette fois-ci son dévolu sur son pays. On sait en effet qu’à chacune de ses villégiatures en Europe, comme l’avait révélé le scandale de son séjour à La Baule en France en août 2009, Paul Biya dépense au bas mot le million d’euros.

En mars, le président qui depuis 33 ans ne fait aucune différence entre le Trésor camerounais et sa cassette personnelle avait passé 25 jours à Genève, autre ville de villégiature où il a ses habitudes. Seulement, sa promenade sur les bords du Lac Léman de la capitale helvétique est de plus en plus perturbée par des Camerounais de Suisse, qui manifestent régulièrement, pour le sommer de rentrer au pays. L’Allemagne a donc pu constituer une bonne alternative, les Camerounais qui y vivent n’étant pas spécialement connus pour leur hostilité à Paul Biya.

La Une de Cameroon Tribune de lundi 14 septembre 2015

La Une de Cameroon Tribune de lundi 14 septembre 2015

Dans son édition de lundi, Cameroon Tribune, le quotidien gouvernemental, a salué l’arrivée du président par ce titre sobre: « Paul Biya de retour ». Sur Facebook, un journaliste camerounais basé aux États-Unis a posté plusieurs Unes de ce journal animé par des fonctionnaires et dédié à la propagande d’État, qui depuis trois décennies, portent presque invariablement le même titre: « Paul Biya, le retour ».

Paul Biya le retour ou Paul Biya sur le retour? La deuxième hypothèse semble mieux correspondre à la réalité. Les cures thermales, le bistouri, les coûteuses thérapies cellulaires, qui, comme l’expliquait le chanteur Johnny Hallyday parlant du secret de sa vitalité lors d’une émission de Canal + permettent d’enlever le sang du patient, de l’oxygéner avant de le lui réinjecter pour le régénérer, n’y peuvent visiblement plus rien. Paul Biya est vieillissant et la gestion d’un pays à la tête duquel il se comporte en roi-fainéant depuis trois décennies lui échappe totalement. Peut-être même a-t-il fini par oublier qu’il est président.

Cameroon Tribune, le quotidien d’État dédié à la propagande du Chef a beau célébrer son arrivée, avec son éternel titre « Paul Biya de retour », son incapacité n’échappe plus à personne.

Pour les médias privés camerounais, rappeler que le pays n’est plus dirigé constitue même désormais un marronnier, ce type d’article de faible importance, consacré à un événement récurent et prévisible, dont on se sert pour meubler une période creuse.

Le quotidien Le Messager paraissant à Douala s’est ainsi faussement ému du « silence assourdissant de Paul Biya » face aux crimes répétés des islamistes de Boko Haram, après que les islamistes venus du Nigeria ont tué neuf personnes et blessé une vingtaine d’autres, lors d’un double attentat-suicide commis dimanche à Kolofata dans l’Extrême-Nord du pays. Rien de nouveau: c’est au moins la septième fois en moins de trois mois que le pays est frappé par des attentats-suicides, sans que le président ne daigne s’adresser à la nation.

Une réunion du Conseil des ministres camerounais (source : www.spm.gov.cm)

Une réunion du Conseil des ministres camerounais (source : www.spm.gov.cm)

De son côté, Mutations, un autre quotidien privé, constate que « les absences répétées de Paul Biya paralysent le fonctionnement de l’appareil d’État. » Ça aussi, on l’a souvent dit ces vingt dernières années. Les institutions ne fonctionnent pas mieux, lorsque Paul Biya se trouve au Cameroun. Il organise rarement les conseils des ministres. Le dernier date de début décembre 2014 et n’avait duré que 25 minutes, alors que le gouvernement camerounais, particulièrement pléthorique, comporte plus de 60 membres. Les deux années précédentes, il n’y en avait pas eu.

Le pays peut être au bord de la faillite puisqu’il a été obligé, selon Le Messager, d’emprunter de l’argent pour payer ses fonctionnaires ce mois-ci. La prison de Douala, la capitale économique, à la fois affreusement vétuste et surpeuplée peut partiellement disparaître dans un incendie comme cela s’est passé dimanche. Les ONG peuvent tirer la sonnette d’alarme sur les exactions policières. Des militaires peuvent toujours sortir par centaines dans les rues pour réclamer le paiement de leurs soldes, comme ils l’ont fait à Yaoundé, la semaine dernière.

En quoi tout ceci pourrait-il concerner un président atteint par l’usure du pouvoir? Paul Biya ne se donne même plus la peine d’insulter ses opposants comme il le faisait il y a quelques années, en les traitant d’ « oiseaux de mauvaise augure » ou d ‘« apprentis sorciers ». Récemment, lorsque John Fru Ndi, le président du Social Democratic Front (SDF), le principal parti d’opposition, l’a accusé d’avoir financé les islamistes en leur payant des rançons pour libérer des otages, il n’a pas jugé utile de répliquer.

L’homme-lion a vieilli, il est sur le retour. Lorsqu’il ne se repose pas dans son village du sud du Cameroun, il se repose dans quelque ville d’Europe, où il peut en outre avoir accès à des soins dont la plupart de ses concitoyens ne révéraient même pas.

 

 

 

« L’HOMME QUI RÉPARE LES FEMMES », LE FILM QUI DÉRANGE KINSHASA

[Par Léon KHAROMON]

Le nouveau documentaire consacré au gynécologue congolais, Denis Mukwege est frappé d’interdiction en RDC. Son auteur, Thierry Michel, rencontré à Paris lors de la grande première, reste perplexe face à la mesure des autorités congolaises qui, selon ses propres dires, l’avaient pourtant laissé travailler en toute quiétude.
« C’est le film pour lequel j’ai rencontré le moins d’ennuis avec le pouvoir congolais », reconnaît-il. Mais, pourquoi, alors pourquoi cette interdiction en aval, pour un film qui a remporté plusieurs prix prestigieux à l’international et qui était particulièrement attendu en RDC, notamment par les populations de l’Est de ce pays, meurtries par 20 ans d’une guerre d’agression et de prédation aux visages multiples ?

Le Dr Denis Mukwege, saluant ses patientes à l’hôpital de Panzi (photo tiré de : Le Soir.be)

Le Dr Denis Mukwege, saluant ses patientes à l’hôpital de Panzi (photo tiré de : Le Soir.be)

Prix Sakharov 2014, le Docteur Mukwege est devenu l’une des personnalités congolaises les plus respectées au monde. Sa carrure dépasse largement le seul secteur de Panzi dans le Sud-Kivu où il mène le combat inlassable consistant à soigner des femmes victimes de viol.
Après en avoir soigné plus de 30.000 depuis 1997, cet homme, pourtant humble et affable, a décidé de rompre le silence pour interpeller la communauté internationale sur une guerre absurde où le viol, utilisé comme arme de guerre, fait de femmes et des enfants, les principales victimes. Ce, au moment où des multinationales financent des rébellions téléguidées du Rwanda et de l’Ouganda, parfois en complicité avec certaines autorités congolaises qui trouvent leur compte dans cette économie de guerre.
Avec cette campagne de sensibilisation et de dénonciation, le gynéco congolais ne se fait pas que des amis. Il a échappé in extremis à un attentat devant sa résidence à Bukavu puis il est parti en exil en Belgique, en octobre 2012. Mais, dans le Sud-Kivu où il représente plus qu’un simple médecin, les femmes venues de contrées les plus lointaines se sont mobilisées comme jamais. Elles ont proposé de vendre les produits de leurs maigres récoltes pour payer au docteur un billet d’avion retour dans son pays. Touché par tant de sollicitudes, le médecin ne put résister et se résolut à mettre fin à son en exil. Il fut accueilli en messie par une population en liesse et en larmes. Des femmes venues de très loin pour lui faire un triomphe. Mais, à 61 ans, ce « médecin-courage » vit désormais flanqué de gardes du corps en permanence. Dans le Kivu, la paix reste fragile en dépit du fait que les M23 et les ADF Nalu, principaux mouvement rebelles d’obédience respectivement rwandaise et ougandaise ont été chassés. Les viols des femmes et des enfants demeurent préoccupants.

La colère d’Hippocrate
Dans ” Le Réparateur des femmes “, coécrit avec la journaliste belge, Colette Braeckman, Thierry Michel, qui en est à son dixième film sur le Congo, se veut plutôt nuancé. Même si certaines scènes sont difficiles à voir. Mais qui ignore les atrocités subies par les populations congolaises ces 20 dernières années dans le Kivu et dont les images ont fait plusieurs fois le tour du monde sur Internet ? Il y a une séquence où l’on voit le Dr Mukwege à la tribune de l’ONU plaider pratiquement la cause de la RDC victime d’une guerre d’agression et de prédation organisée par des puissances mafieuses. Ce qui politiquement devrait être à l’avantage du gouvernement congolais. En revanche, Thierry Michel, met en évidence le dépit et surtout la colère d’un médecin qui, au bout de 20 ans, n’en peut plus de continuer de soigner des femmes brisées, certaines pour la deuxième, voire la troisième fois ! Quand cet homme respecté et respectable troque sa blouse de chirurgien contre un costume de militant pour dénoncer et briser le silence qui entoure cette guerre à la limite de l’absurde, ça dérange. Quand Mukwege s’indigne de l’absence de la délégation congolaise lors de son passage à la tribune de l’ONU, ça dérange.”J’aurais voulu être soutenu par les miens”; regrette t-il. Quand Mukwege dénonce ” des groupes mafieux venus du monde entier pour piller le Congo sur le dos des femmes, ça dérange. Mais, même ici, il ne cite personne. Il n’en a pas besoin. Ces criminels sont clairement identifiés dans les différents rapports de l’ONU et des Ong des droits de l’homme. Ce sont des multinationales sans scrupules qui en complicité avec le Rwanda, l’Ouganda et certaines autorités congolaises ont mis en place une économie de guerre. Qui ne le sait pas ?
Le succès du” Réparateur des femmes”, ne s’explique pas par les infos, sensibles ou pas, qu’il rapporte. La plupart étant connues. Mais plutôt par le fait que Thierry Michel réussit à, travers le portrait et l’action immense d’un gynécologue, à mettre UN VISAGE sur cette guerre de “basse intensité”, cette “guerre de l’ombre”, guerre de la “périphérie du monde”, dont on parle à peine dans les grands médias occidentaux, mais qui a déjà fait des millions de morts, des millions de déplacés internes et de milliers de femmes violées.
Ci-après l’interview que nous accordée par le réalisateur Thierry Michel au sortir du FIFDA à Paris où « Le Réparateur des femmes » a été projeté en ouverture. Ce film sera également projeté le 1 octobre 2015 au Centre Wallonie Bruxelles de Paris en ouverture de la Quinzaine du cinéma francophone.

Ci-dessous l’interview audio de Thierry Michel sur le film :

 

COTE D’IVOIRE : RETOUR À LA CASE DÉPART !

[Par Armand IRE’]

A quelques semaines de la présidentielle de 2015, les esprits s’échauffent et les vieux démons entrent en activité. La cour constitutionnelle aux ordres du régime d’Abidjan a définitivement arrêté la liste des candidats à cette élection. Dix candidats parmi lesquels le président sortant. Grogne dans la population et l’opposition radicale et vague d’arrestations. Etat des lieux.

Alassane Dramane Ouattara (source : AFP)

Alassane Dramane Ouattara (source : AFP)

Assurément Alassane Dramane Ouattara l’actuel chef de l’état ivoirien à maille à partir avec la constitution de ce pays. Le fameux article 35 qui tamise les prétendants au pouvoir en Côte d’Ivoire est un vrai casse-tête pour lui. « …le candidat à l’élection présidentielle doit être… ivoirien d’origine né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d’origine. Il ne doit n’avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Il ne doit s’être jamais prévalu d’une autre nationalité… ». Voici les quelques phrases de ce long article qui posent un problème réel au chef de l’Etat sortant. Pour arriver au fauteuil présidentiel, il lui a fallu fomenter une rébellion armée en 2000 après avoir à plusieurs reprises tenté des insurrections et même parrainé un coup d’Etat en 1999. C’est au cours des accords avec cette rébellion et sur suggestion du médiateur Thabo Mbéki l’ancien président sud-africain, que Laurent Gbagbo a pris un décret en vertu de l’article 48 de la constitution ivoirienne pour faire de manière exceptionnelle de Ouattara un candidat pour la seule présidentielle de 2010. Avec lui tous les signataires des fameux accords de Linas-Marcoussis. L’article 48 est utilisé pour gérer le pays en cas de crise aigue menaçant l’intégrité du territoire.
La nationalité et les origines de l’actuel homme fort des lagunes ont toujours été un problème en Côte d’Ivoire. Son père qui est un ressortissant burkinabé originaire du village de Sindou au Burkina-Faso est venu faire fortune en Côte d’Ivoire. Ayant hérité de la chefferie de sa terre d’origine il y est retourné et y est aujourd’hui enterré. Les « hagiographes » de Ouattara et lui-même dans son identité sujette à caution ont donné une mère ivoirienne originaire du nord de la Côte d’Ivoire à l’actuel candidat du Rhdp -le rassemblement des houphouetistes pour la démocratie et la paix. Ces pourfendeurs (et ils sont nombreux) avancent avec précisions et détails que Nabintou Cissé n’est pas la génitrice réelle de l’ancien directeur général adjoint du FMI mais plutôt la coépouse à sa mère. Si l’on se perd en conjectures sur ces questions de naissance, on est cependant sur du fait que jusqu’en 1988, Alassane Dramane Ouattara était ressortissant burkinabé. Il a été étudiant voltaïque, la Haute-Volta étant l’ancienne dénomination du Burkina-Faso, il a occupé les fonctions de responsable du desk Afrique au FMI en 1987 en tant que burkinabé et a même été vice-gouverneur de la banque centrale africaine avec cette nationalité. Il a donc renoncé de plein gré à la nationalité ivoirienne et s’est prévalu durant une grande partie de sa vie d’une autre nationalité.
L’arrêté qui rend perplexe

Koné Mamadou  (source : imatin.net)

Koné Mamadou (source : imatin.net)

Dans la décision en date du 9 septembre 2015 du conseil constitutionnel présidé par l’ancien ministre issu de l’ex rébellion, Koné Mamadou dont l’épouse est l’une des directrices de campagne de Ouattara dans la commune huppée de Cocody à Abidjan, il y a à boire et à manger mais aussi à contester. Répondant à Essy Amara ancien ministre des affaires étrangères, ancien président conseil de sécurité de l’Onu et premier président de la commission de l’Union africaine qui a introduit une requête en annulation de la candidature de Ouattara, le conseil constitutionnel a plongé dans cet état de perplexité tous les observateurs de la vie politique ivoirienne.
Alors qu’on dit être sorti de crise en Côte d’Ivoire et clamé haut et fort qu’Allassane Ouattara est ivoirien, on a plutôt eu droit à un retour dans le passé et un véritable tango entre le décret de Laurent Gbagbo faisant candidats à titre exceptionnel tous les signatures des accords de Marcoussis pour la présidentielle de 2010 et la décision de la cour suprême invalidant la candidature d’Alassane Dramane Ouattara en 2000. Tout ceci pour enfin aboutir à ce que cette juridiction suprême a appelé une « éligibilité dérivée » car selon elle, Ouattara est l’actuel président et ne peut donc pas se plier aux exigences constitutionnelles concernant l’élection à venir.
Manifestations et arrestations et …morts

Des heurts ont éclaté jeudi 10 septembre en marge de manifestations contre la candidature du président Alassane Ouattara à sa réélection, faisant un mort et plusieurs blessés. AFP PHOTO / ISSOUF SANOGO (source : rfi.fr)

Des heurts ont éclaté jeudi 10 septembre en marge de manifestations contre la candidature du président Alassane Ouattara à sa réélection, faisant un mort et plusieurs blessés.
AFP PHOTO / ISSOUF SANOGO (source : rfi.fr)

La décision du conseil constitutionnel n’a pas rencontré l’assentiment de nombreux ivoiriens. Certains sont descendus dans les rues dans plusieurs villes ivoiriennes et à Paris pour crier selon eux leur ras le bol face à ce énième piétinement de la constitution ivoirienne. La surprise est venue d’Abobo commune la plus peuplée de la capitale ivoirienne. Ce vaste quartier considéré comme le fief de Ouattara a connu un début de soulèvement vite réprimé. A Yopougon on a annoncé 3 morts et un bus de la compagnie publique de transport urbain calciné. Des affrontements entre des membres de l’ethnie de l’ancien président Laurent Gbagbo et des jeunes armés, ressortissants du nord acquis à la cause de Ouattara ont eu lieu dans la région natale du premier cité. Le pouvoir a instauré un couvre-feu à Bonoua ville natale de Simone Gbagbo toujours détenue par le pouvoir d’Abidjan. Ce couvre-feu n’a pas été respecté par les habitants qui occupent encore les rues. Des rafles systématiques sont menées en l’encontre des jeunes, des leaders de jeunesse sont sous les verrous à l’instar d’Achille Gnaoré de la Coalition nationale pour le changement et le pouvoir a demandé un renfort de 250 soldats à la Mauritanie au nom d’un accord de coopération.
La faction du FPI (principal parti de l’opposition) qui se réclame de Laurent Gbagbo et qui boycotte des élections a appelé dans un communiqué signé de son porte-parole Koné Boubacar « …toute la population ivoirienne à se mobiliser encore plus, pour la poursuite dans les prochains jours des manifestations… ». Pour le parti de Laurent Gbagbo, il faut : « le dialogue et la concertation sur ce qui peut nous unir. C’est avec l’apport de tous et de chacun que nous y arriverons ».
Les vieux démons ont repris du service en Côte d’Ivoire et le décompte macabre ne fait que commencer sans nul doute.

 

 

 

« EMIGRATION », UN DESSIN D’ALI JAMSHIDIFAR

« Emigration », un dessin d’Ali JAMSHIDIFAR

Dessin d’Ali Jamshidifar, 14 septembre 2015